VEINE #10 LES AMOURS ÉPHÉMÈRES

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A magazine focusing on art & fashion


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Ceci est le dernier numéro de Veine que vous lirez. Les dernières interviews, les derniers articles que vous parcourrez, la dernière fois que nous ferons l’effort de proposer un contenu entièrement traduit. Mais ce n’est pas le dernier numéro de Veine que vous verrez. Car nous avons décidé de changer. D’utiliser internet pour ce qu’il est, pour tout ce qu’il a à offrir, plutôt que comme un outil par défaut, simple support, pas même substitut, de ce que nous pourrions être en papier. Cependant, votre curiosité devra se suspendre ici, jusqu’à janvier. Nous avons rencontré Six Lee, et réalisé une série photo de sa dernière collection tout en même temps, discuté au téléphone avec Julian Zingerli, échangé des mails avec Mathieu Bernard-Reymond. Deux créateurs, un photographe, tous trois géniaux, selon nous. Je veux dire... Pour quelle autre raison nous les présenterions-vous ? Et puis cet essai, écrit par Marjorie Accarier, sur la question de l’errance, introduction à un cycle qui s’étendra au fil des prochains numéros, pour donner une plus grande place à la philosophie, l’écriture et la théorie de l’art, parce que c’est aussi ça, l’Art, justement. Prenez-le temps de lire leurs réponses à nos questions, et leurs remises en questions d’éléments qui ne demandent pas de réponses. La prochaine fois, ce sera différent. Guillaume Ferrand Anne Wiss

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This is the last Veine’s issue you’ll read. The last interviews, the last articles you’ll go through, the last time we’ll make the effort to offer a translated content. But this is not the last Veine’s issue you’ll see. Because we decided to change. To use the Internet for what it is, and everything it can offer, more than a tool used by default, a simple platform, not even a substitute, of what we could be on paper. However, your curiosity can hold there, until January. We met Six Lee, and shot pictures of his last collection in the mean time, talked on the phone with Julian Zingerli, and exchanged emails with Mathieu BernardReymond. Two designers, one photographer, all of them geniuses, according to us. I mean... Why else would we feature them ? There’s also this essay, wrote by Marjorie Accarier, on the act of wandering, an introduction to a cycle that will spread through the next issues, to give a larger room to philosophy, writing and art theory, because yes, this is Art too. Take the time to read their answers to our questions, and their wandering about elements which don’t need any answers. Next time won’t be the same. Guillaume Ferrand Anne Wiss

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Cover Interviews

Jack Manhood @ Nathalie Model by Dorothée Murail 6 Julian Zigerli 28 Six Lee 64 Mathieu-Bernard Reymond

Photoshoots 18 48 76

Imagine by Giorgia Fagà Miles by Ninette Schostack Things are what they seem by Barrett Sweger

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Considérations Erratiques by Marjorie Accarier

Article

Team

Rédacteur en chef

Guillaume Ferrand guillaumeferrand@veinemagazine.fr

Direction artistique Anne Wiss annewiss@veinemagazine.fr

Advertising — Submission — Love Letters

postmaster@veinemagazine.fr

Everything else

http://veinemagazine.fr

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Barrett Sweger Julian Zigerli Giorgia Fagà Mathieu Bernard Reymond Marjorie Accarier Ninette Schostack Six Lee

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Veine Magazine En parcourant les images de tes cinq collections, on remarque de nombreuses influences, concepts et références. Est-ce facile pour toi de définir ton travail ? Comment en parlerais-tu ? Julian Zigerli C’est un travail conceptuel, tout fait sens et suit un thème, mais c’est aussi assez humoristique. Je ne suis pas très sérieux, et il ne faut pas le voir comme tel.

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forcément au sérieux. La mode sérieuse peut être intéressante, c’est juste que ce n’est pas mon univers, je ne m’y sentirais pas à l’aise. Tu peux constater que toutes mes collections sont très colorées, il n’y a quasiment jamais de noir. J’essaie vraiment de les rendre aussi vivantes et joyeuses que possible. Ce n’est pas que je ne peux pas être sérieux ! C’est simplement que pour moi, celui qui porte mes pièces doit se sentir à l’aise, et heureux de le faire.

Une de tes idées principales est de « se concentrer sur les tissus innovants et constructifs de l’industrie suisse », tel qu’il est mentionné sur ton site. Dis-m’en plus. Au départ, je ne travaillais quasiment qu’avec l’industrie suisse, mais plus autant maintenant. J’essaie toujours d’en faire usage, mais c’est compliqué financièrement, parce que ce sont des tissus qui ne sont pas donnés. L’idée était d’utiliser l’industrie textile suisse, qui est incroyablement intéressante, parce qu’ils font toujours en sorte de créer de nouveaux matériaux d’une grande qualité, donc c’était important, mais je ne définirais pas ça comme notre objectif principal.

L’humour et l’utilitaire semblent être une part importante de ton processus créatif. Est-ce une façon de donner ton avis sur la mode ? De la rendre moins sérieuse que les gens pensent qu’elle est ? Oui, j’aime l’aspect pratique des détails lorsqu’il s’agit de créer une pièce. Si je mets une poche arrière, cela doit faire sens, autrement je ne la mettrais pas là. Mais non, je pense que la mode a plusieurs facettes, et tout le monde ne la prend pas

Il y a une évolution évidente entre ta première collection automne/hiver 2011 et ta dernière en date, mais certains éléments forment un fil qui semble les connecter entre elles, comme cette veste/sac à dos par exemple. En fait, le thème de la première collection était « Hybrid », donc j’ai eu l’idée de

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créer des sac à dos qui fusionneraient avec la veste. J’avais environ sept vestes/ sac à dos, c’était très important pour la collection, et cela m’a en quelques sortes poussé à créer ma marque. Selon toi, qu’est-ce qui a changé depuis ta première collection ? Et au contraire, y a-t-il des éléments qui sont restés les même ? Ma première collection était celle de mon diplôme, donc la liberté créative était toute autre, l’aspect commercial n’était pas sous-jacent. Tu pouvais vraiment faire des trucs fous si tu le voulais, c’était déjà une manière différente d’entamer, et de créer une nouvelle collection. Pour la seconde, je me suis dit qu’il fallait que je sois en mesure de vendre mes pièces, et pas seulement de les créer, donc une nouvelle approche était nécessaire. C’est aussi pour cette raison que je n’ai pas basé l’ensemble de la collection sur les vestes/sac à dos, il y avait également des pièces plus « sérieuses ». Et c’est là-dessus que je travaille toujours, créer des pièces classiques portant également en elles quelque chose de très moderne, nouveau et intéressant. C’est ce qui a changé, les collections évoluent en même temps que moi. Après, si tu regardes la toute première, je ne dirais pas qu’elle est « intemporelle » parce que c’est trop tôt pour ça, mais ce n’est pas quelque chose que l’on ne pourrait plus porter. Et bien pour mes collections actuelles c’est la même chose, tu peux encore les regarder et leur trouver de l’intérêt. Et dirais-tu que l’aspect commercial a rendu la production plus intéressante, ou est-ce simplement une contrainte de plus ? C’est une contrainte de plus, définitivement. Je suis un homme d’affaire, mais un créateur de mode avant tout. Un homme d’affaire parce que je le dois, mais ma véritable personnalité est celle d’un créatif, c’est ce qui m’intéressait au départ.


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Beaucoup de tes pièces semblent avoir différents fonctions, et pensées pour être portées de plusieurs manières différentes. Est-ce important pour toi de te focaliser sur l’aspect « pratique » du vêtement  ? Presque comme les vêtements de travail, quelque part ? Oui, absolument, s’en est l’aspect le plus intéressant. Parfois c’est très simple, j’ai par exemple produit un sac que l’on peut porter tel quel, en le mettant simplement sur l’épaule, mais que l’on peut aussi transformer en sac à dos. C’est une idée, une technique qui ne sont pas compliquées, et les gens apprécient parce qu’au final, tu as le choix de l’un ou l’autre, en fonction de la situation. Je ne veux rien forcer, il faut que ça reste simple. Parle moi un peu du court-métrage réalisé pour ta collection automne/hiver 2013, « Happy Tears ». A-t-il pour but de présenter la collection, ou est-ce plutôt une collaboration qui dépasse la simple « vidéo de mode »  ? Je fais des films pour chacune de mes collections depuis que j’ai lancé ma marque, l’idée était de pouvoir approcher le thème d’un autre point de vue. La mode y garde une part importante, bien sûr, mais au final la vidéo donne l’ambiance, ou en tout cas une idée de ce dont traite la collection. Cela apporte une autre liberté, tu peux, en gros, faire ce que tu veux. J’ai le thème, la collection, je travaille simplement avec des gens et leur dit en quoi ils consistent, et ce à quoi ça ressemble. Même si, au final, ce n’est que de la promotion, s’en est une qui a de la force, parce qu’elle est unique pour chaque saison. Oui, c’est de la promotion bien sûr, mais faite de manière intelligente, parce qu’elle te permet vraiment d’y insérer une part de créativité. Exactement, c’est l’image. Si tu fais une vidéo, elle devient l’image de la marque, ou de la collection. Je n’ai pas vraiment le budget pour ce genre de choses, donc la production doit toujours fonctionner avec de très petits moyens financiers, mais c’est

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génial de voir tout ce que l’on peut faire, même dans ces conditions. En ce moment, je travaille sur un nouveau film avec un mec de San Francisco que je n’ai jamais physiquement rencontré, en dehors d’internet, via les mails, Skype etc, et là encore, ce sera quelque chose de très différent, comparé à « Happy Tears » par exemple, parce que même si nous n’avions pas d’argent, nous avions trouvé le moyen de rassembler une très bonne équipe et un très bon équipement, ce qui avait abouti à ce rendu très cinématographique. Il semble que les imprimés ont une place à part dans ton travail. Oui, je pense. J’y mets beaucoup de travail, il est évident que c’est une part importante de mes collections, c’est la signature de la marque, donc j’essaie vraiment de produire des imprimés supérieurs à ceux crées industriellement, qui sont sympas mais n’ont rien de spécial. Je souhaite réellement faire quelque chose de nouveau, et je veux que le client voit que cela a été fait spécifiquement pour la collection, qu’ils prennent sens ensemble. Je sais que ce n’est pas un exercice facile, mais si tu devais choisir une référence dans la mode, et une dans l’art, qui/que seraient-elles ? Pour la mode, je dirais Miuccia Prada. Je trouve la façon qu’elle a de créer quelque chose à chaque saison fantastique, chaque collection est réellement nouvelle. On peut voir qu’elle se base sur des thèmes aux concepts profonds, tout en restant très drôle, ce qui est vraiment mon truc. Donc oui, je suis toujours Prada, mais il y a évidemment beaucoup d’autres créateurs et marques que j’apprécie. Je ne me tiens simplement pas toujours au courant de toutes les saisons. Au-delà de ça, j’apprécie l’art, j’en vois et vais dans les musées bien sûr, mais ce n’est pas mon univers, je n’en suis pas issu et je n’en saisi pas toujours tout. Cependant, je m’inspire continuellement. Pour la collection printemps/été 2013 par exemple, j’ai travaillé avec Fabian Fobbe, un jeune artiste berlinois très talentueux, différemment de ma collaboration précédente avec Katarina

Grosse, dans la connexion que nous avions et dans le résultat, mais aussi assez similaire dans la méthode de travail. Leur travail m’inspire beaucoup, l’ensemble des collections se basent sur eux, et ils m’influencent énormément. Dirais-tu que tu es heureux de l’état de ta marque en ce moment ? Oui, totalement ! Je veux dire, si je ne l’étais pas, j’aurais un problème, parce que c’est beaucoup de travail, qui ne génère pas énormément d’argent, donc tu dois vraiment y consacrer ta vie. Mais je suis très heureux, et fier de voir que ça marche si bien. J’espère pouvoir continuer ainsi ! Que te reste-t-il à accomplir ? J’ai déjà commencé à travailler sur la collection automne/hiver 2014, et doit également en finir avec celle du printemps/ été 2014. J’ai eu une autre présentation à Zurich en août, vais terminer le film qui sera présenté en septembre à New York, et puis d’autres évènements à venir, mais je suis déjà très excité par ma nouvelle collection, qui sera de nouveau basée sur une collaboration pour ce qui est des imprimés. Je vais travailler avec trois parisiens, qui se spécialisent dans le numérique, donc ce sera, là encore, quelque chose de très différent. Retrouvez Julian sur internet via : www.julianzigerli.com


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Veine Magazine Running through the images of your five collections, we notice a lot of influences, concepts and references. Is your work easy to define for you ? How would you talk about it ? Julian Zigerli It’s very conceptual, everything makes sense and sticks to the theme, but it’s also kind of humorous. It’s not that serious, and you shouldn’t take it too seriously. One of your main idea is « to focus on constructing garments out of innovative Swiss textiles », as mentioned on our website. Tell me more about that. At the beginning, I was almost only working with Swiss textiles, but not so much anymore. I always try to use them, but it’s hard pricewise, because it’s not that cheap. The idea was to use this Switzerland’s garments industry, which is incredibly interesting, because they always try to create new kinds of fabrics with very high standards of quality, so that was really important, but I wouldn’t define it as our main focus. Fun and utility seem to be an important part of your creative process. Is it a way to make a statement on fashion ? To make it less serious than people think it is ? Yes, I like the practical aspect of details when it comes to the design of pieces. If you put a pocket on the back, it has to make sense, otherwise I wouldn’t put it there. But no, I mean there are so different aspects of fashion, not everyone takes it so

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seriously. Serious fashion can also be interesting, it’s just really not my universe, I wouldn’t feel comfortable doing it. You can see that all my collections are really colourful, there’s almost never black in them. I really try to make it as nice and happy as possible. Not that I’m not a serious man ! It’s just that for me, the wearer needs to feel comfortable in it, and happy about having this kind of pieces.

There’s an obvious evolution from your first fall/winter 2011 collection to your last one, but some elements create a thread that seems to connect them all together, like this jacket/backpack for example. Well, the first collection’s theme was « Hybrid », so I came up with this idea of creating backpacks merged with


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jackets. I had like seven jackets with a backpack attached, it was very important for the collection, and it kind of led me to the creation of my label, basically. What would you say has changed since your first collection ? And on the opposite, what has not ? My first collection was my graduate one, so the creative freedom was completely different, there was no real commercial aspect behind it. You could really go crazy if you wanted to, so that was already a different way of starting or creating a collection. For my second collection, I was thinking that I had to be able to sell the pieces, and not only to create them, so that needed a different approach. That’s also why I didn’t create a whole collection made of backpack-jackets, there were some more « serious » pieces in it as well. And that’s the thing I’m still working on, creating classic pieces with a very modern, new and interesting twist in it. That’s what changed, the collections are growing up as I do. But if you look at the first one, I wouldn’t call it « timeless » because it’s too soon for that, but it’s not something you wouldn’t wear anymore, and it’s the same with those I’m doing now, you can still look at them and find them interesting. And would you say the commercial aspect made it more interesting for you, or is it just another challenge ? It’s definitely another challenge. I am a business man but still a fashion designer. I’m a business man because I have to, but my main personality is still to be a creative, that’s what interested me the most. A lot of your pieces seem to have different functions, made to be worn in a lot of different ways. Is it important for you to focus on the « useful » aspect of clothes ? Nearly like workwear, in a way ? Yes, definitely, it’s the most interesting part. Sometimes it’s very simple, like I created a bag you can wear as it is, you just put it over your shoulder, or you can turn it into a backpack. It’s a very simple idea, or technic, and people appreciate it because in the end, you have the option to

have both, as you always need one of them, depending on the situation. I don’t want to force anything, it needs to be simple. Tell me more about the short movie made for your last fall/ winter 2013 collection, « Happy Tears ». Does it aim to present the collection, or is it more a collaboration that goes beyond the simple « fashion film » ? I’m doing a fashion movie for every collection since I started my brand, it was the idea of how to approach the whole theme on a different base. I mean, the fashion is important, but in the end the whole movie gives the mood, or an idea of what the collection is about. It gives you another freedom, you can basically do whatever you want. I have the theme, I have the collection, I just work with people and tell them what it’s about, and how it looks like. Even if it’s eventually just advertisement, it’s a very strong one, because it’s unique to every season. Yes, it’s advertisement of course, but a clever one, because it really allows you to inject a creative process in it. Exactly, it’s the image. If you do a video, it becomes the image of the brand, or of the collection. I don’t really have the budget for those kind of things, so the production always has to work with very low financial means, but it’s nice to see what you can do, even under those conditions. Currently, I’m working on a new movie with a guy from San Francisco who I never personally met. We just did over the Internet, with emails, Skype and all, and here again, it’s going to be a very different movie, compared to « Happy Tears », because even if we didn’t have any money, we found a way to get a very nice crew and equipment to create it, which resulted in this very cinematic quality. It seems that the prints have a special place in your work : Yes, I guess so. I put a lot of work in those prints, it’s a big part of the collections obviously, it’s the signature of the brand, so I really try to create a print that doesn’t compare to those fabric ones, which are nice but not really special. I really want to

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EN make something new, and I want the client to see it’s been expressly made for the collection, and that it makes sense together.

I guess it’s not an easy exercise, but if you had to pick a reference in fashion, and one in art, who/what would they be ? In fashion, I guess I’d say Miuccia Prada. It’s amazing how she creates something every season, each collection is really new. You can tell they’re always based on those very conceptual themes, while being very humorous, which is definitely my kind of things. So yes, I’m still following Prada, but there are obviously a lot more brands and designers I appreciate. I’m not an extreme season-follower. Besides that, I do like art, I do look at art and go to museums of course, but it’s not my world, I don’t come from that and I don’t really always understand everything about it. I’m always inspired by art though. For the spring/summer 2013 collection for example, I’ve been working with Fabian Fobbe, a very young and talented artist from Berlin, which was different from the previous one with Katarina Grosse, in the connection we had and in the result, but also kind of similar in the working method. And their work is very inspiring for me, the whole collections are based on it, they influenced me a lot.

Would you say you’re happy with your brand currently ? Yes, definitely ! I mean, if I wasn’t happy, I would have a problem, because it’s a lot of hard work, which doesn’t exactly generate a lot of money, so you really have to live through it. But I’m really happy, and glad it’s going so well. I hope I can keep on doing what I do ! What’s left to accomplish for you now ? I already started working on the fall/winter 2014 collection, and I also have to be done with the spring/summer 2014 one. I had another presentation here in Zurich in August, will finish the movie, which will be presented in September in New York, I have other events coming up as well, but in the meantime I’m already super excited by my new collection, which is going to be based on a collaboration again, for the prints. I’ll work with three guys from Paris, who work a lot with computers, so it’s going to be completely something else. Find Julian on the Internet through : www.julianzigerli.com


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Shirt Gianni Versace (A.N.G.E.L.O. VINTAGE CLOTHING Firenze) Slacks A.N.G.E.L.O. Vintage Shoes Creeper VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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Immagine Photography Giorgia FagĂ Styling Stefano Fepa Model Andrea Antonelli Set assistant Claudia Gambacciani


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Coat Jil Sander Shirt Marc by Marc jacobs Tie Vintage

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Shirt Guess Trousers D&G Trench Sisley Sandal Stylist own


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Shirt Moschino Tie/braces structure Aitor Throup Pants Gianni Versace Shoes Cesare Paciotti

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Shirt Moschino Tie/braces structure Aitor Throup Pants Gianni Versace Shoes Cesare Paciotti


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FR Veine Magazine Tu es diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, connue pour les créateurs qu’elle a formé, et pour son directeur. Comment étaitce, d’étudier là-bas ? Que considèrerais-tu comme la chose la plus importante que tu en ai tiré ? Six Lee En fait, comme j’étudiais depuis plusieurs années et que je sortais d’une Masterclass, je pense que j’étais plus là pour en apprendre sur moi-même que sur le reste, comme la manière de dessiner un patron, de faire des croquis, de modéliser. Mais comme Anvers est un peu comme un village, tout le monde est là et tu passes la plupart de ton temps chez toi, à te concentrer sur ce que tu fais, et c’est très agréable parce que tu as de l’espace, du temps pour réfléchir à qui tu es vraiment, etc. Donc je pense que ces quatre années m’ont aidé à comprendre ce que j’aime vraiment, ce que je souhaitais vraiment injecter dans mon esthétique et mon travail. C’est bien plus important que de simplement apprendre la technique. Qu’est-ce que j’aime, quid des couleurs, que devrais-je mettre dans ma collection, devrais-je raconter une histoire ou simplement y mettre beaucoup de moimême, oui, c’est ainsi que je me suis trouvé.

Ensuite tu as déménagé à Londres pour travailler au sein de l’équipe homme d’Alexander McQueen. Était-ce une bonne expérience ? Cela t’a-t-il aidé à trouver ton style actuel ? Oui, en vérité j’ai rejoint McQueen directement après mes études. J’ai eu beaucoup de chance parce qu’un des designer homme aimait notre école, et en regardant le défilé de fin d’études il m’a envoyé un email me demandant si j’aimerais travailler pour eux. En fait, je n’aurais jamais pensé à travailler pour McQueen avant cela, je songeais plus à Balenciaga, à Paris, mais j’ai finalement décidé d’y aller, même si j’avais dépensé tout mon argent dans ma collection de diplôme et que je devais en économiser parce que Londres est très chère. Cependant, je ne regrette pas, parce que j’ai appris à travailler sur les pièces des défilés par le biais de recherches, comment développer l’ensemble d’une collection, VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10

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parcourir les archives, les collections précédentes, la femme, avant de créer une nouvelle histoire basée sur ces éléments, afin de produire quelque chose de nouveau, mais toujours très McQueen. Est-ce cela qui t’inspire pour tes collections, prendre des choses du passé pour produire quelque chose de nouveau ? Oui, parce que dans notre école nous avons appris à travailler de cette façon. Nous avions des costumes historiques ou ethniques par exemple, et devions en adapter certains éléments aux tendances actuelles. Et je dirais que l’équipe chez McQueen travaille de cette façon, donc ça m’a beaucoup aidé. J’aime beaucoup le tailoring anglais et j’ai beaucoup appris là-bas, la façon de produire une belle chaussure, de faire paraître les gens plus minces, d’adapter des pièces des défilés en pièces commerciales. Ce n’est pas quelque chose que j’avais appris à l’école, et cela m’aide beaucoup aujourd’hui quand je dois produire des pièces vendables. Et pourquoi avoir quitté McQueen ? Était-ce après sa mort ? McQueen appartient au groupe Gucci, l’entreprise ne savait pas quelle direction prendre, je ne voulais pas attendre et

photography Dorothée Murail Model Jack Manhood @Nathalie Model Clothes Six Lee

continuer de dépenser mon argent à Londres pour voir comment cela pourrait évoluer, donc je suis rentré à Hong Kong. Tu diriges maintenant ta marque et redéfinis brillamment les codes de la mode homme. Qu’est-ce qui t’a aidé à en arriver là ? Était-ce simplement l’idée de remuer l’univers formel du vestiaire masculin ? Ou cela vient-il de références personnelles, de lectures, d’art... ? Comme tu le sais, je suis né à Hong Kong, ai vécu en Belgique, puis à Londres, avant de rentrer chez moi. Les chinois et les britanniques ont de bonnes relations, et lorsque j’étais jeune, je voyais beaucoup d’hommes en costumes, parce que Hong Kong est une ville commerciale, mais trouvais cela ennuyant parce que figé. Donc oui, je souhaitais prendre des risques, tirer ce que j’aime d’un costume et en faire quelque chose de plus contemporain. Même si tu pars travailler, tu n’es pas obligé de t’habiller de manière ennuyante. C’est ce que j’essaie de prouver. Parle-nous de ta collection printemps/été 2014. De quoi traite-t-elle, quel en est le concept, l’histoire ? Je me réfère toujours à des artistes, de la musique, des films, ce genre de choses,


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Souhaites-tu les rendre publiques un jour ? Publier tes poèmes par exemple ? (Il rit) Je ne pense pas que cela arrivera, en revanche il y a d’autres choses que je souhaite faire en plus de designer des vêtements. Je veux réaliser un film.

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C’est vrai ? Oui. Parce que j’aime beaucoup la manière dont la musique, les vêtements, l’histoire travaillent ensemble pour faire partager un sentiment à quelqu’un. Si les gens aiment ça, cela signifie qu’ils sont capables de te comprendre, d’une certaine manière. Donc je voudrais faire un film sur... Je ne sais pas encore sur quoi, mais je vais essayer !

donc chaque fois que je crée une collection, je cherche à raconter une histoire. Celle derrière cette collection est «We all accept the love we think we deserve», une citation tirée du film «Le monde de Charlie». Cela signifie que nous cherchons tous à donner notre amour à quelqu’un, tout en sachant que nous allons nous y blesser. C’est un peu triste mais c’est ce que je souhaite partager, et j’utilise plusieurs élément très représentatifs dans ma collection pour rendre cela concret, comme le couteau, le revolver et les fleurs. Les fleurs sont détruites par les armes, et les matières utilisées, principalement de la laine traitée, du coton et du jersey, sont comme une protection pour le corps.

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J’ai lu sur ton site que tu écris également de la poésie et pratique le pressage des fleurs. Est-ce une activité importante pour toi ? Cela t’aide-t-il à créer ? Comment tous ces éléments interagissent ? Sur l’écriture de poèmes... Lorsque je dois trouver une nouvelle histoire, j’écris toujours quelques phrases sur ce que je ressens à ce moment là. Parce que j’aime mettre mes émotions dans mon travail et m’exprimer de manière artistique. Ici, j’ai raconté mon vécu personnel de l’amour, et je me sens bien mieux après cette collection ! C’est comme une thérapie.

T’intéresses-tu à l’art ? Trouves-tu ton inspiration dans certains mouvements artistiques, ou certains travaux d’artistes en particulier ? Oui, je m’intéresse beaucoup à l’art parce que en grandissant à Hong Kong, il était très difficile d’avoir la chance de voir des expositions et de visiter des galeries, c’est très différent de l’Europe. Comme je te l’ai dit avant, Hong Kong est très centré sur les banques, les avocats, ce genre de choses. Ils ont seulement deux musées... Lorsque j’ai déménagé en Angleterre, j’étais très curieux, très heureux d’aller à la Tate Modern, ainsi que d’autres galeries, tant que je suis devenu accro ! À Londres, j’ai appris toute l’histoire de l’art et j’aime beaucoup les installations contemporaines. Je veux dire, tu rentres dans une pièce, et la manière dont ils arrangent les choses... Tout est une question de sensations, pas vrai ? Oui absolument, tu n’as pas besoin de beaucoup de références, tu y entres une fois et te retrouves immédiatement les sentiments à l’air. J’aime cette forme d’art sensible.


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Y a-t-il une chose que tu souhaites absolument faire, ou acquérir ? Je veux avoir un défilé, une présentation à Paris la saison prochaine, pour l’automne/hiver. Bonne chance ! Merci ! Je suis en train de tout planifier, de préparer différentes choses... J’espère y arriver parce qu’il y a beaucoup de choses à penser, telles que le budget, mais je vais essayer d’y travailler. Une senteur/fragrance et une couleur qui définiraient ton travail ? Laisse moi deviner la couleur... Rose ? (Il rit) Oui, pour la couleur c’est évident, c’est le bleu ! La senteur... La senteur serait quelque chose de boisé, quelque chose de très naturel, mais spécial. Quelque chose de fort qui s’adoucit au bout d’un moment. Qu’as-tu écouté dernièrement ? The XX, et Felip Braze, je les écoute beaucoup. The XX est définitivement mieux pour travailler ! Et en conclusion, pourrais-tu nous parler de tes projets à venir ? En rentrant à Hong Kong, je devrais me mettre à travailler sur la collection automne/hiver, puis je vais faire quelque chose pour un chanteur pop très célèbre là-bas. Il a un concert en juillet, et je vais réaliser deux costumes pour lui. En août, le W Hotel de la ville fête son cinquième anniversaire, et ils m’ont demandé de présenter ma collection. Ce sera rediffusé en livestream le 8 août. Ce sont les projet principaux sur lesquels je travaille. En décembre, je serai de nouveau à Hong Kong parce qu’il s’y déroule un évènement appelé «Business of Design Week», pour lequel ils choisissent un pays différent tous les ans, et pour 2013 c’est la Belgique, donc l’ambassade belge m’a demandé, ainsi qu’à d’autres créateurs tels que Walter Van Beirendonck ou Bruno Pieters, de venir à Hong Kong pour parler, montrer nos travaux...

C’est plutôt excitant non ? Oui, très excitant, parce que je n’aurais jamais pensé être relié d’une quelconque manière à la Belgique, mais c’est très gentil de leur part de m’inviter pour parler aux nouveaux étudiants, et tous les gens liés à la mode et à l’art. Le message, c’est que tout est possible, même dans un petit pays comme la Belgique, et je suis heureux d’être impliqué. J’ai la sensation de rapporter ma seconde maison dans ma première, c’est beaucoup de sentiments réconfortants. Je suis très excité par ce projet. Merci beaucoup ! Avec plaisir ! Retrouvez Six Lee sur internet via : www.sixlee.be


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Veine Magazine You graduated at the Royal Academy of Fine arts in Antwerp, famous for the designers it shaped, and for its director. How was it to be a student over there ? What would you consider as the most important thing you learnt from your studies ? Six Lee Actually, because I studied for years and gratuated from my masterclass, I think I was more there to learn about myself than the other things, like how to draw a pattern, how to sketch, how to design. But you know, Antwerp is a village basically, everyone is there and most of the time you just stay at your home, to be really focused on what you’re doing, and it’s really pleasant because you have space, you have the time to think about who you really are, etc. So I think those 4 years helped me to see what I really like, what I really wanted to put in my aesthetic and my work. That’s more important than just study how to design. What do I like, what about the colours, what should I do with my collection, should I tell a story or put a lot of elements of me, yes, that’s how I found myself. Then you moved to London to work with the Alexander McQueen menswear team. Was it a good experience ? Did it help to define your current style ? Yes, actually I joined McQueen directly after my studies. I’ve been really lucky because one of the menswear designer there loved our school, so he was looking at the graduation show and sent me an e-mail asking if I’d like to work there. Actually, I never thought to work at McQueen before, I was more considering Balenciaga, in Paris, but I decided to go there anyway, even though I had spent all my money on my graduation collection and had to spare more because London is really expensive. But I don’t regret I went there because I learnt how to work on the show pieces through researches, how they develop the whole collection, look through the archives, the previous collections, even the womenswear and then create a story based on those elements, so it appears like something new but always very McQueen.

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Does it inspire you for your collections, taking things from the past to create something new ? Yes, because in our school we learnt to work this way. We had historical costumes and ethnical costumes for example, and had to adapt old elements from it to our days. And I’d say McQueen’s team works this way, so it helped me a lot. I really like British tailoring and I learnt a lot there, like how to make a really nice shoe, how to make people look thinner, how to take some items from the show to turn them into commercial ones. This was not something I learnt at school, and it really helps me a lot when I have to make commercial pieces now. And why did you leave McQueen ? Was it after his death ? McQueen is own by the Gucci group, the company didn’t know how to go forward, I didn’t want to wait and spend more money in London to see how it would evolve, so I came back to Hong Kong after that. Now you run your own brand and brilliantly redefine the codes of menswear. What did help you to end up doing that ? Was it just the idea of changing things in the formal world of menswear ? Or does it come from personal references, readings, art... ? As you know, I was born in Hong Kong, then went to Belgium, and London, before returning back home. Chinese and British people have good relationships and when I was young I used to see people wearing suits, because Hong Kong is a commercial city, but thought it was boring because it never changes. So yes, I wanted to take risks, take what I like in a suit and make it more contemporary. Even if you’re going to work, you don’t have to look boring. That’s what I’m trying to prove. Tell us about your spring/ summer 2014 collection. What is it about, what’s the concept behind it, the story ? I always take references from artists, music, films, this kind of things, so everytime

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I create a collection, I try to tell a story. The one behind this collection is «We all accept the love we think we deserve», a quote from a movie called «The perks of being a wallflower». It says that everybody really wants to give his love to someone, but on the other hand you know you will always get hurt. It’s kind of sad but that’s what i’m trying to say, and I put very iconic elements in the collection to make it concrete, like the knife, the gun and the flowers. The flowers are destroyed by the weapons, and the fabrics I used, mainly coated wool, cotton and jersey, are like a protection for yourself. I read on your website that you also write poems and press flowers. Is it an important activity to you ? Does it help you to design ? How does it interact ? About writing poems... When I have to find a new story I always write down some sentences about how i feel at that moment. Because I like to put my emotions in my work and try to express myself in an artistic way. Here I told my personnal story about love and I feel much better after the collection ! It’s like a therapy. Are you willing to make it public one day ? To publish your poems for example ? (He laughs) I don’t think it will happen but actually I have other things i want to do beside designing clothes. I want to make a movie. Really ? Yes. Because I really like how the music, the clothes, the story are combined together to share a feeling with another person. If people like it, it means they’re able to feel you in a way. So I want to make a movie about... I don’t know yet but i’ll try to make it ! Are you interested in Art ? Do you find your inspiration in some artistic movement, or some artist’s work in particular ? Yes I’m really interested in art because when I was growing up in Hong Kong, it was really difficult to have a chance to see a


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lot of exhibitions and galleries, it’s different from Europe. As I told you before, Hong Kong is really focused on banks, lawyers, those kind of things. They only have like two museums... When I moved to England, I was really curious, I felt really happy to go to the Tate Modern, and other galleries, so I got addicted ! When I was in London I just learnt all the Art history and I really like contemporary installations. It’s like, you go in a room, and the way they put things... It’s all about feelings, right ? Yes absolutely, you don’t need specific references, you just go in once and immediately have all your feelings out. I like this kind of sensitive art. Is there a thing you absolutely want to do, or achieve ? I want to have a show, a presentation in Paris next season, for fall/winter. Good luck ! Thank you ! I’m planning it, preparing things... I hope it will succeed but there is a lot of things to think about, like the budget, but i’ll try to work on it.

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A smell/fragrance and a colour that could define your work ? Let me guess the color... Pink ? (He laughs) Yes the color is obvious, it’s blue ! The smell... The smell would be something woody, something very natural but special. Something strong that becomes softer after a while. What have you been listening to lately ? The XX, and Felip Braze, I listen to this quite all the time. The XX is definitely better to work ! And as a conclusion, could you tell us a bit about your upcoming projects ? When I go back to Hong Kong I have to work on my fall/winter collection and then, I’ll do something for a very popular pop singer in Hong Kong. He’s having a concert in July so I’ll make two costumes for him. In August, there is this W Hotel in Hong Kong, they’re having their 5th anniversary, and they asked me to show my collection. It’s going to be livestream, on the 8th of August. Those are the main projects I’m working on. In December, I’ll be in Hong Kong again because they have

an event there called «Business of Design Week», for which they chose a different country every year, and for 2013 it’s Belgium, so the Belgium ambassy asked me and other designers like Walter Van Beirendonck, or Bruno Pieters, to come to Hong Kong to have a talk, to exhibit... That’s quite exciting isn’t it ? Yes it’s very exciting because I never imagined I could be connected to Belgium in some way, but it’s nice of them to invite me to talk to the new design students and all the people who are related to fashion and art. The message is, everything is possible, even in a small country like Belgium and I’m happy to be involved. I feel like I’m bringing my second home to my first one, it’s all about warm feelings. I’m very excited about this project. Thank you very much ! My pleasure ! Find Six Lee on the Internet through : www.sixlee.be


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Considérations Érratiques par Marjorie Accarier

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Introduction

Comment définir l’errance ? Comment la contextualiser ? S’agit-il d’un concept immuable inhérent à l’homme, à sa liberté, à sa solitude, ou bien à sa déchéance?

danger, Dante est sauvé par Virgile en personne, idole de ce dernier. Il sera son guide dans les entrailles de la terre puis dans le purgatoire, avant d’être emmené par sa muse Beatrice dans les cieux les plus lumineux.

En définitive, de l’errance et la perdition résultent une action positive. Dante, probablement en crise d’inspiration, se retrouve à écrire, ici, son plus grand chef d’oeuvre. D’un voyage initiatique à travers les enfers jusqu’au paradis, Dante, tel un sociologue En Grèce antique, les philosophes engagé, réussit à nous dépeindre comme Aristote et les péripatéticiens avec acidité une époque vile et (ainsi nommés d’après leur corrompue, tout en faisant l’ode peripatos, promenade couverte, d’un amour courtois. C’est donc de leur Lycée) établissent volontiers en parcourant le monde et en ce lien entre pensée et déambulation. le découvrant que l’on apprend D’un autre côté, l’action d’errer c’est à se connaître soi-même, et pour engager paradoxalement son corps à être Dante, trouver enfin la vérité à passif. Errer est aussi associé à l’idée de travers l’amour absolu. s’éloigner du droit chemin de la vérité, et par conséquent être dans l’erreur. Si penser c’est C’est ainsi que commencent les premiers aussi se déplacer, il est vers du chant I de «l’Enfer» de Dante : important d’évoquer la figure du flâneur de Baudelaire reprise par «C’était à la moitié du trajet de Walter Benjamin. Errer n’est plus se la vie / Je me trouvais au fond d’un perdre, c’est aussi se laisser porter : bois sans éclaircie / Comme le droit chemin était perdu pour moi. [...] «Une ivresse s’empare de celui qui Je ne sais plus comment j’entrais dans a marché longtemps sans but dans ce bois sombre / Tant pesait sur mes les rues. [...] Le promeneur ne yeux un sommeil chargé d’ombre/ Lorsque veut rien savoir du vrai chemin je m’étais écarté.» des centaines d’endroits qui lui permettraient Quand Dante écrit «La Divine Comédie» de l’assouvir. Comme un animal il est alors âgé de trente-trois ans, il est ascétique il rôde dans des quartiers au «milieu du chemin» de sa vie. Perdu, il inconnus jusqu’à ce qu'il s’effondre, tente de trouver la lumière dans cette « totalement épuisé dans sa chambre qui forêt épaisse, âpre à l’oeil et sauvage». l’accueille, étrangère et froide.» Au cours de ses pérégrinations non sans Comment parler d’errance dans un monde globalisé où tout n’est plus que flux, artères et déplacements, où les notions de mobilité/ immobilité se confondent entre réel et virtuel ?

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si suspecte pour la norme. S’éloigner du groupe et marcher seul, à contretemps, de manière discontinue, devient une forme de résistance vis à vis d’un pouvoir institutionnel immobile, sédentaire. Le flâneur résiste donc en se déplaçant et en faisant de son corps son refuge premier. Ainsi le flâneur, très souvent artiste, apporte un regard nouveau sur ce qui pourrait nous paraître insignifiant. Ouvert au monde qui l’entoure, tout est prétexte à la création, à la pensée. Désapprendre n’est pas chose facile, accepter de se perdre non plus, mais le réel est source d’inspiration permanente et c’est sans doute dans nos marches solitaires, qu’elles soient physiques ou psychiques, que l’on peut à la fois créer, résister et avancer.

Richard Long, walking a line in Peru, 1972

Ainsi, la flânerie, selon la philosophe Charlotte Hess, « participe d’un mouvement de défondation, de désapprentissage du monde». Dante adulte décide d’oublier celui qu’il a été pour accepter ce monde qu’il considère comme surréel, et s’en fait l’explorateur. Pour Benjamin, l’acte de flâner est aussi un positionnement politique, à contre courant vis à vis d’une capitale en pleine mutation. Les rues étroites sont violemment transformées en grands boulevards Haussmaniens, nouveaux dispositifs de contrôle de l’espace. C’est comme si le travelling cinématographique avait irrémédiablement remplacé ce travail de lecture discontinue entre signes et images qui permet au promeneur d’en faire son propre montage, sa carte mentale. Le flâneur se mêle à la foule, suit la mouvance et le flux des passants en étant pourtant «hors de soi». Il est un peu au centre de la marge. Il doit envisager le monde comme si c’était la première fois. Il se détache et observe, il savoure cette solitude

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Richard Long, Walking without Travelling, 1988

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Introduction

How to define the act of wandering ? How to contextualize it ? Is it an immutable concept inherent in human, in his freedom, his solitude, or his decline ? How to talk about the act of wandering in a globalized world where everything is nothing more than just flux, arteries and movings, where the notions of mobility/ immobility merge between the real and the virtual ? In the antique Greece, philosophers such as Aristotle and the peripatetics (named after their peripatos, a covered walking path in their College) easily establish a connection VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10

between the thought and the deambulation. On the other side, the act of wandering is, paradoxically, pushing our bodies to be passive. Wandering is also associated to the idea of stepping aside of the right path of truth, and so to be wrong. This is how the first verses of Dante’s «Inferno»’s first canto start : « Midway upon the journey of our life / I found myself within a forest dark / For the straightforward pathway had been lost. [...] I cannot well repeat how there I entered / So full was I of slumber at the moment / In which I had abandoned the true way.»


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Dante is thirty-three years old when he writes «The Divine Comedy», and he’s «midway upon» his life. Lost, he tries to find the light in this «forest savage, rough, and stern». During his not absolutely safe itinerancy, Dante is saved by Virgil himself, his idol. He’ll be his guide through the bowels of the Earth and then in the purgatory, before being taken by his muse Beatrix in the most luminous skies. On balance, from the act of wandering and perdition result a positive action. Dante, probably in a lack of inspiration crisis, finds himself there, writing his biggest masterpiece. From an initiatory journey through Hell to Heaven, Dante, as an engaged sociologist, succeeds at picturing us a vile and corrupted time with acidity, while writing the ode to a courteous love. So it’s by crossing the world and discovering it that we learn to know ourselves, and for Dante, to finally find the truth through absolute love. If thinking means also moving away, it is important to evoke the Baudelaire’s flâneur figure studied by Walter Benjamin. If wandering doesn’t mean getting lost anymore, it also suggests one lets himself get carried on : «An intoxication comes over the person who trudges through the streets for a long time and without goal. [...] He (the wanderer) desires to know nothing of the hundred possibilities to still it. Like an ascetic animal he strides through unknown quarters, until finally in his room which, strange to him, lets him in coldly, he collapses in the deepest exhaustion.»

strolling is also political, going against the current of a mutating town. The narrow streets are violently turned into big Haussmanian boulevards, new tools to control the city. It’s like if the film tracking technic irreparably replaced this work of intermittent reading of signs and images allowing the stroller to create his own montage, his mental map. The flâneur merges with the crowd, follows the stream and the flux of passer-by’s while still being «out of him». He is, in a way, at the center of the margin. He has to see the world as if it was the first time. He steps back and observes, enjoys the taste of this solitude, so suspicious to the norm. To get away from the group and walk alone, offbeat, in an intermittent way, becomes a form of resistance again a motionless, institutional, sedentary power. The flâneur, in that way, resists by wandering and making of his body his prime refuge. That’s how the flâneur, also often an artist, brings a new vision of what could seem insignificant to us. Open to the world surrounding him, everything serves the acts of creating and thinking. To unlearn is not as easy thing, neither it is to accept to lose yourself, but reality is an endless source of inspiration and it is with no doubt in our solitary walks, may they be physical or mental, that we’re able to create, resist and move forward.

As it seems, the act of strolling, according to the philosopher Charlotte Hess, « is part of an act of defoundation, of unlearning of the world». The grown-up Dante decides to forget the one he used to be to accept this world he considers as surreal, and turns himself into the explorer of it. For Benjamin, the act of VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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Photography Ninette Schostack

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Styling Maaike Staal Hair & Make-­up Alexandra Borcila for MAC @House of Orange Model Jeroen @ Ullamodels Assistant Photograhy Irenea Vicari Assistant Styling Zep Parry Special thanks to Jan Daniel Wolters

Shirt Hans Ubbink Rings the Boyscouts Glasses Super by Retrosuperfuture Everything else Vintage

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T-足shirt McQ by Alexander McQueen Shirt MTWTFSS WEEKDAY Pant MTWTFSS WEEKDAY Socks Marc Jacobs Shoes Dr Martens Necklace and rings The Boyscouts Backpack Eastpak


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Sweater Roos van Woudenberg Scarf Vintage Boxershort H&M Pant MTWTFSS WEEKDAY Socks Nike Shoes Jimmy Choo

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Left Sweater Amaze Shirt Inkni Pant Hugo by Hugo Boss Shoes van Gils Synthetic sheepskin plaid Vintage Right Shirt and dress Sonny Roffel Tie Vintage Socks Falke Shoes Dr. Martens VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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Jacket Blue Blood Pant Atelier de la Durance

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Jacket Blue Blood X Karimo Shirt Replay Scarf Acne Jeans Levi’s Vintage Clothing Shoes Vans VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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T-­‐shirt Gsus Sindustries Sweater Acne Shirt Barbour Pant Good People Backpack MTWTFSS WEEKDAY Watch Triwa VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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Backpack Combitex Stool, lamp, waterbottle Vintage Sweater Avelon Shirt Delikatessen

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Shirt Roos van Woudenberg Rollneck Sweater Sjaak Hullekes Scarf Acne Pant Diesel Black Gold Socks Falke Shoes Jimmy Choo

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Vest Sonny Roffel Shirt Diesel Black Gold Rollneck Sweater MTWTFSS WEEKDAY Necklace The Boyscouts


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Jacket Hugo by Hugo Boss Vest Delikatessen Short & socks Nike Scarf Vintage Rings the Boyscouts Shoes Dr. Martens

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Mathieu Bernard-Reymond C'est relié à tes première et deuxième questions. Je dirais que c'est une manière subjective de regarder les personnages et leurs comportements dans l'espace. Ce n'est pas la chronophotographie de Marey, ni un paysage pur. Je n'ai pas choisi non-plus de classifier ou de sérier le comportement des individus. C'est simplement une compression subjective de ce qui se passe devant l'objectif pendant quelques minutes.

Veine Magazine Le vide est très présent dans ton travail. Paradoxalement, il emplit les images, il crée une poésie. Même la présence humaine ne parvient pas à briser cette intensité très forte. En tant que photographe, l’importance du vide réside-t-elle dans tes images ou dans le processus de création ? Mathieu Bernard-Reymond Je crois que le vide ou l'absence d'information est avant tout un moyen de stimuler l'imagination. Si il y a du vide dans mes images, c'est parce que je suis sensible à ce potentiel et j'aime qu'on en expérimente le mystère. Dans la série « disparitions » notamment, tu évoques l’humain comme « accessoire », et donne la place à l’espace. Penses-tu que l’humain est aujourd’hui voué à ce rôle, presque par défaut ? Est-ce cela que tu cherches à retranscrire dans ces images ? Non, je ne crois pas que l'humain soit accessoire. Je crois que le placer comme "accessoire" dans une image est simplement un moyen de le regarder

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autrement, avec un autre équilibre par rapport à son environnement. C'est simplement un autre équilibre. Tu joues également avec les questions d’impossibilité, de surréel, en particulier par l’utilisation des outils de postproduction. Qu’est-ce qui te pousse à créer ce genre de situation, et comment cela estil relié, pour toi, au reste de ton travail ? Pour moi la manipulation des images est un prolongement naturel de l'ensemble des choix plus traditionnels qui participent à la composition d'une photographie. Dans le contexte de création où je me place, je ne fais pas de différence entre un choix de post production et un choix comme le cadrage par exemple. C'est un type de rapport au réel au travers de la photographie. Dans « intervalles », tu clones les personnes présentent dans les images afin de prendre de la place, voir même parfois de saturer l’espace. Est-ce une tentative de combler ce vide que nous avons évoqué ? Est-ce que l’utilisation de la photographie pourrait aussi servir à ça ?

J’ai également remarqué que tu utilises les paysages des jeux vidéos comme de véritables lieux, ce qui se rapproche de cette question d’impossibilité, de surréel. Comment explique-tu ce besoin d’aller chercher des espaces qui n’existent pas ? Y a-t-il une frustration des espaces réels ? Je ne parlerais pas de frustration par rapport au réel. Mais les espaces virtuels méritent certainement d'être l'objet d'un geste photographique. Je crois qu'on peut en retirer quelque chose qui nous renseigne bien entendu sur le traditionnel questionnement réel/virtuel, mais aussi une véritable expérience d'espace qui s'apparente à une photographie de paysage ou d'architecture traditionnelle. Tu évoques d’ailleurs ces lieux par le terme « d’espaces finis ». Peux-tu l’expliquer ? Les espaces de jeux vidéos sont finis (en tout cas ceux que j'ai exploré) parce qu'ils ont été créés d'avance selon un plan déterminé, et le joueur ne peux pas indéfiniment poursuivre sa route tout droit sans rencontrer une limite du jeu. En créant ces espaces, les créateurs du jeu doivent donc poser des limites qui restent crédibles lorsqu'on joue afin de maintenir l'illusion d'un parcours libre. Cette situation est intéressante.


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En parcourant l’ensemble de tes productions, je pense beaucoup à la « poétique de l’espace » de Bachelard, et à cette question du souvenir rattaché aux lieux et habitats dans lesquels nous avons vécu. Cette question du souvenir, est-ce quelque chose de présent dans ton travail, ou dans tes recherches ? Je ne sais pas. J'imagine que je me projette parfois dans les espaces que je représente. C'est le jeu non ? Mais il ne s'agit probablement que d'une partie des éléments constitutifs des images. Je joue beaucoup avec les circonstances aussi. J'ai l'impression que la construction d'une image, ou plus globalement d'un travail est un ensemble de choix et de contournement des difficultés dont les origines sont trop complexes pour être identifiés. En tout cas, je ne cherche pas toujours a les identifier. Penses-tu que tu pourrais projeter tes différentes recherches dans un autre médium que celui de la photographie ? La vidéo par exemple ? Oui, probablement. Ces derniers temps, mon travail est devenu plus abstrait (voir la série « Trades »), il ne s'agit pratiquement plus de photographie puisque ces caissons lumineux sont des images générées par les données des marchés financiers. C'est de la visualisation subjective de données. L'objectif n'est pas de représenter une tendance ou de mesurer des paramètres, mais de représenter une idée simple de manière poétique en utilisant comme source de l'image un matériau différent.

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As-tu des références récurrentes, des artistes, mouvements, ouvrages… Qui reviennent souvent lors de l’élaboration de tes images ? En ce moment, je suis très fan du travail de Dirk Braeckman. Ce n'est pas très proche de ce que je fais, mais c'est sans aucun doute une source d'admiration. Idem pour certains de mes collègues de Piece of Cake (www.pocproject.com), comme Matthew Gamber, Bill Sullivan, Petros Eftathiadis… Retrouvez Mathieu sur internet via : www.monsieurmathieu.com www.pocproject.com


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Veine Magazine. Void is everywhere in your work. Paradoxically, it fills the images, creates a poetry. Even the human presence doesn’t seem to succeed at breaking this very strong intensity. As a photographer, is the importance of void more in the final images, or in the creative process ? Mathieu Bernard-Reymond. I think void, or the lack information, is a way to stimulate the imagination above all. If there’s void in my images, it’s because I react to this potential and like to experiment its potential.

before ? Could photography be used for that purpose ? It’s linked to your first and second questions. I’d say this is a subjective way to see the characters and their behaviour in space. It’s neither the Marey’s chronophotography nor a pure landscape. I also didn’t chose to classify or put those beings’ behaviour into series. It’s just a subjective compression of what happens in front of the camera during a few minutes.

I also noticed the fact that you use video games’ landscapes as true places, which can relate to this question of impossibility and surreal. How do you explain this

In the « disparitions » series, amongst others, you evoke the human being as an « accessory », and give importance to space. Do you think human is now doomed to this role, nearly by default ? Is it what you try to share through your images ? No, I don’t see the human being as an accessory. I think that putting him as an « accessory » in an image is just a way to see him differently, with another balanced compared to his environment. It’s simply another balance. You also play with the questions of impossibility, of surreal, especially through the use of post-production tools. What motivates you to create those kind of situations, and how is it linked, according to you, to the rest of your work ? For me, the images edition is a natural continuation of the body of more traditional choices that participation to the creation of a photograph. For the creation context I’m into, I don’t make any difference between a post-production choice and another such as framing, for example. It’s a form of relation to reality through photography. In « intervalles », you clone people from the images so they take some space, even pushing it until they saturate it sometimes. Is it an attempt to fill this void we evoked

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need to look after landscapes that don’t exist ?


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Is there a frustration of real spaces ? I wouldn’t talk of a frustration of reality. However, virtual spaces certainly deserve to be the subject of a photographic gesture. I believe we can withdraw something from it that questions the traditional relation between reality and virtual of course, but also a true experience of space that can look like a landscape or a traditional architecture photograph. About that, you define those places as « ended spaces ». Could you explain that ? The spaces in video games are ended (the ones I explored at least) because they’ve been created according to a determined map, and the gamer can’t

« Poetics of space », and of this question of memories bounded to places housing environments we lived in. Is this question of memories part of your work, or your researches ? I don’t know. I guess I sometimes project myself in the spaces I picture. It’s the game right ? But it’s probably just a part of my images’ constitutive elements. I also play a lot with circumstances. I have the sensation that the creation of an image, or more generally of a work, is a pack of choices avoided difficulties whom origins are too complex to be identified. Do you think you could put your different researches in another medium than photography ? Video for example ? Yes, probably. Recently, my work became more abstract (see the « Trades » series), it’s almost not photography anymore, since those light boxes are images generated by the data of financial markets. It’s a subjective data visualisation. The goal is not to represent a trend, or to measure parameters, but to stage a simple idea in a poetic way by using a different material as the source of an image. Do you have any recurring references, artists, movements, books… That often emerge during the creation of your images ? I’m currently very fond of Dirk Braeckman’s work. It’s not exactly close from what I do, but it’s with no doubt a source of admiration. Same thing for some of my colleagues from Piece of Cake, like Matthew Gamber, Bill Sullivan, Petros Eftathiadis…

indefinitely follow a road without meeting a limit of the game. So when they create spaces, the developers must define limits that can be credible enough during play time to maintain the illusion of a free route. This is an interesting situation. When I browse through your whole body of work, I think a lot of the Bachelard’s

Find Mathieu on the Internet through : www.monsieurmathieu.com www.pocproject.com

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Things are what they seem Photographer Barrett Sweger Stylist Lana jay Lackey Groomer Nicole Blais Model Logan Jackson @ Major models

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Jacket EDUN Shirt Avelon Black shirt TOPMAN Tie TOPMAN


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Sweatshirt Avelon Shirt Common People Harness Zana Bayne Tie TOPMAN


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Jacket Duvetica Shirt TOPMAN Scarf Stylists own Shorts Richard Chai Leggings Osklen Tights Wolford Shoes Aldo VEINE MAGAZINE − Les amours éphémères 10


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Tights Wolford Shoes Aldo

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Jacket Osklen Shirt Avelon Tshirt worn over AA Pants Avelon Scarf Stylists Own Bracelets Stylists own Socks AA

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See you soon.

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