Se réveiller, c’est se mettre à la recherche du monde
“
”
Alain
LA REVUE DES SCIENCES & DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE 2009
Editorial La santé et l’alimentation, voilà bien l’un des nombreux domaines où l’Aquitaine est en pointe et dont les recherches, les innovations, les techniques sont peu connues. Demain, elles changeront notre quotidien. C’est pourquoi comme tous les ans nous vous proposons de découvrir ce qui se fait ici dans cette région. Savez-vous qu’à Saint-Engrâce, village niché dans les montagnes du Pays Basque, se trouve le plus profond des barrages hydroélectriques au monde ? C’est l’une des visites que vous propose l’un de nos reporters qui a sillonné les cinq départements de la région. Qu’est-ce que Platon appelle « les truffes de Thétis » ? Un indice ? C’est bien un produit régional que le poète bordelais et consul du IVe siècle Ausone appréciait comme tous les Romains, et nommait Ostrea edulis. C’est bien sûr l’huître dont nos ancêtres les Gaulois étaient friands, eux qui les élevaient dans l’estuaire, au pays des Médules (Médoc). Un plaisir partagé par Rabelais et Montaigne. Depuis, les techniques et les espèces ont évolué. Hier comme aujourd’hui ceux qui écrivent la science au quotidien nous parlent avec passion de leur métier car comme le dit Joël de Rosnay, le regard ne quittant pas les vagues de la côte : « l’Aquitaine est cette Californie européenne qui a le sens de l’innovation associé à un enracinement culturel fort ». Nous l’avons rencontré pour vous comme d’autres chercheurs, aux pieds des Pyrénées, au cœur de la métropole régionale ou l’œil rivé sur les exoplanètes. Ces aventures humaines vous surprendront à chaque page. Alexandre Marsat,
Rédacteur en chef H20
SOMMAIRE LA REVUE DES SCIENCES & DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE 2009
7 8 11 13 15 17
20
30
39 41 43 45
47
Visites Voyage au cœur d’une Aquitaine innovante Verna (64)
Le premier barrage souterrain au monde
Pépinières Gentié (47) Hermès (24) FCBA (33)
Au service des viticulteurs
Au carrefour du luxe
Le laboratoire français du bois
Vermilion (40)
Le pétrole a encore de l’avenir
Portfolio
Esprit de campus
Mémoire
La ruée vers l’huître
Rencontres Joël de Rosnay
Scientifique du troisième type
Annie Lacazedieu Franck Selsis
Pionnière du géotourisme
Astrophysicien au LAB
Philippe Jenny
Le mécano de la colonne vertébrale
Débat Internet a t’il révolutionné notre façon de communiquer ?
52 53 58 64 68
70 71 72 74 76 78
82 83 86 88 90
95
107 112
Questions de société Ces aliments qui nous veulent du bien Agroalimentaire et pharmacie : les frontières Des nutriments pour notre cerveau
Polyphénols : dans l’antre des labos bordelais
Une réglementation de plus en plus exigeante
Questions d’environnement L’homme et le paysage Un lieu d’identité et de regards A l’image du paysage
Un espace légiféré et encadré Fabrique de l’aménagement L’économie du paysage
Questions d’industrie Métallurgie en Adour La flamme est rallumée Forgés à la lutte
Des corons en bord de côte
PME et labos au cœur de l’innovation
Chronique
L’actualité des sciences et de l’industrie en Aquitaine
Références A consulter - A voir A contacter
E Q U I P E
■
H 2 0
De gauche à droite : Bernard Alaux, Pierre Baudier, Patrice Brossard, Bernard Favre, Alexandre Marsat, Jean-Alain Pigearias et Marianne Pouget.
R E D A C T E U R S Nicolas César : Correspondant en Aquitaine pour le quotidien national La Croix. Il collabore également au site d’informations régionales www.aqui.fr, à 20 Minutes (pages sports). Par ailleurs, il est le rédacteur de la lettre du Club de la presse de Bordeaux. Il a fait ses études supérieures à Bordeaux. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de l’information et de la communication à l’ISIC (Institut des sciences de l’information et de la communication). Jean-Luc Eluard : Titulaire d'une maîtrise de LEA de l'université de Bordeaux III
Directeur de la publication Bernard Alaux Rédacteur en chef Alexandre Marsat Comité de rédaction Bernard Alaux, Bernard Favre, Alexandre Marsat, Jean-Alain Pigearias et Marianne Pouget Rédaction Nicolas César, Jean-Luc Eluard, Donatien Garnier, Florence Heimburger, Alexandre Marsat, Claire Moras et Marianne Peyri
et d'un diplôme de l'IUT de journalisme de Bordeaux, il collabore à plusieurs titres de presse régionale et nationale, notamment dans les secteurs de la culture (Longueur d'Ondes, service culture de Sud-Ouest) et de l'éducation (Epicure, Vivre au Collège, Vivre au Lycée). Pour ces derniers, il est notamment chargé du suivi de l'actualité internationale.
Photographies Pierre Baudier, Nicolas César, Frédéric Desmesure, Antoine Luginbuhl, Alexandre Marsat et Marianne Peyri
Donatien Garnier : Journaliste au sein du collectif Argos (www.collectifargos.com).
Direction artistique et maquette Patrice Brossard
Il collabore à la presse magazine française et internationale et travaille notamment sur la question des déplacements de population liés au réchauffement climatique.
Florence Heimburger : Titulaire d’un master de journalisme scientifique
(Montpellier), après des études de biologie et de sciences sanitaires et sociales, elle est journaliste scientifique indépendante depuis 2005. Elle collabore régulièrement à différents magazines (Science & Vie, les Hors séries de Science & Vie, France Dimanche…) ainsi qu’avec la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, et son équivalent aquitain, Cap Sciences. Ses domaines de prédilection sont la santé, la biologie et l’environnement.
Alexandre Marsat : Nommé en juin 2008 rédacteur en chef de H20 ; il est diplomé de l’IJBA, Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (ex-iut) en 2002 et d’un master 1 d’anthropologie à Bordeaux 2 et à l’UCM de Madrid. Il a travaillé pour différents journaux (Bayard, Sud Ouest, La Nouvelle République…). Outre la revue H20, il s’occupe des magazines Journal H20, nouveau trimestriel de Cap Sciences. Il assure aussi une veille de l’actualité scientifique sur www.cap-sciences.net Claire Moras : Titulaire d’une maîtrise de Sciences de la Terre, et diplômée du DESS
de Communication et Information Spécialisées de l’ISIC, elle est responsable d’une association de sensibilisation à l’environnement. Elle effectue par ailleurs des actions de communication pour différentes structures, ainsi qu’une mission de chargée de communication à mi-temps pour Aquitaine Valo et l’Incubateur Régional d’Aquitaine.
Marianne Peyri : Titulaire d'une Maîtrise de Lettres modernes et diplômée de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, elle travaille actuellement pour le quotidien régional Bordeaux 7 et pour différents magazines dans les secteurs de l'économie (Le Journal de la Marine Marchande, Le Journal des entreprises) et de l'éducation (La Revue des parents). Elle est également l'auteur d'ouvrages touristiques pour les guides Mondéos.
P H O T O G R A P H E Pierre Baudier : Lauréat du diplôme national des Beaux-Arts en 1973 à Paris, puis Art
Director Junior à l’agence de publicité parisienne Synergie Conseil, il met sa carrière artistique entre parenthèses en 1982. Sorti d’un long silence de création et de recherche en septembre 2006, il est invité au mois de mai 2007 à représenter la France à la semaine culturelle française à Alexandrie. Ses photographies de la nature ont l’apparence de tableaux abstraits où l'imagination prend le relais de l'œil. Dans une autre approche de la photographie, il conserve sa démarche d’auteur avec pour support l’écriture de l’image. Ses dialogues photographiques nous confrontent à la réalité du monde. www.pierrebaudier.com
4
ANNUEL 2009
LA REVUE DES SCIENCES ET DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE
H20 2009
PAO Isabelle Julien Promotion et diffusion Nadine Palard 05 56 01 69 63 - Fax : 05 57 85 93 81 n.palard@cap-sciences.net Contact rédaction Alexandre Marsat 05 57 85 51 45 - Fax : 05 57 85 93 81 a.marsat@cap-sciences.net Impression Imprimerie Pujol, Le Bouscat La revue H 2 0 est imprimée sur papier issu des forêts gérées durablement.
Publication Cap Sciences, association loi 1901, Hangar 20, Quai de Bacalan, 33 300 Bordeaux ISSN 1637-9381 ISBN 978-2-9533896-0-9 Dépôt légal février 2009
H 2 0 est publié par Cap Sciences, avec le soutien du Conseil régional d’Aquitaine, du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l’Union européenne. H 2 0 a bénéficié de la coopération active des universités, des organismes de recherche et de soutien technologique, ainsi que du monde industriel d’Aquitaine.
UNION EUROPEENNE
© Tous droits réservés.
au cœur Voyaged’une Aquitaine innovante et surprenante Hermès FCBA
Gentié
Shem Vermilion
Quand on pousse la porte de certains
lieux de l’Aquitaine, on découvre des endroits étonnants pour les trésors d’ingénierie qui s’y cachent. Ainsi, on vous emmène dans une traversée des cinq départements de la région à la découverte du monde de l’innovation. Des endroits insoupçonnés et méconnus du public. Direction, tout d’abord, les entrailles de la Terre pour une balade dans « La Mecque » des spéléologues, à Sainte-Engrâce (64), au Pays Basque, où la Société hydroélectrique du Midi a construit le barrage de La Verna, le premier barrage souterrain au monde, à 700 mètres sous nos pieds. La commune de Sainte-Livradesur-Lot (47) abrite les Pépinières Gentié, une PME familiale lot-etgaronnaise, qui cultive des plants de vignes depuis trois générations pour des châteaux aussi prestigieux que Haut-Brion ou Yquem et collabore avec de grands centres de recherche comme l’Inra, afin de développer des variétés de raisin résistantes aux maladies. Dans les ateliers de la petite cité de Nontron (24), une centaine de salariés fabrique, dans le plus grand secret, de véritables objets d’art (porcelaine et maroquinerie) pour la célèbre marque Hermès. Au Nord de Bordeaux (33), dans le « laboratoire français du bois » (FCBA) de nombreux ingénieurs cherchent sans cesse à améliorer ce matériau à travers une impressionnante batterie de tests (secousses sismiques, écotoxicologie…). Ici, on peut entr’apercevoir la maison « passive », la maison écologique de demain, en bois bien sûr… À Parentis-en-Born (40), au milieu des pins des Landes, Vermilion, filiale d’un groupe canadien, exploite l’un des gisements les plus importants de France. Au milieu des pompes à balancier, les ingénieurs nous expliquent comment trouver du pétrole. ✏/ Dossier réalisé par Nicolas César H20 2009
VISITES
7
VI
SI TES
Au cœur du premier
La Verna À 700 mètres de profondeur, au cœur du Pays Basque, dans « La Mecque des spéléologues », la Shem, filiale du groupe GDF-Suez, a construit un barrage souterrain, qui produit une énergie entièrement renouvelable
D
epuis Bordeaux, la route est longue pour accéder au barrage de la Verna. Près de quatre heures et demie de trajet. Mais, une fois arrivés, à Sainte-Engrâce, un petit village de caractère de 250 habitants entouré par les montagnes, perché à 630 mètres d’altitude, nous savourons la beauté de ce site, au cœur des Pyrénées, à quelques kilomètres seulement de la station de ski de la Pierre Saint Martin. Nous ne sommes plus qu’à quelques minutes du barrage de La Verna. Pour cela, il nous faut encore gravir un sentier rocheux. Au sommet, nous découvrons une simple porte en fer,
8
H20 2009
VISITES
construite dans la montagne. Surprise, des drapeaux népalais trônent à l’entrée de la grotte. En réalité, il s’agit d’un hommage des hommes, qui ont construit ce barrage, à leur chef, de la subdivision génie civil de Shem, Bernard Bertuola, qui part en vacances dans un monastère népalais. Dès les premiers instants, la fraîcheur nous saisit. La température est inférieure de 5 °C à celle de l’extérieur. Pour rejoindre la salle de La Verna, nous suivons une galerie aménagée, longue de 700 mètres. Un travail titanesque pour les ouvriers qui effectuaient les allersretours avec leurs outils. Au passage, nous découvrons les galeries creusées par EDF. En effet, dans les années 50, EDF avait déjà tenté de construire ici un barrage hydraulique, mais n’avait jamais trouvé La Verna, cette immense cavité de 190 mètres de haut sur 240 de diamètre, à 700 mètres sous terre, découverte en 1953 par des spéléologues lyonnais. « EDF pensait atteindre la Verna en cinq mois. Au final, ils ont essayé pendant
barrage souterrain au monde Photos Pierre Baudier et Alexis Frespuech
quatre ans, sans succès. Les moyens techniques n’étaient pas les mêmes. Il n’y avait pas de repérage laser, pas de GPS », souligne notre guide, Bernard Bertuola. « Ici, nous sommes dans la Mecque des spéléologues. Il y a près de 330 km de galeries naturelles répertoriées », ajoute-t-il. En 2000, la Shem a donc décidé de reprendre le chantier. Le projet se justifiait d’autant plus, qu’il « n’y a plus de sites en France, où l’on peut réaliser de grands barrages hydroélectriques », rappelle Serge Clerens, le directeur de la production de Shem. Construire un barrage dans ce lieu si particulier est un véritable exploit. Il aura fallu deux ans de travaux, 6 millions d’euros, 5 tonnes d’acier, des centaines de tirs de mines… Ce « petit » barrage de la Verna, long de cinq mètres, l’unique barrage souterrain existant dans le monde, a été édifié entièrement à la main. Tout a été fait à la pelle, sans machines. Et ce, en quelques mois, pendant l’hiver, avant que les orages ne rendent le chantier inaccessible. « Nous avons
également dû construire une tranchée de six mètres dans la roche pour amener l’eau à l’usine en bas de la vallée, à quatre kilomètres », précise Bernard Bertuola. Par ailleurs, pour dévier l’eau de la rivière souterraine dans La Verna, une passerelle de 70 mètres a été édifiée. Cependant, ce barrage souterrain a aussi des avantages. « L’eau est propre, il n’y a pas de H20 2009
VISITES
9
feuilles, pas de poissons… », note Bernard Bertuola. De plus, le débit de cette rivière souterraine est de 600 litres par seconde, permettant à ce barrage, d’une puissance de quatre mégawatts, de produire de l’électricité environ huit mois par an.
Le barrage de La Verna a eu le soutien de tous : habitants, écologistes, pêcheurs…
Aujourd’hui, toutes ces difficultés techniques sont loin. Bernard Bertuola, qui a eu l’idée de construire ce barrage, parle avec fierté du travail accompli par ses hommes. Il leur a même consacré un film retraçant la construction, qui fut une « aventure humaine ». Car, chose rare, le barrage a été réalisé en parfaite collaboration avec les habitants, les spéléologues, les écologistes, qui ont apporté leur soutien au projet. Même les pêcheurs l’ont regardé d’un bon œil. Il a en effet permis de réalimenter la rivière en contrebas, qui était à sec six mois de l’année. Ce projet a aussi donné un second souffle à l’économie locale. La construction a permis de faire travailler une vingtaine d’entreprises locales. Un poste à mi-temps a même été créé pour surveiller l’activité du barrage. Symbole de cet engouement, les visites organisées en avril 2008, ont attiré 2 000 personnes. « On ne s’attendait pas à un tel succès », reconnaît Serge Clerens. La Shem a donc promis aux habitants de Sainte-Engrâce de créer, cette année, un musée, devant la grotte. Pour la petite histoire, un gouffre portera aussi le nom de Bernard en basque, « Benat », puisque c’est en construisant l’usine du barrage que ses hommes l’ont découvert. Un bel hommage, pour un homme, qui aura su fédérer autant de monde autour de ce projet. ■
10
H20 2009
VISITES
VI
SI TES
Photos Nicolas César
Les Pépinières Gentié, au service des viticulteurs depuis trois générations
Sainte-Livrade Depuis trois générations, les Pépinières Gentié, dans le Lot-et-Garonne, cultivent des plants de vignes pour les viticulteurs, mais aussi désormais pour les particuliers. Retour sur près d’un siècle d’innovations au service du produit phare de la région : le raisin
R
eine des vignes, Muscat de Saumur, Perlette sans pépins, Madeleine royale… ces charmantes variétés de vigne vous sont probablement inconnues. Pourtant, ce « trésor viticole » n’est qu’à 130 km de Bordeaux. À Sainte-Livrade-sur-Lot, en bordure de la D911. Dans cette petite commune de 5 800 habitants du Lot-et-Garonne, les pépinières Gentié cultivent, sur six hectares, une vingtaine de variétés de vignes pour le vin et une soixantaine pour déguster. Des plants qui sont vendus ensuite aux viticulteurs et aux particuliers. Cette année, la pépinière a greffé 1,1 million de plants. Avec 11 salariés (jusqu’à 30 en pleine saison, de mars à juin), et un
million d’euros de chiffre d’affaires, cette société familiale est aujourd’hui une institution dans le milieu viticole. Le fruit de près d’un siècle d’innovations au service de la vigne. Tout commence en 1927. Elie Gentié crée, pour ses besoins personnels et ceux de quelques viticulteurs locaux, des plants de vigne. Il se lance dans la technique du greffage. À l’époque, l’exploitation agricole reste avant tout tournée vers la production de céréales, l’élevage... Les années 50 seront un tournant. Son fils, Robert Gentié, reprend l’entreprise familiale et développe la pépinière, qui devient, à partir des années 70, la principale activité de l’exploitation. C’est précisément à ce moment, qu’il lance une production de plants de vigne hors sol, l’une des premières en France. Pourtant, à l’époque, les sceptiques étaient nombreux. Ce sera une réussite technique et commerciale. « L’avantage est que l’on peut les planter quasiment à n’importe quelle période de l’année. Et surtout, le cycle de production est plus court (quatre mois contre un an et demi en pleine terre). Par ailleurs, nous évitons ainsi tout risque de contamination par les viroses dans le sol », souligne, Patrice Gentié, qui représente la troisième génération des Gentié à la tête des pépinières. « Mon H20 2009
VISITES
11
père avait pressenti que les pépinières viticoles allaient se développer », rappelle-t-il, avec un brin de fierté. Robert Gentié aura également perçu l’importance qu’allait prendre l’ordinateur. En 1982, il fera des pépinières viticoles Gentié la première en France à être informatisée. « L’ordinateur prenait tout le bureau. Il y avait d’énormes armoires », se souvient, amusé, Patrice. Ingénieur agricole et œnologue de formation, Patrice Gentié a été nommé à la tête de l’entreprise familiale en 1992. Avec lui, les pépinières Gentié ont pris une nouvelle dimension. Il a permis à la PME de se développer sur le marché régional, en multipliant par deux le nombre de greffes entre 1985 et 2000 (de 700 000 à 1,5 million).
Les pépinières Gentié collaborent avec l’Inra
Pour cela, il a été aidé par sa femme, qui, depuis 15 ans, travaille à ses côtés. C’est elle, notamment qui a mis en place le système de contrôle qualité (formation du personnel, traçabilité…). « Aujourd’hui, notre pépinière est la seule en France certifiée ISO 9001/2000 », se félicite t-il. Les pépinières Gentié sont devenues un véritable laboratoire de la vigne. Ainsi, de 1985 à 1990, Patrice Gentié, a collaboré avec l’Inra pour développer quatre variétés de raisins de table résistantes aux maladies cryptogamiques (mildiou…). En 1992, en raison de la crise viticole, il décide de
diversifier son activité et crée Jardivigne, une filiale spécialisée dans les raisins de table. Là aussi, ce fut un succès. À tel point qu’aujourd’hui, 40 % du chiffre d’affaires est réalisé avec la commercialisation de plants pour les particuliers. « Les viticulteurs ne renouvellent pas leurs plants de vigne tous les ans. Une vigne dure 40 ans ». Au fil des années, les pépinières Gentié ont acquis une notoriété, qui leur a permis de se constituer un fichier de 1 300 clients, dont certains sont prestigieux comme les châteaux Petrus, Yquem, Haut-Brion. En moyenne, le prix d’un plant pour un viticulteur oscille entre 1,15 et 1,30 euro. Pour les vignes de table, un particulier devra dépenser entre 8 et 100 euros, selon l’âge du plant. Selon lui, le marché des pépinières va encore se développer dans les années à venir « Avec le réchauffement climatique, de nouvelles variétés vont être plantées. Il faudra revoir les cépages, ce qui représente un marché important », souligne celui, qui, à 45 ans, est aussi vice-président du syndicat des pépinières d‘Aquitaine et secrétaire général au niveau national. ■
Patrice Gentié
Le greffage d’un plant de vigne : Les pépinières Gentié partent d’un sarment de greffon (merlot, cabernet…) et d’un mètre greffable (croisement d’une vigne d’origine américaine résistante au phylloxera, puceron qui a détruit la vigne au XIXe siècle) et obtiennent des boutures, qui sont ensuite trempées dans un bain de cire et mises dans une chambre de stratification à 80 % d’humidité entre 28 et 30 °C pendant 16 à 34 jours. Puis, vient l’opération de décaissage, de triage, de pincement des pousses et racines, avant de repasser dans le bain de cire. Enfin, les plants sont mis en pot, installés dans des cagettes polystyrène, puis placés en serre de forçage. Ils y restent 4 à 7 semaines, à 22 °C environ.
12
H20 2009
VISITES
VI
SI TES
Au carrefour du luxe
Nontron Véritable joyau de la Dordogne, Nontron abrite depuis plusieurs décennies une industrie du luxe. Trois sociétés y travaillent pour Hermès, dans le secteur de la maroquinerie, de la porcelaine et de la confection de cravates en soie
Q
ui pourrait penser que la petite ville de Nontron et ses 3 500 habitants, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Périgueux, recèle en son sein des trésors de fabrication de l’industrie du luxe ? Seul un symbole d’Hermès au-dessus de l’usine de porcelaine, avenue Yvon-Delbos, révèle la présence de l’une des plus grandes marques du luxe français. À l’intérieur, les salariés fourmillent de toute part. 104 personnes travaillent ici dans cet atelier de porcelaine. Chaque jour, près de 3 000 porcelaines Hermès sont produites dans ce bâtiment de 4 300 m2. « Tout est fait ici, sauf la porcelaine extrablanche, que nous achetons à Limoges. Nous
Photos Vincent Leroux
leur commandons des modèles, dessinés par notre direction artistique », précise Serge Noirot, le directeur du site. Chaque pièce décorée est personnalisée et comporte le symbole (poisson…) attribué à la salariée qui l’a réalisée. Une marque de fabrique, spécifique à Hermès. Ici, les employés travaillent donc avec le plus grand soin. Ils appliquent avec une extrême méticulosité sur les porcelaines les « chromos », ces transferts réalisés par sérigraphie avec des encres céramiques spécialement pour Hermès. Ceci n’est que la première étape de fabrication. Ensuite, les pièces de porcelaine sont passées dans un four à une température pouvant monter jusqu’à 900 °C, afin que le dessin s’incruste dans la porcelaine. Puis, elles sont garnies, H20 2009
VISITES
13
éventuellement retouchées car la porcelaine perd 15 % de son volume à la cuisson. Parfois, certaines pièces doivent même être polies après leur passage dans le four, pour redonner du « clinquant » à l’or. « Toutes les pièces doivent être parfaites et sont toutes contrôlées. Nous avons très peu de rebut ». Au total, 1 200 références sont produites à Nontron. Les employés sont souvent de jeunes femmes. L’âge moyen des « décoratrices » se situe entre 30 et 35 ans. Cela s’explique notamment par le fait que 24 personnes supplémentaires ont été recrutées depuis trois ans, afin de faire face à une hausse des commandes dans le domaine des arts de la table et à l’émergence de l’activité bijoux (fabrication de bracelets Hermès) au sein du site. Le recrutement se fait par un test de cinq minutes en situation dans l’usine, qui permet d’apprécier la dextérité des candidats. Mais, il faudra au moins trois ans avant qu’un salarié maîtrise tous les modèles de pièce.
Les salariés parlent avec fierté de leur métier Quant à la maroquinerie, elle est à l’origine un « détachement » de l’activité de porcelaine, qui au milieu des années 90 connaissait un tassement de son activité. À l’époque, seulement dix salariés y travaillaient, ne faisant alors que de la « petite » maroquinerie, essentiellement des couvertures d’agendas. Aujourd’hui, ils sont 140 et réalisent des porte-monnaie en peau de léopard... Dans les ateliers, les salariés ne cachent pas leur fierté de travailler pour cette « grande marque ». D’autant plus, que « dans le luxe français, Hermès est aujourd’hui la seule maison à tout fabriquer en France à la main », précise JeanPaul Cubié, DRH de la maroquinerie. « Hermès, c’est le top ! J’étais retoucheuse, j’ai démissionné
14
H20 2009
VISITES
pour postuler ici. Le travail est intéressant, on monte notre pièce de A à Z », déclare, avec émotion, Sabine, depuis trois ans dans la société. Un article peut demander jusqu’à six heures de travail. Trois mois de formation sont nécessaires pour apprendre les bases du métier. « Il y a beaucoup de concentration. C’est angoissant, lorsque l’on connaît le prix de la pièce. On ne peut pas discuter et travailler en même temps », souligne Lilianne, 49 ans, dans la société depuis la création, en 1995.
Hermès a succédé à Adidas
Mais, au fait pourquoi Hermès s’est installé ici à Nontron ? En réalité, « c’est un peu le hasard. Hermès souhaitait développer ses propres bases logistiques. Et l’opportunité s’est créée avec la fermeture du site d’Adidas », reconnaît Serge Noirot, directeur du site de porcelaine. Le site avait deux atouts. Il était situé à proximité de Limoges, où est fabriquée la porcelaine. Avec le départ d’Adidas, près de 200 salariés se retrouvaient « en disponibilité ». Dès l’ouverture du site, en 1990, 60 des 200 personnes licenciées ont ainsi été reprises et formées sur le site de porcelaine. « 18 ans plus tard, Hermès emploie plus de personnel qu’Adidas », se félicite Serge Noirot. Hermès a encore des projets en Dordogne. Éparpillés dans trois bâtiments, les salariés de la maroquinerie ne seront bientôt plus à l’étroit. Un nouveau bâtiment de 7 000 m2, à haute qualité environnementale, doit être construit en juin 2009 pour les rassembler sur un site unique. Un investissement rassurant, en ces temps de crise économique… ■
VI
SI TES
Le laboratoire français du bois Photos Frédéric Desmesure
Bordeaux
Établissement de recherche et de technologie créé en 1952 à la demande des professionnels, FCBA a pour mission de promouvoir le progrès technique dans l´ensemble des secteurs de la filière bois. Ici, des ingénieurs conçoivent dans leurs laboratoires, ce qui sera le bois de demain
V
ous êtes probablement déjà passés devant, peut-être sans le savoir. FCBA (Forêt cellulose, bois construction et ameublement) est situé dans le quartier du Lac au nord de Bordeaux, sur l’allée de Boutaut. Le bâtiment ou plutôt les bâtiments, qui s’étalent sur 12 000 m2, sont en bois et en verre. Mais, très peu soupçonnent ce qui se cache derrière ces locaux. Ici, des ingénieurs testent chaque jour la résistance du bois aux chocs, aux insectes, ainsi que son étanchéité et son évolution face aux ultraviolets… Ils élaborent le bois de demain, celui que vous trouverez en magasin
dans cinq voire dix ans. L’implantation de ce centre technique et industriel du bois à Bordeaux en 1987, avec une présence renforcée en 1999, s’est imposée naturellement. Avec 1,2 million d’hectares, la forêt aquitaine est l’une des plus étendues de France et représente de nombreux emplois dans la région. À Bordeaux, le site principal de FCBA rassemble 120 personnes. FCBA a aussi des sites à Paris, Grenoble, Limoges, Fontainebleau, Dijon, Montpellier et Moulisen-Médoc. Ses objectifs sont multiples : développer des partenariats avec les différents acteurs de la filière, innover, concourir à améliorer la productivité des entreprises du secteur, diffuser les connaissances… Si 40 % de ses activités relèvent de l’intérêt général (recherche, information, normalisation), le secteur privé fait aussi appel à lui pour de la consultance. Les ingénieurs de FCBA sont consultés par les entreprises industrielles ou du bâtiment qui souhaitent améliorer un procédé ou lancé une innovation. Deuxième métier, les essais en laboratoire, où l’on teste et imagine les composants de la maison de 2030. Actuellement, par exemple, FCBA teste dans son laboratoire d’écotoxicologie des produits permettant d’éviter les attaques d’insectes, et qui ont l’avantage de ne pas H20 2009
VISITES
15
à destination des personnels de ces entreprises. Ces activités lui rapportent chaque année 20 millions d’euros, soit le tiers de son budget. Le reste provient de subventions de l’État.
Baisser le prix du bois
être nocifs pour l’environnement. « Nous travaillons également beaucoup sur la reconstitution du bois, qui accroît sa solidité », précise Georges-Henri Florentin, directeur général adjoint du FCBA, 58 ans, ingénieur du génie rural des eaux et forêts. En effet, les recherches portent, entre autre, sur la durabilité des bois, les moyens de protéger sa surface, de le préserver des changements de couleur. Ainsi, dans le laboratoire mécanique, la résistance du bois est testée avec une machine de 100 tonnes. On vérifie aussi la résistance des menuiseries à l’air, à l’eau et au feu. Ici, tout est testé, même le comportement du bois face à des secousses sismiques. On découvre des expériences étonnantes, comme cette cellule d’absorption, où l’on émet un bruit pour tester la capacité de l’isolant à absorber ce son. Un peu plus loin, le laboratoire de finition du bâtiment, analyse, quant à lui, la résistance des peintures et vernis aux UV. Derrière ces expériences se cache un concept révolutionnaire, celui de la maison « passive », une maison capable d’absorber dans ses murs en bois la chaleur et de la redistribuer lorsque nécessaire. Par ailleurs, FCBA a également un rôle de certification des produits du secteur bois, ameublement. En outre, il assure des formations
16
H20 2009
VISITES
Aujourd’hui, la filière se développe, même si la situation du bâtiment est délicate. « Le bois a beaucoup d’avenir », assure Georges-Henri Florentin, directeur général adjoint du FCBA. « Les gens s’imaginent que la forêt a perdu du terrain, car elle est moins présente en zone urbaine. Mais, dans le milieu rural, elle a progressé. Avec 16,5 millions d’hectares de forêt en France, nous sommes revenus à la surface de la période gauloise », souligne-t-il. « Actuellement, en France, nous ne prélevons pas assez face à l’accroissement de nos jeunes forêts, renouvelées depuis la seconde guerre mondiale. Laisser vieillir une forêt c’est lui nuire, car trop de vieux arbres empêchent sa régénération », insiste Georges-Henri Florentin. Des éléments, dont a tenu compte le Grenelle de l’environnement, qui a décidé d’imposer à la filière de mettre sur le marché 20 millions de m3 de plus qu’aujourd’hui, à l’horizon 2020. Cela aura pour conséquence de faire baisser les prix du bois. « Ce sera un atout pour nos industries. Aujourd’hui, dans notre pays, le bois ne représente que 10 % du secteur de la construction, beaucoup moins qu’en Scandinavie », rappelle-t-il. C’est pourquoi, FCBA ne manque pas de projets. Cet institut technologique prévoit d’investir 10 millions d’euros en quatre ans, avec l’appui des collectivités aquitaines, sur deux opérations. L’une à Cestas, juste à côté de l’Inra, où il entend ramener son laboratoire de biotechnologies de Fontainebleau, ainsi que la station de Moulis-en-Médoc. Par ailleurs, le bâtiment à Bordeaux sera étendu à l’ancienne gare SaintLouis, où FCBA envisage de racheter un hectare à la SNCF pour augmenter les capacités de ses laboratoires d’essai et renforcer son innovation. ■
VI
SI TES
Le pétrole a encore de l’avenir Photos Pierre Baudier
Parentis Depuis près de 50 ans, Vermilion, filiale d’un groupe canadien extrait du pétrole brut du sous-sol de Parentisen-Born, dans les Landes. Comment trouve-t-on du pétrole, comment se passe un forage ? Enquête au siège de la société
Q
ui a dit qu’en France, il n’y avait pas de pétrole ? Dès que vous arrivez à Parentisen-Born, petite commune landaise de 4 500 habitants, une pompe à balancier, plus communément appelée « tête de cheval » trône fièrement sur le premier rond-point, si vous venez de Bordeaux. À peine deux kilomètres plus loin et vous découvrez, à hauteur du port ou au large du lac, non loin des touristes, plusieurs
pompes et plateformes en activité. Bienvenue dans la première région pétrolière de France ! La capacité de production quotidienne y avoisine les 450 000 litres par jour, soit 3 000 barils, d’un pétrole brut d’excellente qualité. Ceci étant, il faut garder le sens de la mesure. Un seul forage en Arabie Saoudite peut représenter 100 fois ceux qui existent à Parentis-en-Born. Cela a été suffisant, pour attirer Vermilion. Cette filiale d’un groupe canadien a installé son siège social français à Parentis-en-Born en 1997. Pourtant, le gisement d'hydrocarbures de Parentis a été découvert bien avant, en 1954. C’est Esso, qui, dans un premier temps l’exploitera, jusqu’à ce que Vermilon, spécialisée dans l’optimisation des rendements des réserves, rachète ses actifs dans le bassin parisien et en Aquitaine. Aujourd’hui, c’est le premier producteur d’hydrocarbures liquides dans notre pays. Près de 30 % de la production de pétrole du groupe Vermilion provient de la France. Preuve que Vermilion mise véritablement sur notre pays. En Aquitaine, il possède une H20 2009
VISITES
17
dizaine de concessions : Parentis-en-Born, Cazaux, Lugos…
Un piège à pétrole
Mais, au fait, comment recherche-t-on du pétrole ? « Il faut détecter six éléments », répond John Simpson, géologue à Vermilion France. Premièrement, il faut trouver un réservoir, une couche de roches poreuses et imperméables, permettant au pétrole de s’y loger. Deuxième élément : une couverture, pour que le pétrole s’accumule dans le réservoir sans s’évaporer. Troisièmement, une roche mère, la source, doit être détectée. Quatrième condition : la présence d’un chemin de migration, des plans de faille, qui font remonter le pétrole. Le plus important est le cinquième élément, le piège. Le pétrole est moins lourd que l’eau et il faut quelque chose pour le retenir. « Enfin, il faut le timing : que ces cinq éléments soient réunis en même temps, dans le bon ordre ». Autant de conditions, qui restreignent fortement les possibilités de trouver du pétrole. « Il est donc essentiel de s’assurer de la présence de ces six éléments, avant de se lancer dans un forage qui coûte en moyenne entre 2 et 10 millions d’euros », souligne John Simpson. « Mais, nous n’avons jamais de certitudes quand nous forons ». D’ailleurs, en 2007, après un mois d'exploitation, Vermilion France n'a pas trouvé le gisement de pétrole espéré au large des côtes girondines. Pourtant, la société avait investi 30 millions d'euros et effectué des études sismiques. En réalité, cet échec n’a rien d’exceptionnel. Seuls environ 10 à 20 % des puits d'exploration donnent lieu à une découverte. La recherche de pétrole suppose une grande patience. Il faut tout d’abord lancer des études géologiques, examiner des photographies aériennes, des échantillons de roches, pour les dater. Ensuite, une prospection géophysique est indispensable, afin d’identifier les différentes couches géologiques, leur profondeur, leur forme… Cela se fait notamment par la sismique, c'est-à-dire l’émission d’ondes depuis la surface. Souvent, il se passe deux à
trois ans, entre les premières études et le début du forage. Et, une fois le pétrole trouvé, il faut encore attendre plusieurs années avant de pouvoir mesurer l’importance du gisement découvert. Par ailleurs, l’extraction est également soumise à des contraintes techniques fortes. Avant d’être stocké et expédié, le pétrole brut doit être dissocié des gaz et de l’eau pour lui permettent de remonter à la surface. Le pétrole n’est pas inépuisable, et quand on lui parle de la diminution des réserves naturelles, John Simpson sourit. « Cela fait des décennies qu’on nous annonce la fin du pétrole. Je ne pense pas que je verrai une pénurie de mon vivant. Aujourd’hui, avec la flambée du baril de pétrole, les demandes de forages sont très importantes », souligne-t-il. Persuadé que notre territoire n’a pas encore donné toute sa valeur, Vermilion multiplie les forages. ■
H20 2009
VISITES
19
À seulement 5 kilomètres au sud-ouest de Bordeaux, le campus s’étale sur un vaste espace de 240 hectares. Fondée en 1441, l’Université de Bordeaux a investi ce territoire à partir des années 60 devant l’accroissement des effectifs dans le centre de Bordeaux. Aujourd’hui encore, des bâtiments se construisent, résultant pour la plupart de concours d’architecte. Bois, verre, acier, cuivre, béton… Arrondi, cubique, asymétrique, conventionnel, contemporain… Les styles se mélangent pour donner lieu à une mosaïque architecturale. Par leur renommée, l’ENSEIRB, la Maison des Arts, ou l’école d’architecture cette diversité.
Vue d’ensemble
La journée, cet ensemble hétéroclite est un fourmillement de vie. Traversé en son centre par la ligne B du tramway, telle une artère principale le reliant au cœur de la ville et lui redonnant une bouffée d’oxygène, le domaine universitaire le plus étendu d’Europe peut désormais se vanter d’être ouvert et accessible. Laboratoires, amphis, bibliothèques, installations sportives, cités U, espaces verts, restos U… les 40 000 étudiants et 5 000 chercheurs vaquent à leurs occupations habituelles au sein de leur propre groupe, de leur propre espace.
Aménagement et vie quotidienne
Vous êtes ici à un point de rassemblement, nous dit un panneau. Personne autour ; il ne semble s’être fait comprendre que par l’araignée qui y a tissé sa toile. Un hall peu accueillant, de larges couloirs vides, des espaces verts à perte de vue… Les lieux de vie aménagés se révèlent parfois être des lieux désertés ! On trouve des étudiants allongés derrière un bâtiment au soleil, assis sur les marches d’un hall d’école, ou ici encore, sur des blocs de roche installés pour bloquer la circulation. Il n’est pas rare de voir des étudiants investir des lieux incongrus, ou se frayer des chemins là où il n’y en a pas… Entre bâtiments anciens et infrastructures modernes, les étudiants s’approprient l’espace à leur manière.
20
H20 2009
POPRTFOLIO
E
sprit de campus
4 l Reportage photographique
Avec son aménagement
réalisé par Pierre Baudier Textes de Claire Moras
fragmenté, et son architecture indisciplinée comme affranchie de toute règle, le domaine universitaire Talence-PessacGradignan forme un ensemble bien singulier, reflet de cinquante années de constructions successives. Un dédale de routes et d’infrastructures, éclaté en une multitude d’identités architecturales. Un urbanisme qui interagit inévitablement sur la vie quotidienne….
La Maison des Arts, construite par l’architecte italien Massimilani Fuksas (1994-95)
H20 2009
PORTFOLIO
21
Architecte Paul Daurel
Des aménagements désertés, des aires de vie incongrues : la réalité ne rejoint pas toujours l’intention des concepteurs.
Gaël Penau
22
H20 2009
POPRTFOLIO
Architectes Masse, Bigot, Roy-Chauve
A.Ducasse / D.Gorse
A.Ducasse / D.Gorse
R.A. Coulon, J.L. Ludinard, J. et R. Touzin
H20 2009
PORTFOLIO
23
Architecte Claude Ferret
Formes, matériaux, couleurs, époques… autant de styles architecturaux cohabitant sur un même territoire.
Durand / Menard / Thibault (2005)
R.A. Coulon, J.L. Ludinard, J. et R. Touzin
24
H20 2009
POPRTFOLIO
Architectes Pierre MATHIEU, Paul DAUREL, Claude BOUEY
Architecte François Guibert
L.Arsène-Henry Jr, A.Triaud (1995)
Agence Baggio – Piechaud (2005)
La Maison des Pays Ibériques – Paul Daurel (1983)
Un lieu : une ambiance. Certains endroits ont de faux airs d’ailleurs avec leur allure aux accents soviétiques, maritimes, urbains, ou méridionaux. Quant aux entrées majestueuses de certains bâtiments, elles pourraient bien intimider ceux qui s’engagent à y passer. H20 2009
PORTFOLIO
25
L’espace extérieur occupe une place importante au sein du campus. Aménagés ou laissés à l’abandon, ces vastes territoires n’attirent généralement que très peu d’étudiants.
Architecte François GUIBERT
26
H20 2009
POPRTFOLIO
Campus et coutumes… Les étudiants transcendent parfois les règles pour s’approprier l’espace, qui se transforme alors en un lieu d’expression étonnant.
H20 2009
PORTFOLIO
27
Cabinet Alonso Sarraute
Cabinet Tournier
28
H20 2009
POPRTFOLIO
Récemment, l’habillage des anciennes cités universitaires et les constructions nouvelles ont fait appel à des teintes plus fantaisistes. La vie en couleur serait-elle le secret du bonheur ?
Cabinet Alonso Sarraute
Architecte Franรงois Guibert
H20 2009
PORTFOLIO
29
La ruée vers l'huître Dossier réalisé par ✏/ Jean-Luc Eluard
30
H20 2009
MÉMOIRE
MÉMOIRE
H20 2009
31
Photo Frédéric Desmesure
Voici l’histoire de l'ostréiculture aquitaine. C'est celle du bassin d'Arcachon, à l'origine du développement de cette activité en France. Des enthousiasmes des débuts aux crises du XXe siècle, la culture de l'huître est restée enracinée dans ses traditions, tributaire d'un milieu qui a beaucoup évolué
E
n 2010, l’ostréiculture française fêtera ses 150 ans d’existence et elle ira chercher son acte de naissance dans le bassin d’Arcachon. C’est en créant sur le bassin les deux premières « fermes modèles » en 1860 que l’ingénieur Coste donne naissance à l’exploitation systématique des huîtres. Ces « parcs impériaux », nés de la volonté de la France de Napoléon III de résoudre le problème de la fluctuation de la ressource ostréicole et de son épuisement récurrent (voir encadré page 33), ne dureront que 12 ans, le temps que l’Empire devienne la République. Mais ils auront jeté
32
H20 2009
MÉMOIRE
les bases de la culture actuelle qui, en plus d’un siècle, n’a que très peu évolué dans son principe. Lorsque Vincent Coste reçoit en 1852 du ministère de l’Agriculture la mission de développer la production des espèces marines, l’idée d’une optimisation de la cueillette de l’huître est dans l’air un peu partout en Europe. En créant les « parcs impériaux » en 1860, Coste ne fait guère qu’imiter ce qui se pratique par ailleurs, en Saintonge et surtout en Angleterre et en Belgique. Il délimite 22 hectares du bassin qu’il couvre d’un plancher de bois et entoure de murets. Mieux protégée de ses prédateurs naturels (daurade, raie et surtout étoiles de mer et bigorneaux perceurs) l’huître survit plus facilement. Il choisit le bassin d’Arcachon car, d’une manière aussi empirique que scientifique, il pressent ce que d’autres confirmeront après lui, dont en 1960 C.M Yonge, biologiste anglais : « il est impossible d’imaginer un site plus propice à l’ostréiculture que le bassin d’Arcachon ». La température de l’eau y est plus constante qu’en pleine mer. Elle se maintient longtemps autour des 20 °C considérés comme idéaux pour la reproduction du mollusque ; sa situation de mer semi-ouverte alimentée par une rivière (l’Eyre) et de multiples petits esteys (« ruisseaux » en patois girondin) provoque une légère dessalure de l’eau dont le taux d’iode est de 32 pour mille contre 35 pour mille en pleine mer. De fait, chaque année, plus d’un milliard de mètres cubes d’eau
douce sont introduits dans le bassin, dont 79 % par les cours d’eau. Là encore, l’huître apprécie.
Le chaulage, progrès décisif
Photos Frédéric Desmesure
Mais le problème central demeure : comment capter le frai de l’huître et donc s’affranchir presque entièrement des vicissitudes du cycle naturel ? Dans l’ambiance de ruée vers l’or qui règne à l’époque à Arcachon, ville nouvelle, sorte d’eldorado d’une bourgeoisie d’Empire en quête d’inédit qui voit dans le bassin un territoire vierge à conquérir. « Tout le monde cherche » souligne Charles Daney, auteur de nombreux ouvrages sur le lieu et sa culture emblématique. De nombreux procédés sont expérimentés pour tenter de fixer le naissain mais soit les matériaux employés sont trop lisses et les larves, nageuses et ciliées, ont du mal s’y accrocher, soit ils sont trop rugueux et les pertes sont importantes lorsqu’il faut les « détroquer », c'est-à-dire les enlever de leur support lorsqu’elles ont trois mois pour les semer sur les parcs. C’est finalement Michelet, un maçon qui, en 1865, découvre le procédé qui perdure encore de nos jours : en chaulant des tuiles, on obtient une surface idéale pour fixer le naissain qui s’enlève ensuite facilement pour le détroquage. Toutes les conditions sont alors réunies pour faire du bassin d’Arcachon le centre principal de la production d’huîtres en Europe. L’enthousiasme ostréicole est à son comble et rien ne semble devoir le freiner dans ce contexte général de confiance en un avenir où les progrès scientifiques ne paraissent jamais avoir de limite. « On peut faire de l’océan une immense fabrique de vivres, un laboratoire de subsistances plus productif que la terre. Fertiliser tout : mers, fleuves, rivières, étangs ; on ne cultivait que la terre, voici que l’on cultive les eaux. Entendez-vous, Nations ? » dira le journaliste Maurice Noël au comble de l’optimisme. L’État encourage fortement l’entreprise et accorde des concessions maritimes sans compter (le domaine marin est sa propriété inaliénable, il ne peut qu’en concéder l’exploitation) : il y avait 500 parcs en 1870, ils seront 2 600 en 1875 pour atteindre un maximum historique de 4 900 sur 5 200 ha en 1885. Date à laquelle un scientifique, Garcias, estime que « le bassin d’Arcachon est appelé par ses propres ressources à alimenter l’Europe entière. » Ce sommet sonnera aussi le glas de la ruée initiale : dès cette date, la surproduction et la concurrence de la Bretagne pour la vente de naissain font baisser les cours et le nouvel eldorado se transforme peu à peu en une entreprise aléatoire. H20 2009
MÉMOIRE
33
L’histoire de l’ostréiculture aquitaine devient alors une suite d’améliorations lentes de la situation, interrompues par des crises aussi graves que soudaines.
La fin de l'euphorie
La première à ne pas être liée aux fluctuations du marché intervient en 1920. Dès l’été, une importante mortalité de l’huître plate (l’ostrea edulis) est constatée dans le bassin mais aussi un peu partout en Europe. En un an, on enregistre 70 % de pertes chez la Gravette, nom qui lui est donné localement, sans que l’on puisse expliquer cette chute. Les ostréiculteurs ne devront leur survie qu’à l’introduction en masse de Crassostrea angulata, l’huître portugaise. Présente dans le bassin de manière anecdotique depuis la fin du XIXe siècle (voir encadré ci-contre), la portugaise n’y a pas bonne réputation : elle est « la cogne », sorte « d’huître pour les ploucs », selon Charles Daney. Alors que les autres bassins de production de France l’ont peu à peu adoptée et qu’elle représente 40 % des ventes nationales en 1900, il faudra attendre la quasi-disparition de la Gravette pour que les ostréiculteurs arcachonnais découvrent son extraordinaire pouvoir de prolifération qui leur permet de survivre à cette première crise. D’autant plus qu’un premier progrès technique intervient à cette époque dans une pratique qui n’a pas évolué depuis sa création soixante ans plus tôt. La motorisation de la flottille ostréicole, avec des chalands qui remplacent le bac à voile, permet aux marins d’être moins tributaires des marées et de ne plus avoir à dormir parfois sur leur bateau pour ne pas manquer une seule seconde du temps limité que la marée leur laisse pour travailler sur leur parc. Les années de relance de la production à partir de 1925 sont interrompues par la guerre mais comme pour le précédent cycle, le pic des années fastes précède de peu une suite de crises. De 1948 à 1959, la production plafonne autour de 15 000 tonnes. Une production record qui masque une chute des rendements du fait du rétrécissement de la passe d’entrée du bassin, freinant les échanges d’eau, et d’un déficit d’apport d’eau douce. Dès 1953, les ostréiculteurs se plaignent d’une augmentation du nombre des huîtres « boudeuses », huîtres qui n’atteignent pas la taille légale de commercialisation à l’âge de 3 ans. En 1959, elles représentaient, suivant les parcs, entre 16 et 56 % des huîtres de 3 ans. Globalement, le poids moyen de l'huître commercialisée serait passé de 50 grammes en 1950 à 36 grammes en 1960.
34
H20 2009
MÉMOIRE
La japonaise après la portugaise Dès le début des années 60, la production s’effondre. Certains mettent en cause la surproduction antérieure qui aurait appauvri les sols. D’autres, le tourisme de masse puisqu’il entraîne une forte urbanisation des berges du bassin, ayant pour corollaire la « macadamisation » des sols : les eaux de pluies ne s’infiltrent plus dans le sol mais le lessivent, emportant avec elles les polluants qui s’y sont déposés. Mais cette crise voit surtout éclater un conflit latent depuis plus de trente ans entre les ostréiculteurs et l’industrie papetière, installée près du bassin depuis 1928 et dont la production et donc les rejets polluants dans l’Eyre ont considérablement augmenté depuis la guerre. Le bras de fer, commencé en 1964 de manière ouverte, durera jusqu’au début des années 70 : le 4 janvier 1971, la papeterie de Facture met en service le wharf de la Salie qui déverse une grande partie de ses effluents en mer et non plus dans le bassin. Ironiquement, cette mise en service suit de quelques mois la plus grave crise de l’ostréicultur , l’épizootie générale de 1970-1971. Ses premières manifestations ont lieu fin 1970 et dès juin 1971, c’est l’hécatombe : jusqu’à 80 % de perte dans les zones océaniques, les plus touchées. C’est la première fois qu’un phénomène viral est observé chez l’huître. Si l’on ajoute l’épizootie de 1968 qui a atteint les derniers bancs de gravettes encore exploités, on se trouve en 1971 face à une situation de quasi-faillite de l’ostréiculture arcachonnaise. Celle-ci réagira avec une vigueur et une rapidité inattendues : en 1971 est mis en place le plan RESUR destiné à remplacer intégralement la Crassostréa Angulata par la Crassostrea Gigas, l’huître japonaise. La Colombie Britannique, où cette huître est exploitée, envoie gratuitement 137 tonnes d’huîtres mères sur le bassin. Dès 1973, la production est sauvée grâce aux capacités de résistance de la japonaise dont la
croissance est plus rapide que les deux précédentes et le pouvoir de filtration plus élevé. Fortement endettée, la profession profite pourtant de ces nouvelles années d’optimisme pour se moderniser. Les bassins d’affinage où sont plongées les huîtres avant la commercialisation pour les purifier des polluants ou tout simplement des impuretés naturelles qu’elles ont absorbées sont reconstruits. Les anciens étaient submergés par la marée pour pouvoir en renouveler l’eau, les nouveaux sont insubmersibles et l’apport d’eau est régulé par des digues. On met en place un système de pochons en plastique grillagé qui permet d’élever les huîtres entre le moment où elles sont détroquées à 3 mois et leur commercialisation trente mois plus tard. Posés sur des supports surélevés, ces pochons remplis de jeunes mollusques limitent considérablement les dégâts provoqués par les prédateurs naturels et allègent le travail des ostréiculteurs qui peuvent récolter leurs huîtres d’un seul coup, par paquets de 60 kg. C’est le progrès technique le plus marquant à ce jour dans une activité restée fortement artisanale, traditionnelle et familiale.
Écosystème fragile
Mais l’avantage du bassin peut aussi devenir un inconvénient : en 1975, la crise du TBT (tributylétain) montre à quel point cet écosystème en
partie clos est fragile. Le TBT est un composé organique de l’étain qui commence alors à être utilisé dans les peintures de coques de bateau pour qu’elles se salissent moins. Mais il a des effets sur la calcification des coquilles dont la croissance devient anormale. En 1980, c’est 1,3 tonne de ce produit qui est déposée chaque année dans le bassin, jetant le discrédit sur l’huître arcachonnaise, au profit d’autres bassins de production. Il faudra attendre 1982 et l’interdiction de l’utilisation du TBT pour regagner la confiance des consommateurs. Aujourd’hui, après un siècle et demi d’exploitation, l’Ifremer souligne que la « bonne qualité des composantes du bassin a pu être maintenue malgré l’expansion urbaine et industrielle au prix d’équipements importants. Mais l’ampleur et la complexité croissante du réseau en même temps que l’amenuisement de la capacité tampon du milieu du fait de son occupation croissante, tendent à fragiliser le système. Des troubles graves pour l’ostréiculture [TBT] ou encore la prolifération d’algues vertes consécutive au développement agricole intensif sur le bassinversant ont montré la sensibilité du bassin d’Arcachon à l’introduction de substances allochtones. Ces dangers justifient l’extrême vigilance de ceux qui vivent du bassin et leur hostilité à toute forme d’intensification. » L’avenir de l’huître en Aquitaine n’est plus uniquement entre les mains de ceux qui en vivent.
Photo : DR
Les longs voyages de l'huître
Rarement mollusque aura autant voyagé. Il ne reste plus aujourd'hui que quelques gisements d'huîtres plates, l'huître vernaculaire. Depuis 1920, les huîtres exploitées viennent de destinations que leur nom ne révèle pas. L'huître portugaise est issue de l'Île de Ceylan d'où elle fut
ramenée comme passagère clandestine, accrochée aux flancs des galions portugais. Elle colonisa facilement le Tage et s'y développa dès le XVIIe siècle. Il fallut un autre bateau, le "Morlaisien", pour qu'elle conquière l'Europe ostréicole (voir encadré page 34). Quant à l'huître
japonaise, elle a fait le tour du monde pour arriver ici : si son origine est bien le Japon, la souche cultivée sur la côte atlantique est issue de la Colombie britannique. Devant le peu d'enthousiasme des Japonais à se départir de leurs naissains en 1970, les Arcachonnais
L’huître plate, vernaculaire (à droite) a été remplacée par la japonnaise
se tournèrent alors vers cette province canadienne qui l'élevait depuis quelque temps. En remerciement de l'accueil qu'ils avaient reçu sur le bassin quelques années auparavant, les ostréiculteurs canadiens donnèrent alors les précieuses souches. H20 2009
MÉMOIRE
35
Les "ambulances" d'huîtres servent à stocker les jeunes huîtres qui ont été blessées lors de l'opération de détroquage
À terre, les femmes peuvent monter sur les bateaux. Lorsque celui-ci prend la mer, les traditions marines ne les y autorisent pas : seuls quelques ostréiculteurs prennent ce "risque"
L’ostréiculture de l’estuaire a vécu son apogée Si le bassin d’Arcachon assure désormais 99 % de la production en Aquitaine, l’estuaire de la Gironde lui a longtemps tenu tête. À l’époque du romain Ausone (IVe siècle), la région n’a pas la même physionomie et ressemble plus à un delta qu’à un estuaire. Les nombreuses îles, marais salés et échancrures de la côte constituent un écosystème idéal pour l’huître. Il sera mis à mal dès les XVIIe et XVIIIe siècles, lorsque la Gironde est « canalisée » dans le lit qui est à peu près le sien actuellement. Le fleuve est plus étroit, moins ouvert sur l’océan et il draine donc plus d’eau douce. Les huîtres plates s’y font plus rares et, au milieu du XIXe siècle, les anciens gisements naturels y ont presque disparu. Il faudra un accident pour que l’estuaire retrouve sa gloire ostréicole qui sera liée à celle d’Arcachon : en 1868, un navire de commerce, le Morlaisien, doit livrer une cargaison d’huîtres portugaises à Arcachon mais la tempête l’empêche d’entrer dans les passes. Il poursuit son chemin jusqu’à Bordeaux pour tenter de passer par la voie terrestre mais il a perdu trop de temps et les autorités sanitaires lui ordonnent de vider sa cargaison dans l’océan. Le capitaine ne suit pas les ordres et décharge tout dans l’estuaire, au droit de Talais. Deux ans plus tard, les ostréiculteurs locaux font état d’un captage pléthorique qui sera exponentiel dans les années qui suivront : toutes les huîtres portugaises du chargement du Morlaisien ne sont pas mortes et elles ont trouvé dans l’estuaire un milieu idéal. L’ostréiculture estuarienne débute alors et elle fournit en naissains la zone de MarennesOléron puis le bassin d’Arcachon lorsque la
36
H20 2009
MÉMOIRE
Gravette y disparaît en 1920. Mais l’âge d’or de l’estuaire ne débutera que dans les années 50 lorsque la profession s’y organise. Elle était moins développée en terme économique, jusqu’alors elle servait surtout de ressources d’appoint à 1 200 familles, essentiellement des agriculteurs vivant en autarcie et utilisant les huîtres comme unique source monétaire. En 1968, l’activité est à son zénith et comptabilise 1 194 parcs de captage, 382 parcs d’élevage, 9 parcs d’affinage et d’expédition sur 672 hectares. Entre 1963 et 1968, les ostréiculteurs arcachonnais viennent y chercher chaque année entre 1,5 et 3 milliards de jeunes huîtres destinées à l’élevage. C’est dans ce contexte euphorique que survient la maladie virale de 1970 qui touche les huîtres portugaises. Mais contrairement à Arcachon, l’estuaire ne s’en relèvera pas : l’huître japonaise s’y fixe mal. Et surtout, presque aussitôt, le port du Verdon veut s’étendre et ne renouvelle plus les concessions les plus en aval. Sa construction va fortement modifier l’écosystème, rendant la culture des huîtres plus difficile. Au milieu des années 80, un dernier coup achève une activité moribonde : on découvre du cadmium dans la Gironde. Issu d’anciennes mines situées près de Decazeville dont les terrils d’extraction sont lavés par les pluies dans de petits affluents du Lot, change de forme physico-chimique sous l’effet du sel et il devient plus facilement absorbable par les huîtres. Leur vente est interdite. Aujourd’hui certains, pariant sur la baisse du taux de cadmium, espèrent revoir fleurir les parcs à huîtres.
Le ramassage des huîtres se fait à la fourche ou au râteau : l'ostréiculteur, de marin, devient paysan, "cultivateur des mers"
Les huîtres avant l'ostréiculture : un mollusque des gastronomes L’histoire des rapports de l’homme et de l’huître remonte bien avant la volonté de la France impériale de domestiquer la nature. Les Grecs d’abord, les Romains ensuite faisaient de l’huître un mets de choix. Un certain Sergius Orata, au IIe siècle de notre ère, avait aménagé près de l’actuelle Naples, des viviers pour protéger la ressource naturelle. Le poète Ausone, qui vivait deux cents ans plus tard près de Bordeaux, faisait grand cas de ce que Platon nommait « les truffes de Thétis » et soulignait que jusqu’à Rome, on goûtait fort les coquillages que l’on trouvait en abondance au pays des Médules (l’actuel Médoc). Rabelais et Montaigne aussi raffolaient des huîtres aquitaines mais vantaient plutôt celles de Buch, sur le bassin d’Arcachon. Le XVIIIe siècle se goinfrait d’Ostrea edulis, le nom de l’espèce vernaculaire,
Cartes postales tirées des collections personnelles de Jean Pierre Germain, président de la confrérie des GANEA (Gourmands de l'Arcachonnaise Nacrée et de l'Écaille d'Argent)"
au point que survinrent les premières pénuries. Tant et si bien qu’en 1750, le Parlement de Bordeaux en interdit la pêche durant trois ans. Avec un succès qui ne dura pas plus longtemps que le temps nécessaire pour piller encore les bancs existants. En 1759 et 1766 de nouveau, il interdit la vente de l’huître durant le plus fort de sa reproduction, de mai à août. La tradition des fameux « mois en ‘r’» en dehors desquels l’animal ne serait pas consommable est en partie issue de ces décisions draconiennes, tout autant que de l’aspect peu engageant du frai chez cette variété d’huîtres. Le XIXe continue d’osciller entre ces périodes d’abondance, de pillage de la ressource, et d’interdictions de cueillette plus ou moins respectées.
Le chaulage des tuiles permet aux huîtres de se fixer facilement sur une surface rugueuse mais facile à enlever pour éviter de les abîmer H20 2009
MÉMOIRE
37
parc réservoir
Aujourd’hui, un berceau des huîtres
En matière de production d'huîtres destinées à la consommation, l'Aquitaine est un poids léger de l'ostréiculture française avec une vente de plus en plus limitée à la région. Avec ses 8 500 tonnes annuelles,
elle est la moins importante des sept régions de production, loin derrière le Poitou-Charentes (27 500 t), la Normandie (27 000 t), la Bretagne Nord (26 000 t) et la Bretagne Sud (20 000 t). La Bretagne est la dernière région à produire des huîtres plates, 1 700 tonnes de "Belon". Seules la Méditerranée (10 000 t) et les Pays de la Loire (9 500 t) sont dans la même catégorie qu'Arcachon. En tout, ce sont 126 000 tonnes d'huîtres destinées à la consommation qui sont produites chaque année en France, ce qui en fait de très loin le plus gros producteur européen, devant l'Irlande (6 100 t)
Le retrait de la mer a mis à jour cette accumulation en haut de ce qui est maintenant une falaise de près de 100 mètres de hauteur. Baptisées Ostrea gryphea, les huîtres de Sainte-Croix sont proches des Gravettes par leur forme. Mairie : 05 56 62 01 39.
On retrouve des huîtres fossiles jusque dans les caves des châteaux, à Sainte-Croix-du-Mont
Les huîtres fossiles de Sainte-Croixdu-Mont
L'ostréiculture n’existait pas encore puisque l’homme lui-même n’était pas encore né : du haut des deux mètres
38
H20 2009
MÉMOIRE
Photo Jean-Luc Eluard
La Maison de l'huître
d'amoncellement d'huîtres fossiles de Sainte-Croixdu-Mont (33), 22 millions d'années vous contemplent. L'endroit était au miocène une crique sous-marine qui attirait les huîtres : elles s'y sont accumulées les unes sur les autres comme un corail.
Ce n'est pas un musée car l'endroit n'a pas vocation à entretenir un fonds mais la Maison de l'huître fait un point synthétique de l'élevage actuel et de son évolution. Fondée en 1994 par Pierre Guillaumou, un ostréiculteur, elle a été modernisée en 2007, et propose un film sur l'élevage des huîtres aujourd'hui et quantité d'anecdotes sur l'histoire de l'ostréiculture. Ouvert tous les jours (sauf le dimanche en dehors des mois d'été) de 10 heures à 12 h 30 et de 14 h 30 à 18 heures. 4,50 euros (2,50 euros pour les enfants). Port de Larros à Gujan-Mestras 05 56 66 23 71.
et les Pays-Bas (3 000 t). La France exporte 7 300 tonnes de mollusques et en importe plus de 3 000 tonnes. L'Europe elle-même ne compte que pour 2,9 % des 4,5 millions de tonnes de la production mondiale, écrasée par l'Asie qui en représente 93,9 %. Suite au départ des grossistes après la crise du TBT et surtout grâce à ses exceptionnelles conditions naturelles, le bassin d'Arcachon s'est spécialisé dans la vente de naissain aux autres zones de production : il fournit entre 60 et 70 % des 4,5 milliards de jeunes huîtres nécessaires à la production nationale. C'est le premier centre naisseur d'Europe.
Le phare de Richard
Petit musée de l'estuaire de la Gironde situé dans un phare restauré, avec une partie sur l'histoire de l'ostréiculture dans le Médoc. Ouvert tous les jours en été, de 11 heures à 19 heures ; de 14 à 18 heures sauf le mardi hors saison. 1,50 euro. À Jau-Dignac et Loirac. 05 56 09 52 39 ou www.phare-richard.com
La route de l'huître
Un parcours autour du bassin, avec des arrêts chez les ostréiculteurs participants qui expliquent leur métier. Possibilité de les accompagner sur les parcs avec dégustation d'huîtres au retour. Renseignements : 05 57 52 74 94.
Joël de Rosnay Scientifique du troisième type
Scientifique, écrivain prospectiviste, chef d’entreprise et Aquitain de cœur, Joël de Rosnay, est un penseur de la complexité, un pragmatique qui n’apprécie rien tant que de transformer ses idées en actions concrètes, et un artisan méthodique de la diffusion du savoir. Rencontre à Guéthary (64)
Au premier contact, quand il s’était agi de fixer un rendez-vous, un paramètre inattendu était venu s’intercaler dans l’agenda bien rempli de Joël de Rosnay : les vagues. « Je suis un surfeur inconditionnel » avait-il alors précisé. Pas de houle aujourd’hui donc. Au pied d’une falaise de Guéthary, la plage Parlamentia est largement découverte. « Un coefficient de cent un » précise le scientifique en arrivant dans le petit restaurant où il a ses habitudes. H20 2009
RENCONTRES
39
Le surf n’est jamais loin. Être au bon endroit au bon moment, savoir déceler le signe annonciateur d’un mouvement de fond, l’annoncer au plus grand nombre et tâcher de fabriquer les outils théoriques et pratiques pour avancer plutôt que sombrer. La vie de Joël de Rosnay est marquée par ce mouvement. Avec au départ, souvent, un sourire du destin. Puis, toujours, une longue et féconde fidélité à l’impulsion initiale. Après une thèse en chimie organique à l’Institut Pasteur, Joël de Rosnay a ainsi la chance de partir comme enseignant chercheur au MIT, la prestigieuse université du Massachussetts. C’est le début des années 70. Le timing est parfait pour assister aux prémices d’Internet et à l’émergence de la pensée systémique : deux tendances qui vont profondément le marquer et qu’il n’aura de cesse de diffuser.
Visionnaire, passeur et entrepreneur
Internet tout d’abord : « Je faisais partie du projet “Man And Computer”. Il y avait un gros ordinateur central et nous avions tous des terminaux dans nos labos et à domicile ce qui nous permettait déjà de créer ensemble et de partager nos connaissances en permanence. J’ai tout de suite senti qu’il y avait un potentiel extraordinaire » Cette expérience marquante l’aidera plus tard à anticiper la révolution en cours comme : « la mise en place non d’un nouveau média comme on l’a souvent dit mais d’un véritable un écosystème informationnel qui nous baignera complètement et par lequel passera la plupart de nos systèmes de communication ». Une vision forgée tant par son observation méticuleuse des nouvelles technologies et de ses impacts sur leurs utilisateurs que par le recours à la cybernétique, la théorie des systèmes et les sciences de la complexité, également abordées au MIT et aujourd’hui centrales dans la pensée de Joël de Rosnay : « j’ai alors compris qu’en complément de notre vision analytique, séquentielle, linéaire, disciplinaire cartésienne, typique de la formation française il était nécessaire de s’ouvrir à une approche reposant sur l’interdépendance, la complexité des feed-back et des inter relations. » Deux découvertes que le chercheur n’entendait pas garder pour lui. « Le macroscope » est publié en 1975 à son retour des États-Unis. C’est le premier livre d’une longue série et le début d’une carrière de passeur scientifique
40
H20 2009
RENCONTRES
qui s’illustrera notamment à la Cité des sciences et de l’industrie, mais aussi sur de nombreux sites internet où ses livres et ses conférences sont en accès gratuit. « Je ne me sens dans ma propre tâche que si je suis copié, recopié, suivi. Évidemment, il faut gagner sa vie et c’est pour cela que j’ai créé Biotics International, ma propre société de conseil. » À côté du visionnaire, de l’animateur de réseau, du communicateur se trouve donc un entrepreneur : « Le premier enjeu pour moi, c’est de relier constamment la théorie et la pratique. » C’est ainsi que la réflexion sur le net est prolongée par le site d’information participative Agoravox. Ou que, en écho à ses écrits sur l’écologie, Joël de Rosnay convainc le gouvernement de l’île Maurice, sa terre natale, de s’engager dans un ambitieux programme d’énergie renouvelable : « j'ai proposé qu'en 2028, l'île Maurice soit autonome à 65 % en énergie. » Agir, observer, analyser, croiser, anticiper, transmettre. On en revient toujours à cette boucle. Elle portait le dernier livre : 2020, les scénarios du futur (Des idées & des hommes, 2007), elle portera les trois livres à venir. Le premier dédié aux avantages et aux risques d’un monde dans lequel les puces « sorties de leurs boîtes » seront omniprésentes ; le deuxième axé sur la mise au point d’une éducation adaptée à la complexité du monde contemporain, utilisant au mieux ces nouveaux outils informationnels et théoriques ; et le dernier portant sur la gestion du capital santé : « la bionomie ». Nul doute que pour Joël de Rosnay, son inventeur, cette notion passe par l’Aquitaine « cette Californie Européenne » dont il loue « le sens de l’innovation associé à un enracinement culturel très fort » et où il aime tant revenir pour une randonnée en montagne, une conférence ou un ride en longboard. ■ ✏/ Donatien Garnier Aller plus loin : http://csiweb2.cite-sciences.fr/ derosnay/ H20 Plus : Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur www.cap-sciences.net
Photos Frédéric Desmesure
Annie Lacazedieu Pionnière du géotourisme De la vallée d’Aspe (64) jusqu’à l’Aragon, Annie Lacazedieu met sa passion au service des amateurs de tourisme naturel. Une invitation à la découverte du patrimoine géologique des Pyrénées
Une férue de cartes et de croquis. « Si je n’avais pas été géologue, j’aurais sûrement été architecte » ! Tiraillée entre sa passion pour le dessin, et son rêve d’être agronome, elle trouve finalement sa voie à mi-chemin. Arpentant les sites les plus reculés de France et de Corse où elle a effectué sa thèse de recherche, Annie Lacazedieu est bel et bien une femme de terrain. Nous la rencontrons en plein centre d’Oloron Sainte-Marie. Le lieu de rendez-vous n’est pas fixé au hasard. S’il est proche de son lieu d’habitation, il est aussi marqué par une particularité, accordant à notre rencontre toute sa légitimité. Nous sommes au pied de la chaîne H20 2009
RENCONTRES
41
GeoAmbiente, et la faculté de Saragosse. En 2004, on fête l’inauguration des premiers panneaux ; quatre ans plus tard, la réalisation complète du projet.
Un tourisme d’un nouveau genre
pyrénéenne, au commencement d’une route unique en Europe. Plus exactement, Annie Lacazedieu nous a conduit à la porte d’entrée de la Route Géologique Transpyrénéenne. De Bel Air aux Mallos de Riglos, en passant par la vallée d’Aspe et les reliefs escarpés du HautAragon espagnol, cet itinéraire de 200 kilomètres rassemble une sélection de sites remarquables, quelques-uns des plus beaux panoramas, livrant leurs secrets par le biais de panneaux et de lutrins installés le long de la route. Cartes et schémas expliquent les roches, les plissements, les paysages, illustrent l’histoire de la chaîne depuis 400 millions d’années, du dépôt des sédiments dans des mers aujourd’hui disparues jusqu’au creusement des vallées par les gaves. À Oloron, il s’agit d’un site d’initiation. Identique à celui de Jaca, en Espagne, il présente la route et quelques bases de la géologie pyrénéenne. Portée par son enthousiasme, Annie Lacazedieu commence à expliquer les cartes, à faire parler les roches. Mais que l’on ne s’y trompe pas : « je n’ai fait que contribuer à un projet déjà imaginé par Jean-Paul Richert et Pierre Gruneisen, deux géologues de renom. Ce sont eux les initiateurs de la route ». Annie Lacazedieu a surtout participé à la conception des panneaux. L’aspect didactique, c’est elle ! Après sa thèse, elle devient professeur de sciences de la vie et de la terre à Orthez. Quinze années durant lesquelles elle va transmettre aux élèves sa passion de la géologie. « Je les emmenais sur le terrain de façon systématique. Pour enseigner cette science, l’approche sur le terrain est irremplaçable. Il faut promouvoir le concret ». Un rôle qu’elle prend à cœur, si bien qu’elle devient inspectrice pédagogique régionale en 1985. Jusqu’à sa retraite il y trois ans, elle a formé et encadré les professeurs de SVT de l’Aquitaine. Un sens de la pédagogie affûté qui lui permet de se rallier au projet, avec un groupe de géologues de l’association française GéolVal. Puis vient la collaboration de l’association espagnole
42
H20 2009
RENCONTRES
Les panneaux ne font pas tout. Pour valoriser au mieux ces sites touristiques, des excursions sont organisées pour les scolaires et le grand public. « Nous sommes là pour raconter, pour accompagner. Une carte est un objet conceptuel qui résulte d’une construction intellectuelle. Pour faire parler un caillou, une carte, ou un paysage, il faut quelqu’un devant ». Les panneaux sont devenus de formidables supports de vulgarisation, ouvrant la voie à des sorties en tout genre : randonnées, balade à vélo, en rafting, etc. « Associer le plaisir de la découverte à un minimum de culture géologique », c’est ce que l’on appelle le géotourisme. Avec l’année Internationale de la Planète Terre 2008-2009, de nombreuses journées de découverte du patrimoine géologique sont organisées. Et elles rencontrent toutes un franc succès ! Certes, « le public est surtout constitué de géologues et de randonneurs, mais de plus en plus de gens s’y intéressent. C’est un moyen de s’ouvrir à notre patrimoine naturel, d’apprendre à le connaître, à le respecter ». Au retour du site de Bedous dominant l’ancienne vallée glaciaire, Annie Lacazedieu s’anime au sujet des carrières. « Dans cette vallée a échoué un important projet de carrière d’ophites, un matériau noble, très prisé pour fabriquer le granulat destiné aux bétons et revêtements routiers. À cause d’une pénurie croissante, la région importe ce matériau de plus de 500 kilomètres, voire de Norvège ou d’Ecosse, puis l’achemine par camions. C’est une aberration pour la planète… et pour l’économie de la région ». Un point de vue qui prend tout son sens quand on sait que la consommation de granulat par habitant est de 8 tonnes par an ! Si le géotourisme se développe de plus en plus, c’est qu’au-delà de l’intérêt touristique et culturel qu’il présente, Annie Lacazedieu nous fait comprendre qu’il est aussi le moyen d’instaurer une prise de conscience, de relier le plaisir aux problématiques actuelles de gestion de la planète. Au vu du dynamisme espagnol dans ce domaine, le géotourisme est somme toute bien parti pour connaître un développement dans les prochaines années. ■ ✏/ Claire Moras Pour aller plus loin : www.routetranspyreneenne.com www.aiptaquitaine.net
Photo Frédéric Desmesure
Franck Selsis Astrophysicien au LAB Spécialisé dans l’analyse des atmosphères planétaires, Franck Selsis, récemment arrivé à Bordeaux (33), vient de lancer un programme de recherche européen pour modéliser l’atmosphère des planètes situées en dehors de notre système solaire et retracer l’histoire de celle de la terre primitive
Cette année, les équipes du Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux encore hébergées à l’observatoire de Floirac se seront installées sur le campus de Talence. Les chercheurs profitent donc de leurs derniers moments sur le superbe parc installé sur les hauteurs de la rive droite bordelaise, truffé de coupoles et d’instruments d’observation astronomiques dont la plupart sont encore utilisés. Avant le début de l’entretien, Franck Selsis, astrophysicien et chimiste, revenu à Bordeaux
H20 2009
RENCONTRES
43
en 2008 après un parcours transdisciplinaire en Espagne et à l’école Normale Supérieure de Lyon, ne résiste pas à l’envie de faire découvrir la lunette méridienne : un télescope installé au XIXe siècle dont les données continuent d’être exploitées. Qu’on ne s’y trompe pas. Ce scientifique de 36 ans, dont les propos se colorent volontiers d’enthousiasme, n’est pas un nostalgique. Il serait même plutôt du genre à être en avance sur son temps. Très tôt, il a en effet souhaité orienter son travail vers les exo-planètes habitables : les planètes situées en dehors du système solaire et dont les caractéristiques de masse et de distance par rapport à leur étoile permettent d’envisager la présence d’eau liquide (et donc d’une forme de vie décelable) à leur surface.
Planètes inaccessibles pour l’homme
« J’en aurais bien fait le sujet principal de mes premières recherches mais on me disait : “revenez dans cinquante ans, quand on aura de vraies données” ». Franck Selsis n’en démord pas. Il est persuadé que les découvertes interviendront plus vite que prévu et qu’il faut développer un savoir pour pouvoir analyser les spectres lumineux émis par les exoplanètes, comme cela avait été fait pour les étoiles dans la deuxième moitié du XXe siècle : « J’ai donc axé ma thèse sur l’analyse de l’atmosphère des trois planètes telluriques de notre système solaire, Vénus, la Terre et Mars, car je pensais que ce serait, le moment venu, un savoir utile pour les décryptages des informations venues d’autres régions de notre galaxie. » À la surprise générale, les découvertes d’exoplanètes, dont la première remonte à 1995, se succèdent à un rythme de plus en plus élevé. « J’ai moi-même été étonné par l’habileté des observateurs, reconnaît Franck Selsis, ils en ont déjà identifié près de 300 et commencent à obtenir des informations sur la composition de leur atmosphère. Il s’agit pour l’instant de grosses planètes gazeuses étonnamment proches de leur astre, mais nous devrions bientôt trouver les planètes habitables qui nous intéressent. » L’heure n’est plus à l’atermoiement et les quelques équipes interdisciplinaires qui, ici et là dans le monde, se sont préoccupées de l’analyse de ces planètes ont le vent en poupe. Ce dont témoigne l’aide européenne qui vient d’être attribuée au projet « E3ARTH » porté par
44
H20 2009
RENCONTRES
Franck Selsis. Son savoir transdisciplinaire fondé sur l’analyse des atmosphères des planètes de type terrestres et la caractérisation des signatures détectables qui leur sont associées, lui permet d’ores et déjà de donner des indications pour les programmes observationnels. « Nous plaçons beaucoup d’espoir dans le satellite d’observation JWST qui remplacera le télescope Hubble en 2013. Nous pouvons déjà dire aux techniciens comment dimensionner leurs instruments pour nous fournir des données exploitables. » Les planètes qui intéressent Franck Selsis sont situées entre 1,2 et 30 Parsec (entre 4 et 100 années lumières). Autant dire totalement inaccessibles à l’homme. Pourquoi, alors, y attacher tant d’intérêt ? Au-delà des simples considérations métaphysiques ou épistémologiques, Franck Selsis se dit persuadé que l’étude de planètes habitables parfois beaucoup plus jeunes que la Terre permettra de résoudre les énigmes attachées à la formation de l’atmosphère terrestre et à l’apparition de la vie sur Terre. Un domaine justement étudié par Franck Selsis pour… mieux appréhender les différents types d’atmosphères envisageables sur les exoplanètes ! Si éloignées ces planètes soient-elles, l’analyse de leur histoire et de leur constitution n’est pas dénuée d’émotion : « Toutes les découvertes faites sur Mars ont d’abord été interprétées comme des traces de vie. Hypothèses toutes disqualifiées à ce jour, tient à rappeler le chercheur, nous devrons prendre garde à ne pas tomber dans ce piège. » En attendant, les premières images spectroscopiques d’exoplanètes habitables, Franck Selsis pétrit la matière dont il dispose pour fabriquer des modèles, simuler leur climat et la composition chimique de leur atmosphère, mais aussi pour « faire des erreurs » et être prêt à s’emparer de données qui, affirme-t-il avec un air gourmand : « seront forcément surprenantes. » ■ ✏/ Donatien Garnier
Photo Frédéric Desmesure
Philippe Jenny Le mécano de la colonne vertébrale Philippe Jenny est passé du statut de médecin à celui de chef d’entreprise, mais continue à servir la même noble cause : soigner. En 2005, il a fondé, à Pessac (33), « Creaspine », une start-up qui invente des implants innovants pour les colonnes vertébrales défaillantes
« Médecin et businessman », c’est ainsi que se qualifie, sans fard, Philippe Jenny lorsqu’on lui demande ses fonctions. À 53 ans, il est le président fondateur de Creaspine, une petite société girondine spécialisée dans la création d’implants du rachis, c’est-à-dire de la colonne vertébrale (« spine » en anglais). Comment est-il passé du monde médical à celui des affaires ? L’histoire a débuté il y a près de vingt ans, à Lille. Son diplôme de médecin en poche, Philippe Jenny fait des remplacements en tant que généraliste, et se spécialise en chirurgie. « Mais les perspectives H20 2009
RENCONTRES
45
étaient limitées. Je ne me voyais pas dans les mêmes quatre murs à 50 ans », confie-t-il. Il décide alors de suivre une formation d’un an dans une école de management, toujours à Lille, et débute sa carrière comme chef de produit à la Sofamor (Société de fabrication de matériel orthopédique), à Berck-sur-mer (Nord-Pas-deCalais). Puis, en 1992, on lui propose de diriger le service « marketing et ventes » de Dimso, une entreprise similaire, basée à Cestas. Il quitte alors le Nord avec femme et enfants pour s’installer dans le Sud-Ouest. Au même moment la PME est rachetée par le géant américain Stryker, et elle en devient très vite la filiale « rachis ». Elle commercialise des implants qui servent à fixer et fusionner des vertèbres défectueuses chez des patients souffrant notamment d’arthrose, ou victimes de fractures (suite à un accident de voiture, de parapente, d’équitation…) ou bien encore atteints de tumeurs vertébrales. C’est dans ce contexte que Philippe Jenny se spécialise en implants vertébraux. « J’ai participé au développement de la filiale, aussi bien au niveau médical que commercial. Je voyageais plus de 50 % de mon temps », se souvient-il avec enthousiasme. Il a sillonné la planète pour présenter toutes sortes de prothèses dorsales aux 10 000 chirurgiens de la colonne et aux quelques grands distributeurs. Les vis, crochets, plaques, tiges, cages, et autres vertèbres artificielles n’ont plus de secret pour lui. C’est donc tout naturellement, qu’après treize ans de bons et loyaux services chez Stryker, il décide de voler de ses propres ailes. « J’avais le goût de l’indépendance et je me suis dit qu’il y avait un créneau à prendre », note le quinquagénaire.
La start-up aux trois brevets
En novembre 2005, il fonde Creaspine, à son domicile, à Pessac (33), avec trois associés, deux chirurgiens et un ingénieur. Un an plus tard, la start-up obtient des bureaux dans la plate-forme d’innovation de l’Hôpital XavierArnozan, également à Pessac. Au même moment, elle recrute un directeur commercial et de développement, Franck Tricot, diplômé de BEM (Bordeaux École Management). Creaspine se lance pleinement dans son projet : proposer aux grands industriels de l’orthopédie, comme Medtronic ou Stryker, des implants vertébraux et cervicaux innovants, expérimentés par des chirurgiens. Il faut dire que dans ce secteur la technologie évolue en permanence. Ainsi, on est passé des tiges en fer et crochets en acier des années 80 aux alliages en titane dans les années 90, plus
46
H20 2009
RENCONTRES
flexibles. Aujourd’hui, ce sont les implants en plastique, apparus au début des années 2000, qui permettent les meilleurs résultats. « Le tube est plus souple et possède des ouvertures sur le côté pour permettre à l’os de mieux se reconstruire et de se vasculariser », explique Philippe Jenny. Ces implants sont composés de PEEK (polyétheréthercétone), un matériau bien toléré par le corps humain, résistant aux radiations, à la chaleur et à la pression. Creaspine a d’ores et déjà obtenu trois brevets pour ses produits. Elle a notamment conçu une vertèbre cervicale en PEEK et en sulfate de baryum, une substance qui permet de rendre l’implant visible sur les radiographies. « Cela nous permet de savoir si l’implant est bien positionné, s’il n’a pas bougé… », précise Philippe Jenny. La start-up a également imaginé un disque intervertébral artificiel destiné à la fusion osseuse, qui sera commercialisé en 2009. Quatre à cinq autres innovations sont en cours, et donc tenues secrètes. Côté rentabilité, la petite entreprise n’a pas non plus à se plaindre : pour 2007, elle affiche un chiffre d’affaires de plus de 400 000 euros. Et cela n’est pas fini : « Nous sommes bien partis pour faire plus du double en 2008 », confie son fondateur. Pour l’heure, près de 200 patients en France et aux États-Unis ont pu bénéficier de ces prothèses novatrices. « Nous ne faisons pas une commercialisation à grande échelle, souligne Philippe Jenny. Notre but c’est d’alimenter les grands industriels en produits innovants. » Le CHU de Bordeaux, unique hôpital en France à utiliser de tels implants, pourrait peut-être bientôt connaître une hausse de sa fréquentation en chirurgie du rachis. ■ ✏/ Florence Heimburger Pour aller plus loin : www.creaspine.com
D ébat “ ” Inotre nternet a-t-il révolutionné façon de communiquer ? Q
ue ferait-on aujourd’hui sans Internet ? De nombreuses personnes seraient désemparées. Le Web a révolutionné nos moyens de communication (mails, MSN). Il a offert la possibilité de communiquer avec le monde entier, d’accéder à une sorte de « bibliothèque mondiale » et donner naissance au télétravail. Pourtant, l’émergence d’Internet, conçu par l’armée américaine, est récente (début des années 1990). Le terme d'origine anglaise « Internet », dérivé du concept d'internetting (en français, « interconnecter des réseaux ») n’est devenu officiel que le 1er janvier 1983. En moins de vingt ans, Internet a bouleversé notre rapport au monde, avec autrui. Le Web est bien plus qu’un simple outil de travail ou de loisirs. Il
recouvre également de nouvelles pratiques sociales, comme le journalisme citoyen et dans ce monde virtuel, certains y voient même le cinquième pouvoir, un contre-pouvoir, capable de s’affranchir des dictatures. Qu’en est-il vraiment ? Donne-t-on trop d’importance à Internet ? Comment a-t-il bouleversé notre façon de communiquer ? Deux chercheurs, Thierry Lancien, sémiologue, professeur à l’Institut des sciences et de la communication (ISIC) à l’Université Bordeaux 3 et André Vitalis, professeur à l'Université de Bordeaux 3 et directeur du Groupe de Recherche et d'Études des Médias ont accepté de nous livrer leur point de vue pour nous éclairer.
H20 2009
DEBAT
47
André Vitalis La communication c’est d’abord la mise en relation physique entre deux choses, jusqu'alors séparées. Un pont par exemple est un moyen de communication, dans la mesure où il relie les deux rives d'une rivière. En ce qui me concerne, le sens, qui m'intéresse le plus, est celui de la diffusion centralisée d'un message, c'est-à-dire les mass media. Avec Internet, la situation change considérablement dans la mesure, où l'on introduit l'interactivité du récepteur. Longtemps, la communication a été la parente pauvre de l'information. On associait la communication à la propagande et à la manipulation. Il a fallu attendre les années 80 pour découvrir le rôle du récepteur. Il y a une sorte de réévaluation de ce qu'est la communication. En tout cas, la notion n'a rien d'évident comme le montre l'absence du mot « communication » dans certaines langues comme le japonais.
Internet a-t-il bouleversé la hiérarchie entre des acteurs de la communication ? La communication recouvre des formes multiples (communication politique, économique…). Ce terme est utilisé couramment, quelle définition en donnez-vous ? Thierry Lancien Les formes de communication évoluent avec le développement des technologies et des médias. Par exemple, la forte distinction faite jusqu’à maintenant entre communication interpersonnelle et communication médiatique doit être revisitée. L’une repose sur l’échange, le dialogue, l’interaction entre des personnes, l’autre sur la circulation de messages unidirectionnels allant d’un média vers un récepteur. Or, on constate aujourd’hui qu’Internet fait cohabiter ces deux types de communication, puisqu’il permet grâce à différents dispositifs (Facebook, forums, blogs) une nouvelle communication interpersonnelle à côté d’une communication médiatique elle-même en plein changement, qui offre au récepteur la possibilité d’interagir.
48
H20 2009
DEBAT
Thierry Lancien La communication médiatique était jusqu’à maintenant envisagée comme une communication verticale allant des médias vers le récepteur, mais aujourd’hui, avec Internet, la problématique change. Les médias numériques ont amené une nouvelle forme de communication. Il y a un nouveau récepteur, qui, grâce à l’interactivité deviendrait co-constructeur et co-énonciateur des médias. À la mi-novembre 2008, au Festival des « quatre écrans » à la Bibliothèque nationale de France (BNF) à Paris, il y avait une table ronde sur la question de savoir si les internautes ne deviennent pas de plus en plus des acteurs à part entière, car sur des sites comme You Tube, Daily Motion, ce sont leurs propres vidéos qui sont diffusées. On est, semble-t-il, passé d’un système, où l’on avait des médias monologiques, unidirectionnels, qui envoyaient des messages aux gens à un monde où les médias sont dialogiques, puisque le récepteur peut interagir avec eux. Toutefois, il est encore trop tôt pour dire que le spectateur devient « spect-acteur » ; et surtout, ce n’est pas généralisable. Cela étant, si ces formes d’interactivité se confirment ce sera une très grosse évolution voire une révolution dans la communication médiatique. Le récepteur ne reçoit plus seulement des messages, il peut intervenir dessus, les produire, les transformer, les modifier.
André Vitalis Ce changement majeur est apparu notamment au moment du naufrage de l'Erika. Avec le Centre d'étude des médias, nous avons réalisé en 2005 une recherche financée par le ministère de l'écologie (« Le rôle d'Internet dans les crises environnementales ») pour analyser ce qui s'est passé sur Internet, de décembre 1999 à avril 2000. Avec 6 millions d'internautes le réseau commençait à intéresser le grand public. Nous nous sommes aperçus que les internautes avaient émis beaucoup de critiques à propos de cette catastrophe en mettant parfois en cause l'action gouvernementale. Par exemple, à un moment, le gouvernement a déclaré qu'il n'était pas possible de faire la carte de la pollution à venir. Le lendemain, on pouvait voir sur le réseau, cette carte élaborée grâce à la collaboration d'un groupe d'internautes. On a mis en évidence ce rôle nouveau d'Internet donnant la parole à de nouveaux acteurs informationnels qui peuvent être vous et moi. La hiérarchie des énonciateurs du message a été bouleversée. Le monopole de la « puissance publique » a été brisé. Il n'y avait plus un expert officiel qui va dire ce qu'est la vérité, mais plusieurs experts.
Internet est-il une utopie pour la communication ? Thierry Lancien En tant que sémiologue, je m’intéresse à l’image et il est intéressant de voir que de plus en plus de gens et notamment des jeunes deviennent des producteurs d’images. On constate que ces images sont de plus en plus reprises par des médias, des diffuseurs ou encore des hébergeurs. Sur Current TV, la télévision créée par Al Gore, 30 % des programmes proviennent d’internautes. Pour les hébergeurs, les exemples de Daily Motion ou YouTube sont aussi très intéressants. On a donc des mouvements très sensibles. Par exemple, dans le secteur du journalisme, des inquiétudes naissent. Mes étudiants à l’IJBA (Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine) s’interrogent sur le devenir de leur métier, du fait de l’émergence du journalisme citoyen, du journalisme participatif. Cela va-t-il se confirmer ? Il faut être prudent. Quand on observe avec attention l’histoire des médias, on s’aperçoit que certains d’entre eux ont été investis de beaucoup d’espoirs comme la CiBi, les radios libres, le câble et que les espoirs en question ont été déçus. N’oublions pas qu’il y a beaucoup d’inconnues sur l’avenir d’Internet et sur son devenir économique. Est-ce qu’Internet restera un lieu participatif marqué par la culture de la gratuité de l’échange ou deviendra-t-il un jour une grosse industrie culturelle centrée surtout sur la diffusion de contenus ?
André Vitalis Depuis leur apparition, il y a des discours accompagnateurs des nouvelles technologies vantant tous les bienfaits qu'elles sont censées apporter au monde. Grâce à elles, on va mieux se comprendre, mieux participer, mieux s'entraider, construire une société plus juste, etc. Cela remonte à la mise en place des grandes infrastructures de communication comme le canal de Suez ou le télégraphe aux États-Unis. Avec Internet, on retrouve ce même type de discours, cette même utopie de la communication. Les choses vont très vite. En 1993, personne ne parlait d'Internet. Mais, attention, la technique comme nous en a averti Jacques Ellul n'est jamais neutre et toujours ambivalente. Il ne faut pas croire que parce que l'on a plus de moyens de communiquer, on va mieux communiquer. La surabondance des moyens est même perçue parfois comme une menace. Des enquêtes montrent que dans certaines catégories sociales, un besoin de déconnexion se fait jour. En tout cas, Internet ne saurait représenter le tout de la communication. Il faudrait être plus attentif dans l'avenir à la pluralité des moyens de communication et les choisir en fonction du type de communication que l'on veut privilégier. Chacun de ces moyens a des avantages et des inconvénients qui ne sont pas les mêmes. H20 2009
DEBAT
49
Le citoyen devient producteur d’information, mais quels changements cela induit-il en terme de représentations sociales ? Thierry Lancien Nous sommes dans une période de forts changements marqués par des redéfinitions importantes, mais il faut envisager les choses avec prudence. Sur la question des représentations, qui m’intéresse tout particulièrement d’un point de vue sémiotique, une grande partie de ces médias numériques, c'est-à-dire les médias de l’instantanéité, sont en train d’instaurer une communication avec de nouveaux modes de représentation. Jusqu’à maintenant, la représentation avait le temps de se construire dans les médias (hiérarchisation des événements, choix éditoriaux, choix des illustrations). Avec Internet, ce n’est plus forcément le cas. Cela touche à l’information mais aussi à des pratiques culturelles. On court le risque de ne pas réussir à construire nos mémoires. Il faut observer ces questions de très près sans avoir un point de vue forcément pessimiste, tout en prenant conscience de la taille des enjeux sociaux. André Vitalis En ce qui me concerne, je suis plus intéressé par les temporalités médiatiques que par les représentations. Il faut savoir qu'aujourd'hui nous passons plus de temps en moyenne à la consommation des médias (plus de 3 heures par jour de télé, plus de deux heures de radio à quoi il faut ajouter la lecture des journaux et le temps internaute) que sur un lieu de travail. Ces temporalités médiatiques qui entrent en concurrence avec les autres temporalités de la vie quotidienne, nous enferment dans un présent permanent, oublieux du passé et méfiant envers l'avenir. Une information chassant l'autre, notre intérêt est constamment relancé et constamment insatisfait. Plus que de donner un savoir, les médias entretiennent une incertitude. Internet lève toute contrainte temporelle et nous introduit dans les mondes virtuels.
Internet redéfinit-il notre façon de communiquer ? Thierry Lancien Oui, la communication interpersonnelle a tendance à diminuer, y compris dans des formes collectives, associatives. Jamais, l’individu ne s’est retrouvé
50
H20 2009
DEBAT
aussi seul face aux médias. Et au moment, où on a cette situation-là, il se retrouve face à une foule de possibilités médiatiques. Cela donne un paradoxe incroyable en terme de communication. Le risque, c’est l’explosion, l’implosion. André Vitalis Il ne faut pas oublier qu'Internet est dominé par des puissances d'argent, que la gratuité des services doit toujours être interrogée. Le réseau est certes un magnifique outil de communication, mais c'est aussi un magnifique outil de contrôle. Google nous offre la gratuité de ses services, dont on peut constater l'excellence chaque jour, mais en collectant sur nous un maximum d'informations qu'il va revendre, des opérations qui n'apparaissent jamais au grand jour.
Cela a-t-il fait naître une nouvelle forme de civilisation ? Thierry Lancien Il faut se méfier des grandes généralisations et de toute façon il est encore trop tôt pour savoir ce qu’Internet transformera vraiment en profondeur. Je crois cependant que comme pour d’autres médias, Internet plutôt que de changer de fond en comble nos pratiques médiatiques ou culturelles va les compléter voire les redessiner.
André Vitalis Il existe des problèmes intergénérationnels comme le font apparaître des études sur la culture des lycéens. Ces problèmes sont dus à une insuffisance de communication entre les générations. Auparavant la socialisation des jeunes se faisait dans la famille, à l'école ou par l'intermédiaire des églises. Aujourd'hui ce sont surtout les médias et le groupe des pairs qui assurent cette socialisation. On est devant une crise de la transmission. Il convient en effet de distinguer la diffusion qui assure un transport de l'information dans l'espace et la transmission qui assure un transport de l'information dans le temps. La différence essentielle entre les deux est que la diffusion peut être faite par des machines informationnelles, alors que la transmission exige toujours une interface institutionnelle et humaine. La crise que l'on observe aujourd'hui vient d'une trop grande place prise par les médias au détriment de la famille et de l'école. En clair, l'axe horizontal de la diffusion l'emporte sur l'axe vertical de la transmission. ■ Propos recueillis par ✏/ Nicolas César
André Vitalis Professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université Michel de Montaigne/ Bordeaux 3, directeur du Groupe de recherche et d’étude sur les médias. Il est l’auteur de nombreuses contributions (ouvrages, rapports de recherche, participation à ouvrages collectifs, articles et communications) sur les enjeux sociopolitiques et les régulations des médias et des nouvelles technologies. Il a notamment publié : « Vers une citoyenneté simulée. Médias, réseaux et mondialisation (dir. avec S. Proulx), Ed. Apogée/PUF, 1999 ; « Le bluff de la société de l’information » in Jacques Ellul, libre examen d’une pensée sans frontières, Ed. L’esprit du temps, 2005.
Thierry Lancien Professeur à l’Université Michel de Montaigne. Bordeaux 3 à l’ISIC (Institut des Sciences de l’information et de la Communication). Il a enseigné à l'université Paris 8 et à l’ENS de Fontenay Saint-Cloud (Crédif). Responsable du Gredac (Groupe de recherche et d’étude sur les dispositifs et les acteurs de la communication), il est l'auteur de nombreux travaux sur les rapports entre les médias, les nouvelles technologies et l'enseignementapprentissage des langues. On peut citer : « De la vidéo à Internet, Hachette, 2004, » « Quand les images rencontrent le numérique », Médiamorphoses, n°6, Paris, INA, 2002, « Du récepteur à l'interacteur sur Internet ». In La Télévision, Études de linguistique appliquée, n° 117, 2000.
H20 2009
DEBAT
51
... ...
... Q
UESTIONS DE
SOCIÉTÉ
SANTÉ
... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
Ces aliments qui nous veulent du bien Agroalimentaire et pharmacie : les frontières s’estompent Échange de bons procédés Des nutriments pour notre cerveau Les polyphénols, nouvel eldorado Dans l’antre des labos Des fraises sur ordonnance ? “Une réglementation de plus en plus exigeante”
52
Une tisane de verveine pour le mal de tête, du riz en cas de diarrhée, de l’ail pour faciliter la respiration… On le sait depuis des siècles. Les aliments ne font pas que nourrir, ils peuvent avoir un effet bénéfique sur la santé, atténuer ou prévenir certaines pathologies. Hippocrate, le père de la médecine occidentale, déclarait même, au Ve siècle av. J. C : « Que ton aliment soit un médicament et ton médicament un aliment ». Mais ce savoir jusqu’alors empirique se transforme depuis peu en véritable science. Les études se multiplient pour révéler les vertus du régime crétois au régime gersois. Dans les laboratoires de recherche, les molécules « santé » de nombreux aliments sont identifiées, testées, reproduites. Les compléments alimentaires envahissent les rayons des parapharmacies: gélules, comprimés, ampoules et pastilles enrichis en vitamines, extraits de plantes, magnésium, sélénium. Dans les gondoles des supermarchés, les aliments « santé » ont le vent en poupe : lait vitaminé, margarine aux phytostérols, huile aux Oméga 3, yaourt aux bifidus… Ils promettent de prévenir les maladies cardio-vasculaires, de diminuer le taux de cholestérol, de renforcer les défenses naturelles, abolissant ainsi les frontières entre aliment et médicament, bien que l’un reste clairement dans le préventif et l’autre dans le curatif. Ces tendances, l’Aquitaine les observe, les accompagne, les provoque par fois. Tout s’y joue pour l’instant dans les prémisses d’un rapprochement entre les secteurs de l’agroalimentaire et de la pharmacie et surtout dans une effervescence de recherches pour connaître l’impact des aliments sur la santé. Dossier réalisé par ✏/ Marianne Peyri Reportage photo ✇/ Pierre Baudier et Marianne Peyri
Fernando leal Calderon, directeur de l’Istab
Agroalimentaire et pharmacie : les frontières s’estompent L’une cherche à guérir, l’autre à nourrir. A priori bien différentes, ces deux industries multiplient désormais les points de convergence «
C
e sont deux secteurs qui se connaissent peu, se parlent peu, avec des pratiques et des logiques différentes » assure Fernando Leal Calderon, directeur de l’Istab, l’Institut des sciences et techniques des aliments de Bordeaux. « La pharmacie, en quête de nouveaux médicaments, investit énormément dans la recherche avec des études pouvant durer plus de dix ans. Le secteur agroalimentaire, régi par l’étroitesse de ses marges et un besoin de retour sur investissement rapide, privilégie plutôt les études marketing au détriment de l’innovation qui se limite juste à un changement de goût ou d’emballage ». Logique financière, poids de la recherche, culture d’entreprise, marché, finalité des produits… Un monde sépare a priori ces deux géants industriels. Pourtant, peu à peu, des liens se tissent, les frontières se fissurent. Deux symboles forts illustrent cette tendance. Au plan mondial, de grands groupes agroalimentaires tels Danone ou Nestlé se lancent dans des recherches pointues pour mieux connaître l’impact des aliments sur la santé, se développent également à coup de rachat de labos de pharmacie ou de cosmé-
tique. Au plan aquitain, la création en 2005 d’un pôle de compétitivité, Prod’Innov, se voulant à l’interface entre l’agroalimentaire et la pharmacie, apparaît comme un signe tout aussi fort du rapprochement en marche de ces deux secteurs auxquels on peut aussi aisément ajouter la cosmétique.
Des marchés alléchants
Derrière cette tendance, l’argument économique pèse bien évidemment dans la balance. Les aliments « santé » apparaissent comme un créneau très porteur. Neuf Français sur dix se disent ainsi convaincus de l’incidence de l’alimentation sur la santé (CREDOC, 2005). Conscient des effets désormais avérés de la « malbouffe » sur les maladies cardiovasculaires, l’excès de cholestérol ou l’obésité, le consommateur est tenté d’acheter « plus sain et équilibré ». Le marché français des alicaments (contraction entre aliment et médicament) connaîtrait ainsi une progression estimée à plus de 10 % par an (Ipsos, 2007). « Ce sont, en effet, pour l’agroalimentaire, les marchés de demain. On ne peut plus se contenter de tabler sur le terroir et la qualité d’origine des produits, comme on le fait actuellement en Aquitaine », explique Alain Cougrand, président de Prod’Innov. Parallèlement, la pharmacie s’intéresse de près au marché des compléments alimentaires (comprimés à base de vitamines, minéraux et plantes…) qui grimpe,
en France, de 10 à 20 % par an et génère des marges confortables. Comme l’agroalimentaire, le marché de la lutte contre le vieillissement des personnes âgées, l’intéresse vivement et travaille, de fait, à des médicaments dits de confort, pour améliorer la mémoire, l’apparence, la forme musculaire… Enfin, la pharmacie mise de plus en plus sur le marché prometteur des biomédicaments, utilisant des molécules prisées également par l’agroalimentaire.
Un enjeu de santé publique
« Ce rapprochement de deux secteurs est aussi une réponse à un enjeu économique de santé publique. Face à l’explosion des budgets de la sécurité sociale, les problèmes de santé ne doivent plus être abordés seulement par le curatif ou l’approche médicamenteuse, mais aussi par le préventif, domaine où l’alimentation a un rôle à jouer », précise Alain Cougrand. Les pouvoirs publics, qui indirectement participent à ce rapprochement de deux secteurs, l’ont bien compris. D’une part, à travers le Plan National Nutrition Santé, l’opinion publique est sensibilisée à grand renfort de publicité « manger 5 fruits et légumes par jour ». D’autre part, demande a été faite aux industriels de l’agroalimentaire, en les menaçant sinon d’une éventuelle taxe, de faire des produits plus équilibrés. L’étiquetage nutritionnel qui n’était que « recommandé » pourrait devenir H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
53
Les médicaments de demain
Les biomédicaments représentent aujourd’hui 30 % des médicaments en développement. Opposés aux médicaments issus purement d’une synthèse chimique, les biomédicaments sont fabriqués à partir de matière vivante (végétaux ou corps humain) et par extension à partir de protéines obtenues par un procédé biotechnologique. Ciblant plus finement les mécanismes moléculaires des pathologies, cette génération de médicaments offre de nouveaux espoirs de traitements thérapeutiques notamment pour les cancers.
Sur le campus de Pessac-Talence, au sein de l'unité Nutrition et neurosciences, dirigé par Paul Higueret. où l’on étudie l'impact de la vitamine A sur notre mémoire
également obligatoire, selon une proposition de 2008 du Parlement européen.
Des molécules à partager
Pour Paul Higueret, directeur de l’IRNHA, Institut de Recherche en Nutrition Humaine d’Aquitaine : « Si aujourd’hui, ces deux secteurs se rapprochent, c’est surtout parce qu’ils sont concernés par tout ce qui tourne autour de l’obtention de molécules d’intérêts nutritionnels : polyphénols, vitamines, Oméga 3… Ils vont avoir les mêmes problé-
54
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
matiques : comment extraire ces molécules, comment les tester ou augmenter leur bio-disponibilité pour qu’elles soient bel et bien capturées par l’organisme, comment les mettre en forme, les enrober, les encapsuler… Les procédés, les savoirs et les technologies vont être les mêmes ». L’agroalimentaire, notamment, sera demandeur d’un savoir détenu par la pharmacie, concernant des méthodologies d’impact d’un produit sur la santé : tests cliniques ou sur l’homme, suivis de cohortes mais également en termes d’exigences de qualité et de sécurité sanitaire.
« Ce besoin devient d’autant plus flagrant qu’une nouvelle réglementation de 2007 oblige l’industriel à prouver scientifiquement l’impact d’un produit alimentaire présenté comme bon pour la santé, soit avec allégation santé (lire aussi pages 68-69). Il leur faudra alors utiliser les mêmes méthodes que celles employées en pharmacie », ajoute Fernando Leal Calderon. La pharmacie, elle aussi y trouvera son compte « financier », en s’inspirant sans doute des méthodes de développement et de production de l’agroalimentaire. Pour l’instant, en Aquitaine, les premiers signes de ces tendances apparaissent timidement certes, mais ils sont bel et bien présents. « On est en retard par rapport à d’autres pays », reconnaît Alain Cougrand, « mais d’ici deux à cinq ans, le mouvement sera aussi en marche en Aquitaine et tout partira de la recherche ».
Échange de bons procédés Extraire des biomolécules, les reproduire, les stabiliser, les enrober… Autant de défis auxquels sont confrontés désormais agroalimentaire et pharmacie
Prenons les raisins. A priori, un aliment ? Mais pas seulement. Ses pépins, contenant les fameuses molécules appelées polyphénols, font aussi fureur dans d’autres secteurs. La marque girondine Caudalie, pionnière de la vinothérapie, utilise ses pouvoirs de protection de l’épiderme pour concocter ses crèmes de beauté. La société landaise Biolandes exploite ses propriétés antioxydantes pour fabriquer une poudre intégrée à des compléments alimentaires. Sanofi-Aventis situé à Ambarès prélève, elle, dans ses fameux pépins de raisins, des oligomères procyanidoliques, utilisées pour un médicament traitant les problèmes de jambes lourdes et de circulation veineuse. Au final, pour des produits bien différents, tous emploient des procédés similaires pour isoler, purifier et conserver les principes actifs naturels de ces molécules : l’extraction chimique, en mélangeant pépins et solvant, la filtration et la clarification comme pour le vin, l’atomisation pour réduire en poudre la solution aqueuse.
Un terrain commun: les biotechnologies
Cette convergence de procédés entre secteurs se retrouve également dans les biotechnologies, soit le mariage entre la science des êtres vivants, la biologie, et des techniques d’autres disciplines (chimie, génétique, informatique)… Les procédés de fermentation et d’utilisation de la levure, par exemple, se situent au cœur des biotechnologies. Là encore, les préjugés sautent. Attribuée plutôt à la fabrication de pain, de vin, de bière, bref des aliments, l’utilisation de microorganismes biologiques (bactéries, levures, moisissures, champignons) se répand également dans la pharmacie. Certaines espèces de
champignons issus de la fermentation donnent ainsi des antibiotiques. De même, l’insuline a été le premier médicament fabriqué à partir de levure. À Bordeaux, la société Mitoprod, elle, produit et commercialise depuis cinq ans, par fermentation, des ARN (Acides Ribonucléiques). Ces molécules, chargées de transférer les instructions génétiques inscrites dans l’ADN, pourraient ouvrir le champ à une nouvelle classe de médicaments contre les cancers et maladies virales. En l’occurrence, l’utilisation des biotechnologies (avec du sucre comme matière première utilisée pour la fermentation), plutôt que de la chimie, permet de produire en plus grande quantité. Une autre société basée dans les Landes, Saf Isis, producteur d’arômes pour la cosmétique et l’agroalimentaire, utilise de même la fermentation. Depuis quatre ans, elle a diversifié son activité en se lançant dans la production de probiotiques, servant à restaurer la flore intestinale et destinés à des compléments alimentaires ou à des produits laitiers tels que ceux aux bifidus. La levure, décidément, est partout.
Lyophilisation, hautes pressions et galénique
D’autres techniques plus connues comme étant le fief de l’agroalimentaire colonisent peu à peu le monde pharmaceutique. Ainsi, la lyophilisation, procédé de conservation des aliments depuis les années 50, se répand dans le domaine médical. Consistant à retirer l’eau des aliments pour les rendre stables, cette technique peut être tout aussi intéressante pour la conservation des protéines dans les biomédicaments. Développé également par l’agroalimentaire, le système des hautes pressions, permettant de stériliser des protéines sans les altérer, bascule dans le giron pharmaceutique. A l’inverse, les techniques galéniques innovantes de la pharmacie ouvrent de nouveaux horizons à l’agroalimentaire. La vectorisation, par exemple. Sa mission: transporter
Au cœur des biotechnologies, la société Mitoprod produit de l’ARN en utilisant des techniques de fermentation. La souche de levure capable de produire de l’ARN est mise ensuite dans un fermenteur avec du sucre liquide
les molécules actives dans le corps jusqu’à sa cible biologique (organe, tissu, cellule). En modulant l’encapsulation ou les systèmes d’administration (comprimés, injection, patch spray), le monde médical réussit ainsi à faire des médicaments plus « intelligents », plus ciblés, avec des prises espacées dans le temps. Bordeaux, grand pôle de développement galénique avec des sociétés telles que Galenix, Ellipse, Physica, détient ainsi un savoir dont l’agroalimentaire pourrait profiter si désormais elle introduit des biomolécules « santé » dans ses aliments ou recherche un contenant pour des compléments alimentaires. Sur le campus talencais, des physicochimistes du Laboratoire des milieux dispersés alimentaires (LMDA) planchent justement sur des technologies d’incorporation des molécules à un aliment. Un de leurs sujets actuels de recherche, par exemple, porte sur l’introduction des capsules de magnésium dans un yaourt sans que celles-ci ne « caillent » la matrice, restent stables pendant un mois et se libèrent ensuite au bon moment dans l’estomac… Les nouveaux paris ne vont pas manquer.
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
55
Mousse de fond de teint La cosmétique s’inspire aussi des techniques de l’agroalimentaire. Des produits de beauté dits foisonnés, auxquels on augmente le volume par incorporation d’air, sont, par exemple, à l’étude. Cette technique utilisée pour la crème chantilly, mousse
56
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
de foie gras ou de poisson pourrait être appliquée à des crèmes de beauté ou fond de teint, tout comme des produits de texture type shamallow pourraient bientôt voir le jour.
Un outil : Prod’Innov
C’est particulièrement sur ces échanges de procédés que le pôle de compétitivité, créé en 2005, en Aquitaine, prend tout son sens. Afin de favoriser les innovations dans la conception de nouveaux médicaments, compléments alimentaires ou alicaments,
le pôle facilite les échanges entre industriels, labos de recherche et centres de formation des deux secteurs, agro et pharma, qui à eux deux, en région, pèsent près de 40000 emplois, 1500 chercheurs, 3 universités et 4 écoles d’ingénieur (ESTBB, ISTAB, ENITA, ENSCPB). Prod’Innov s’applique notamment à lancer des formations
correspondantes aux nouveaux besoins de ces secteurs, à soutenir financièrement des projets de recherche sur le rôle des lipides à travers l’Institut Carnot-LISA (Lipides pour l’Industrie et la Santé) ou sur le lien entre nutrition et neurosciences à travers notamment l’Institut de Recherche en Nutrition Humaine
d’Aquitaine… Un appel à projets « Nutrivalia » vient d’être lancé pour permettre aux industriels de l’agro de réduire la charge calorique ou la teneur en sel et sucre d’un produit sans altérer le goût. C’est sans compter sur le grand symposium international sur le thème Nutrition et Santé organisé en juin 2009. H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
57
Des nutriments pour notre cerveau Dans les laboratoires de recherche bordelais, un thème, encore inexploré, émerge avec force : l’impact de la nutrition sur notre cerveau On connaît bien l’incidence de tel ou tel régime alimentaire sur les maladies cardio-vasculaires. L’impact sur notre cerveau, lui, est plus mystérieux. Avec le vieillissement de la population, il y a pourtant urgence à prévenir les troubles de la mémoire, retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer, ralentir le déclin cognitif… Les chercheurs aquitains, conscients de l’enjeu à relever, ont retroussé leurs manches. Des études épidémiologiques, coordonnées par Pascale Barberger-Gateau de l’Inserm (Bordeaux 2) ont notamment été lancées dès 1987 pour connaître l’impact de l’alimentation sur le vieillissement cérébral. Bilan neuropsychologique, prise de sang, questionnaire de consommation alimentaire… Près de 10 000 personnes résidant à Bordeaux, Montpellier et Dijon, âgées de 65 ans et plus, ont été questionnées, observées et suivies depuis 1999. À travers le projet « Coginut », diverses équipes de recherche (Iterg, Inra, Bordeaux 1 et 2…) utilisent ainsi ces données pour regarder de plus près l’incidence des acides gras poly-insaturés (AGPI), plus connus sous les noms d’Oméga 6 et 3, et des antioxydants sur la démence, les troubles de l’humeur et le déclin cognitif chez les personnes âgées. Ce projet « phare », reconnu désormais à l’international et financé par l’Agence Nationale de la Recherche, a déjà porté ses premiers fruits. Il est ressorti que les consommateurs
Les Oméga 3, nouvelles stars Les Oméga 3 n’en finissent plus de démontrer leur pouvoir bénéfique sur notre organisme. Où les trouve-t-on? Dans les huiles (noix, colza, lin,
58
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
réguliers de poissons ou d’huiles riches en Oméga 3 avaient un risque diminué de développer une démence ou un déclin cognitif. Les aliments riches en antioxydants (fruits, légumes, thé…) auraient de même un rôle protecteur contre le vieillissement cérébral. D’autres résultats, publiés en mai 2008 dans « l'American Journal of Clinical Nutrition », montrent également qu'un taux sanguin élevé d'un acide gras oméga 3 à longue chaîne appelé EPA est associé à une moindre fréquence des symptômes dépressifs chez les personnes âgées.
Des recettes contre la dépression
Prévenir la dépression par l’alimentation… Une équipe de recherche bordelaise au sein du laboratoire PsyNuGen (INRA, CNRS, Bordeaux 2) décortique justement les mécanismes de cause à effet entre alimentation et dépression. Le rôle d’interface du système immunitaire retient toute leur attention. « Lorsqu’on tombe malade, notre corps réagit et notre système immunitaire, par le biais des cytokines, c’est-à-dire de protéines informatives, active une première vague de défense: fièvre, fatigue, troubles du sommeil ou de l’humeur, manque d’appétit… Si l’activation du système immunitaire se prolonge, ces altérations peuvent s’intensifier et évoluer en dépression. Chez certaines personnes, les obèses ou les personnes âgées, par exemple, cette activation peut être chronique et latente. On constate chez eux un taux de cytokines dans le sang élevé », explique Sophie Layé, responsable de l’équipe Nutrition, cytokines et troubles neuropsychiatriques. Or, il se trouve justement que
soja) et dans les poissons gras (saumon, hareng, thon, maquereau, sardine…), mais également, aujourd’hui, dans d’autres produits (biscuits, huile, beurre, lait) « boostés » aux Oméga 3. Une étude menée en 2007 par l’Institut des Corps gras-Iterg de Pessac montre une évolution
le taux de cytokine dans le sang varie suivant son alimentation. Dès lors, il serait donc possible d’influencer la dépression par des facteurs nutritionnels. Certains micronutriments font figure de candidats « idéaux » pour bloquer les cytokines, responsables de la dépression: les Oméga 3 pour leur propriété antiinflammatoire, les antioxydantes vitamines E et C qui agissent sur les vaisseaux sanguins et limitent les réactions inflammatoires. « Mais, attention, la carence de certains nutriments n’est qu’un facteur parmi d’autres de la dépression ».
De la vitamine A pour garder la mémoire
Ces fameux Oméga et vitamines auraient également des pouvoirs bénéfiques sur la mémoire. L’unité bordelaise « Nutrition et Neurosciences » (ISTAB, BX1 et 2), explore la question. La vitamine A, que l’on retrouve notamment, dans les matières grasses du lait et
favorable de 60 % de la consommation d’Oméga 3 en dix ans parmi la population et une tendance à la baisse des Oméga 6 (présents dans huiles de tournesol ou d’arachide, graisses animales, jaune d’œufs). Le ratio recommandé de 1/5 entre Oméga 6 et Oméga 3 s’équilibre ainsi de plus en plus.
sous forme de son précurseur, le bêta-carotène, dans les végétaux (carottes, tomates, épinards…), agit dans les cellules via son métabolite actif l’acide rétinoïde et s’avère précieuse pour préserver l’une des formes de mémoire dite « épisodique » spécifiquement altérée au cours du vieillissement. « En vieillissant, en effet, on a plus de difficulté à intégrer de nouveaux éléments, à faire des liens entre des événements, à se remémorer leur enchaînement… Or, ces troubles de la mémoire pourraient être dus à une baisse de l’activité cellulaire de la vitamine A. Cette vitamine agit sur le plan cellulaire comme une hormone et contrôle l’expression des gènes dont beaucoup sont impliqués dans la plasticité cérébrale » indique Paul Higueret, directeur de cette unité de recherche. Ses travaux, entrepris depuis 2000, en collaboration avec l’équipe de Robert Jaffard, et menés sur des animaux, ont pu mettre en évidence que plus on vieillit, plus l’activité cellulaire de la
vitamine A, soit son utilisation et sa transformation en molécule active, diminue. Mieux encore: si on réactive cette activité cellulaire (soit par voie pharmacologique, soit par une supplémentation en vitamine A dans un régime alimentaire), on retrouve des capacités de mémoire équivalentes à celles qu’on avait adulte. Reste désormais à faire la preuve de ce concept chez l’homme. Des expérimentations vont débuter avec le CHU et le Centre d’investigation clinique. Cette unité de recherche compte également montrer la synergie d’actions entre vitamine A et Oméga 3, les deux partageant la même famille de récepteurs au niveau des cellules. Même si les premiers yaourts aux Oméga 3 « favorisant la concentration et la mémoire » sont déjà commercialisés, on peut se demander quand est-ce que l’on verra des aliments enrichis en vitamine A pour garder la mémoire?
Un pôle Nutrition et fonction cérébrale Depuis 2000, Bordeaux devient petit à petit un pôle reconnu à l’international sur cette thématique « Nutrition et cerveau ». Depuis la première collaboration sur l’impact de la vitamine A sur la mémoire entre Paul Higueret, alors directeur du laboratoire de nutrition de Bordeaux 1 et Robert Jaffard, directeur du laboratoire de
neurosciences cognitives, la spécialisation de Bordeaux est en marche. Les équipes de recherche se multiplient et se fédèrent au fil des ans. Un partenariat avec l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF) de l’université de Laval au Québec, tout comme un appui fort du Conseil régional
d’Aquitaine ont également dynamisé ce pôle qui compte aujourd’hui près d’une centaine de chercheurs: Isped, Inserm, Inra, Bordeaux 1 et 2, CNRS… et également l’Institut des corps gras, Iterg, qui assure l’interface avec les industriels. Les uns planchent sur le rôle de notre cerveau sur nos comportements alimentaires (obésité, anorexie, boulimie), d’autres s’intéressent à l’incidence de la nutrition sur le vieillissement cérébral. H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
59
Photo Yves Deris, INB
Le docteur Pierre Philip étudie les incidences de la somnolence sur les accidents de la route
Cerveau, sommeil et caféine
Au dernier étage de l’immeuble du Tripode, réside un laboratoire des plus originaux, le GENPPHASS, groupe d’étude neuro-psychopharmarcologique sur le sommeil et la somnolence. Un loft pour mettre les sujets à l’isolement et les priver de sommeil, des chambres d’enregistrement encéphalographique, une pièce équipée d’une vraie voiture pour simuler les conditions de conduite, en font un lieu étrange et unique. Les processus du sommeil et leurs incidences sur nos performances y sont observés dans un objectif bien précis : éviter des accidents de la route dont 20 à 30 % sont liés à la somnolence au volant. Dans ce cadre, le Dr Pierre Philip et son équipe se sont intéressés à l’impact du café sur notre état de vigilance, en menant des études en conduite réelle sur autoroute, durant le pic accidentogène situé entre 3 et 5 heures du matin. Leurs résultats publiés fin 2007 démontrent que la prise de caféine (200300 mg soit l’équivalent d’un mug) a un réel effet psychostimulant une demi-heure après son administration pour une durée d’efficacité d’1 h 30 à 2 heures Cependant une importante variabilité existe entre les personnes, chacun étant plus ou moins réceptif à la caféine.
60
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
Un régime contre la douleur
Nous ne sommes pas tous égaux face à la douleur. Pour une même lésion, certains vont ainsi ressentir plus fortement une sensation de douleur. Le vécu de la personne, notamment si elle a déjà été confrontée à la douleur, pèse dans la balance. Un autre facteur joue: la prise plus ou moins fréquente d’antalgiques dans son passé. « Les opioïdes, dont la morphine, sont des très bonnes molécules tout à fait utiles, mais ils entraînent à long terme de l’hyperalgésie, soit un ressenti exagéré à la douleur, conduisant à de la douleur chronique » indique Guy Simonnet, responsable de l’équipe « Homéostasie-AllostasiePathologie-Réhabilitation » de l’Unité mixte de recherche « Mouvementadaptation-cognition (CNRS, BX1 et 2), dont les travaux depuis dix ans démontrent cette thèse. Comment vaincre alors cette sensation de douleur chronique ou exagérée? « On a réussi d’abord à repérer dans le cerveau une des cibles responsable de cette hypersensibilité à la douleur, le récepteur NMDA. Une des premières possibilités était de bloquer ce récepteur par voie médicamenteuse, mais les effets secondaires sur le psychisme étaient trop gênants. Restait une autre solution : la
nutrition. On a, en effet, découvert que les polyamines, présentes entre autres dans l’alimentation favorisaient l’hyperfonctionnement de ce récepteur. Résultat, supprimer ces polyamines revient à bloquer les processus d’hypersensibilité à la douleur » décrit Guy Simonnet.
En parallèle de cette découverte, Jacques-Philippe Moulinoux (Groupe de Recherche en Thérapeutique AntiCancéreuse de la Faculté de médecine de Rennes 1), a, lui, démontré qu’une diminution de la consommation de polyamines pouvait également ralentir la croissance des cellules cancéreuses. Suite aux résultats de ces deux travaux, la société Nutrialys Medical Nutrition a été créée en 2006, associant les professeurs Moulinoux et Simonnet. Ils ont lancé, en sollicitant une entreprise agroalimentaire bretonne, deux solutés liquides à très faible teneur en polyamines. Classées dans la catégorie « Aliments destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS) », ces deux canettes sont aujourd’hui prescrites par ordonnance, l’une d’entre elles étant même remboursée à 50 % par la sécurité sociale. Un guide nutritionnel pour un régime alimentaire pauvre en polyamines a également vu le jour. Au CHU de Bordeaux, des tests cliniques se poursuivent actuellement sur des patientes atteintes de cancer du sein.
Les huiles sont l’une des premières sources en Omégas 3 et vitamine E. Au sein de l’Iterg, Centre technique industriel des professions du corps gras de Pessac, les tests s’enchaînent pour connaître l’effet de la consommation d’huiles sur, notamment, le vieillissement cérébral, mais également les maladies cardio-vasculaires ou les cancers. Leurs travaux ont débouché sur la commercialisation par Lesieur d’huiles enrichies en Oméga 3 ou qui « contribuent à entretenir votre vitalité d’esprit »
Les polyamines Elles sont nécessaires à la croissance des cellules. On trouve ces molécules en plus ou moins grande quantité dans l’alimentation. Aneth, concentré
de tomate, moule, rognon de veau, champignon de Paris, brocolis, choucroute, cornichon, petits pois… ont, par exemple, une teneur élevée en polyamines. D’autres produits ont des teneurs très faibles: maquereau, oseille, carotte râpée,
haricot rouge ou vert, chipolata, cœur d’artichaut… La consommation excessive de polyamines est surtout déconseillée en cas de maladie chronique comme cancers ou douleurs.
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
61
Les aliments de demain
Pousses de brocolis trente fois plus riches en antioxydants, yaourts prévenant les troubles de la mémoire, œufs aux Oméga 3, chewing-gums contre le rhume, jus de fruits protégeant la vue, soda détruisant les calories… L’innovation bat son plein. Selon le comité organisateur du Salon International de l’Alimentation, 26 % des innovations alimentaires au niveau mondial en 2007 ont été motivées par la question de la santé. Un chiffre en hausse constante.
62
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
63
Les vertus des polyphénols sont désormais largement exploitées par l’industrie des compléments alimentaires
La plateforme génomique permet d’identifier et de nommer les molécules “santé” dans nos aliments
Les polyphénols, nouvel eldorado Nichés au cœur des fruits et légumes, les polyphénols, aux vertus antioxydantes, titillent l’intérêt scientifique et séduisent les producteurs agricoles régionaux en quête d’allégation « santé »
On les trouve partout, dans les racines, les tiges, les écorces, les feuilles, les fruits. Tous les végétaux en ont. Certains plus que d’autres
tels le raisin, les fruits rouges, le thé vert…. Constituant l’une des armes principales de défense des plantes, les polyphénols ont la capacité de contrôler et d’éliminer les sources de radicaux libres, ces espèces chimiques qui attaquent ADN, enzymes, protéines des cellules… Utilisés de façon empirique par la médecine asiatique depuis des siècles, les polyphénols se retrouvent désormais comme additifs dans l’agroalimentaire, la parapharmacie et la cosmétique.
Ils deviennent un vrai « plus » de vente. Côté médical, bien que l’on sache désormais qu’une consommation importante de fruits et légumes, donc de polyphénols, réduirait le risque de cancer et de maladies cardiovasculaires, les mécanismes d’action de ces molécules restent encore mystérieux, avivant la curiosité des scientifiques.
Dans l’antre des labos bordelais « Polyphénols, vigne et vins », la thématique de recherche du GESVAB, Groupe d’étude des substances végétales à activité biologique, dépendant de Bordeaux 2, annonce la couleur. Les études
64
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
menées par cette unité s’attachent bel et bien à comprendre quelles molécules de la « dive bouteille » peuvent agir sur notre santé. « Le vin rouge est, en effet, très riche en polyphénols, entre 3 et 5
grammes par litre. Il contient plus de 200 molécules appartenant à diverses familles. Cette matrice complexe, en multipliant ses possibilités d’action sur la santé, fait sa force. En revanche, pour les
molécules ainsi que leur biodisponibilité. Des tests sur l’homme sont désormais en cours pour déboucher, qui sait, sur d’éventuels compléments alimentaires à partir de stilbènes.
Un petit verre de polyphénols
scientifiques, cela complique la tâche pour repérer quelle molécule agit, comment et sur quoi », indique Jean-Michel Mérillon, directeur du GESVAB. Depuis huit ans, son groupe constitué d’une vingtaine de chercheurs s’emploie à découvrir les secrets physiologiques et les identités multiples des stilbènes, sous-famille des polyphénols, cachés au cœur des peaux et pépins de raisin ou des sarments de vignes. Après avoir repéré ces stilbènes de vignes par culture cellulaire, les avoir identifiés, purifiés, fractionnés, isolés, ils ont pu au fil des ans démontrer, à travers des tests sur animaux, le pouvoir très actif et antioxydant de ces
Dès les années 70 L’Université Bordeaux 2 planche depuis les années 70 sur ces fameux polyphénols. Pionnier, le professeur Jacques Masquelier identifia les premiers OPC ou Oligomères ProCyanidoliques dans la fine enveloppe des cacahuètes,
En parallèle, au sein du GESVAB, des études épidémiologiques battent leur plein pour connaître l’impact de la consommation de vin sur la santé. Dominique Lanzmann poursuit ainsi les études de Serge Renaud, auteur du « french paradox », qui avait conclu qu’une consommation modérée de vin (à titre indicatif : 2 verres pour les femmes et 3 verres pour les hommes par jour) faisait baisser les risques de maladies cardio-vasculaires de 40 % et de cancers de 20 %. En suivant actuellement à Nancy une cohorte de 98 000 personnes, les premiers travaux de Dominique Lanzmann ont fait ressortir qu’une consommation modérée de vin pouvait réduire également les risques de cancer du tube digestif. Les études épidémiologiques bordelaises vont désormais se pencher sur l’impact de neuro-protection de ces molécules. Un travail mené en 1997, par le Docteur Orgogozo de Bordeaux 2, avait ainsi montré qu’une consommation régulière de vin diminuait de 50 % les risques de démence.
Ellagitannins contre cancers
Une autre famille de polyphénols, les ellagitannins, focalise l’attention de chercheurs bordelais. À l’Institut Européen de Chimie et de Biologie de Pessac (IECB), une dizaine d’entre eux scrute leur réactivité et leurs interactions
dans l’écorce de pin puis dans les pépins de raisins. Sa découverte déboucha notamment sur le lancement d’un médicament, toujours fabriqué à l’usine Sanofi-Aventis d’Ambarès, l’Endotelon, dont les OPC extraits des pépins de raisins favoriseraient la circulation sanguine. Dans les années 80, les travaux
possibles sur des cibles biologiques d’intérêt pharmaceutique. Ils sont les premiers à chatouiller ce type de polyphénols dont la chimie fait très couleur « locale ». « La première fois, on a pu identifier ces molécules dans un fût de chêne contenant du vin. C’est, en effet, le vin qui vient extraire les ellagitannins contenus dans le chêne » décrit Stéphane Quideau, professeur à l’université de Bordeaux 1, chercheur à l’IECB et auteur de « Chemistry and biology of ellagitannins » (World Scientific, 2008). Présentant un intérêt potentiel pour la chimiothérapie, ces ellagitannins font depuis 2006 l’objet d’un projet de recherche, « Ellag Innov », financé par l’ANR, associant l’Institut des sciences moliculaires (UNR/CNRS) la société privée Fluofarma et l’institut Bergonié. « Pour l’instant, on créé des outils pour produire en série et cribler ces molécules. Le Graal, ce serait d’obtenir, au final, dans quinze ans peut-être, un médicament utilisant les propriétés antitumorales de ces molécules capables de bloquer la multiplication des cellules cancéreuses. Dans les années 90, l’industrie pharmaceutique avait oublié l’intérêt des produits naturels. On y revient mais tout en utilisant les progrès réalisés depuis par la chimie de synthèse », conclue Stéphane Quideau, élu président en 2008 du « Groupe polyphénol », société savante rassemblant des centaines de chercheurs internationaux sur cette thématique.
Stéphane Quideau, IECB
du professeur Vercauteren donnèrent, eux, naissance aux produits cosmétiques de la marque Caudalie, utilisant les principes actifs des polyphénols, plus puissants que la vitamine E et C contre les radicaux libres, responsables à 80 % du vieillissement de la peau.
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
65
Des fraises sur ordonnance ? L’argument « santé » devenant juteux, certains producteurs de fruits et légumes aquitains ont entamé des recherches. Objectifs? Mieux connaître les effets de leurs produits sur la santé et obtenir une allégation. Fenêtre ouverte sur les potentiels phénoliques de la fraise « Maison Jeannette » à Douville, petit village de Dordogne. Les silhouettes ballonnées des serres s’étendent à flan de collines et à perte de vue. C’est tout naturellement, au cœur de ces terres, que le Ciref, Création Variétale Fraises Fruits Rouges, a élu domicile. Sur des dizaines d’hectares, poussent les plants de fraises les plus divers et originaux. Chaque année, près de 100 à 150 croisements génétiques y sont, en effet, réalisés, donnant naissance à parfois près de 10 000 variétés de fraises. Parmi elles, quelques-unes seulement réussiront les différents tests de sélection (goût, teneur en sucre, résistance aux maladies, conservation…) pour finir un jour dans nos caddies. Depuis le début du programme du CIREF en 1988, 12 nouvelles variétés de fraises ont ainsi été créées, « Charlotte », la plus connue,
66
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
« Ciflorette », « Cirafine » … Parmi les critères de sélection, un nouveau paramètre entre désormais en jeu: les composés nutraceutiques, à la fois nutritionnels et bons pour la santé. À la demande des producteurs de fraises, importants fondateurs et financeurs de cet organisme, le CIREF s’est lancé dans la création de variétés montrant de possibles effets « santé ». « Même si la préoccupation principale reste la protection des plantes contre les maladies, nous avons conscience qu’une allégation santé serait un atout pour vendre et répondrait également à une demande sociétale » indique Pierre Gaillard, directeur du CIREF, qui rappelle, qu’au « départ, si le CIREF a vu le jour, c’était justement pour disposer de nouvelles variétés de fraises différentes, plus goûteuses, capables de concurrencer la déferlante, dans les années 80, des fraises bon marché venues d’Espagne ». Question propriétés « santé », la fraise est justement en pôle position. On la retrouve dans le trio de tête des fruits les plus riches en polyphénols avec le litchi et le raisin. « La fraise possède de 2 à 11 fois plus de capacité antioxydante que le kiwi, la pomme, l’abricot ou la pêche », nous apprend ainsi Aurélie Petit, ingénieur de recherche au Ciref détachée à l’Inra de Bordeaux (Institut
National de la Recherche Agronomique). Se concentrant plus particulièrement sur les quatre antioxydants principaux de la fraise (vitamine C, anthocyanines, flavonoïdes, composés phénoliques), elle dose par des tests biochimiques le pouvoir antioxydant de plusieurs variétés de fraises. De plus, via des techniques de biologie moléculaire, elle définit la carte génétique du fraisier et détermine la région de l’ADN responsable de cette richesse en antioxydants. « Toutes ces connaissances vont permettre de créer des variétés (non-OGM) naturellement riches en antioxydants qui pourraient éventuellement prévenir le vieillissement des cellules, faire baisser les risques de cancer ou de maladies cardiovasculaire... ça peut déboucher aussi sur une variété de fraises plus résistante aux maladies, demandant moins de traitements chimiques, donc meilleure pour la santé » précise Aurélie Petit. Reste qu’on est loin encore des essais cliniques sur l’homme pour connaître le processus d’assimilation de ces polyphénols par le corps, et surtout savoir quelle quantité de fraises serait nécessaire pour un réel effet santé.
Le pruneau se secoue Depuis 2007, un projet important nommé « Prunactive » rassemble producteurs régionaux de pruneaux « Maître Prunille », entreprise d’extraction tel Berkem, chercheurs universitaires bordelais, pour mieux connaître les propriétés
du pruneau. Objectif : passer de l’allégation nutritionnelle (riche en fibres) à une allégation santé (prévient telle ou telle maladie). De premières études laissent, en effet, penser que les polyphénols contenus dans le pruneau
pourraient prévenir certaines maladies métaboliques. Si cette hypothèse se révélait exacte et débouchait sur une allégation santé, l’Aquitaine, grand producteur de pruneau, disposerait d’un réel avantage sur ses concurrents. H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
67
Une réglementation de plus en plus exigeante Entretien avec à Serge Alfos, chercheur à l’Université de Bordeaux 1, docteur en sciences des aliments et nutrition De quand date l’apparition des aliments avec allégation santé ?
Les premiers produits ont été lancés au Japon dans les années 80. Dans ce pays, cette tendance va très loin avec des bonbons enrichis aux antioxydants, des boissons pour la beauté de la peau, des yaourts censés faire du bien aux yeux ou aux articulations… En France, le mouvement a démarré dans les années 90. On trouvait, en premier,
68
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
beaucoup d’allégations nutritionnelles, de type « riche en fibre ou en vitamines », « source de calcium ». Puis les allégations « santé » sont apparues, du style « diminue le cholestérol » avec les premiers ajouts de phytostérols dans les margarines. Ont suivi des produits enrichis en probiotiques type bifidus, puis désormais en Oméga 3. Un secteur en plein développement est celui des aliments alléguant une prévention des maladies liées à l’âge, notamment cérébrales.
pour appuyer l’allégation de santé.
Les compléments alimentaires sont-ils soumis aux mêmes contrôles ?
Jusqu’alors en France, c’était surtout la règle du « pas vu pas pris ». Il y avait des contrôles, a posteriori, par la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de certains produits déjà en vente sur le marché. La nouvelle réglementation de 2007, qui s’applique aussi aux compléments alimentaires, devrait permettre de limiter le nombre d’allégations non fondées.
Au final, va-t-on être envahi par ces nouveaux aliments avec allégation santé ?
Non, car obtenir une allégation, démontrer scientifiquement l’effet d’un produit sur la santé, coûte très cher, avec des exigences parallèles à celles de la pharmacie. Seuls les grands groupes agroalimentaires pourront se le permettre. Il ne faut pas oublier non plus que seule une frange limitée de la population peut se permettre d’acheter ces produits plus chers et que la part du budget consacré à l’alimentation ne cesse de diminuer en France.
Cette convergence entre agroalimentaire et pharmacie, ce flou grandissant entre aliment et médicament, curatif et préventif, n’était-il pas dangereux ?
Ces « allégations » sont-elles soumises à une réglementation ?
Avant 2007, chaque pays européen avait ou n’avait pas sa propre législation. C’était un peu la cacophonie. Depuis juillet 2007, une nouvelle réglementation européenne permet d’évaluer les allégations selon les mêmes critères pour tous les produits de l’Union européenne, facilitant ainsi leur libre circulation. C’est l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité
alimentaire, qui délivre maintenant les autorisations pour des produits porteurs d’allégations nutritionnelles ou de santé. Cette réglementation est devenue beaucoup plus exigeante puisque la demande d’autorisation d’allégation doit être faite préalablement à la mise sur le marché du produit. De plus, si comme auparavant l’industriel doit prouver scientifiquement les effets bénéfiques du produit sur la santé, le niveau de preuve s’est accru avec notamment la nécessité d’avoir réalisé des essais cliniques
Sur le fond, je crois que c’est une tendance plutôt positive car elle favorise une prise de conscience de l’importance de la nutrition sur la santé, de son rôle préventif sur certaines maladies. Tant chez les industriels qui vont tendre à fabriquer des produits de plus en plus équilibrés que dans la population qui va faire davantage attention à ses habitudes alimentaires. L’important n’est donc pas l’arrivée sur le marché de ces nouveaux aliments, mais plus le côté éducatif de ce mouvement qui tend à changer les mentalités.
H20 2009
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
69
... ...
... Q
UESTIONS D’
E NVIRONNEMENT
PAYSAGE
... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
L’homme et le paysage Un lieu d’identité et de regards
À l’image du paysage
Un espace légiféré et encadré
Fabrique de l’aménagement
L’économie du paysage
Une valeur ajoutée omniprésente
70
Pour la 13e édition du Théâtre de la science, Cap Sciences propose d'explorer le thème des rapports que l'homme entretient avec le paysage "L'homme et le paysage". Aujourd'hui il est au coeur de préoccupations aussi bien écologiques, économiques que culturelles. Qu'est-ce qui constitue le paysage ? Sur quelles bases orienter l'aménagement du paysage ? Les éléments du paysage participent-ils à la formation d'une identité ? Quelle valeur donne-t-on au paysage ? Comment concilier le paysage hérité avec le projet de paysage ? Les rencontres multiformes proposées dans le cadre du Théâtre de la Science permettent aux publics de rencontrer des paysagistes, chercheurs, historiens, sociologues, géographes... et d'échanger avec eux sur une question qui concerne directement notre cadre de vie. Le dossier qui est publié dans les pages suivantes permet d’appréhender les problématiques de ce thème sur lesquelles des spécialistes vont débattre tout au long de l’année. Vous pouvez retrouver le programme du Théâtre de la science ainsi que les podcasts des conférences passées sur cap-sciences.net.
Dossier réalisé par ✏/ Alexandre Marsat Reportage photos ✇/ Antoine Luginbuhl
Un lieu d’identité et de regards « Chacun s’approprie un espace territorial qui comprend son espace de mobilité : entre son domicile, son travail, ses loisirs, les services qu’il recherche, ses espaces de consommation. (…) Les études montrent que tout citoyen perçoit les paysages traversés comme un élément fondamental constitutif de son territoire » explique Michel Prat, directeur de la Conférence permanente sur l’aménagement et l’urbanisme (CPAU) Aquitaine. On comprendra alors aisément que toucher à ce territoire c’est toucher à l’âme de ses habitants. D’où les réactions de résistance quand on veut insérer une nouveauté dans le paysage, qu’il s’agisse d’un aménagement urbanistique (éolienne, moyen de transport, lotissements,…) ou paysager. Il est donc difficile de parler du paysage sans évoquer les relations que les hommes entretiennent avec lui.
Tentation du paysage
Pour faire un peu d’histoire, Serge Briffaud, professeur à l’École d’architecture et de paysage de Bordeaux, rappelle que la perception du paysage est liée dès le moyen âge à la culture judéo-chrétienne. Il prend pour exemple une lettre de Pétrarque (XIVe siècle) où l’auteur raconte son ascension alpine et se délecte de l’horizon offert à lui : « Pétrarque comprend tout à coup qu’il est en train de commettre un péché terrible en jouissant du
spectacle qui s’offre à lui par ce panorama. Comme punition, il s’impose de redescendre dans la plaine sans prononcer une parole et refuse de parler pendant plusieurs jours. C’est un élément fondamental du regard occidental, qui explique pratiquement toute la culture du paysage occidental avant le XVIIIe siècle et le début du XIXe. C’est aussi une des racines de notre propre regard. Pendant longtemps, pour que le paysage puisse être valorisé, il a fallu éviter cette tentation dont il était porteur. Il a fallu imaginer des chemins détournés, qui permettaient de satisfaire cette attitude tout en élimant ce côté tentateur. » L’humanisme religieux du Moyen-Âge et de la Renaissance a transcendé cette vision. On peut poser un regard contemplatif sur le paysage car ce « qui ramène à Dieu ; c’est précisément l’action humaine, la possibilité qu’a l’homme de révéler Dieu, les signes du divin, dans le paysage. » Dès lors, les hommes et notamment les moines appelés « défricheurs », vont valoriser le paysage. (cf. les étangs de la Brenne en Indre). On peut se demander si cette vision judéo-chrétienne du paysage n’a pas laissé quelques traces dans notre perception actuelle.
Espace de symboles
Outre la perception judéo-chrétienne, il existe toute une cosmogonie autour du paysage. Par définition, lieu de vie des hommes, il est parfois constitutif de leur culture et cosmogonie.
Si la vision occidentale du paysage a évolué, on n’y place plus le diable, il reste le lieu de tous les symboles. Ne dit-on pas d’un paysage magnifique, qu’il est un « paradis terrestre » ? On s’imagine le paradis comme un gigantesque jardin enchanteur. Chaque fleur ou arbre possède sa symbolique propre, souvent issue du monde religieux mais aussi plus « païen », profane. Qu’est-ce que ce lien au religieux signifie aujourd’hui ? Parce qu’il fait partie de leur cadre de vie, le paysage (la terre) est devenu objet de convoitise pour les humains. Autrefois, les seigneurs et les royaumes montraient leur puissance non pas seulement par leur richesse mais aussi par l’étendue de leurs terres. Vaincre l’autre, ce n’est pas uniquement lui dérober ses richesses matérielles, c’est le déposséder de ses terres. Cette vision semble avoir marqué notre rapport au paysage. Aujourd’hui alors que les terres n’appartiennent plus seulement aux nobles, chacun veut posséder un lopin de terre. Créer un foyer, n’estce pas construire (ou occuper) une maison sur un territoire bien délimité ? Dans le cas de la construction des châteaux, les architectes devaient faire en sorte que les jardins (qui sont devenus de plus en plus importants dans la construction des châteaux) ne soient visibles que depuis le château, pour marquer la propriété de cette richesse. De même, les fenêtres et les terrasses des châteaux devaient permettre le regard contemplatif sur le parc et la forêt, qui s’étendent à perte de vue. H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
71
À l’image du paysage Le paysage est source de nombreuses illustrations. On a tous en tête des photos et des tableaux de paysages. De beaux paysages... Il est intéressant de se pencher sur ces arts graphiques, de prime abord réalistes, car cela nous donne à voir quelle est la perception des paysages de ces artistes et de leurs contemporains. L’exemple le plus récent de l’image du paysage est donné par Yann Arthus-Bertrand. Le succès de ses publications, au-delà de la qualité de ses clichés, prouve un réel intérêt pour les paysages de la Terre. Ses photos nous invitent à la balade, au rêve, elles nous transportent dans des paysages que l’on ne connaît pas. Sont-ils réels ? Derrière cette question polémique
72
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
se cache une véritable interrogation. Il est évident qu’un cadrage est par définition subjectif. On nous montre donc un choix, une sélection. C’est un parti pris. L’ « esthétisation » des images du paysage est poussée à l’extrême. En effet, sur les clichés des photographes qu’ils soient amateurs ou professionnels tout élément qui viendrait enlaidir l’image ou rompre les lignes est retiré. Une belle photo de paysage est ce qui est figé, telle une carte postale. Impossible d’imaginer une photo de paysage avec des pylônes électriques, des lampadaires, des routes, un hangar agricole, des silos à grains,… Toute trace humaine est effacée. Parfois, ils sont présents ; et c’est loin d’être une faute de goût. Au
contraire, la route, le chemin de fer apparaissent car ils permettent de lancer des perspectives, de démarquer des couleurs dans les champs, entre tournesols et jachères. Le photographe ne souhaite pas photographier des voitures sur ces routes car elles sont devenues des traits de dessin auxquels on a retiré toute utilité humaine. Même les habitats n’apparaissent que s’ils apportent un caractère graphique comme les maisons blanches et rouges du Pays Basque. Les arts graphiques révèlent la perception du paysage suivant les époques. Par exemple, au XVIIIe, Piranesi, Vasi et d’autres artistes reproduisent les ruines gréco-romaines. Monde gréco-romain qui est glorifié durant ce XVIIIe siècle.
Les peintres semblent en effet refléter la perception de leur époque sur le paysage. Leurs tableaux symbolisent la divinité puis la beauté des nouveaux parcs des jardins classiques. Au XXe siècle, l’évolution de la peinture du paysage a-t-elle suivi la perception du paysage ? Pourquoi les photographes retirent-ils de leurs photos tous ces éléments ? La finalité n’est-elle qu’esthétique ? Répondent-ils à une demande de magnificence de leur public ? Que pensent les sociologues des représentations du paysage ? L’image est-elle imagination ? Les arts nous renseignent-ils sur notre perception des paysages ?
Un thème pour toutes les sciences Le paysage, alors qu'il est aujourd'hui considéré comme l'affaire de tous (élus, habitants, agriculteurs...), est un domaine qui intéresse le monde des chercheurs depuis longtemps. Avec sa singularité de ne pas être une discipline scientifique à part entière, le paysage a la particularité d'être un domaine de recherche commun à de nombreuses professions. C'est ainsi, que les historiens, les géographes, les sociologues, les agronomes... travaillent, le plus souvent, en équipe interdisciplinaire pour étudier les paysages urbains ou ruraux, en France ou à l'étranger. Les thématiques de recherche, quant à elles, varient d'un laboratoire à un autre, allant de l'étude des représentations sociales du paysage à celle des dynamiques des espaces urbains ou ruraux. Même si tous ces travaux peuvent paraître difficiles à saisir, pour un public non averti, un grand nombre trouve des champs d'application concrets comme la gestion des espaces agricoles et forestiers, la construction des politiques publiques paysagères ou encore l'élaboration du contenu des programmes pédagogiques, à l'exemple du CEPAGE (CEntre de recherche sur l'histoire et la culture du PAysaGE) à l'École nationale supérieure d'architecture et du paysage de Bordeaux. Pour en
savoir plus, il est possible de consulter les sites internet et les diverses publications des laboratoires, ou encore d'assister, tout au long de l'année 2009, aux rencontres proposées dans le cadre du Théâtre de la science sur le thème de l'homme et du paysage. CEMAGREF Bordeaux (Centre Machinisme Agricole Génie Rural Eaux, Forêts) Unité de recherche ADBX (Aménités et Dynamiques des Espaces Ruraux) 50, avenue de Verdun Gazinet - 33 612 Cestas Cedex Tél. 05 57 89 08 00 http://www.bordeaux.cemagref.fr/pub lic/adbx/index.html
CEPAGE (CEntre de recherche sur l'histoire et la culture du PAysaGE) ENSAP Bordeaux, Domaine de Raba, 33 405 Talence Cedex Tél. 05 57 35 11 29 http://www.bordeaux.archi.fr/recherc he/CEPAGE/default.htm UMR ADES (Aménagement, Développement, Santé et Sociétés) Maison des Suds, 12 Esplanade des Antilles, 33 607 Pessac Cedex Tél. : 05 56 84 68 52 http://www.ades.cnrs.fr
UMR SET (Société, Environnement, Territoire) IRSAM, Avenue du Doyen Poplawski, 64 000 Pau Tel : 05 59 40 72 53 http://web.univpau.fr/RECHERCHE/SET/
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
73
Un espace légiféré et encadré Le paysage, ressenti comme un grand espace de liberté est pourtant régi par de multiples lois, aux enjeux différents. Comme on l’a expliqué auparavant, le paysage est ressenti comme un espace de valeur commune, le modifier c’est atteindre notre identité. Il a été nécessaire de réglementer l’économie, le marché du travail ou encore la circulation routière,... de la même manière, le paysage a été légiféré. Quel élu ou quel citoyen n’a pas été freiné dans ses ambitions d’aménagements par les différentes règles et lois ? Elles servent toujours à protéger le paysage et la nature.
La Loi littoral a, par exemple, permis de conserver en l’état des étendues très convoitées. Comme cette dernière, toutes les lois promulguées sur le paysage ont pour objectif de protéger le paysage, souvent en le figeant. Mais la législation ne s’arrête pas à ces lois généralistes, il existe tout un attirail de règles et d’arrêtés qui le protège. Au niveau local, les élus fixent le Plan
74
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
local d’urbanisme (PLU) qui n’a d’autre objectif que d’encadrer l’aménagement du territoire local en décidant sur quelle parcelle on peut construire ou non, et en usant de la possibilité de classer des zones dites « vertes » qui deviennent alors intouchables. Les propriétaires fonciers n’ont donc pas la possibilité de faire ce qu’ils veulent de leurs terrains. Le paysage étant une valeur commune, un individu seul ne peut pas décider de l’avenir d’une partie du paysage.
Patrimoine commun
Le Conseil européen explique d’ailleurs dans le préambule de la convention européenne du paysage son importance : « Le but du conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun, et que ce but est poursuivi
en particulier par la conclusion d’accords dans les domaines économique et social ». Le paysage est ainsi élevé au grade de patrimoine commun européen. Ce texte signé en 2000 donne au paysage une valeur toute nouvelle. C’est l’aboutissement de nombreuses lois et règles précédemment adoptées par les états membres qui ont établi petit à petit une véritable politique publique du paysage. Certains poussent la protection du paysage jusqu’à l‘arrêt de l’importation de plantes et la protection totale des plantes endémiques. On protège les espèces rares. À Bordeaux, l’angélique d’estuaire a retardé l’aménagement des quais ; et on ne compte plus les grands chantiers arrêtés ou retardés pour la sauvegarde d’une espèce. Il est clair que le patrimoine paysager prévaut. On retrouve cette notion de patrimoine, sous un sens différent, pour le classement de l’Unesco qui comprend trois listes (1) : le patrimoine culturel, le patrimoine naturel
(paysage) et le patrimoine mixte (culturel et naturel). Modifier un élément de ce patrimoine ou ne pas assurer sa protection et c’est la perte de ce classement comme cela s’est vu avec le sanctuaire de l'oryx arabe à Oman ou encore la menace qui plane sur Bordeaux pour l’évolution de son paysage (ponts), car cela modifierait un « ensemble urbain et architectural exceptionnel. » (2) ou encore Dresde, car cela « porterait atteinte à l’intégrité du paysage ». Toutes ces lois, classements et règles font du paysage un espace intouchable. Par définition le paysage est en constante évolution naturelle, en incessante création, en perpétuel mouvement. La législation a pour but de le protéger ; de le préserver de toute attaque humaine. Cependant, est-il immuable ? Peut-on s’arroger le droit de le figer, d’empêcher finalement son évolution ? (1) http://whc.unesco.org/fr/list (2) http://whc.unesco.org/fr /list/1256
Un symbole identitaire Les hameaux, les villages, les départements semblent appartenir à une communauté même quand les hommes n’ont pas de titre de propriété sur ces paysages. Pour preuve, l’identité des habitants qui se définit par territoire. On est de telle vallée ou de telle zone géographique précise. Et, si quelqu’un veut toucher à cette zone, c’est une levée de bouclier d’autant plus forte que la personne ou l’institution ne fait pas partie de la communauté, de cette terre. De même, les « étrangers » ne peuvent pas toucher aux r e s s o u r c e s de « notre » bois ou pré. L’exemple le plus commun est la cueillette des champignons. Aller chercher des cèpes sur un territoire qui n’est pas le sien est mal perçu et pour peu que la plaque d’immatriculation montre que l’on n’est pas du même département,
les réactions peuvent être violentes. Plusieurs interrogations viennent alors à l’esprit. Le paysage peut-il s’approprier. N’est-il pas un bien commun ? Un « patrimoine commun » comme le proclame le Conseil de l’Europe dans son préambule de la Convention européenne de paysage ? Perçoit-on le paysage de la même manière si on est propriétaire, géographe ; agriculteur, urbaniste, touriste ? Si les hommes se sont appropriés le paysage, cadre de leur vie, pourquoi les artistes représententils les paysages vierges de toute trace humaine ?
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
75
Fabrique de l’aménagement Le paysage même s’il est protégé par des lois (lire page 74) est depuis longtemps modifié par les hommes qui ont créé des corps de métier spécifiques à cette modification. On comprend alors que l’existence du paysage nécessite aussi une « fabrique du paysage ». Le premier métier qui vient à l’esprit quand on parle de paysage est le terme de paysagiste. Plusieurs grandes écoles forment ces paysagistes dont les plus connues sont les écoles nationales supérieures du paysage de Versailles, Bordeaux et Lille d’où sortent des architectes paysagistes après quatre années d’étude. Ce métier s’est développé après les années 60, face à la croissance urbaine et à la naissance des villes nouvelles.
76
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
Auparavant, cette profession n’existait pas en tant que telle. Pourquoi ? A-t-il fallu fabriquer du paysage face à l’urbanisation croissante ? Ce nouveau métier est l’aboutissement des métiers de jardiniers d’autrefois, considéré alors comme les dessinateurs de parcs et jardins. Mais si l’on peut dessiner des jardins privés, peut-on dessiner un paysage dans son ensemble ? Comme le rappelle Pierre Donadieu, professeur à l’ENS du paysage de Versailles, « ce sont les pouvoirs publics qui, confrontés à la demande sociale de cadre de vie, firent progressivement appel aux paysagistes et contribuèrent puissamment à construire la commande de paysage ». Il rappelle
qu’en 1979, le ministère de l’Environnement créa la Mission du paysage, qui fut relayé dans les départements par les Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) puis par les Parcs naturels régionaux et les directions départementales de l’équipement (DDE). On est alors entré dans une véritable fabrique du paysage planifiée et encadrée. La loi Voynet viendra, en 1999, compléter cette organisation des territoires (1).
Mise en scène
Si aujourd’hui, la fabrique du paysage est pensée d’un point de vue global, il faut rappeler que depuis des siècles, les jardiniers ont façonné
les parcs et jardins faisant appel à tous nos sens pour créer de l’émotion. Ils ont évidemment connu leur heure de gloire sous Louis XIV et Le Nôtre. Dès la Renaissance et « pour la première fois depuis l’Antiquité, on imagine des sortes de scénographies paysagères pour mettre en scène le territoire lui-même pour le plaisir du regard, au sens large », comme le souligne Serge Briffaud. Mais, la fabrique du paysage ne s’arrête pas là. De tout temps et en dehors d’un cadre très organisé comme aujourd’hui, les hommes ont façonné le paysage par l’habitat ou encore par l’exploitation des territoires pour leurs vertus économiques (mines, agriculture).
L’aménagement du territoire est aussi créateur ou modificateur de paysages. Un tracé d’autoroute, des grands barrages qui noient les environs, une urbanisation acceptée ou au contraire une protection du naturel ou un retour vers ce qui a existé (comme les restaurations historiques de jardins),… on crée toujours du paysage. Il faut d’ailleurs rappeler qu’il ne s’arrête pas à la lisière des villes mais qu’il existe un paysage urbain comme il existe un paysage rural. Les plus grandes transformations qui passent aujourd’hui inaperçues, sont sans aucun doute dues aux chemins de fer comme l’explique Jean-Robert Pitte (2) : « leur impact sur le paysage est considérable. Les espaces ruraux
traditionnels sont balafrés par les cicatrices des lignes dont les tracés rectilignes ou à très grand rayon de courbure contrastent avec la géométrie approximative des champs, des chemins et des routes et à plus forte raison, avec les fantaisies de la nature (relief, hydrographie). Une telle chose ne s’était plus vue (à l’exception des canaux) depuis Rome. » (1) http://www.projetdeterritoire.com/s pip/dossier.php3?id_rubrique=73 (2) Histoire du paysage français. Seuil.
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
77
L’économie du paysage Un peu d’histoire… L’épisode considéré comme le plus marquant et surtout le plus visible pour le paysage est la révolution industrielle qui l’a profondément transformé alors que les grands pôles industriels se développaient. L’exploitation minière a nécessité l’exploitation du sol sur des espaces très larges. De plus, il a fallu construire des habitats pour les ouvriers qui affluaient vers ces centres d’emplois. On peut objecter que l’augmentation de la population les siècles précédents a généré la construction d’habitats. Certes, mais ces constructions de maisons n’ont pas eu la même ampleur qu’au XIXe siècle car l’augmentation de cette population s’est faite
78
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
progressivement. Au XIXe siècle, une concentration massive et rapide de population a provoqué la construction de nouveaux habitats. Cet exemple montre que l’activité économique et les nécessaires aménagements du territoire ont participé à la transformation des paysages. De même l’arrivée du chemin de fer et l’implantation de gares auprès des centres urbains ont contribué à l’urbanisation périphérique des villes. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que ces centres urbains développeront leur activité économique grâce à ces implantations. On est ici au cœur de l’aménagement du territoire. Autrefois, une poste de chevaux,
une route royale, un chemin de fer ; aujourd’hui une ligne TGV, un aéroport, une autoroute et c’est le développement économique qui est assuré. Parfois, ces aménagements répondent à des besoins ou cela permet de créer une nouvelle économie (les frères Pereire et Arcachon, qui ont prolongé une ligne pour créer une ville nouvelle et un secteur économique nouveau). Aujourd’hui, l’aménagement du territoire va encore plus loin. Les collectivités contrôlent les permis de construire pour maîtriser l’urbanisation ou au contraire protéger des paysages (lire aussi page 74) et ce que l’on a appelé les moyens de communication.
Un secteur forestier organisé au XVII e
Si les paysages ont de tout temps été utilisés par les hommes pour leurs ressources naturelles et le plus souvent pour des raisons alimentaires, il est à noter que l’on passe sous Louis XIV à une exploitation des forêts, minutieusement organisée. D’une économie de cueillette, de prélèvement, on évolue vers une économie organisée selon les besoins du Royaume. Colbert met en effet en place une politique de la forêt avec la rédaction de la grande ordonnance de 1669. Les forêts sont alors une ressource importante pour un royaume en
guerres qui a besoin de bâtir des navires en masse. Un bateau nécessitant entre 1 000 et 2 000 troncs d’arbres, il faut organiser tout un secteur et le rendre pérenne. Auparavant, on prélevait des troncs sans se soucier du devenir de la parcelle qui se transformait alors en taillis. On replante des arbres pour pouvoir les réexploiter par la suite. Jean-Robert Pitte explique qu’avant cette ordonnance on pillait « systématiquement les grands arbres sans favoriser la croissance des jeunes troncs droits, les futaies étaient presque un souvenir et partout les taillis prévalaient ». Grâce à l’action de Colbert, l’exploitation forestière était née.
C’est dans cet esprit que Brémontier va aménager les dunes landaises à partir de 1786. Au XIXe siècle, 700 000 hectares de pins maritimes seront plantés dans les Landes, modifiant durablement le paysage de cette région et lui offrant une économie qui perdure aujourd’hui encore et n’a de cesse de se perfectionner. Pour exemple, aujourd’hui, la création du pôle de compétitivité Pin maritime du futur a pour but de valoriser cette ressource et de rendre cette filière, qui emploie plus de 30 000 personnes en Aquitaine, encore plus performante et compétitive. On se rend alors compte de l’intérêt de « rentabiliser » et d’organiser le paysage. H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
79
Photo Pierre Baudier
Une valeur ajoutée omniprésente Le paysage est aujourd’hui sans aucun doute un argument touristique percutant. Les comités départementaux de tourisme ont élevé les jardins au rang de patrimoine au même titre que les monuments historiques. Des guides consacrés exclusivement aux parcs et jardins sont même édités. En Touraine, les jardins sont autant mis en avant que les châteaux auxquels ils sont pourtant attachés. On connaît parfois plus les jardins que les châteaux. L’exemple type est Villandry : on parle très peu de son château alors même que les jardins ont été créés pour embellir la beauté architecturale de ses bâtiments. Aujourd’hui on peut même visiter les jardins des châteaux sans pénétrer dans ces derniers. Des billets à part ont été créés et des circuits à thème ont été développés. Quand on sait que plus de trente millions de touristes par an visitent les jardins en France, on comprend l’intérêt de mettre en avant cette économie transformée en véritable branche
80
H20 2009
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT
d’activité touristique à la fin des années 90. La France est aujourd’hui au deuxième rang mondial pour le tourisme des jardins derrière l’Angleterre, où 3 500 jardins sont inscrits dans le Gardens of England and Wales Open for Charity. La France qui compte moins de 1 000 jardins ouverts à la visite souhaite développer ce segment particulier en se lançant ici et là, à grands frais, dans des restaurations « historiques » de jardins.
Argument d'attractivité
Les jardins et les paysages dans leur ensemble sont devenus au fil de ces dernières décennies un argument d’attractivité omniprésent. Il suffit de consulter les sites internet des grandes métropoles mais aussi des petites communes pour s’en rendre compte. On découvre sur la plupart des sites des villes un onglet spécifique sur les parcs et jardins avec toujours une carte pour en faire le tour ; et les outils de communication
ont été développés pour cette mise en valeur. Dans les communes rurales on met en avant la campagne dont on dispose pour séduire les internautes. Plus l’urbanisation est forte, plus il semble nécessaire d’aménager des espaces dits verts. La communauté urbaine de Bordeaux regorge de ces parcs dont on ne cesse de vanter l’existence dans les mairies. À Blanquefort, le parc Majolan, à Bordeaux (outre les différents jardins) on valorise le parc floral, à Pessac, le Bourgailh, à Gradignan, le Parc du Moulineau… plus l’urbanisation s’accélère plus ces espaces verts sont mis en valeur. Tout cela dans l’unique but de vanter le cadre vie auprès des futurs citadins qu’il faut attirer.
Cet engouement populaire pour les parcs et jardins pourrait donner naissance à un tourisme de masse. Doit-on céder à cette tentation économique ? Quelles en seraient les conséquences ? En quoi cette nouvelle prise en compte d’espaces verts influe sur les politiques publiques ?
ES
découvrez
SCIENC P A C e d le site
“
Partager l’esprit découverte Au cÏur de la mŽtropole bordelaise, Cap Sciences offre un lieu pour explorer les sciences et lÕindustrie : expositions, animations, manifestations. Toute lÕannŽe, une programmation variŽe, pour une visite en famille ou en groupe, des ateliers Žducatifs pour les Žtablissements scolaires.
”
Un équipement culturel Au cÏur du rŽseau aquitain, en partenariat avec des collectivitŽs, des institutions, des entreprises et des laboratoires de recherche, Cap Sciences coordonne les grandes opŽrations de culture scientifique, technique et industrielle et va ˆ la rencontre des publics. En Aquitaine et au-delˆ, Cap Sciences propose un catalogue dÕexpositions itinŽrantes, dÕateliers dŽcouverte, de malettes pŽdagogiques et dÕanimations ludiques.
Un pôle de compétences Concevoir et rŽaliser des produits culturels, accompagner des projets Žducatifs, organiser des ŽvŽnements. Accueillir et animer, gŽrer et distribuer, Žditer et diffuser, autant de savoir-faire que Cap Sciences met au service de ses partenaires.
C E N T R E
HANGAR
DE
QUAI DE BACALAN
C U LT U R E
SCIENTIFIQUE
Contrat de Projets Etat-R gion
TECHNIQUE UNION EUROPEENNE
20
33300 BORDEAUX
INDUSTRIELLE
T (33) 05 56 01 07 07
REGION AQUITAINE
F (33) 05 57 85 93 81
... ...
... Q
I
UESTIONS D’ NDUSTRIE
MÉTALLURGIE en Adour
... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
Bassin d’histoire, bassin d’avenir La flamme est rallumée Forgés à la lutte Des corons en bord de côte Du polystyrène à la fonte Une partie du Pays Basque dans l’espace Un tuyau d’avance Le carbone, ce matériau du XXIe siècle
82
Le pôle métallurgique de l’Adour est en pleine renaissance. D’ici 2010, trois nouveaux laminoirs seront construits par l’Italien Beltrame et le Catalan Celsa avec pas moins de 2000 emplois indirects à la clef. Cela fera revivre cette histoire industrielle qui a commencé en 1881. Leur prédécesseur, les Forges de l’Adour avaient fermé en 1965, après avoir marqué l’histoire des Landes et du Pays Basque. Les grandes grèves (page 86) dont nous parle André Maye, 88 ans, auront permis de sauver ces emplois industriels en faisant venir des entreprises encore présentes sur ce territoire. Cette relance permet de rappeler qu’à travers tout le bassin de l’Adour des dizaines d’entreprises familiales, des PME et des multinationales créent de l’emploi dans le secteur de la métallurgie (pages 90 à 93). Car ici, l’innovation et la recherche vont de paire avec l’obstination des hommes à valoriser leur territoire.
Dossier réalisé par ✏/ Alexandre Marsat Reportage photos ✇/ Alexandre Marsat
La flamme est rallumée L’histoire se renouvelle toujours. Tôt ou tard disent les anciens. Cet adage prend tout son sens le long de l’Adour en 2009. Après avoir connu des moments de gloire durant un siècle, les Forges de l’Adour ont fermé en 1965. Ici des générations entières de Basques et de Landais se sont succédées permettant de nourrir toute une région et allant jusqu’à marquer l’urbanisme (lire page 88). André Maye, militant cégétiste se souvient s’être battu pour la reconversion industrielle de la région sauvant les emplois de ses camarades, avec notamment l’implantation de Turboméca (lire page 86). Aucun d’entre eux ne pensait entendre à nouveau une aciérie tourner au pays bien que convaincu que la sidérurgie avait sa place ici.
Et, pourtant, quarante plus tard, les Basques et les Landais s’apprêtent donc à voir renaître un véritable pôle sidérurgique. Cette reprise a commencé en 1995, se souvient le directeur de la Chambre de commerce et d’industrie, Bernard Darretche. « Nos commerciaux du Port de Bayonne se rendaient dans les entreprises du Nord de l’Espagne leur présenter notre port et les faire venir ici pour leur transport de marchandises. Un groupe espagnol a été séduit par nos installations portuaires. Ils sont venus sur place. Quand ils ont vu qu’on disposait de terrains « bord à quai », ils ont toute de suite été intéressés par bien autre chose que le port. » Après plusieurs mois de négociations, le basque espagnol
Ucin décide de s’installer sur le site des anciennes Forges et démarre l’Aciérie de l’Atlantique (ADA). Ses fours électriques crachent aujourd’hui un million de tonnes de billettes d’acier (lingot d’acier) produites à partir de ferrailles. « Son installation n’était pas prévue. Personne n’y pensait », sourit le directeur.
Le port, moteur de développement
Des deux côtés de l’Adour, les activités industrielles sont intimement liées aux activités portuaires. « Sans le port, nous n’aurions pas pu relancer ce pôle sidérurgique », explique Bernard Darretche. Car le Port de Bayonne qui s’étend sur plusieurs kilomètres des deux côtés de l’Adour en Pays Basque (Bayonne, Anglet) et Landes (Boucau, Tarnos) a une situation géographique très favorable : au sud, l’Espagne, le Portugal et les côtes africaines ; au Nord, la France et l’Europe du nord. Sans compter la ligne ferroviaire Madrid-Irun-Paris. Cette position centrale, lui permet d’attirer encore aujourd’hui de nombreux clients. « L’implantation d’Ucin nous a permis d’effectuer des investissements structurants pour le Port et donc pour toute l’activité économique de la région. Le port permet de fixer des entreprises sur place », explique Pascal Marty directeur des Ports et Équipements. Avec l’arrivée d’ADA, la CCI investira 130 millions de francs pour aménager des quais dédiés. « C’est un effet boule de neige ; l’arrivée de Ucin a nécessité
l’implantation d’Air liquide et d’EDF à proximité et la chaudronnerie de la Rhune s’est rapprochée pour assurer la maintenance du site d’ADA. » Le port a alors augmenté de 60 % son activité. La renaissance d’un pôle sidérurgique pouvait prendre forme. En 2007, Le groupe catalan Celsa devient propriétaire d’ADA avec des idées de développement derrière la tête qui ne tarderont pas à prendre forme. Spécialisé dans l’acier pour la construction, Celsa veut implanter deux nouveaux laminoirs, à chaud et à froid d’ici 2010. Ils permettront de transformer les billettes sorties des fours électriques en tôles d’acier. Ces produits finis plats qui amèneront une grande valeur ajoutée à la production de l’aciérie, partiront vers les secteurs du BTP, les ouvrages d’art, et les chantiers navals.
700 millions d’euros investis
Les chiffres dans le secteur industriel font vite tourner la tête : Celsa va investir 650 millions d’euros et va créer 400 emplois directs. À ses côtés, le groupe italien Beltrame procédera à l’installation de son propre laminoir fin 2009 avec à la clef une centaine d’emplois. Les 40 millions que Beltrame va
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
83
Une exploitation millénaire L’exploitation de fer est très ancienne en Pays Basque français. Les vallées de Baïgorry et de Larla à 700 mètres d’altitude sont deux zones riches en fer, cuivre, plomb et argent qui ont connu des activités minières dès l’Antiquité. Aujourd’hui encore des traces de ces activités sont visibles
84
H20 2009
QUESTIONSD’INDUSTRIE
à flanc de colline. Ainsi, on remarque des traces du dépilage d’un filon de fer sur les crêtes de Larla ou encore des haldes de travaux souterrains ancien à Astoescoria. On peut aussi observer des vestiges d’atelier métallurgiques du début de notre ère. Autour de ces vestiges de four
de réduction de minerais et de bas fourneau, ont été découverts des déchets métallurgiques. Abandonnés à la fin de l’Antiquité ces gisements ont à nouveau été exploités au XVIIe siècle notamment avec la forge d’Etchauz pour les canons de la Marine royale. De multiples ateliers tirèrent de la montagne ses minerais jusqu’au XXe siècle.
investir permettront de sortir de l’usine des tôles épaisses pour les charpentes métalliques et pour les ouvrages des grandes infrastructures. L’Italien qui souhaitait s’installer dans cette partie-là de l’Europe, a porté un temps son regard vers Bilbao, mais les atouts du Port de Bayonne, de son bord à quai et des réserves foncières, savamment engrangées par le Département des Landes et la CCI, l’ont convaincu. En tout, ce sont 2 000 emplois directs et indirects qui seront créés autour du pôle. Une renaissance pour la sidérurgie, une relance économique pour toute la région. Une aubaine pour la côte atlantique : « Pour que l’activité touristique puisse se développer, il faut que l’industrie soit présente, sinon, il n’y a pas de travail pour les jeunes, la population devient vieillissante, ne fait pas la fête, bref on perdrait notre âme », rappelle Bernard Darretche.
Laminoirs Le laminage à chaud consiste à passer les brames (pavé de métal) entre deux cylindres Cette opération s’effectue à chaud (600 degrés) pour mieux le laminer et lui donner la forme souhaitée. Le laminage à froid diminue l’épaisseur du métal en le passant plusieurs fois entre les cylindres. Le produit est alors transformé en bobine de métal d’une épaisseur beaucoup plus fine, de l’ordre de quelques millimètres.
Port de Bayonne L’état a concédé la gestion du port à la Chambre de commerce et d’industrie dès 1887 ; cette concession a par ailleurs été renouvelée pour quinze ans, fin décembre 2008. La CCI, en tant que concessionnaire
a investi 110 millions d’euros pour permettre aux bateaux de 20 000 tonnes de pouvoir accéder à ce port fluvial. Un kilomètre de quais supplémentaires a été construit. Une zone d’évitage pour que les navires puissent faire demi-tour a été aménagée. Et une fosse a été creusée et une nouvelle digue construite pour que le sable s’y
engouffre afin de régler le problème d’ensablement. Aujourd’hui, le trafic du port dépasse les 4 millions de tonnes (Maïs, engrais, pétrole, soufre de Lacq, bois, produits chimiques et sidérurgiques). Aujourd’hui, 3 500 indirects dépendent du port de Bayonne.
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
85
En 1930, les ouvriers en grève défilent dans les rues de Boucau. La cité sera encadrée par 800 gardes mobiles
Forgés à la lutte
André Maye
Les Forges ont été un haut lieu de lutte syndicale dès les premières années. Jusqu’à la fermeture les « gueules noires » se sont battues. Ce qui a permis à Tarnos et sa région de bénéficier d’autres industries
André Maye, 88 ans ne cesse de lever le bras, poing fermé. « Nous avions raison contre les maîtres des forges », proclame le vieux militant de la CGT, qui a fait partie de cette longue lignée de maires communistes de Tarnos qui n’a pas connu d’interruption depuis 1920. Il connaît toute l’histoire des Forges, lui l’enfant de Tarnos qui est entré à 13 ans et demi à la Compagnie des Forges pour en sortir en 1965 quand les « patrons » ont fini par fermer
86
H20 2009
QUESTIONSD’INDUSTRIE
l’usine, « prétextant qu’elle ne pouvait plus être rentable ». Lui qui raconte encore avec émotion mais toujours avec rigueur les luttes qu’il a menées avec ses camarades commente la genèse des Forges de l’Adour pour que les nouvelles générations puissent comprendre l’importance du mouvement syndical. « Après la défaite de Sedan, les grandes familles industrielles de l’Est comme les Wendel et les Schneider ont demandé le remboursement de leur perte à l’état, comme aujourd’hui avec l’automobile. Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient et ils ont décidé d’installer leurs usines le long de l’Atlantique. La Compagnie des Hauts-Fourneaux, Forges et Aciérie de la Marine et des chemins de Fer a décidé de s’installer ici sur les bords de l’Adour, grâce au Port de Bayonne et la proximité des mines de Bilbao ».
Les enfants apportaient la gamelle à leurs parents
Une main-d’œuvre formée à la solidarité
En 1881, l’usine se construit à Tarnos et le bateau de la Compagnie arrive avec la houille du Pays de Galles, repart en cabotage vers Bilbao, repasse ici le décharger et remonte en Grande Bretagne avec des poteaux en pin des Landes pour les mines. « La Compagnie a eu besoin de main-d’œuvre pour travailler à l’aciérie. Ils ont alors fait venir des Alsaciens qui fuyaient l’occupant et ont amené avec eux des ouvriers de la maison mère de Saint-Chamond pour produire les éléments de chemin de fer de la Compagnie du midi. Ces gars-là avaient le sens de la solidarité, ils avaient créé les foyers mutualistes et étaient très bien organisés. Ils savaient discuter leur bout de gras avec le patron ». Très rapidement, le mouvement syndical prend forme. Jules Guesde rencontre les ouvriers à Tarnos et la CGT est créée aux Forges. En 1902, le syndicat des forges ouvre la Bourse du travail dans un bâtiment qu’elle achète. « À l’époque, l’usine est à feu continu 24 heures/24, les gosses amènent la gamelle à leur père ou à leur oncle. Alors il faut
avoir le sens du collectif. Le syndicat ouvre sa propre boucherie et sa coopérative pour lutter contre la vie chère ». Les premières grèves se succèdent et en 1920 les « forgerons » arrêtent le travail en solidarité avec les paysans du Bas-Adour. Cela leur vaudra d’être soutenus par ces mêmes paysans lors de leur longue grève de 1930. « Cela a duré 58 jours, la Cité des Forges était entourée de 800 gardes mobiles. La population affamée a été appuyée par les paysans. La solidarité entre tous en est sortie renforcée. » Le chiffon rouge semblant toujours accroché au cœur, l’ancien syndicaliste ajoute : « Tout ça les vieux nous l’apprenaient. C’était simple : l’ami de ton ami est ton ami, et l’ennemi est ton ennemi. Pas besoin d’aller plus loin, on savait contre qui il fallait se battre. C’est les capitalistes qui ont créé la lutte des classes : pour eux les fauteuils en velours, pour le peuple les bancs en bois. Ici, ils préféraient brûler le gaz en torchère qu’en faire profiter les familles de la Cité des Forges. » Le militant cégétiste deviendra secrétaire général du comité central de la CGT et prendra la relève de ces luttes qui ont tant marqué l’histoire des Forges.
Reconversion industrielle
La fierté de son entreprise est à la hauteur de son engagement syndical : « On ne faisait pas du tout-venant, nous, on produisait les meilleurs des métaux, de la sidérurgie fine. Dans les années 50, nos hauts fourneaux étaient les plus modernes au monde et les plus productifs à la mise au mil (1). On ne pouvait pas fermer. » Et pourtant, en 1965, la fin inéluctable sonnait son glas terrible pour les familles et toute la région. « On n’a jamais baissé les bras. On s’est battu pour la reconversion industrielle. Si des entreprises comme Turboméca sont là, c’est grâce à notre lutte. On a fait embaucher plus de personnes que de licenciés. » Comme un testament de sa vie de lutte, il conclut : « Si on a réussi c’est qu’on a manifesté tous ensemble, les syndicats, les élus et même le clergé. Devant une telle union, l’État a cédé et De Gaulle nous a aidé ». Lui, alors conseiller général et maire adjoint de Tarnos le paiera de deux ans de chômage. (1) rapport entre une tonne d’acier brut et le poids d’acier forgé
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
87
Des corons en bord de côte Pour accueillir les ouvriers, la Compagnie exploitant les Forges a construit une véritable ville à la fin du XIXe, sur le modèle des corons
La Compagnie des Hauts Fourneaux, Forges et Aciérie de la Marine et des Chemins de Fer commence la construction des Forges en 1881. Dès lors une population de 2 400 personnes afflue aux pieds de l’usine. La direction construit alors de toutes pièces un nouveau quartier, à cheval sur Boucau et Tarnos, sur le modèle des cités du Nord. Elle porte aujourd’hui encore le nom de Cité des Forges. L’organisation architecturale de cette cité est à l’image du bal qui a été organisé au centre de la
88
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
nouvelle ville pour célébrer son inauguration en 1884. Une grande piste de danse avait été installée pour que tous puissent s’amuser selon le souhait du directeur général de la Compagnie, M. de Montgolfier. Mais certainement pas se mélanger. La piste a été divisée en trois : la partie des ouvriers, celle des contremaîtres et celle des ingénieurs soigneusement séparées par des haies de thuyas. Le quartier lui aussi se divise en plusieurs parties. La plus remarquable de nos jours est sans conteste celle des « casernes » des ouvriers (1). À l’image des corons du Nord, de petites baraques, simples et usuelles sont toutes alignées pour loger les employés venus des autres régions. On y entrait de plain-pied dans la pièce à vivre ; derrière se trouvaient deux chambres et la cuisine ; à l’étage une autre chambre et un
L’aciérie Bessemer en 1911
grenier. Un petit jardin permettait à la famille de cultiver les légumes nécessaires.
Un esprit très paternaliste
Dans la Cité, huit logements de contremaîtres ont été construits, où prenaient place plusieurs appartements. Les ingénieurs, eux avaient droit à de belles villas, ressemblant à de grandes maisons bourgeoises avec eau courante, chauffage central et surtout des hauts murs pour les protéger des regards. Aujourd’hui encore ces villas sont impressionnantes par leur taille. « Les anciens nous racontent que les ingénieurs, souvent venus du Nord étaient hautains, et n’entretenaient aucune relation avec les autres catégories sociales. À l’époque, on ne se
mélangeait pas, le principe de caste était de rigueur. De grandes dynasties d’ingénieurs sont venues à Boucau. Comme les Detanger ou Hugon », explique Jean-Pierre Cazaux, généalogiste et spécialiste de l’histoire de ce quartier à l’Association des Amis des Forges de l’Adour (2). Le directeur de l’entreprise logeait dans une très grande demeure, aujourd’hui disparue, que les habitants appelaient « château » tant elle était démesurée et trônait majestueusement au sein d’un parc de deux hectares. Le directeur décidera même de doter ce nouveau quartier d’une église, Notre-Dame-des-Forges qui sera inaugurée en 1898. La charpente est unique : métallique, elle a été bâtie aux Forges.
« Ils ont poussé l’esprit paternaliste jusqu’à créer une coopérative et financer une école. » (1) Jean-Pierre Cazaux a réalisé un dépliant disponible à la mairie de Tarnos. (2) http://les.forges-de-l-adour.overblog.fr/
La soupe populaire est distribuée lors de la grève de 1920
Une église « sans bruit » Claudius Magnin, directeur général de la Compagnie demande au préfet que l’église construite par les Forges dans la cité, soit ouverte au culte, en vain. Jean-Pierre Cazaux qui s’est penché sur l’histoire de Notre Dame des Forges a retrouvé les raisons du refus dans une lettre du préfet : « l’édifice religieux
échappant à la surveillance et à l’action des autorités civiles et ecclésiastiques, pour ne relever que du directeur de l’établissement. » En 1898, un an plus tard le nouvel évêque, certainement encouragé par d’amicales pressions, écrit au curé de la paroisse de Tarnos : « le mieux à faire dans les
circonstances présentes c’est d’utiliser la nouvelle église sans bruit, et sans le faire d’une manière officielle. Contentez-vous de la bénir (…) n’en parlez à personne, pas même à vos confrères du voisinage. » C’est seulement en 1929, que l’évêque décidera de créer une paroisse pour la Cité des Forges, détachant Notre Dame des Forges de la paroisse de Tarnos. H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
89
/1
Du polystyrène à la fonte Un ancien cadre d’une fonderie bayonnaise a repris son entreprise en faillite. En exploitant un procédé innovant, il recrée de l’emploi
/2
/3
/4
Sur les bords des quais Mouserolles, à Bayonne l’ex fonderie Safam tourne encore. Les tôles rose défraîchies de l’usine sont bien connues des Bayonnais. Safam fait partie de l’histoire de la ville ; elle a fermé ses portes en 2005, après avoir compté jusqu’à 600 salariés. « Le problème de la Safam, c’est qu’ils étaient clients de leur patron, le groupe à qui ils appartenaient. Il leur achetait les pièces qu’ils voulaient et cela leur a empêché d’avoir une autonomie financière », commente Xavier Etcheverry, le nouveau dirigeant de la fonderie devenu LF Tech. « Avec le procédé lost foam, l’entreprise avait une vraie technologie de pointe entre les mains qui pouvait faire rebondir la société ». Le cadre de la Safam, recruté peu de temps avant la fermeture, n’hésite pas. Il propose un plan de rachat et après plusieurs mois de négociations, prend la tête de l’entreprise avec 24 salariés et dédie la production au procédé innovant. « Cela a été difficile, il a fallu expliquer aux 120 salariés restant après les plans sociaux successifs que je n’allais en reprendre que 24. Dans la fonderie, on ne peut pas mentir, les valeurs humaines sont là. C’est comme au rugby, on est tous dans la même mêlée et il faut pousser ensemble », explique l’enfant du cru qui n’hésite pas à affirmer : « On a une belle terre, on est des privilégiés alors il faut y créer de l’emploi. Cela sauvera nos valeurs et notre identité ».
Un marché porteur /5
90
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
Aujourd’hui, LF Tech est la seule entreprise française à exploiter ce procédé né aux États-Unis dans les années 80. Il s’agit de produire
des pièces en fonte depuis le polystyrène, ce dernier servant de moule. Après plusieurs mois d’études sur un prototype en polystyrène de la pièce à réaliser, la production en série depuis le moule (photo 1) peut commencer. Il est plongé dans un bain d’enduit réfractaire (2), puis séché avant d’être placé dans un caisson où il est recouvert de sable siliceux puis de métal en fusion (3 et 4). À la sortie, des pièces complexes bien plus abouties que dans la fonderie traditionnelle sortent des ateliers (5). « Il faut aller chercher les pièces que les autres ne savent pas faire ; comme ça, on n’est pas concurrent des fonderies traditionnelles et on est sur un marché de niche peu sensible aux crises ».
Le premier marché a été rapidement décroché par Xavier Etcheverry, permettant de lancer en série des chapeaux de bouteille de gaz pour les majors gaziers. Aujourd’hui avec 35 000 pièces par an, LF Tech est le leader européen de ce marché. Les autres marchés ont été plus longs à obtenir. Il a d’abord fallu convaincre les clients de la qualité de ce procédé. Mais l’entreprise s’est lancée dans les châssis de transpalettes et les bras de suspensions pour autobus, diversifiant ainsi sa production et lui faisant croire à l’avenir. Le chef d’entreprise espère d’ailleurs augmenter très rapidement son chiffre d’affaires de 3 à 5 millions d’euros et pense déjà embaucher 12 personnes en 2009. Cela lui permettra d’investir dans l’outil de travail pour aller décrocher d’autres marchés encore plus importants « Il faut réimplanter de l’industrie en Pays Basque et donner un avenir aux jeunes. Alors, on peut être fiers de ce que l’on produit ».
Jean-Marc Charritton (à gauche), a confirmé la réputation de son entreprise en produisant les panneaux de protection pour la Station spatiale internationale
Une partie du Pays Basque dans l’espace En plein Pays Basque intérieur, l’entreprise Lauak collabore avec les plus grands donneurs d’ordre de l’aéronautique. Son coup de maître ? la réalisation de panneaux pour la station spatiale internationale
Les vertes collines basques surplombent l’usine Lauak à Ayherre, village de 850 âmes. Dans cet écrin de verdure, proche d’Hasparren a été créée en 1975, l’entreprise familiale devenue aujourd’hui un groupe n’employant pas moins de 400 salariés. C’est là, au cœur du Pays Basque intérieur, que sont construits des éléments de la station spatiale internationale (ISS) : les panneaux de protection des nodes de connexions. La station internationale qui est en cours d’assemblage dans l’espace, doit pouvoir se protéger des débris
des météorites et des astéroïdes. Il a alors été confié à Lauak, important sous-traitant de la filière aéronautique, la construction de la « carapace métallique » des nodes 2 et 3 de la station. Ces nodes sont des structures, de 7 mètres de long pour 4 mètres de large, qui permettent de joindre les différents modules de la station, la distribution de l’énergie, de l’air, et l’échange de nombreuses données informatiques ; mais aussi aux astronautes de se mouvoir. En tout, 150 panneaux sont sortis des ateliers de l’entreprise. Et pour résister aux attaques de l’espace, ces panneaux font seulement 1,5 millimètre d’épaisseur. C’est en effet le faible poids des panneaux, facilement transportables dans les navettes spatiales et cependant fortement résistants, qui a été privilégié. L’aluminium s’est donc imposé. Si l’entreprise basque a pu décrocher un tel contrat « c’est grâce à notre presse caoutchouc pour
modeler les panneaux dont il n’existait que trois exemplaires au monde », se réjouit Jean-Marc Charritton, le Pdg du groupe Lauak. Déjà connu pour son sérieux, Lauak, qui fournit les principaux donneurs d’ordre de l’industrie aéronautique comme Airbus, EADS, Turbomeca, Dassault… a dû respecter beaucoup de contraintes lors de l’usinage de ces plaques : « il ne fallait même pas toucher les panneaux avec les doigts pour ne pas perturber la matière ». Aujourd’hui c’est un peu du Pays Basque et de son savoir-faire qui est en orbite.
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
91
TSO fabrique des conduits de cheminée à Itxassou
Un tuyau d’avance Dans le village labourdin d’Itxassou, sont usinés les tuyaux de poêle et de cheminée. Des tuyaux qui redeviennent très tendance
Itxassou, en pays basque intérieur, est connu pour ses petites cerises noires dont la confiture accompagne si bien les fromages d’ici. Mais on sait moins que de ce village basque sortent des tuyaux de poêle et de cheminée d’un des rares fabricants français. Une affaire passéiste ? Pas si sûr. Bernard Rouquennelle, le pdg de Tôlerie du Sud Ouest, qui a repris l’affaire familiale explique : « les poêles à bois sont défiscalisés à 50 % depuis trois ans ; alors les gens sont tentés par le retour au poêle pour des questions économiques
92
H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
mais aussi environnementales ». Les clients un brin nostalgiques et en pleine mode bobo, ont transformé les poêles de nos grands-parents en équipements devenus furieusement tendance qui permettent à la petite entreprise de traverser la crise. Le pdg explique que « 90 % de la production est écoulée dans les grandes surfaces des magasins de bricolage de Bayonne à Lille. » Seulement 10 % des clients viennent se servir directement à l’usine pour réduire encore un peu plus les coûts de l’installation énergétique. Mais dans les deux cas, les clients veulent bricoler eux-mêmes leur nouvel achat usant parfois d’approximation face à un produit qui n’est pas sans danger. Alors, Bernard Rouquennelle édite un petit livret qui rappelle les normes en vigueur et va même jusqu’à
former les revendeurs pour que ses produits venus d’Itxassou puissent être bien placés entre les quelques géants du secteur qui se taillent la part du lion.
Côté atelier, la machine est bien huilée. L’inox arrive en bobine dans l’entreprise où il est débité selon les ordres de fabrication. Puis il est roulé par les ouvriers, et formé à chaque extrémité pour permettre le tubage. Quand la pièce doit être émaillée, la technique reprend le dessus, le tube est passé dans des bains pour le nettoyer avant de projeter de la poudre d’émail sur l’inox grâce à l’électricité statique, puis est cuit au four. « Cela nous permet de travailler vite. Si on nous passe une commande le lundi, le mercredi la pièce est en livraison. Si on veut travailler avec les grandes surfaces, il faut absolument être très réactif car elles, elles n’ont pas de stock. »
Le carbone, ce matériau du XXIe siècle Au groupement de recherche de Lacq, scientifiques et industriels ont décidé de se pencher sur la production massive de nanotubes de carbone. Un matériau de plus en plus utilisé
Le pilote du Groupement de recherche de Lacq produit trois kilos de nanotube de carbone par heure
Le carbone est connu des hommes depuis très longtemps. Il entre même dans la composition de l’acier dès 1 700 avant J.-C. chez les peuples d’Asie mineure. Mais aujourd’hui ce matériau va se trouver au centre des plus importantes innovations industrielles grâce notamment aux recherches menées à Lacq par le groupement de recherche de Lacq (GRL) d’Arkéma qui travaille sur le développement des nanotubes de carbone. Le responsable du projet, Patrice Gaillard, explique : « En 2003, Arkéma (1) a décidé de se pencher sur la production de nanotubes de carbone car cela nous paraissait être un produit offrant des propriétés intéressantes. Elles pouvaient permettre des applications industrielles très innovantes ; mais les coûts de production étaient très élevés. » À l’époque des start-up vendaient le gramme de nanotubes pour plusieurs milliers de dollars, ne permettant pas une exploitation réelle par les industriels. Car ce produit présente des propriétés physico-chimiques remarquables à plus d’un titre. Cent fois plus résistant que l’acier et doté d’une grande flexibilité, il possède des performances mécaniques étonnantes. Mais ses avantages ne s’arrêtent pas là. C’est un très bon conducteur électrique, qui permet notamment d’éliminer les
charges statiques. Les nanotubes ont aussi une conductivité thermique bien supérieure à celle du diamant ce qui en fait le meilleur conducteur thermique connu à ce jour.
Du laboratoire à l’industrie
Ces propriétés donnent au carbone des débouchés importants pour le secteur industriel à condition qu’il puisse être produit en masse. « On cherche un procédé économiquement viable pour le développer de manière industrielle. On a alors inauguré un pilote de laboratoire capable de fabriquer 3 kilos par heure en 2006. Cela nous permet de continuer à développer le procédé de fabrication afin de le rendre économiquement viable. » Car, le GRL ne souhaite pas s’arrêter là, son objectif étant de créer un pilote industriel produisant plusieurs centaines de tonnes de nanotubes de carbone d’ici 2010. « Ce pilote pourrait être installé en Aquitaine par Arkéma », confie Patrice Gaillard. Le prix diminuant avec l’augmentation des quantités produites, les applications déjà exploitées par différents secteurs seraient renforcées. Aujourd’hui, on trouve déjà des matériaux faits avec des nanotubes de carbone dans notre vie quotidienne. Nos voitures par exemple l’utilisent de plus en plus. L’aéronautique et le spatial sont séduits par ce matériau qui permet d’alléger les structures : ce matériau étant plus solide, on en utilise moins. (1) Le groupe de chimie industrielle Arkéma a 80 sites de production et 6 sites de recherche dans le monde. Il emploie 15 000 personnes. http://www.arkema.com
Une filière nanomatériaux en Aquitaine Arkéma et le Conseil régional d’Aquitaine ont décidé de s’engager ensemble fin 2008 dans la création d’une plate-forme d’innovation technologique pour développer et fédérer la filière des matériaux
nanostructurés en Aquitaine des matières premières aux produits finis. Cette plate-forme appelée Consortium aquitain d’innovation nanomatériaux et électronique organique (Canoe) a pour objectif
de hisser cette filière régionale au niveau européen. « Il faut accompagner les PME et PMI pour qu’elles se saisissent des nanomatériaux », explique Patrice Gaillard qui a pris la direction de Canoe. H20 2009
QUESTIONS D’INDUSTRIE
93
ou
aliment médicament
?
QUE D’INNOVATIONS !
du 5 mars au 31déc 09
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique
c
A tu
Voici une sélection de quelques faits marquants de l’actualité de la recherche en Aquitaine, découvertes et innovations que vous pouvez retouvez tout au long de l’année sur www.cap-sciences.net
Tchernobyl : des Bordelaises cherchent à identifier des bactéries contre la radioactivité
«
Après la catastrophe de Tchernobyl, une partie des déchets végétaux contaminés par des particules radioactives a été enfouie non loin de la centrale dans plusieurs tranchées puis recouverts de sable pour éviter toute dissémination. Mais, vingt-deux ans après, on peut observer des migrations de radionucléides dans le sol et le sous-sol dont les responsables pourraient être, entre autres facteurs, des bactéries », explique le docteur Claire Sergeant, responsable de l’équipe Environnement et Chimie Nucléaire au CNAB (1). L’une des tranchées, la T22, est devenue en 1999 site d’étude de l’IRSN (2), en collaboration avec deux instituts ukrainiens. Alerté sur les mouvements de radionucléides, L’IRSN et le CNRS ont décidé la création du Groupement National de Recherches TRASSE (3), pour intensifier les recherches sur ces problèmes de transfert de radioéléments vers le sous-sol. Connues pour leurs recherches microbiologiques en milieu extrême, les Aquitaines Claire Sergeant (du CNAB) et Claire le Hénaff (de l’ISVV (4)), sélectionnées pour participer à cette mission dans l’équipe de microbiologie, sont alors parties pendant une semaine au mois d’octobre dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. « On ne peut pas sortir le sol de cette zone pour des questions de sécurité. On a alors effectué une quinzaine de carottages dans
La géothermie fait pousser les tomates 8500
tonnes de tomates qui rougissent grâce au gaz, la cité landaise de Parentis-en-Born s’apprête à relever ce défi. L’eau chaude et les gaz souffrés issus des forages pétroliers des environs, exploités par la société canadienne Vermillion, permettront de chauffer
la tranchée puis on a isolé des bactéries sur milieux de culture et extrait leur ADN dans le laboratoire de la zone pour faire un inventaire des bactéries présentes dans le sol contaminé», explique Claire le Hénaff. « On peut espérer mettre en évidence des souches résistantes à la radioactivité, étudier ce mécanisme et les utiliser pour décontaminer des zones polluées », disent-elles. Jusqu’au début de l’année prochaine, les échantillons ramenés d’Ukraine seront étudiés au CNAB avant que l’équipe ne reparte à Tchernobyl en avril 2009 pour refaire des prélèvements et prendre en compte les variations saisonnières des phénomènes. (1) Laboratoire de Chimie Nucléaire Analytique et Bio-environnementale, situé au Centre d’Études Nucléaires de Bordeaux-Gradignan (CENBG), sous la tutelle du CNRS - Département Chimie et des Universités Bordeaux 1 et 2. http://www.cnab.cnrs.fr/ (2) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. http://www.irsn.org (3) Groupement National de Recherches Trasse : Transfert des radionucléides dans le sol, le sous-sol et vers les écosystèmes (4) Institut des Sciences de la Vigne et du Vin. http://www.isvv.fr/isvv/
17 hectares de serres et pourront aussi produire l’électricité de 1500 foyers. Ce gaz souffré qui n’avait jamais été utilisé, était brûlé par une torchère. Il sera récupéré puis traité dans une usine de cogénération d’où il ressortira en électricité pour chauffer les serres. Les eaux qui remontent à 60 degrés des forages seront exploitées par une pompe à chaleur qui pourra donc chauffer elle-aussi les serres. Initié par la mairie de Parentis, le réseau de producteurs agricoles Odélis et Vermillion, ce projet devrait voir le jour courant 2009 et créera pas moins de 120 emplois. Alors que les factures d’énergies représentent
40% des coûts de production pour les maraîchers, on comprend l’intérêt de cette géothermie pour ce secteur très concurrentiel. Les premières mises en culture (hors-sol) de ces pieds de tomates sont prévues pour novembre 2009.
H20 2009
CHRONIQUES
95
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique L’écoulement des grains à la loupe
L
es grains d’un jet de sable montrent une cohésion semblable à celles des liquides. En faisant tomber un jet de sable d’un entonnoir, on peut observer, en effet, que ce jet présente un phénomène de cohésion de type "capillaire" entre les grains qui se traduit, à petites échelles, par des rugosités se propageant en surface. On retrouve ce même phénomène pour les liquides à travers de très petites rides qui se forment à leur surface. En étudiant ces effets, au sein du centre de Physique Moléculaire Optique et Hertzienne (CNRS / Université Bordeaux I), des chercheurs viennent de faire un pas de plus dans la compréhension des effets subtils que peuvent présenter ces écoulements (Travaux publiés le 30 mai 2008 dans Physical Review Letters). « On a découvert que, même si l’effet de cohésion en surface est semblable à ce qui se passe pour les liquides à petites échelles, les causes en sont différentes pour des milieux granulaires. Pour l’eau, il est dû à l'interaction entre molécules. La rugosité d'une interface eau-air résulte alors d'un équilibre entre l’agitation thermique des molécules et de la capillarité. Pour les grains, en mesurant la vitesse de propagation des ondes, on a montré que l’effet de cohésion peut résulter d’une diminution de la pression de l’air qui se trouve entre les grains dans l'écoulement », explique Yacine Amarouchene, chargé de recherche.
Première lumière du satellite GLAST
G
last, lancé le 11 juin 2008 depuis Cap Canaveral en Floride a fourni ses premières images. Ce télescope spatial doit permettre de lever le voile sur les nombreux mystères qui entourent les sources connues de rayons gamma. Les premiers résultats sont très prometteurs. La toute première image de ce programme, dévoilée le 26 août, est une vue du ciel montrant le gaz brillant de la Voie lactée, des pulsars clignotants et une galaxie située à des milliards d'années lumière particulièrement
96
H20 2009
CHRONIQUES
Le mystère du phosphate des batteries au lithium-ion élucidé
L
es recherches des chimistes de l’ICMCB pourraient donner un nouvel élan au développement des voitures électriques. Claude Delmas qui s’est penché avec des chercheurs du CNRS et du CEA (1) sur les batteries lithium-ion est parvenu à percer un mystère que jusqu’alors la communauté scientifique n’arrivait pas à lever. En effet, le phosphate de fer et de lithium réussit à conduire le courant alors même qu’il est un isolant. Les chimistes bordelais ont alors montré que des contraintes locales au sein du matériau permettent une conduction électronique et ionique se propageant de proche en proche et assurant ainsi le fonctionnement de la batterie. Les batteries au lithium-ion que l’on utilise au quotidien ont envahi le marché des systèmes
lumineuse en raison d'un épisode d'activité intense. Cette image est une révolution pour l’observation spatiale. Elle combine en effet seulement 95 heures de l'observation dite de « première lumière » alors qu’une image similaire produite par le précédent satellite de la NASA, CGRO (Compton Gamma-Ray Observatory), avait demandé des années d'observation. Ces prises de vue sont possibles grâce à deux instruments que les scientifiques ont testé et calibré après le lancement de Glast : le LAT (Large Area Telescope) et le GBM (GLAST Burst Monitor). Glast doit détecter les évènements les plus violents de l’Univers et les scientifiques espèrent qu’il découvrira de nombreux autres pulsars dans notre
nomades (ordinateurs, téléphones portables, baladeurs, etc…). Elles sont largement utilisées car elles permettent de stocker quatre fois plus d'énergie par unité de masse que les batteries classiques. D’un coût relativement faible à l’inverse des matériaux d’électrodes positives utilisées aujourd’hui dans les grosses batteries de voitures électriques et hybrides, le phosphate de fer et de lithium est donc un matériau d’avenir. Claude Delmas, explique : « maintenant que l’a compris le phénomène, cela ouvre des perspectives pour des recherches vers les nouveaux matériaux ». Ces résultats publiés dans le dernier numéro de "Nature Materials" devraient conduire à de nouvelles avancées qui seront exploitées par les fabricants de batteries et les grands constructeurs automobiles pour les voitures électriques et hybrides. (1) Les chercheurs CNRS du laboratoire de l’ICMCB (Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux) que Claude Delmas dirige : Laurence Croguennec, Magali Maccario et François Weill, et pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEALiten) : Frédéric Le Cras.
Galaxie, qu'il révélera de puissants phénomènes aux abords des trous noirs supermassifs au cœur de milliers de galaxies actives et qu'il permettra la recherche d'indices de nouvelles lois physiques. L’aventure de ce satellite, qui devrait durer dix ans, en est seulement à ses débuts.
Glast, rebaptisé le « Fermi Gamma-Ray Space Telescope », est développé par la NASA avec d’importantes contributions internationales. Côté français, cinq équipes y participent dont le CENBG : Centre d'études nucléaires de Bordeaux-Gradignan (CNRS/Université de Bordeaux 1).
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Comment diagnostiquer la qualité de l’eau distribuée ? photo Cemagref / A. Dutartre
U
ne nouvelle version du logiciel PORTEAU vient d’être mise au point par le CEMAGREF(1). Associé à trois modules, ce logiciel permet d’étudier par simulation le fonctionnement hydraulique et la concentration d’un désinfectant dans un réseau de distribution d’eau sous pression. Par exemple, si une trop faible concentration en chlore peut favoriser la présence d’éléments pathogènes, une trop forte quantité peut rendre désagréable le goût de l’eau. Il est donc impératif pour les gestionnaires de maîtriser les quantités injectées, et les positions des points d’injection. Grâce au logiciel, il est possible de simuler en fonction du temps et de l’espace les évolutions de concentration de ce soluté, mais également de donner l’âge et la provenance de l’eau pour une qualité optimale. La
vitesse de l’eau et ses temps de séjour au sein du réseau sont également calculés et modélisés par le logiciel, comme le fonctionnement du réseau en période de pointe. Afin de rendre compte le plus fidèlement possible de la réalité, de nombreuses données sont prises en compte : topographie du réseau, caractéristiques fonctionnelles,
photo Alexandre Marsat
Le Trophée d’or de l’innovation Vinitech L pour une PME médocaine
es viticulteurs ont découvert au salon Vinitech de bordeaux, début décembre 2008, une machine respectueuse de l’environnement qui va faciliter leur travail tout au long de l’année. L’entreprise Souslikoff et Cie, située à SaintYzans de Médoc, y a présenté sa bineuse intercep pneumatique pour laquelle elle a obtenu le Trophée d’or de l’innovation Vinitech. « Pour nettoyer le sol sous les vignes, on utilise des bineuses intercep qui se retirent au contact des pieds pour ne pas les endommager. Aujourd’hui, cela se fait par une assistance hydraulique qui fonctionne avec de l’huile. Mais, il arrive que le flexible casse, l’huile se répand alors sur la vigne, sans compter les risques de fouettage lors de cette casse et de brûlure due à l’huile. Cette assistance pneumatique fonctionne à l’air donc à l’énergie propre et non dangereuse », précise Dominique Souslikoff, directeur de l’entreprise. Au volant du tracteur qu’il fait tourner sur la parcelle expérimentale de son
ou répartition des consommateurs desservis. (1) En collaboration avec l’école doctorale de mathématiques et d’informatique de l’Université Bordeaux 1
entreprise à Saint-Yzans, il explique : « La compressibilité de l’air apporte une progressivité dans l’effacement de la machine. Cela est très important pour les jeunes plans qui sont très fragiles ». Le directeur de l’entreprise médocaine a voulu aller plus loin dans l’innovation de sa bineuse intercep. Constatant que le viticulteur devait régler luimême la profondeur de la bineuse, il a mis au point un capteur d’effort sur l’outil intercep qui permet aux versoirs gauche et droit de s’enfoncer dans le sol à la bonne profondeur, de manière indépendante. On comprendra l’intérêt sur des terrains en dévers d’autant plus que ces positions s’inversent automatiquement quand le tracteur fait un demi-tour au bout de rang, évitant au viticulteur de descendre de sa machine pour réinitialiser les réglages. « Cette optimisation d’effort du travail dans le sol diminue la consommation de carburant du tracteur. » Un point qui a du séduire le jury de Vinitech.
H20 2009
CHRONIQUES
97
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique La sexualité des truffes n’est plus un mystère
L
a recherche sur les truffes vient de vivre un nouveau tournant. « La sexualité des truffes n’est plus un mystère » s’exclame Jean-Marc Olivier qui a consacré 25 années de recherche à l’Inra Aquitaine sur ces champignons mythiques. « Jusqu’à maintenant, on croyait que la truffe était homothallique, c’est à dire qu’elle avait un fonctionnement proche de l’hermaphrodisme, mais sans preuve scientifique directe. Or, grâce aux progrès de la biologie moléculaire, des collègues italiens ont réussi à mettre au point une astuce technique qui leur a permis de sortir de l’ADN des spores. L’ADN nous a alors appris que l’ascocarpe (la partie que l’on mange) naît de la rencontre de cellules maternelles et paternelles. L’heterothallisme a été prouvé. » Cette reproduction permet à la truffe d’effectuer une recombinaison, peut varier et s’adapter aux changements notamment climatiques. La découverte est importante pour les trufficulteurs, car on peut maintenant éliminer toute idée d’une espèce en voie de disparition par appauvrissement génétique. « Une nouvelle question se pose : quand on fait l’ensemencement (1), est-ce que l’on maîtrise bien la sexualité ? Cela pourrait contribuer à améliorer et à rendre plus régulière la trufficulture. » La recherche sur les truffes n’est donc pas prête de s’arrêter, bien au contraire, cette découverte ouvre de nouveaux champs d’investigation. « On va pouvoir comprendre comment fonctionne la reproduction et notamment pourquoi
Micro-avalanches et mayonnaise Comment coule une mayonnaise ?
C
omment s'étale une crème de beauté ? Comment s'écoule le ketchup? C'est sur ces phénomènes que plusieurs scientifiques de quatre laboratoires (1) ont planché. Le résultat de leurs travaux, publié dans la revue Nature du 3 juillet 2008, permet désormais de mieux saisir les mécanismes d'écoulement de ces matériaux dits "amorphes".
98
H20 2009
CHRONIQUES
Les ascocarpes de truffe noire juste après récolte.
les « bébés » truffes se forment au mois de mai. D’autres résultats sont à venir (sur la nutrition ou l’écologie) avec l’avancement du séquençage du génome de la truffe noire par l’Inra Nancy. » Et, la région bordelaise restera en pointe sur ces recherches puisque un nouveau programme, « Truffe dans le paysage et les politiques de gestion du territoire », est piloté par le Cemagref de Cestas. (2) (1) La relance de la trufficulture en France s’est fait grâce à la « mycorhization contrôlée en pépinière » : l’Inra a mis au point en 1970 l’ensemencement d’arbres mycorhizés (le champignon est installé sur les racines de l’arbre). Cette mycorhization est aujourd’hui contrôlée dans notre région par la société Agritruffe à Saint-Maixant (33). (2) Avec l’Inra,l’EnitaB et l’université Bdx
Caractérisés par une structure moléculaire destructurée comme un liquide mais ayant paradoxalement un aspect solide, ces matériaux se comportent, en effet, différemment suivant leur confinement et la force exercée sur celui-ci. En quelque sorte, si on retourne un pot de mayonnaise, elle reste solide, si on secoue le pot avec force, elle s'écoule et devient liquide. "En sachant cela, on a étudié à l'échelle microscopique l'écoulement de ces matériaux et on a mis en évidence une forme de procédé d'avalanche, soit l'apparition de petites fractures qui entrainent un écoulement coopératif", décrit Annie Colin, professeur à Bordeaux I et chercheuse au sein du Laboratoire du Futur. "Mesurer la portée de ces petits évènements d'avalanches suivant le confinement et la force exercée
va ainsi nous permettre, par exemple, d'améliorer l'étalement des crèmes de beauté en les rendant plus ou moins élastiques ou de travailler sur la surface d'épaisseur des peintures". (1) Laboratoire du Futur (Rhodia, CNRS, BordeauxI), Laboratoire de physique de la matière condensée et nanostructures (CNRS-université de Lyon), Laboratoire central des Ponts et Chaussées (Université de Marne la Vallée), Laboratoire Gulliver (ESPCI).
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Les sentinelles de la mer
E
n front de mer, face à la jetée Thiers d’Arcachon, les membres de l’équipe Gema Arcachon (1), ne peuvent pas être mieux placés. A quelques dizaines de mètres de leur bureau de la Station marine, sous la jetée, ils ont placé des huîtres munies d’électrodes reliées à un boîtier. Ces électrodes permettent de mesurer l’ouverture de ces mollusque bivalves. Le principe en apparence assez simple renseigne les scientifiques sur la qualité de l’eau. L'arrivée d'un changement de qualité de l'eau perçu par l'animal comme une agression externe, et le mollusque se ferme à des heures anormales; un affaiblissement de son organisme et la fréquence d’ouverture-fermeture, ou sa croissance journalière, ne sont plus les mêmes. « C’est comme le sommeil chez les humains, les huîtres ont des heures où elles sont fermées et d’autres où elles sont ouvertes ; s’il y a perturbation de ce rythme biologique c’est qu’il se passe quelque chose d’anormal. A nous d’apprendre à lire leur comportement pour les utiliser comme sentinelle », explique JeanCharles Massabuau, responsable du Gema Arcachon qui a aussi muni des bénitiers de cette technologie en Nouvelle-Calédonie pour étudier les éventuels impacts de l’usine d’extraction de minerai Goro Nickel dans le lagon sud.
M
L’équipe de Jean-Charles Massabuau collecte tout au long de la journée pas moins de 1,7 millions de données sur chaque site qui sont transmises automatiquement à minuit à un ordinateur dont les équations mathématiques complexes ont été créées par le mathématicienstatisticien du groupe, Gilles Durieu. Cela permet d’analyser et de comparer automatiquement les mouvements des valves et de voir s’il y a des anormalités dans leur comportement. Ainsi, les chercheurs n’ont pas besoin de se déplacer sur les sites étudiés. Pour en faire profiter toute la communauté scientifique mais aussi les riverains des zones étudiées, l’équipe met en ligne tous les jours les données collectées, sous forme de graphiques.
Il marie des arbres différents ardi 23 septembre 2008, l’Aquitain Guy Roussel chercheur à l’Inra a reçu le laurier « appui à la recherche » de l’Inra en présence de la secrétaire d’état chargée de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce trophée récompense le travail du chercheur et de son unité mixte "Biodiversité, gènes et communautés" du domaine expérimental forestier de Pierroton (1). Guy Roussel
a contribué de manière déterminante à l’orientation de son unité de recherche vers l’exploration de la diversité génétique des populations d’arbres. Il a soulevé des obstacles techniques en concevant plusieurs dispositifs destinés aux croisements entre des arbres de grande taille comme le chêne. Son "injecteur cyclone à deux voies" permet d’insuffler le pollen récolté sur l’arbre "père" dans des poches
Toute l'électronique a été développée par Pierre Ciret, ingénieur électronicien au CNRS, et par une PME locale, EUKREA Electromatique. Ainsi, il est envisagé de placer ces véritables bio-capteurs dans les passes du bassin d’Arcachon pour prévenir en temps réel de l’arrivée d’algues toxiques. Et, un major pétrolier, qui souhaite prévenir la pollution aux hydrocarbures, a d’ores et déjà pris contact avec le Gema Arcachon. (1) Le Gema (Géochimie et Ecotoxicologie des Métaux dans les systèmes Aquatiques) est une des cinq équipes du laboratoire EPOC (CNRS et Université Bordeaux I).
contenant les inflorescences femelles de l’arbre "mère". Cette machine permet aussi d’économiser le pollen récolté, et donc d'obtenir le nombre de descendants suffisants pour l’analyse génétique. Les croisements réalisés ainsi entre différentes espèces de chênes blancs (chêne pédonculé, sessile et pubescent) ont permis à l’équipe de Guy Roussel d’établir la première carte génétique de cette famille. Cette carte est devenue depuis une référence non seulement pour le chêne, mais aussi pour le châtaignier
et le hêtre qui lui sont proches. Elle permet de mesurer la variabilité du génome entre les espèces. Les lauriers de l'INRA ont été créés en 2006 pour « honorer la créativité, les compétences exceptionnelles que l'on rencontre à l'INRA, et participent à la promotion des métiers de la recherche ». (1) Unité mixte de recherche INRAUniversité Bordeaux I
H20 2009
CHRONIQUES
99
Un appareil de précision pour le séchage des pruneaux
«
Le pruneau est séché par le producteur pour des questions de conservations puis il est réhydraté à 35% par le transformateur avant la vente. Le tout pour répondre à la réglementation de l’appellation IGP (Indication géographique protégée) Pruneau d’Agen. On comprend alors l’intérêt de connaître précisément quel est le taux d’humidité du pruneau », explique Stéphane Chanthapanya, dirigeant d’Isinov, société spécialisée en veille technologique. Or, la plupart des producteurs estiment le séchage du fruit en se basant sur leur expérience, ou comme les transformateurs ils utilisent un appareil américain des années 60, robuste mais difficile d’utilisation. « Le Bureau national Interprofessionnel du Pruneau (Bip) m’a alors contacté pour trouver un procédé plus rapide et moderne » raconte Stéphane Chanthapanya. Il s’est donc tourné vers la cellule A2M-IMS Transfert de
B
l’Université de Bordeaux I où il a rencontré Jean-Louis Miane, enseignantchercheur et Fabrice Bonnaudin, ingénieur. Les deux chercheurs ont alors imaginé un concept performant appelé Humifruit qui calcule instantanément, grâce aux micro-ondes, le taux d’humidité du fruit ». Jean-Louis Miane explique le principe : « Une onde à haute fréquence se propage et va se réfléchir à l’extrémité d’une sonde piquée dans un pruneau. En fonction du milieu (plus ou moins humide), la réflexion de l’onde est modifiée. On utilise donc ce phénomène de réflexion pour faire nos mesures sur des matériaux ». Cerise sur le pruneau, le taux d’humidité est alors immédiatement indiqué à l’utilisateur sur l’écran du boîtier. L’appareil, portatif, facilement maniable et précis a séduit le Bip. Les trois hommes ont donc déposé un brevet et créé une entreprise « Imiwave Technologies», le 11 août 2008. Ils ont fabriqué une dizaine d’appareils et espèrent rapidement commercialiser leur invention auprès des producteurs de tous les fruits séchés mais aussi se tourner vers d’autres marchés porteurs comme l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique et cosmétique, où la mesure du taux d’humidité pourrait permettre d’améliorer la qualité des
Stéphane Chanthapanya et Jean-Louis Miane présentent leur boîtier commercialisé sous le nom d’Humifruit
produits ou de fiabiliser le processus de fabrication. (1) La cellule de transfert A2M (Atelier Matériaux et Micro-ondes) est rattaché à l’IMS (Intégration du Matériau au Système)/ Bordeaux 1
Deux lycées dits « Kyoto » en projet ien plus ambitieux que les constructions HQE (Haute Qualité environnementale) qui impliquent simplement une économie d’énergie, les bâtiments « Kyoto » visent, eux, à générer entièrement l’énergie qu’ils consomment. Ils figurent au top du top des démarches d’éco-construction. En Aquitaine, la procédure de conception de deux lycées neufs « Kyoto » a justement été lancée en 2008 par le Conseil régional d’Aquitaine. Ils devraient voir le jour dans les prochaines années
100
H20 2009
CHRONIQUES
à Bègles en Gironde et à Bergerac en Dordogne. Ces bâtiments neufs s’inscriront dans des critères « basse consommation » et répondront également à l’objectif de diviser au moins par six les émissions de gaz à effet de serre, suivant ainsi les objectifs du protocole de Kyoto. Un seul lycée de ce type existe actuellement en France et même en Europe. Il ouvre ses portes cette année à Poitiers. Garantie « Zéro énergie fossile », il n’utilisera ni gaz, ni charbon, ni pétrole. Tout a été conçu pour permettre au bâtiment de produire lui-même l’énergie
dont il a besoin en termes de chauffage et d’électricité: échangeurs et récupérateurs de chaleur, système de micro-cogénération à l'huile végétale, isolations renforcées, capteurs photovoltaïques,
toitures végétalisées, verrières, récupération des eaux de pluie pour les sanitaires et l‘arrosage…
Le lycée Kyoto de Poitiers, premier du genre en France, a été conçu par les architectes Guy Autran et François Gillard. Perspectives : Stéphane Curtelin.
Photo Alexandre Marsat
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Une table de projection « intelligente » et interactive
Les équipes R&D de la société bordelaise Immersion, spécialiste de solutions dans le domaine de la réalité virtuelle et de la simulation visuelle, viennent de donner naissance à un petit bijou technologique : une table de projection interactive. Elle permet de manipuler tactilement des documents et notamment des images. Un simple effleurement des doigts sur la table permet de déplacer, tourner, agrandir, isoler, éclairer plus fortement les images projetées. Autre atout : six personnes peuvent se tenir confortablement autour de la table afin de travailler conjointement sur les documents virtuels. Enfin, des objets physiques posés sur la table peuvent également interagir avec des objets virtuels. Des architectes, par exemple, pourraient ainsi mélanger des maquettes physiques de bâtiments à des plans de construction virtuels. L'envers du décor est fait d'un vidéoprojecteur, d'une caméra et d'un PC, tous dissimulés dans le socle de la table. L'illumination des documents se fait au moyen d'un système infrarouge qui permet une utilisation multi-points. Développée à la demande de l'Europe, la « Immersion Table », en phase aujourd’hui de production et de commercialisation, aura requis environ sept mois de développement.
Abdelhamid Benazzouz récompensé pour ses travaux sur la maladie de Parkinson
M
embre du laboratoire Mouvement, Adaptation et Cognition (1) et directeur de recherche INSERM, Abdelhamid Benazzouz a reçu en Février le prix François Lhermitte de l'Académie des Sciences pour ses travaux sur la physiopathologie et la recherche de nouvelles approches thérapeutiques de la maladie de Parkinson. Ses premières études dans les années 90 sur la stimulation à haute fréquence du noyau sous-thalamique chez le singe ont permis d’opérer de nombreux patients dans le monde, pour lesquels les effets bénéfiques thérapeutiques sont toujours stables. « Des stimulations électriques de 130 Hertz bloquent l’activité des neurones et permettent ainsi de mieux contrôler leur fonctionnement. Il est même possible d’ajuster le voltage des stimulations afin d’adapter le traitement à chaque patient », explique le chercheur. Une nette amélioration des symptômes moteurs cardinaux (rigidité, akinésie et tremblement) a pu être constatée. Cette méthode est d’ailleurs utilisée avec succès dans d'autres pathologies comme les dystonies, l'épilepsie, la dépression ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Abdelhamid Benazzouz et son équipe s’intéressent aujourd’hui aux mécanismes fonctionnels de cette stimulation cérébrale, ainsi qu’à l'implication des récepteurs dopaminergiques au sein des ganglions de la base dans la maladie de Parkinson.
(1) MAC UMR5227 - Université Bordeaux 2 / Université Bordeaux 1 / CNRS
Des espoirs contre la maladie du sommeil Le paludisme, également connu sous le nom de malaria, tue chaque année plus d’un million de personnes et accapare 40% du budget santé en Afrique. Les traitements actuels sont lourds, chers et nécessitent la prise de huit cachets par jour pour un adulte. L’université Victor-Segalen Bordeaux 2(1) a mis au point un nouveau médicament, l’ASAQ, développé par la PME Pessacaise Ellipse Pharmaceuticals et distribué par Sanofi Aventis. Il s’agit d’un comprimé bicouche, qui réunit les deux principes actifs agissant contre la maladie (Artésunate et Amodiaquine). Cette innovation est des plus importantes car elle va fortement alléger le traitement. Il sera limité à deux cachets par jour pour un adulte et à un seul pour les enfants, pendant une durée de trois jours. Trois dosages différents ont été développés spécifiquement pour les
enfants de 3 mois à 13 ans. Les mères qui ont aujourd’hui plutôt tendance à partager les médicaments entre leurs enfants auront plus de facilité à respecter les doses du traitement. L’ASAQ constitue donc une opportunité pour lutter plus efficacement contre la mortalité infantile. Coarsucam, la version commerciale, est actuellement disponible sur le marché privé de l'ensemble des pays d'Afrique francophone (réseau de Sanofi Aventis) au prix de 6 euros le traitement. Les inventeurs ont accepté de ne pas breveter leur procédé, l'ASAQ en générique devrait être commercialisé par Sanofi Aventis au prix de 1$ pour l’adulte et de 0,50$ pour l’enfant.
(1) Projet dirigé par le Dr. Pascal Millet, Equipe d’Accueil 3677, Base Thérapeutique des Inflammations et des Infections (Directeur Pr. Djavad Mossalayi), et financé conjointement par l’Organisation Mondiale de la Santé, la Fondation Drugs for Neglected Diseases Initiative (DNDi), et l’Union Européenne. www.actwithasaq.org/fr/asaq1.htm H20 2009
CHRONIQUES
101
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique 100.000 larves pour sauver l’esturgeon
Campus de Bordeaux, bientôt le Harvard français ?
ouvelle victoire pour le repeuplement de l’esturgeon européen. Après l’éclosion des première larves, dont Capsciences.net vous avez parlé l’an dernier, la station Cemagref de Saint-Seurin sur l’Isle, vient d’enregistrer un nouveau succès. Les chercheurs du Cemagref viennent en effet de donner naissance à 100.000 larves d’Ascipenser sturio, soit dix fois plus que la première tentative de reproduction artificielle de 2007. Cette réussite a même permis de valider une nouvelle technique : le recours à du sperme décongelé car de petits lots d’œufs ont été fécondés avec succès par ce procédé. Cette cryoconservation permet d’accroître les possibilités de croisement et de garantir les reproductions futures. Rappelons que l’esturgeon européen est aujourd’hui menacé de disparition alors qu’autrefois ce grand migrateur peuplait les côtes et les rivières de l’Europe de l’Ouest. Victime de l’intensification de sa pêche en mer et en estuaire dès le début du XXème siècle, notamment pour la fabrication de caviar, de la dégradation de la qualité des eaux, de la destruction des frayères et de la construction de barrages, l’espèce a été protégée par la France en 1982 et en 1998 par l’Europe. Aujourd’hui il reste moins de 10 000 individus, originaires uniquement du bassin de la Gironde. Cette réussite est donc une excellente nouvelle pour sa sauvegarde et son repeuplement. Rendez-vous est d’ores et déjà fixé en septembre pour l’alevinage de ces larves.
u mois de juin, Bordeaux a fêté un heureux événement : son Université figure dans la première vague de l’« Opération campus », portée par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Seulement dix campus au total en France ont été choisis pour participer à ce projet. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour qui n’a jamais fait un tour à l’Université Bordeaux 1, il faut imaginer 70 bâtiments, érigés pour la plupart dans les années 1960, dont la moitié des surfaces est à réhabiliter : déperdition d’énergies, peu d’équipements pour les handicapés, travaux de désamiantage nécessaires et une vétusté qui contraste avec le matériel de haute technologie qu’elle abrite et les chercheurs de haut niveau qu’elle accueille. Il en est de même pour les Universités de Bordeaux 2, 3 et 4.En tout, ce sont 415 000 m2 de locaux qui sont concernés (soit l’équivalent de plus de 4 000 appartements de 100 m2 !). La solution envisagée par l’Etat pour cette remise à niveau est « l’Opération Campus ». Pour une durée de 25 ans, il cédera certains bâtiments universitaires à des sociétés privées qui seront chargées de les réhabiliter. Comme tout locataire, l’Etat leur versera en échange un loyer. Le coût total du projet, maintenance comprise sur 25 ans, est estimé à 538 M€. Et, pour renforcer l’identité du campus bordelais, un volet « Vie de Campus », à la hauteur des ambitions pédagogiques et scientifiques, a été intégré pour que, selon Daniel Hickel, chargé de la stratégie à l’Université de Bordeaux et tête pensante de ce grand projet, « très vite les étudiants français ou étrangers soient fiers d’appartenir à l’Université de Bordeaux, et en soient les acteurs », comme le sont les étudiants de Harvard.
N
Le bois, biocarburant du futur ?
A
ccusés d’exacerber la crise alimentaire, les agrocarburants sont aujourd’hui remis en question. Cependant, une seconde génération de biocarburant pourrait voir le jour. Les bois, eux aussi, contiennent de la cellulose qui est un polymère de sucres élémentaires et qui, une fois récupérée par hydrolyse, fermentée et distillée, se transforme en bioéthanol. Des recherches initiées en 2005 dans le cadre du pôle
102
H20 2009
CHRONIQUES
de compétitivité « Industries et pin maritime du futur », viennent d’aboutir. Des chercheurs de l’Unité des sciences du bois et des bio polymères et de l’Institut du Pin (Bx I) ainsi que de l’INSA, Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse, ont réussi, avec le soutien d’industries telles que Tembec et Genencor International, à mettre au point un processus performant. « Le besoin était d’éliminer la lignine, polymère présent dans le bois, pour pouvoir accéder à la cellulose sans utiliser les procédés violents et énergivores actuels comme l’acide sulfurique à haute température ou la technique du bois explosé. On a donc mis au point
A
un nouveau procédé : l’hydrolyse de la pâte à papier par les enzymes à basse température. L’intérêt est de pourvoir hydrolyser la cellulose du bois à 100% et, par le biais de la cuisson,
de générer l’énergie nécessaire au process sans faire appel à une source extérieure » explique Jean-Claude Pommier, coordinateur du projet.
Les recherches terminées, une demande a été déposée à l’ADEME pour financer l’étude d’un pilote et engager la fabrication de ce biocarburant dans l’usine Tembec de Saint-Gaudens
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Une vendange de haute précision en pleine agglomération bordelaise
D
es rangs de vigne, on assiste à un étrange ballet : des têtes se lèvent puis se baissent parmi le brouillard matinal. En lisière de l’agglomération bordelaise on est aux derniers jours de vendange du millésime 2008 du Château Couhins, à Villenave d’Ornon (1). Avant même de traverser le chemin de la Gravette, une pancarte nous prévient : le Château appartient à l’Inra. On se doute alors que ces vendanges à la main ont quelque chose de particulier. Ici, on applique la vendange par parcellisation. Comprenez qu’on ne vendange pas tout une parcelle d’un seul coup. A l’aide d’une machine appelée GreenSeeker, mise au point par le chercheur de l’Inra Jean-Pascal Goutouly, les viticulteurs du Château connaissent avec exactitude l’avancée de la maturation des raisins, grâce à la mesure de la vigueur (croissance végétative) de la vigne. Dominique Forget, directeur du château explique : « Installé sur un
C
Le GreenSeeker est installé sur un tracteur pour parcourir les rangs et procéder aux mesures
tracteur, le GreenSeeker, émet un rayonnement qui est réfléchi par la feuillage de la vigne ». Appuyé d’un GPS et d’un ordinateur, ce système permet de cartographier au mètre près (longueur moyenne de la végétation d’un cep) l’état de la vigueur des rangs de vignes. Si l’on souhaite un important rendement, il faut qu’elle soit très vigoureuse ; mais cette densité de végétation est un élément favorable au développement des parasites… toute la conduite de la vigne est liée à la maîtrise de sa vigueur. Saison après saison, ces mesures
permettent alors de réguler les apports d’intrants puis de fixer les dates de récolte. « Ainsi on procède à une vendange de précision ». Les 90 000 bouteilles (2) qui sortent du Château Couhins permettent à tous d’évaluer, en bouche, cette technique innovante. (1) http://www.chateau-couhins.fr (2) Des 20 hectares, il est produit, en moyenne, 70 000 bouteilles en rouge (Merlot, Cabernet-franc, Cabernet-sauvignon et Petit Verdot), et 15 000 bouteilles en blanc (Sauvignon et Sémillion). A noter qu’en blanc, le Château Couhins est Cru classé de Graves depuis 1959
Des alchimistes culinaires haque année, depuis cinq ans, les étudiants de l’ISTAB, l’Institut des Sciences et Techniques des Aliments de Bordeaux I, relèvent le défi de concocter les « aliments de demain ». La recette en est simple : imaginer une formulation culinaire innovante, ajouter un savoir en physique-chimie, réaliser des tests microbiologiques et des analyses bactériologiques et enfin ne pas oublier une bonne pincée de marketing. Pour créer ces produits sensés
être commercialisables et équilibrés nutritionnellement, les étudiants, futurs cadres d’entreprises en agroalimentaire, ont d’ailleurs, pour la première fois, collaboré avec des élèves ingénieurs en Chimie et physique de l’ENSCPB (cette collaboration préfigurant la fusion de ces deux écoles dès septembre prochain). L’édition 2008 des « aliments de demain » n’a pas manqué de panache : tiramisu de légumes, macarons garnis de pâtes fromagères, mini-éclairs fourrés au foie gras et nappés à la figue…
Trois concepts ont été retenus pour participer au concours national Trophelia : Perlice, une crème vanille-framboise mêlée à des perles du Japon, petites graines transparentes de fécule de manioc ; « Simon, c’est si bon », soupe de divers légumes cuits à la façon risotto; ToastyFolie’s, mini-biscottes à la tomate et au basilic. Seront-ils bientôt dans nos caddies ?
H20 2009
CHRONIQUES
103
Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Quand l’électricité jaillit des déchets !
Le routage téléphonique se perfectionne
L
e guidage par touches en appelant un standard téléphonique est-il déjà has been ? Une nouvelle technologie vient de voir le jour pour appliquer un routage intelligent et automatique des appels téléphoniques. Dix ans de recherche ont été nécessaires
104
H20 2009
CHRONIQUES
Photo Thomas Sanson-mairie de Bordeaux
L
es résidus de déchets triés finissent généralement leur vie broyés et enfouis dans le sol. Un nouveau procédé, unique en France, va voir le jour pour transformer ces déchets en gaz puis en électricité. Une unité de gazéification devrait être opérationnelle cette année, à Morcenx (Landes), sur le site d’Europlasma. Cette société se fait fort de venir à bout des déchets les plus dangereux tel l’amiante en utilisant la technologie de la torche à plasma. Leur procédé de gazéification s’appliquera, lui, à des déchets industriels dits « banals ».. Placés dans un four au volume d’air réduit, ces derniers, soumis à une chaleur de 880°, se consument sans brûler « telle une bûche en fin de feu». Tous les éléments organiques contenus dans les déchets sont alors convertis en gaz de synthèse composé de monoxyde de carbone (CO) et de d’hydrogène (H2). Grâce à la torche à plasma, ces gaz sont ensuite chauffés de 900 à 1100° pour éliminer les goudrons. Une fois « purifiés », ils partent alimenter des turbines produisant de l’électricité. Ce procédé se révèle beaucoup plus efficace en production d’énergie qu’un incinérateur alimentant des turbines à vapeur. Mais, surtout en l’absence de combustion des déchets, les émissions polluantes sont quasi nulles. Près de 150t de déchets par jour devraient être traités pour une production de 12 mégawatts d’électricité revendus à EDF.
La nouvelle piscine du Grand Parc : plaisir, confort… et sécurité
D
e quoi faire changer d’avis les derniers réfractaires aux piscines publiques ! Conçue selon les normes HQE (Haute Qualité Environnementale), la piscine du Grand Parc utilise des déchloraminateurs pour éliminer les odeurs de chlore. Un plafond suspendu en bois de mélèze et toile de verre, des panneaux en laine de bois dans le hall du bassin, un double vitrage et du plancher chauffant garantissent une isolation thermo-acoustique optimale. En terme d’énergie, des panneaux solaires vont fournir 50% de l’énergie nécessaire pour chauffer l’eau des bassins et des sanitaires. Aussi, une partie de l’eau est réutilisée pour l’arrosage des plantes intérieures, des espaces verts, et à terme pour le nettoyage des rues adjacentes. Et pour notre sécurité, la piscine innove avec un système d'aide à la surveillance par caméras. Ce système d'analyse nommé POSEIDON™ décode le comportement des baigneurs grâce à un couplage de caméras classiques et infrarouges disposées au plafond. « Si quelqu’un a une trajectoire ou un positionnement inhabituel, le système déclenche une alarme dans les 10 secondes, facilitant ainsi l’intervention des maîtres nageurs », explique P. Nouaillant, le responsable de la piscine. C’est le premier bassin de la région à être doté de ce dispositif.
au sein de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique) de Bordeaux pour concevoir ce logiciel appelé « Visucom Suite ». Elaboré par Fabien Latry, docteur en informatique, ce logiciel innove en permettant de faire le lien entre une base de données informatiques et la téléphonie. Ainsi, toute personne listée, appelant une société ou une institution, peut être immédiatement identifiée et dirigée vers le bon interlocuteur ou service. Des messages personnalisés d’attente peuvent être diffusés. La personne réceptionnant les appels pourra, elle,
filtrer des numéros, rediriger vers son assistante ou déterminer au contraire les appels prioritaires. Des transferts d’appel sur des téléphones portables, mails ou SMS sont également possibles. Commercialisée depuis moins d’un an à travers la société talençaise Siderion Technologies, « Visucom Suite » a déjà conquis deux entreprises en Aquitaine et pourrait se développer chez de grands opérateurs de télécommunications.
REFERENCES
Au cours de l’année, nous avons été sensibles à quelques publications : elles transmettent une recherche menée en Aquitaine, elles portent un regard sur l’Aquitaine ou tout simplement leurs éditeurs ou leurs auteurs sont aquitains. Cette sélection à été faite en partenariat avec l’ARPEL (Agence Régionale Pour l’Ecrit et le Livre en Aquitaine)
A CONSULTER
LIVRES
LIVRES
A CONSULTER
La Politique. Cahiers Jacques Ellul n° 5 Sous la direction de Patrick TroudeChastenet. L’Esprit du temps. 21 euros
Après un numéro consacré à la propagande, les cahiers dédiés au célèbre sociologue bordelais s’intéressent à la conception du champ politique de Jacques Ellul. La revue revient sur la vision qu’il a principalement développée dans son ouvrage L’Illusion politique. Celle-ci résolument « dé-fantasmée » peut paraître particulièrement sévère. « Tout est politique, écrit-il, mais la politique n’est qu’illusion. » Elle est « l’art de généraliser les faux problèmes, de donner de faux objectifs et d’engager de faux débats ». On trouvera en outre, dans le dossier de la revue, la reproduction des échanges passionnants (et virulents) entre Jacques Ellul et Marcel Merle qui se sont fermement opposés après la publication de L’Illusion politique. Comme toujours la lecture des écrits d’Ellul est édifiante tant ils sont frappants de pertinence et de modernité. Le choix des textes et les apports des contributeurs donneront au lecteur une vision globale de la pensée d’Ellul et de sa construction. Alexandre Piboyeux Note parue dans Lettres d’Aquitaine n° 81/octobre 2008 Traduire la science Sous la direction de Pascal Duris. Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine. 24 euros
Le travail des traducteurs est souvent méconnu. Pourtant, ils sont auteurs à part entière. La chose est vraie dans le domaine littéraire, elle l’est également pour les sciences. Le traducteur scientifique est sans conteste un maillon essentiel dans la transmission des nouveaux savoirs scientifiques, et comme le traducteur littéraire est écrivain, le traducteur scientifique est bien un homme de science. Parfois technique, l’ouvrage n’en demeure pas moins particulièrement intéressant. Plusieurs questions fondamentales traversent l’ensemble des contributions : Faut-il être scientifique pour traduire la science ? La traduction passe-t-elle forcément par la vulgarisation ? En conclusion, Isabelle Poulin étudie le travail de traduction de l’écrivain Vladimir Nabokov, qui était également entomologiste. Peut-être, le traducteur scientifique doit-il, comme il s’efforça de le faire, « raconter la science, s’efforcer de traduire le bouleversement de la découverte ». Alexandre Piboyeux Note parue dans Lettres d’Aquitaine n° 81/octobre 2008
Dans la main du diable & L’enfant des ténèbres Anne-Marie Garat. Actes Sud 24 et 25 euros
Voilà une fresque magistrale dans laquelle on pénètre avec quelque appréhension, vu l’imposant format des volumes, mais qu’il nous est impossible de lâcher ensuite, comme engagé dans un voyage haletant, plein de suspens et de rebondissements, une traversée du siècle où les destinées de chaque personnage s’inscrit dans l’histoire d’une société en pleins bouleversements, qu’ils soient politiques, scientifiques, industriels ou artistiques. Premier opus d’une suite paru en avril 2006, Dans la main du diable met en scène (ou en selle) à la veille de la première Guerre mondiale, Gabrielle Demachy, une jeune fille audacieuse et volontaire qui mène une enquête sur la disparition de son aimé, avec pour seul indice un cahier hongrois, une véritable de boîte de Pandore, recelant bien des secrets : sentimentaux, familiaux, étatiques… Dans L’enfant des ténèbres, nous sommes en 1933-1934… Vingt ans ont passé. Un autre désastre menace. Camille Galay, la petite Millie d’alors, après un exil aux Etats-Unis où son ami hongrois Jos est mystérieusement décédé, revient dans une Europe où le nazisme s’enracine. Renouant avec les grandes sagas romantiques du 19e siècle, Anne-Marie Garat, dans une langue magnifique, explore les destins de personnages qui traversent le siècle pour porter un regard juste et global sur une société en mouvement : début du cinématographe, condition de la femme, industrialisation pour le premier ; riches mouvements artistiques et avancées technologiques de l’entre-deux-guerres pour le second. Et aussi sur ses monstres embusqués… L’auteur poursuit son questionnement sur l’Histoire et annonce deux autres volumes. Catherine Lefort
H20 2009
REFERENCES
107
Le commencement du monde Jean-Claude Guillebaud. Seuil. 22 euros. La première vertu du chercheur est l’humilité, une conviction profonde d’être sans arrêt en quête de la vérité. Mais d’une vérité qui corresponde à la réalité du monde. Cette quête, partagée entre scientifiques et journalistes, Jean-Claude Guillebaud l’alimente encore avec ce livre. Il y exprime sa recherche infinie de la compréhension des logiques qui font le monde, qui pourraient nous aider à prédire son évolution. Cet ouvrage traduit une vraie science du monde, une « anthropologie » qui repose sur l’observation attentive des mouvements et des vibrations de nos modes de pensée et de nos modes de vie. Et nous voici complices des nombreuses lectures, des confrontations et des réflexions de l’auteur. Celui-ci est-il un utopiste ou a-t-il un temps d’avance sur notre vision du monde lorsqu’il propose sa théorie d’une modernité nécessaire, basée sur le métissage des cultures ? Inviter à penser un nouveau monde construit sur une négociation permanente plutôt que sur un rapport culture dominante, cultures opposées est le fruit de l’expérience d’un infatigable voyageur-grand reporter qui voit poindre autour de la planète cette nouvelle humanité non figée, peuplée d’humains de toutes religions et de toutes philosophies qui vont et viennent, échanges, se mélangent, malgré les spectaculaires rigidités et conflits qui font l’actualité. Inventent-ils un mouvement de fond de rapprochement des idées, une modernité dans laquelle Jean-Claude Guillebaud voit une nouvelle conception partagée du progrès ? Bernard Favre Sur les traces de Félix Arnaudin Jean-Noël Le Fur et Charles Daney. Confluences. 29 euros. Il y a un siècle, Félix Arnaudin parcourait la Grande lande en bicyclette avec comme fidèles amis son carnet de route et son appareil photo. De ces outils, il conservera la mémoire du paysage des Landes et de ses hommes en sursis. Napoléon III était en train de bouleverser ce grand territoire par la plantation des pins. Mais qu’est devenu ce territoire ? Jean-Noël Le Fur a eu la merveilleuse idée de partir sur les traces du « folkloriste » et ethnographe de Labouheyre. « Ce n’est pas la même lande mais ce sont les même lieux » comme le dit le géographe Charles Daney, qui commente les photos. Car Arnaudin notait tout sur son calepin, jusqu’à l’endroit où il plantait le trépied de sa boîte pour ses prises de vue, ce qui a permis à Jean-Noël Le Fur de refaire 50 photos comme les avait prises Arnaudin. Une superposition des clichés donne à voir ce qui a changé. Ici, le vieil orme a disparu, là l’église est restaurée, la route coupe le champs sur lequel des paysans s’échinaient. La sylviculture a durablement remplacé le monde pastoral. Un travail documentaire à la fois émouvant et riche d’indications historiques. Dans un siècle peut-être… Alexandre Marsat
108
H20 2009
REFERENCES
Une racine entre deux pierres. Le Népal. Chantal Detcherry et Philippe Vercaemer. Fédérop. 28 euros. Ce livre a été écrit par deux universitaires bordelais qui rendent compte dans leurs textes et leurs photos, avec une sensibilité et une précision toutes contenues, de leur voyage au Népal.Un voyage physique où les rencontres se sont multipliées et un voyage mental où les expériences ont été distillées. Cette forme de compte-rendu tient à la fois de la science et de la poésie. Il s’agit d’une approche très personnelle, construite au fil de scènes vécues, de paysages traversés, d’histoires racontées, de photos sélectionnées. Chaque texte traduit l’interaction entre le voyageur, ce qu’il peut percevoir, et le pays exploré. Une interaction sensible et redoutablement communicative pour le lecteur qui se saisit naturellement du contenu de ce livre comme s’il avait accompagné les voyageurs. « Le voyageur est celui dont le désir de voir ne s’épuise pas avec le temps ». Chercher à connaître, c’est en somme un esprit de découverte : « picorer et remâcher, telles sont au bout du compte les principales occupations du voyageur ». Bernard Favre Fins tragiques d’expéditions polaires Jean-Michel Charpentier. Elytis. 29 euros. « Le glacier qui nous fait face se tord horriblement, et, au milieux d’un bruit de canonnade, des crevasses apparaissent de tous côtés sur son corps monstrueux ». Avec ce témoignage terrifiant du Capitaine Nansen en 1897, et bien d’autres, Jean-Michel Charpentier nous embarque à bord d’expéditions polaires, aux côtés d’hommes d’exceptions, qui entre fascination et craintes partaient à la découverte des pôles, pour souvent n’en jamais revenir. Dans ce carnet de route, photos, dessins, mais surtout de superbes gravures, qu’il réalise sur sa « vieille presse à graver », ponctuent un récit riche en histoires et anecdotes. On y apprend que les expéditions pouvaient durer plus de 3 ans. Que Lady Franklin, l’épouse d’un capitaine disparu, offrit plus de 75 000 livres à tout navire qui retrouverait trace de l’expédition. On mesure l’immense déception de Scott, qui atteignant le pole sud avec son drapeau anglais, découvrit la tente de son concurrent norvégien… avec une lettre à son attention ! Et c’est avec un réel plaisir, que l’on suit Jean-Michel Charpentier, « traversant le fameux passage du nord-ouest, pénétrant l entement d’un océan à l’autre, plongeant dans les blizzards arctiques pour mieux atteindre ces deux points mythiques des extrémités du monde ». Marianne Pouget
Musée basque et de l’histoire de Bayonne Le Festin. 30 euros. Ce catalogue d’exposition du musée basque de Bayonne retrace toute l’histoire du pays basque en y présentant toutes les collections du musée depuis sa création en 1922. BordeauxUnesco, Les enjeux du patrimoine mondial de l’humanité sous la dir. De Christian Sallenave , Bastingage.
25 euros. Elus, experts, historiens, architectes, urbanistes, paysagistes, sociologues donnent tout à tour leurs avis sur le classement de Bordeaux au patrimoine mondial.
J’ai marché sur la lune Neil Armstrong, L’Esprit du temps. 10 euros. Le premier homme à avoir mis le pied sur la lune livre son témoignage sur cette expérience. Un récit bouleversant.
La jeune bâtarde et la modernité Guadalupe Etchevarria. Le Festin. 20 euros. Sous la forme d’une enquête policière, la directrice de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux se penche sur « la laitière de Bordeaux », oeuvre jusqu’alors attribuée à Goya. Mais l’est-elle vraiment ? Sur le bassin d’Arcachon à l’époque de Napoléon III Charles Daney. Cairn. 17 euros. Le 2 mai 1857, la ville d’Arcachon voit le jour grâce à la mer. L’Empire construit alors cette ville nouvelle que l’on connaît aujourd’hui. Philippe Roudié : Bordeaux, le vin et l’historien Féret. 25 euros. Cet ouvrage est un hommage à Philippe Roudié, professeur éminent spécialiste de la géographie viticole. Un allerretour entre géographie agricole et historique. FranceMonde arabe. Sous la dir. de Samaha Khoury et Alhadji Bouda Nouhou. Pub. 16 euros. Relations culturelles, orientalisme depuis SaintLouis au XIXe, relations politiques, sont différentes facettes des échanges entre la France et le Monde arabe.
Les Legendre. Une saga bordelaise Jean Eimer, André et William Legendre. Editions Confluences. 22,50 euros. A cheval sur le XIX e et le XXe, ce livre raconte l’histoire d’une de ces grands familles qui ont marqué l’histoire de Bordeaux. Un récit plein de charmes et d’anecdotes sur cette famille d’armateurs et d’inventeurs.
La vie en Espagne à la fin du Moyen-Âge Béatrice Leroy, Cairn. 20 euros. A partir de témoignages de l’époque, l’auteur présente la vie quotidienne des habitants des royaumes chrétiens de l’Espagne du XIVe et XVe.
Les quatre saisons gourmandes d’Aquitaine Sous la dir. d’Eric Audinet, Editions Confluences. 25 euros. Plusieurs auteurs passionnés par la gastronomie passent au crible les produits aquitains. Un ouvrage riche d’histoires, de techniques et de recettes bien sûr. Pour quelques arpents de glace Claude Ader-Martin. Elytis. 19 euros. Il y a 400 ans les premiers navires partaient vers la future ville de Québec. L’auteur raconte le quotidien des colons aux origines et aux buts différents qui s’installèrent sur la NouvelleFrance. Le Parlement de Bordeaux et les paix de religion Grégory Champeaud. Editions d’Albret. 23 euros. Dans une région fortement déchirée par la guerre au XVI e, le parlement de Bordeaux reçoit les lois qu’il doit appliquer. Freud, Lacan, Dolto enfin expliqués ! Serge Tribolet. L’esprit du temps. 18 euros. Psychiatre, psychanalyste et docteur en philosophie, Serge Tribolet fait découvrir au grand public les oeuvres de ces trois grands noms. Une introduction à la psychanalyse.
Le tour de France de Lawrence d’Arabie Guy Penaud. La Lauze. 26 euros. L’auteur nous livre le voyage méconnu du fameux Lawrence d’Arabie qui décida en 1908 de traverser la France à bicyclette pour découvrir les lieux historiques, notamment les châteaux fort du Moyen âge. Fasciné par ses découvertes, son périple sera marqué par Richard Coeur de Lion. Comprendre le développement durable Sous la dir. d’Yvette Veyret. CRDP aquitaine. 19,50 euros. En plusieurs fiches, l’ouvrage présente tout ce que l’on doit savoir pour appréhender le développement durable. Sont-ils fous ces Américains ? Denis Guthleben. Bord de l’eau. 18 euros. La télévision française consacre des milliers de sujets sur les Etats-Unis. Cela nous renseigne sur notre propre image. Adrien Marquet, les dérives d’une ambition Hubert Bonin, Bernard Lachaise et Françoise Taliano des Garets. Confluences. 24 euros. Maire de bordeaux, ancien ministre, député de la SFIO, Adrien Marquet se retrouvera au coeur du gouvernement de Vichy. Comment en est-il arrivé là ? Auparavant cet homme aux différentes facettes a fait de Bordeaux des années 30 le laboratoire de ses idées progressistes avec un vaste programme de travaux publics. Une biographie critique qui permet de comprendre l’histoire contemporaine de Bordeaux. H20 2009
REFERENCES
109
Maisons du Pays basque Dominique Duplantier. Cairn.
Monstres marins et autres curiosités Jean-Pierre Alaux et JeanMichel Charpentier. Elytis. 28 euros. A travers six destins de gens de la mer, on rencontre le monde du silence toujours marqué par l’imaginaire même si les scientifiques ont décrit les espèces marines. Le travail de la liberté Robert Misrahi. Le bord de l’eau. 23 euros Le philosophe qui a consacré sa carrière à la question du bonheur, pose ici un regard rétroactif et synthétique sur l’ensemble de son oeuvre. Passion d’automne, les paloumayres girondins. Jacques Gaye. Editions de l’Entre-deuxMers.
Léo Drouyn, les albums de dessins Editions de l’Entre-deux-Mers. 45 euros. Carnet de croquis à la main Léo Drouyn a parcouru la Gironde au milieu du XIXe pour en dessiner tous les monuments. Ses dessins sont la mémoire du patrimoine du département. Depuis 1997 les éditions de l’Entre-deuxMers éditent ses albums. Le quatorzième volume est consacré au canton de Targon. Histoire de l’ours dans les Pyrénées Olivier de Marliave. Editions Sud Ouest. 17,50 euros Des deux côtés des Pyrénées, l’histoire de l’ours est intiment liée à celle des hommes. Ceux-là même qui ont cohabité avec les plantigrades depuis des siècles dans les villages des vallées de l'Ariège, du val d'Aran, du Comminges, de la Catalogne et du Béarn. A travers les récits des derniers chasseurs, du trafic de peaux et de graisse de l’animal, on comprend le lien, souvent tumultueux, entre les Pyrénéens et les ours bruns.
15 euros. Créée par le Conseil régional d’Aquitaine, cette collection a pour objectif de faire connaître les richesses artistiques et patrimoniales de l’Aquitaine. Le premier guide patrimonial est consacré au Val de Dronne.
110
H20 2009
REFERENCES
Rapaces, aigles, faucons, vautours Jean Sériot et Pierre Petit. Editions Sud Ouest. 24,90 euros. En refermant ce livre, on connaît tout de la vie de ces fascinants rapaces. Les récentes permettent de lever le voile sur leurs particularités biologiques, morphologiques et écologiques.
Les Marques d’Aquitaine Olivier Londeix. Editions Sud Ouest. 24,90 euros L’historien Olivier Londeix a recensé les marques de l’Aquitaine. Ce livre qui retrace l’épopée de 150 marques est à conserver pour comprendre l’histoire économique de la région.
23 euros. Le paloumayre d’Escoussans livre ici une véritable étude ethnographique des chasseurs traditionnels de palombes.
Visage du patrimoine en Aquitaine Dir. de publication, Eric Cron. Collection des éditions Confluences.
49 euros 400 dessins et un travail documentaire impressionnant font de ce livre une référence pour connaître l’architecture du Pays Basque et de tous ses villages.
L’esprit du cinéma muet Pierre Allard. Cheminements. 45 euros Une extraordianire collection de documents pour illustrer l’histoire des débuts du cinéma. Histoires d’entrepreneurs et histoires de films racontées par le girondin Pierre Allard.
Bordeaux années 20-30 Dir. Agnès Vatican. Le festin. 22 euros. A l’occasion de l’exposition du Musée d’Aquitaine, Le Festin a sorti ce livre riche de recherches documentaires. Cela permet de garder traces d’une exposition qui nous a fait (re)découvrir l’intense vie culturelle, artistique, politique et architecturale du Bordeaux des années 20-30. Richement illustrés, les textes sont en français et en anglais.
Entre Aneto et Canigou Thierry Guinhut. Rando éditions. 35 euros Avec de magnifiques photos de ces paysages haut-perchés, l’écrivain et photographe nous invite à la découverte de ces cimes pyrénéennes.
Le climat et ses excès Roger Dubrion. Féret. 25 euros Docteur en bio-géographie, Roger Dubrion nous donne l’histoire de ce qu’on appelle les troubles climatologiques en France depuis 1700 pour savoir si notre vocabulaire toujours proche de l’exceptionnel » pour qualifier les « dérèglements » climatiques est juste. OGM : quels risques ? Jacques Testart et Yves Chupeau. Prométhée. 10 euros. La collection « pour ou contre » présente ici les deux points de vue différents sur un débat de société brûlant. Jacques Testard, directeur de recherches à l’Inserm, membre d’Attac et d’Inf’OGM confronte son point de vue sur les OGM, par textes interposés, à Yves Chupeau, directeur de l’Inra Versailles. Ce petit ouvrage permet de se forger sa propre opinion.
Un siècle de psychanalyse Alain Julien Brun. L’Esprit du temps. 18 euros. Ceux qui veulent tout savoir des grands noms de la psychanalyse, auront satisfaction à la lecture de ce livre. L’auteur en écrivant une douzaine de portraits, de Freud à Lacan, en passant Jung et Rank, permet de mieux appréhender la psychanalyse.
contemporaines sur l’organisation régionale. Les dynasties bordelaises Paul Butel. Perrin éditions. 25 euros. A travers l’histoire des grandes familles de Bordeaux, c’est l’histoire de la ville que l’auteur retrace. Au XVIIe siècle, la cité portuaire se lance dans le commerce avec les Antilles et les dynasties marchandes occupent les remarquables hôtels particuliers. La Révolution met fin à certaines d’entres elles avant que le commerce du vin donne naissance à de nouvelles fortunes.
EXPOS VIRTUELLES
Le cognac Gilles Bernard. PUB. 40 euros. Le professeur de géographie charentais, spécialiste de l’eaux-de-vie prestigieuse de son département livre ici une imposante synthèse sur le cognac, sa région, ses hommes et son économie. Le public averti et passionné sera séduit. Entre David et Goliath, la dynamique des réseaux régionaux Christophe Bouneau. Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine. 37 euros. Professeur d’histoire à Bordeaux 3, Christophe Bouneau propose ici une longue analyse du développement des réseaux ferroviaires et électriques du milieu du XIX e siècle à la seconde guerre mondiale. Ces symboles de l’industrialisation sont étudiés aussi sous l’angle de l’aménagement du territoire permettant de faire un parallèle avec les problématiques
Sociétés humaines en Aquitaine. Une histoire de peuplements Cette nouvelle exposition virtuelle de Cap sciences propose un regard historique sur la mise en place des territoires et des sociétés humaines en Aquitaine : comment les populations, leurs langues, leurs déplacements, leurs échanges ont façonné le visage de la région, au fil des siècles. Chaque article aborde une facette de l'histoire des peuplements de l'Aquitaine, en référence à des périodes significatives, de la période gallo-romaine à nos jours et à une thématique : échanges culturels et commerciaux, aménagement du territoire, démographie, réseaux de déplacements, nourritures. Une invitation à visiter, écrire et partager l'histoire de l'Aquitaine… Il s’agit de la première exposition collaborative de Cap Sciences. Son contenu s’enrichit au fur et à mesure des contributions des internautes, afin de constituer une banque de données libre d’accès, selon des rubriques définies.
DVD
Clim’city réalisation: Cap Sciences et Objectif Prod Avec Clim’City, entamez un voyage au coeur du développement durable et des changements climatiques. Jonglez entre informations et simulations pour découvrir les solutions d’aujourd’hui et de demain qui permettront de limiter l’impact des changements climatiques. Promenez vous à la montagne, à la campagne, en ville ou au bord de mer ! A partir des éléments du paysage (maisons, voitures, champs, centrales électriques, forêts, glacier, etc.), accédez à plus de 300 documents : vidéos, interviews, animations, graphiques, cartes et diapos photos. Pourquoi dit-on que le réchauffement s’accélère ? Comment les écosystèmes réagissent-ils ? Découvrez les activités humaines qui participent à l’accélération des changements climatiques : quelles sont celles qui perturbent le plus le climat ? Comment l’influencent-elles ? Explorez les différentes solutions en matière d’énergie, de transport, d’habitat, d’industrie, de gestion des déchets, etc. Téléchargez les nombreuses fiches et les différents médias de l’exposition. Ces supports vous permettront d’alimenter des cours, des exposés, des conférences et des séances d’animation. Jouez avec Clim’City et aidez la communauté à atteindre les objectifs fixés ! 50 ans seront-ils suffisants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminuer les consommations d’énergie et adapter Clim’City à de nouvelles conditions climatiques ? A vous d’utiliser les points d’action (politique, entreprise, citoyen) pour développer de nouvelles énergies et de nouveaux modes de transport, pour lancer des campagnes de communication, pour améliorer les bâtiments, pour faciliter le tri et le recyclage des déchets, etc.
H20 2009
REFERENCES
111
A CONTACTER MÉMOIRE
VISITES ■ Les Pépinières Gentié Le Guide 47110 Sainte Livrade tél. 05 53 01 00 37 www.pepinieresgentie.com
■ Vermilion Route de Pontenx 40160 Parentis-en-Born Tél. 05 58 82 95 00 http://www.vermilionenergy.com/fran ce.html ■ Hermès 10 avenue Yvon Delbos 24300 Nontron Tél. 05 53 60 86 00 http://france.hermes.com ■ FCBA Allée de Boutaut 33028 Bordeaux Tél. 05 56 43 63 00 www.fcba.fr
■ Le barrage de La Verna Exploitant : Société Société Hydro Electrique du Midi (Shem) 64560 Sainte Engrâce http://www.shem.fr
OSTREICULTURE
■ Maison de l'huître Port de Larros 33470 GUJAN-MESTRAS Tél. / Fax. 05 56 66 23 71 maison.huitre@wanadoo.fr www.gujanmestras.com ■ Phare de Richard 1, Passe du Phare 33590 JAU DIGNAC ET LOIRAC Tél. 05 56 09 52 39 www.phare-richard.com infos@phare-richard.com ■ Section Régionale Conchylicole Aquitaine 15 allée Barbotière 33470 GUJAN MESTRAS Tel : 05 57 73 08 43 www.huitres-arcachon-capferret.com srcarcachon@yahoo.fr ■ Ifremer Quai du Commandant Silhouette 33120 Arcachon Tél. 05 57 72 29 80 webmestre@ifremer.fr http://www.ifremer.fr/delar/ ■ Confrérie des GANEA (Gourmands de l'Arcachonnaise Nacrée et de l'Ecaille d'Argent) Jean-Pierre Germain 105 Bd. Maréchal Juin 33510 Andernos les Bains Tél. 05 56 82 37 54
QUESTIONS D’ENVIRONNEMENT QUESTIONS DE SOCIETE SANTE ET ALIMENTATON
■ Prod’Innov Tél. 05 57 57 84 84 www.prodinnov.fr
■ Istab Tél. 05 40 00 87 53 www.istab.u-bordeaux1.fr/
■ Lisa-Lipides pour l’industrie et la Santé Tél. 05 56 36 00 44 www.lisa-carnot.eu ■ Iterg Tél. 05 56 36 00 44 www.iterg.com
■ IECB Tél. 05 40 00 30 38 www.iecb.u-bordeaux.fr ■ Ciref Tél. 05 53 80 39 33 www.ciref.fr
■ Nutrialys Medical Nutrition Tél. 0811 46 28 56 www.nutrialys.fr
PAYSAGE ET CADRE DE VIE
■ CEMAGREF Unité de recherche ADBX (Aménités et Dynamiques des Espaces Ruraux) 50, avenue de Verdun Gazinet - 33 612 Cestas Cedex Tél. 05 57 89 08 00 http://www.bordeaux.cemagref.fr/pu blic/adbx/index.html
■ CEPAGE ENSAP Bordeaux, Domaine de Raba, 33 405 Talence Cedex Tél. 05 57 35 11 29 http://www.bordeaux.archi.fr/recherc he/CEPAGE/default.htm ■ UMR ADES Maison des Suds, 12 Esplanade des Antilles, 33 607 Pessac Cedex Tél. : 05 56 84 68 52 http://www.ades.cnrs.fr
■ UMR SET IRSAM, Avenue du Doyen Poplawski, 64 000 Pau Tel : 05 59 40 72 53 http://web.univpau.fr/RECHERCHE/SET/
■ Biolandes Tél. 05 58 51 00 00 www.biolandes.com ■ Mitoprod Tél. 05 56 00 12 43 www.mitropod.com
■ Safisis Tél. 05 58 41 34 01 www.safisis.fr
■ UMR897-projet Coginut-Inserm Tél. 05 57 57 13 93 www.inserm.fr ■ UMR 5227 - Mouvement Adaptation – Cognition (Bx I et BX II) Tél. 05 57 57 15 51
■ PsyNuGen CNRS UMR 5226 / INRA UMR 1286 Bx 2 Tél. 05 57 57 12 26 ■ Unité de nutrition et neurosciences (U2NS)-Istab-Bx 1 et Bx 2 Tél. 05 40 00 87 22
RENCONTRES ■ Joël de Rosnay Cité des sciences et de l'Industrie 30, avenue Corentin-Cariou - 75019 Paris. http://csiweb2.cite-sciences.fr/derosnay/ ■ Franck Selsis Lab/université de Bordeaux 1 Observatoire 2 Rue de l'Observatoire BP 89 33271 Floirac Cedex http://www.obs.u-bordeaux1.fr/ ■ CREASPINE 05 57 10 28 54 www.creaspine.com
■ Annie Lacazedieu www.aiptaquitaine.net annielacazedieu@wanadoo.fr
112
H20 2009
REFERENCES
■ Gesvab Tél. 05 57 57 59 51 www.gesvab.u-bordeaux2.fr
DÉBAT LA COMMUNICATION A L’HEURE D’INTERNET
■ André Vitalis Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine http://www.msha.fr
■ Thierry Lancien ISIC (Institut des Sciences de l’information et de la Communication) http://www.isic.u-bordeaux3.fr
■ Genpphass Clinique du sommeil-CHU Tél. 05 57 82 01 73
QUESTIONS D’INDUSTRIE METALLURGIE EN ADOUR
■ CCI Bayonne Pays Basque 50, Allées Marines 64100 BAYONNE Tél. 05 59 46 59 46 www.bayonne.cci.fr/
■ LF Tech 47 chemin Frais – Quai Mousserolles 64100 Bayonne Tél. : 05 59 59 28 28 - Fax : 05 59 59 31 31 www.fonderie-lost-foam.com ■ Lauak Zone Artisanale Mugan 64240 Ayherre Tél: 33 (0)5.59.70.20.00 www.groupe-lauak.com
■ Tolerie du Sud Ouest za Errobi 64250 Itxassou Tél. 05 59 93 79 30 ■ GRL BP 34 64170 Lacq www.arkema.fr
LA REVUE
Les dernières publications de la revue H 20 Numéros disponibles à Cap Sciences
2003
2004
2005
2006
2007
2008
n o i t c e l l o C
Visites
Mémoire
Débat
Site de la colline de Gaztelu La grotte de Cussac Bordeaux dans tous ses états Les logiciels du grand large Emballage Popnat Neurobit IECB des chercheurs en synergie Semer les tabacs demain Recyclage brûlant Musée basque et de l’histoire de Bayonne Le lac Mouriscot Les dessous de l’estuaire Un pavillon pour la génomique Gardiens de la qualité alimentaire Sur les traces des polluants Patrimoine industriel L’exposition phare du Cap-Ferret Construire le plus grand laser du monde L’harmonie retrouvée du parc bordelais Port Médoc, une ouverture sur l’Atlantique Un centre où le fruit est roi La chirurgie en apesanteur Les étangs à monstres de Jean Rostand Grottes de Sare, entre mémoire et modernité Le traité de la perspective Pour le meilleur des plantes Une table trois étoiles avec vue sur le ciel L’imprimerie des timbres-poste Sokoa assoit son authenticité Pyrenex des duvets 100% nature Exameca un alliage de savoir-faire et d’innovation Bayonne métamorphose d’un port Le trésor souterrain du Périgord Esquad tisse le jean costaud des fous de moto Nérac c’est ici que tout commence Les Lasers ont rendez-vous avec l’Aquitaine Créateurs d’images Un monde de polymères Des systèmes embarqués plein le ciel Eaux minérales, eaux de sources Messier-Dowty des atterrisseurs sur mesure Carreaux de Gironde Musée de l’ALAT le lent décollage de l’hélicoptère Duras une maison de vignerons IAPI levée de rideau
Patrimoine industriel Astronomie d’hier Le chevalier de Borda Des pierres précieuses en Aquitaine Les ailes d’un géant Les pionniers de la recherche La maison des sciences de l’homme d’Aquitaine Bassin de Lacq, la ruée vers le gaz Dans le fief des arithméticiens Mise en perspective historique du « voyage en industrie » Des paquebots volants à Biscarrosse La fulgurante ascension de la sociologie bordelaise Bordeaux, fille du grand large
Voyage au bout de la Terre Les responsabilités du chercheur
Rencontres Mission Polar Observer Francis Tassaux Pierre Meyrand L’homme qui fait vivre l’Antiquité Scientifique « sans frontières » Visages de sciences Quand la science se met en scène La foi d’un entrepreneur Regards de chercheurs étrangers Lascaux, de l’ombre à la lumière Contre toutes les maladies, même l’injustice Le musée de la mer à Biarritz Ces sangsues qui soignent Une planète faite de vagues Annie Hubert, une femme de passion Lorsque ingéniosité et science moderne s’allient L’homme des origines de l’art Traquer le mercure au cœur de l’Amazonie Hubert Montagner au côté de l’enfant qui grandit Voyage au pays des fractales Nadine Ninin alliance d’idée et d’audace Emeric d’Arcimoles, un assembleur de talents Anne-Marie Gouvet notre French doctor d’Aquitaine David Smith un Américain à Gradignan Alain Juste du tournesol dans le moteur Philippe Garrigues traquer la pollution à l’échelle de la molécule
Portfolio Le Pont d’Aquitaine Yachts, créations haute-couture L’aéroport de Bordeaux Destin de déchets Le CHU à cœur ouvert Les matériaux racontent Bordeaux
Question d’environnement Aquitaine : les ressources en eau sont-elles menacées ? Aquitaine Océan, un univers en conquête Le bois de la forêt Le climat en Aquitaine, demain il fera chaud La chimie verte Chercheurs de l’extrême
Question de société Vieillissement de la population Les Aquitains pour mieux les connaître Les Aquitains au travail La santé des Aquitains Les femmes en Aquitaine Mai 68
Question de recherche Sur les traces de nos ancêtres Chercheurs-entrepreneurs La pratique du design Les matériaux de demain La vigne et le vin Aerospace Valley
Chroniques Dix pages de faits marquants de l’actualité de la recherche en Aquitaine, découvertes et innovations
Souhaitez-vous commander la revue ? Tél 05 56 01 07 07
Info Sciences Aquitaine, CAP SCIENCES, Hangar 20, Quai de Bacalan, 33300 Bordeaux