BD "L'optique à la loupe"

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Bruno Bousquet Jacques Machemy

Tome 1 Les premiers pas


Bruno Bousquet a obtenu un doctorat de Physique en 1997 après un parcours universitaire à Bordeaux. Maître de Conférences depuis 1999, il est spécialisé dans les interactions laser-matière, la spectroscopie et la chimiométrie. Enseignant-chercheur de l’université de Bordeaux, il dispense des cours d’optique principalement au département Mesures Physiques de l’IUT de Bordeaux et conduit ses travaux de recherche au CELIA.

© Bruno Bousquet & Jacques Machemy, 2015 ISBN 978-2-9553422-0-6 1re impression : septembre 2015 Tous droits réservés. Toute reproduction interdite sans l’autorisation des auteurs. Pour nous joindre : bruno.bousquet@u-bordeaux.fr & jacques.machemy@u-bordeaux.fr

Jacques Machemy suit tout d’abord une formation scientifique (biochimiste), il se réoriente par la suite vers le graphisme. Il travaille au pôle graphique du Centre régional de documentation pédagogique à partir de 1995. Pendant cette même période, il participe au magazine rock « Sur la même longueur d’onde » en réalisant la maquette et suit en parallèle des cours d’auditeur libre à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux. Il est, depuis 2008, graphiste au sein de la Direction de la communication de l’université de Bordeaux.


édito

L

’optique est l’une des disciplines scientifiques qui offre les plus grandes possibilités pour mettre en pratique des concepts abstraits. On peut en effet observer des phénomènes optiques, les reproduire avec des expériences simples et ensuite les comprendre en s’appuyant sur des modèles adaptés. Lorsqu’on s’intéresse à l’optique, la première approche consiste toujours à comprendre la propagation de la lumière à travers différents milieux mais aussi lors du passage d’un milieu à un autre. C’est ce que l’on appelle l’optique géométrique. Dans ce premier tome, nous proposons une description des principes de base de l’optique géométrique sous forme d’un dialogue entre un maître et son jeune disciple en quête de savoir. Nous expliquons quelques phénomènes optiques naturels comme le mirage ou l’arc-en-ciel ainsi que quelques applications directes de l’optique géométrique telles que la transmission de l’information par fibre optique ou encore le fonctionnement du réfractomètre d’Abbe. n


C’est pas croyable…

On pense savoir, et quand on creuse un peu...

... on s’aperçoit que l’on ne sait rien !


Et j’ai envie de comprendre, que ça devienne lumineux.

Ce que l’on voit, comment et pourquoi on le voit.

Si tu as des questions, je peux t’éclairer !

Je peux peut-être t’aider …

La lumière justement, parlons-en…

Ça tombe bien ! J’en ai des tas !!!!


Dites, pourquoi lorsque la lumière du soleil passe à travers un nuage par un petit trou, on voit parfois un faisceau lumineux qui descend jusqu’au sol ?

… mais lorsque la lumière passe à travers un petit trou, on se rend bien compte de l’existence de rayons lumineux.

C’est parce que la lumière se propage en fait à l’aide de rayons lumineux.

Lorsqu’il n’y a pas de nuages, il y a des rayons lumineux partout et on ne se rend compte de rien…


Ah ! Et le rayon de lumière peut aller jusqu’où ?

Et si le rayon arrive sur un lac, c’est pareil ? Il chauffe l’eau du lac ?

Il va jusqu’au sol et là, il s’arrête. Il réchauffe la terre, tu t’en es rendu compte, n’est-ce pas ?

Bien sûr ! Mais c’est une question plus compliquée.

Alors puisque je vois que tu t’intéresses à la lumière, je vais t’expliquer…


En fait, lorsqu’un rayon arrive à la surface du lac, il se divise en deux rayons,

l’un pénètre dans l’eau, on l’appelle le

rayon réfracté

et l’autre remonte vers le ciel, on l’appelle le

rayon réfléchi.


Et le rayon qui arrive du soleil, il a un nom lui aussi ?

Oui, on l’appelle le

rayon…

incident.

Et ces trois rayons, ils vont dans n’importe quelle direction comme les branches d’un arbre ?

Eh bien non ! Ils sont tous dans un même plan. Et c’est toujours comme ça.

C’est une loi de la physique que l’on appelle la 1re loi de Descartes.


Qui c’est

C’est moi !

ce Descartes ?

Je suis le

savant français

Mais tu sais, les autres pays qui trouvaient les français un peu trop arrogants…

qui a énoncé cette loi.

Pas seulement celle-ci d’ailleurs !

ont reconnu la paternité de ces travaux sur les rayons lumineux à un savant hollandais du nom de Snell.

C’est moi qui l’ai trouvée !

Ah non ! C’est moi !!!

On ne saura jamais vraiment, alors certains font référence aux lois de Snell-Descartes pour ne pas faire de jaloux.


Et c’est quoi les autres lois ?

Les 2 autres lois permettent de prévoir dans quelles directions partent les rayons réfléchi et réfracté pour un rayon incident donné.

... et la 3e le rayon réfracté.

La 2e loi concerne le rayon réfléchi Et c’est compliqué ?

Pas du tout. Mais on doit considérer des angles et il faut avant toute chose se mettre d’accord sur l’origine à partir de laquelle on mesure ces angles.

Dans le cas du lac, tout se passe au point d’impact du rayon incident sur la surface.


Imagine que le trajet du caillou représente le rayon incident.

Dans ce cas, l’angle est égal à zéro.

Ici, il tombe verticalement.

Non, non, non ! Dans le cas du lac, la référence des angles était verticale parce que la surface était horizontale.

Donc, un angle est toujours mesuré par rapport à la verticale ?

Il faut seulement que la direction de référence soit perpendiculaire à la surface sur laquelle arrive le rayon.


Aaaaah !

J’ai… J’ai compris

C’est comme…

C’est comme…

C’est comme le casse

brique sur ma tablette.

La balle rebondit toujours selon la direction de référence !!!

C’est comme…


Exactement !!! Tu as compris !!!

Il te suffit de bouger ta raquette pour modifier l’angle du rebond… et tu vois…

… dans ton jeu, si on trace encore la référence, on retrouve de chaque côté le même angle !


Je vais te montrer autre chose…

Quelle que soit l’inclinaison de la tablette,

Ok ! Donc, la seconde loi de Descartes prédit le même angle avant et après le rebond ???

Exactement !

Et la troisième loi… Que dit-elle ?

Les deux trajets seront toujours dans le même plan.

Elle concerne le rayon réfracté, c’est-à-dire celui qui traverse la surface de séparation et pénètre dans le second milieu.


Ouais ? Bon, c’est pas compliqué : quand le rayon entre dans le second milieu, il continue tout droit, n’est-ce pas ?

NON ! Là, tu te trompes gravement, au changement de milieu, le rayon change de direction.

Oooooooh ! Regarde comme c’est beau !!!


et reposant ...

Tiens, ça me donne une idée.

et

hop !


Regarde ces deux couleurs de sable

Avant tout, laisse-moi placer la référence des angles en pointillé.

Si le rayon lumineux arrive de l’air vers l’eau…

Nous allons dire que ce sont deux milieux : par exemple l’air et l’eau.

… Toi, tu me dis, que le rayon réfracté continue tout droit…

eh bien

non !

Les milieux étant différents, l’angle du rayon réfracté est différent de celui du rayon incident.


Ah oui… et comment peut-on connaître l’angle du rayon réfracté ???

Ces indices sont différents pour l’air et pour l’eau.

On peut les appeler

n1 et n2

Là, il faut connaître la caractéristique des milieux que l’on appelle :

indice de réfraction. Il faut aussi connaître i1 : l’angle

du rayon incident

… et on peut en déduire i2 celui du rayon réfracté.

Et là, vous allez encore me dire que c’est une nouvelle loi ???

Une nouvelle loi ??? Oui, et quelle loi !!!

C’est la troisième Loi de Descartes !!!!


La loi ...

La quoi ?

et c’est comme ça.


Elle est pas un peu lourde cette loi ?

Et en plus, ça marche à tous les coups !!!

Du coup, je peux choisir tous les rayons incidents que je veux ?

AuÒcun problème !


Alors… Voyons, voyons ...

et l’angle réfracté augmente lui aussi mais en restant plus petit.

Je peux augmenter l’angle d’incidence de plus en plus.

Aaah !

Et si l’angle incident est proche de 90°, si la lumière arrive de manière rasante, l’angle i2 atteint alors une limite !!!

Aucune lumière ne pourra jamais passer…

... dans cette zone que j’ai hachurée !!!


Alors… qu’avez-vous à répondre à ça ?

Exactement ! Et cet angle s’appelle justement l’angle limite de réfraction

Et si tu utilises la 3e loi de Descartes, tu peux même prévoir cet angle limite que l’on peut noter i2limite.

Tranquille… Regarde : si n1 sin(90°) = n2 sin(i2limite)

La… 3e loi…

Alors, tu peux dire que n sin(i2limite) = n 1 x sin(90°) 2

et sachant que sin(90°) = 1

Alors, tu obtiens n sin(i2limite) = n 1 . 2


T’es encore là ???

On se réveille !!! Ne me dis pas que mon explication t’a ennuyé…

Et tu vas être heureux, on a fait le plus dur : la théorie !

Maintenant, un exemple : si n1 est l’indice de l’air que l’on pourra prendre égal à 1

car il est très proche de cette valeur…


On peut conclure que 1 . sin i2limite = n2

du coup, si on arrive à mesurer i2limite… On peut en déduire n2 ! Et sais-tu que l’indice d’un vin, par exemple, peut varier avec la quantité de sucre…

Mais

où…


Je te disais donc : en mesurant l’angle, on calcule un indice et donc, on arrive à connaître…

... le taux de sucre dans un liquide. Voici le réfractomètre qui va nous servir à mesurer ce taux.

On dépose une goutte

sur le prisme…


On referme le clapet et on regarde…

tiens à toi !

Tu peux voir concrètement la limite de réfraction dont nous avons parlé ! Moi, je connais un autre moyen de connaître la caractéristique d’un vin.

ce , s deux D’ailleurs n’ont derniers vins pas le même cre… de su taux je crois. enfin


Reste avec moi !

On se reprend !

Moui… j’étais un peu perdu dans mes pensées…

Du coup, ça me donne une idée.

La lumière qui suit une trajectoire dans un sens…


Peut-on dire qu’elle suit le même chemin

... dans l’autre sens ?

Donc si maintenant j’injecte de la lumière dans cette fameuse zone où il y avait de l’obscurité…

Oui… Bien sûr…

La lumière reste coincée ?

C’est le principe de retour inverse de la lumière.


… Tu es un plongeur.

mais non !

Dans ce cas, la 3e loi de Descartes ne fonctionne pas !

Tu es en train de remonter et tu fais signe à l’équipage du bateau avec ta lampe.

Alors, IMAGINE…


Mais, à bord, ils ne te verront pas car si tu es dans la « zone sombre » aucune réfraction n’est possible. Maintenant, tu comprends ?

Dans ce cas, on observe un phénomène de réflexion totale et alors la 2e loi de Descartes s’applique : angle réfléchi = angle incident

Et si tu veux on peut aller encore plus loin.

Imagine maintenant un tube…


Un long tube…

Un très, très long tube tout en verre

Si on y injecte de la lumière

Le phénomène de réflexion totale peut se répéter un très grand nombre de fois.


Ce qui permet de guider la lumière dans le tube sur de très longues distances.

C’est comme cela qu’en remplaçant le tube par une fibre optique, on peut transmettre des données numériques.

Génial !!!

Comme ça je vais pouvoir regarder mes 300 chaînes préférées !!!

Comme par exemple des images et des sons.


Ce n’est pas fini, nous allons encore faire un tour.

Ok ! Ok !

On arrête de zapper !!!

Mais !

Tu es prêt ?


Nous y voici ! Mais… nous sommes

en plein désert, là !!!

Wahou… Et en plus, il fait super chaud

Je t’ai emmené là pour te montrer un autre phénomène optique.

Mais…

Y-a de l’eau sur la route !!!


Et non ! Tu penses que c’est de l’eau à cause du reflet, mais…

ça s’appelle un

mirage !!!

C’est une illusion !

Mais comment se fait-il que les arbres se réfléchissent sur la route sans eau ?

Lorsqu’il fait chaud, l’air qui est proche de la route est plus chaud que l’air situé plus haut.

Tu te souviens de l’indice de réfraction ?... Eh bien, il change avec la température.


Et donc, même dans l’air, il peut y avoir des indices différents. Le rayon partant du sommet de l’arbre est dévié sur chaque couche d’air jusqu’à ce que la réflexion totale se produise.

Plus c’est chaud et plus l’indice est faible. Pour simplifier, prenons plusieurs couches. Celle qui est au niveau de la route a le plus faible indice.

Là, il remonte vers ton œil, te donnant l’illusion que l’image arrive directement du sol !


Ce qui est génial avec un mirage : c’est qu’on en a

deux fois plus !!!


Oh, oh ! Je sens comme un coup de frais.

Oui, maintenant regarde derrière toi !


Et admire cet arc-en-ciel.

Ah, oui !!! Il est presque aussi beau que dans mes rêves…

J’adore toutes ces couleurs. Mais d’où viennent-elles ?

C’est la décomposition de la lumière du soleil.

on ! Ah n ncore lui ! as e P


On peut la voir concrètement dans un prisme en verre : l’indice de réfraction étant différent pour chacune des couleurs…

La trajectoire des rayons réfractés sera différente pour chaque couleur : le bleu, le rouge, le vert…


Et pourquoi ?

C’est toujours la troisième loi de Descartes qui s’applique.

L’indice du bleu étant plus grand que l’indice du rouge, le rayon bleu…

... sera donc le plus dévié à chaque changement de milieu.

Non, mais actuellement, il pleut… et il y a des gouttes d’eau.

Mais dans le ciel, il n’y a pas de prisme. Et le phénomène que tu as dans le prisme, tu le retrouves dans chaque goutte !!!


Eh bien… lorsque je vois l’arc-en-ciel en face de moi, le soleil est dans mon dos.

Et observe en plus où sont placés le soleil et l’arc-en-ciel…

Aaaaaah ! Les rayons reviennent des gouttes !

Donc, en plus de la réfraction, il y a de la réflexion !

Et oui, les couleurs que l’on observe sont le résultat d’un aller-retour dans la goutte.


Pour bien comprendre, imagine ce qui se passerait dans une très grosse goutte.

Et pour simplifier, observe juste des rayons qui correspondent aux couleurs extrêmes de l’arc-en-ciel : le bleu et le rouge.

… Mais votre schéma, ça ne va pas ! Tout est inversé : tout le monde sait…

Ouais, je vois…

... que le rouge est en haut de l’arc-en-ciel et dans ton schéma, il est en bas !!!


Mais non, détends-toi, je vais t’expliquer. Prenons d’abord un peu de distance.

Ooooh ! Non…

ça va là ?

Du second degré… par pitié !

Bon, pour cette goutte, seule, immobilisée comme par magie… je ne vois maintenant que du rouge !


Lorsque tu vois du rouge, du vert, du bleu… Ces couleurs ne proviennent pas d’une même goutte et d’une même hauteur.

Pour comprendre comment se forme un arc-en-ciel, il faut prendre en compte des gouttes de pluie à différentes hauteurs.

Aaaaah oui !

Je vois maintenant le rouge en haut et le bleu en bas !


Ok, j’ai compris pour la position des couleurs… Mais pourquoi un arc ? Et pourquoi pas un trait, un carré… ???

Excellente question.

Mmmh, Mmmh, Mmmh…

En fait, c’est parce qu’une goutte est une sphère. Cela signifie que les mécanismes de réfraction puis la réflexion que nous venons de décrire dans un plan vertical…

…sont valables pour les autres plans.

Heuuuuu… Là, je comprends plus rien…

Attends quelques secondes, tu vas voir…


Un peu de travaux pratiques : 2 craies, 2 ficelles et cette tige nous suffiront.

Nous allons imaginer que ce muret est notre rideau de pluie.

Oui, oui, il faut un peu d’imagination.

Imagine maintenant que le haut de cette tige, c’est ton œil.

Ce fil rouge relié à cette craie…

…C’est le rayon rouge qui arrive à ton œil.

On peut refaire la même chose avec le bleu.


Des arcs de cercles colorés !

Regarde maintenant ce que j’obtiens en déplaçant les craies sur le mur.

Ok, ok… Mais pourquoi pas des cercles entiers ? Simplement à cause de la ligne d’horizon.

Il suffit de prendre de la hauteur…

Wahou !* * Chutes d’Iguazú entre l’Argentine et le Brésil


Heueueueuuuuu… Je crois que je vais y aller, si vous me raccompagnez bien sûr !

C’est vraiment super ! Merci de m’avoir éclairé sur l’optique. Ça y est, je sais tout, j’ai tout compris…

Non, attends ! Tu ne crois pas que je t’ai tout dit !!!

Ça ne fait que commencer !

Que commencer ! Mais on a déjà vu tellement de choses !!!


Bien sûr, mais ce ne sont que les bases ! Par exemple …

Ici, tu crois que tu vois un poisson… Eh bien non ! Ce n’est que son image !

À suivre…


Peut-on comprendre les principaux phénomènes d’optique sans faire appel à des modèles physiques compliqués et à des formules mathématiques indigestes ?

OUI !!! Et c’est le défi relevé par les auteurs de cet ouvrage, à travers un dialogue entre deux personnages imaginaires - le maître et le disciple - et en n’utilisant qu’une seule formule mathématique qui… tombe du ciel… Une façon agréable et inattendue d’apprendre l’optique sans s’en rendre compte et de savoir enfin comment expliquer le mirage, l’arc-en-ciel ou encore la transmission des données par fibre optique. Cet ouvrage est destiné aux lycéens ainsi qu’à tous les curieux !

Avec le soutien financier de la Région Aquitaine dans le cadre de l’appel à projet L’année de la lumière en Aquitaine

ISBN 978-2-9553422-0-6

9 782955 342206

2015 ANNÉE DE LA LUMIÈRE EN

AQUITAINE


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