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DISRUPTING DIAMONDS

Si j’ai attendu 38 ans pour embrasser une carrière d’auteur,c'estparcequ'ilfallait que j’aie une vie avant. Toutes les expériences positives ou négativesquej’aivécuesnourrissentaujourd’huimeslivres, mesintriguesetlapsychologie de mes personnages ». C’est sa sœur, scénariste et réalisatrice, qui a poussé Marc Levy à écrire. En 2000, le livre est prêt et Steven Spielberg signe un chèque de deux millions de dollars pour en acquérir les droits. Derrière ce « miracle » un pitch efficace de Susanna Lea, devenue depuis son agent littéraire et co-éditrice. Le film « Just like heaven », réalisé par Mark Waters, sortira en 2005 avec Reese Witherspoon et Mark Ruffalo.

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Marc L Vy

DE L’ÉCRIT AU GRAND ÉCRAN

Visuel, cinématographique, son style littéraire a séduit des millions de lecteurs à travers le monde et tapé dans l’œil d’Hollywood. Sa dernière saga, « 9 », aux accents prémonitoires, est en cours d’adaptation en série et pourrait avoir une suite en librairie. Marc Levy est un conteur né et un auteur engagé. De passage à Paris, ce passionné de cinéma a rejoint les étoiles du Studio Harcourt.

Il est entré par effraction dans nos vies avec « Et si c’était vrai ». L’histoire d’une rencontre improbable et bouleversante entre un architecte prénommé

Mark et le fantôme d’une jeune femme appelée Lauren, luttant pour sa survie à l’autre bout de San Francisco, après un dramatique accident de voiture. Convier Marc Levy à une séance au Studio Harcourt, où planent les souvenirs de centaines de stars photographiées depuis 1934, c’est comme attirer un papillon de nuit dans une lanterne magique. On ne sait pas ce qui va en sortir.

Jouer avec le monde des esprits. Flirter avec le fantastique et le paranormal, pour mieux parler du monde actuel, de la spiritualité, de l’amour, du bonheur et de toute la palette des sentiments humains. Dans les livres de Marc Levy, les héros volent les ombres, entendent les rêves des autres, se battent pour la justice et des causes perdues et chuchotent des histoires teintées de magie à l’oreille des grands enfants que nous sommes. Des contes construits comme des rêves éveillés, pour mieux toucher les lecteurs du XXIe siècle, comme les romans d’Alexandre Dumas emportaient ceux du XIXe siècle.

« Tout s’est bien passé », s’amuse l’intéressé, dans le taxi qui le ramène du salon du livre de Paris.

« J’ai adoré l’accueil chez Harcourt avec l’élégant portrait de Carole Bouquet que j’admire.

J’ai salué Marlène Dietrich, JeanPaul Belmondo, Jean Gabin. Moi qui ai horreur de me faire tirer le portrait, je me suis prêté au jeu, sous l’œil complice de mon ami Jean Reno que j’admire également, non seulement l’acteur mais l’homme qu’il est ». Quelques instants plus tard, confortablement installé dans sa chambre d’hôtel, loin de son domicile new-yorkais, Marc Levy se livre au jeu des questions réponses, avec humour et sincérité.

Gregory Lemarchal. C’était merveilleux. Tous deux avaient des voix extraordinaires et une humanité incroyable. Je me sens si honoré de les avoir connus. J’aurais aimé leur écrire d’autres chansons…

Si c’était possible, quel serait le casting idéal d’une soirée chez vous, avec des personnalités vivantes ou disparues ?

Dans mon enfance, j’ai eu la chance, grâce à mes parents, de côtoyer des personnalités du monde du cinéma comme François Perrier, Michel Piccoli, Yves Montand, Simone Signoret. Ce serait un plaisir de les revoir. Mais s’il y a une personne disparue que j’aurais aimé rencontrer par-dessus tout, c’est bien Romain Gary. J’aurais vraiment adoré avoir une conversation avec lui. Passer des heures à refaire le monde en sa compagnie, apprendre de lui. J’ajouterais John Steinbeck ainsi que Jim Harrison, deux de mes auteurs favoris et maîtres à penser.

Quandonécrit,les personnages n’ont pas devisage...

Parlons 7e art, si présent dans l’ADN Harcourt et dans vos livres. Qu’est-ce que votre imaginaire doit au cinéma ? Beaucoup. Le cinéma a joué un rôle très important dans le développement de mon imaginaire. Parce que dans mon enfance, internet n’existait pas. Il y avait très peu de choses à la télévision. Le cinéma et la télévision n’étaient pas amis, bien au contraire. Chaque mercredi, les salles obscures étaient ma source de rêves et d’évasion. Des films comme « Pain et Chocolat » de Franco Brusati que j’ai vu à 16 ans, ou « La guerre de Murphy » de Peter Yates, ont profondément marqué mon enfance. J’ai adoré également « Monsieur Smith au Sénat » ou « La vie est belle » avec James Stewart.

Quels sont les acteurs ou actrices contemporains qui vous inspirent ? Est-ce que vous pensez à leurs visages quand vous écrivez ?

Si dans un choc spatio temporel, dont vous avez le secret, vous croisiez l’une des étoiles disparues croisée chez Harcourt, Serge Gainsbourg ou Edith Piaf par exemple, que lui diriez-vous ? Aimeriez-vous écrire pour elle ? Je commencerais par les remercier pour leur talent, pour les émotions qu’elles nous ont procurées. Quant à imaginer que je puisse écrire un texte pour un poète et parolier aussi talentueux que Serge Gainsbourg… Je pense qu’il n’aurait pas eu besoin de moi. En revanche, je dois dire que j’aurais follement aimé être un parolier de Serge Reggiani qui n’écrivait pas ses chansons. J’ai eu la chance de signer un titre pour Johnny Hallyday et un autre pour

Comment choisir ! Il y a tellement d’acteurs et d’actrices extraordinaires que j’adore. Je pourrais citer Jessica Chastain, Penelope Cruz ou Jennifer Lawrence, que j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’interviewer. Et puis j’ai un faible également pour Jacqueline Bisset. Son intelligence, son humour et sa beauté ! En revanche, quand j’écris, je m’interdis de donner un visage à mes personnages. Le travail d’un écrivain, c’est justement de faire exister un personnage dans la tête du lecteur, sans lui imposer trop de détails. L’écriture est le territoire de tous les possibles, les voix, les visages, les paysages.

Une Journ E Avec Marc L Vy

« Pour écrire, confie Marc Levy, il faut se déconnecter du monde qui vous entoure. Entrer dans une bulle. Vivre en totale intimité avec vos personnages. Ce qui demande beaucoup d’assiduité. Il y a un temps de réadaptation quotidien, pour être en connexion avec l’univers du roman ».

C’est aussi beaucoup de travail. « Une journée type, demande entre 14 et 15 heures d’écriture. En général, je commence vers 10 heures pour finir autour de 2 ou 3 heures du matin ». Aujourd’hui, Marc Levy a vendu plus de 52 millions de ses romans à travers le monde. Il est l’auteur français contemporain le plus lu. « En Chine, « Le voleur d’ombres » s’est déjà vendu à plus de 6 millions d’exemplaires. Personne n’avait vu venir ce succès. Il faut s’en réjouir quand ça arrive ». Publié en novembre dernier, « Eteignez tout et la vie s’allume », son dernier roman, connaît un succès soutenu. « Quand ça dure, c’est aussi que le bouche à oreille est bon. C’est une double récompense », assure Marc Lévy.

J’ai beaucoup observé, enquêté, recherché. Le point de départ de cette série, construite comme un thriller politique, tranche avec mes livres précédents, ce sont les questions soulevées par l’élection de Trump en 2016 quiontfaitnaîtrecettesérie.

Est-ce que la pandémie puis la guerre en Ukraine ont changé votre perception du monde ?

Les écrivains étaient sans doute les personnes les mieux préparés psychologiquement à vivre le confinement. La bulle qu’ils créent autour d’eux, quand ils écrivent, les confine. Ce qui ne m’a pas rendu étranger aux souffrances causées par cette pandémie.

La guerre en Ukraine me touche dans mon quotidien, il ne se passe pas un jour sans que j’y pense. Je la voyais venir, la folie meurtrière de Poutine avait déjà meurtri les populations civiles syriennes, je ne pouvais pas faire semblant d’ignorer. L’histoire du XXe siècle m’a appris à ne pas oublier. Depuis la Géorgie, la Syrie, l’invasion de la Crimée, je n’avais aucune illusion sur les intentions belliqueuses de Poutine et de son régime. Sa détestation de l’Occident, de la liberté, de toutes les valeurs que nos démocraties représentent. « Les forces du mal avancent quand les forces du bien renoncent ». Cette guerre nous rappelle que la démocratie est aussi fragile que la planète. Mais nous n’avons plus le temps d’être pessimiste. La menace est là, dans la désinformation, le populisme, la terreur, la corruption, le recul des libertés et les attaques contre les valeurs démocratiques.

Cette situation que vous décrivez, c’est le cœur de votre série « 9 ». On peut dire que vous avez été visionnaire, en l’écrivant. Quel a été le déclencheur ?

J’ai beaucoup observé, enquêté, recherché. Le point de départ de cette série, construite comme un thriller politique, tranche avec mes livres précédents, ce sont les questions soulevées par l’élection de Trump en 2016 qui ont fait naître cette série. On découvre que des individus et des groupes en lien avec la Russie ont mené une véritable campagne de désinformation pour influer sur l’opinion des électeurs américains. Les mêmes acteurs ont usé des mêmes armes durant le Brexit. Et les moyens mis en œuvre sont vertigineux !

J’ai pu rencontrer des lanceurs d’alerte, des journalistes d’investigation et des hackers appelés hacktivistes, ceux qui se servent de leur savoir pour de bonnes causes. Tout cela a ouvert le cadre de mon histoire. Il suffisait de tirer le fil.

Avant même que Vladimir Poutine ne décide de déclencher sa guerre d’invasion, le décor était planté. Le nom du dictateur de cette saga, Loutchine, est d’ailleurs un mélange de Poutine et de Loukachenko.

L’actualité brûlante ne vous donne-t-elle pas envie d’écrire une suite, alors qu’une série télé est en écriture sur cette saga ?

J’y réfléchis beaucoup effectivement. Il y a de la matière. Tout est suspendu à l’issue de la contre-offensive ukrainienne et de ce qui va se passer sur le terrain. Si Poutine devait s’en sortir, ce serait un coup très dur, l’entrée dans une période encore plus sombre. S’il tombe, ce que je souhaite de tout mon cœur, deux peuples seront libérés, les Ukrainiens bien sûr, mais le peuple russe également. Les dictateurs se sentiront moins forts, je ne donne pas cher de la peau de Loukachenko si Poutine perd sa guerre. L’Europe en sortira encore plus renforcée. Les révolutions sont contagieuses. C’est bien ce qui fait trembler les autocrates. Quant à l’adaptation en série télé, j’ai eu le bonheur de recevoir un jour un appel de M. Costa Gavras, enthousiaste après la lecture des 3 tomes. Il m’a dit : « j’ai passé les dernières 48 heures avec vous » et je lui ai répondu, que son cinéma m’avait nourri depuis 40 ans. L’adaptation est en cours. Aucune date n’est encore fixée. Comme m’a dit Steven Spielberg, que j’ai eu la chance de rencontrer, lors de l’adaptation de mon premier roman : « Le seul moment où on est sûr qu’un film se fera, c’est le jour où on peut prendre un billet pour aller le voir en salle. »

J’ai grandi en étant nourrie au cinéma américain. Jesuisfascinéeparletravaildu réalisateur David Fincher, avec lequel je rêverais de tourner. Il a une façon unique de faire monter la tension. Dans un registre totalement différent, John Cassavetes m’a procuré de grands moments d’émotion en tant qu’acteur et réalisateur. En particulier avec son film « Opening Night », où il met en scène sa muse Gena Rowlands, qui est devenue mon modèle. Parmilesactricesactuelles,Kate Winslet est celle qui me fait le plusfrissonner.Achaquefoisque je la vois jouer, j’ai l’impression d’apprendrequelquechose.

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