Les ceramistes

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l’expo L’ expo est un magazine d’art événementiel dédié aux expositions individuelles et collectives d’artistes peintres, sculpteurs, céramistes, verriers, ferroniers d’art...

Il m’offre la possibilité de monter mon travail de photographe et de valoriser le travail des artistes au travers d’une publication simple, accéssible et facilement véhiculable. Le web magazine l’expo en est à son sixième numéro. Les séances de prises de vues avec les artistes sont l’occasion d’échanges et de moments forts. Les séances de réglage des lumières, par exemple, nous permettent de mieux comprendre les intentions de l’artiste et de traduire par l’image les émotions que l’oeuvre communique. J’apprécie particulièrement ces séances de travail. On échange... La sélection de photos qui suit est issue d’une commande de l’Office du Tourisme de Biot pour l’exposition «Soleil Argile et Feu» je n’ai pas pu montrer tous les travaux... mille excuses. Xavier Canal


Jacky Coville dans son atelier

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DE SOLEIL, D’ARGILE ET DE FEU

« L’histoire biotoise depuis le XVIème siècle

est en grande partie liée à l’exploitation et au façonnage de l’argile, partageant avec Vallauris terriers et savoir-faire. Biot prit la suite de la poterie romaine alors en usage dans tout le monde méditerranéen, avec ses fabrications de belles jarres destinées au stockage des viandes, poissons, olives et huiles et même de l’eau, la jarre devenant ainsi l’élément conservateur de tous ces produits, De fait, l’amphore romaine si connue pour le transport des liquides, particulièrement du vin, était considérée après usage comme emballage perdu, non récupérable et à ce titre cassée ou utilisée comme volume de remblai. Au XVIIIème siècle, à l’inverse, la jarre de Biot, réservoir de conservation, fut non seulement utilisée sur les navires pour le transport des denrées, mais également réutilisée à terre dans les maisons pour le stockage des nourritures. Mais qui sait encore que la vertu des jarres de Biot résidait aussi dans la conservation de l’eau par la capacité de son argile à ralentir le croupissement trop rapide qui se faisait alors dans les barriques de bois et ce, jusqu’à l’invention du fer-blanc à la fin du XVIIIème siècle ; quant aux fontaines d’apparat d’un goût bourgeois légèrement pompeux, à quoi pouvaient-elles bien servir sur la table, si ce n’est à l’embellir ? Les remplissait-on d’eau ou de vin ? Cette belle histoire de la poterie biotoise devait se perpétuer jusqu’à la période contemporaine où d’élément conservateur, la jarre ne trouva plus sa place que sur les terrasses et jardins dans tout le bassin méditerranéen, aux Antilles et jusque sur les côtes d’Amérique latine, témoignage d’une histoire révolue liée à la navigation et à son commerce. Signe des temps, le «frigidaire» est venu après-guerre bouleverser allègrement les techniques de conservation. La poterie d’utilitaire, pouvait devenir totalement décorative, de nombreux artisans-artistes se mirent à en exploiter les possibilités décoratives pour une nouvelle clientèle de touristes découvrant les sites et villages de la Côte d’Azur.


La poterie d’utilitaire, pouvait devenir totalement décorative, de nombreux artisans-artistes se mirent à en exploiter les possibilités décoratives pour une nouvelle clientèle de touristes découvrant les sites et villages de la Côte d’Azur. Un âge d’or des années 60-70 apparut, attirant de nombreux créateurs vers le soleil et un art de vivre, épris de nature et de liberté. Les grands artistes du siècle : Renoir, Matisse, Picasso, Chagall, Léger et tant d’autres, éblouis par la lumière de cette Méditerranée influèrent sur le développement de l’artisanat d’art et de tradition. La presse s’en fit l’écho et le tourisme mondial afflua pour apercevoir ou croiser ces figures emblématiques dont le souvenir perdure.

Hans, à la stature de Viking, laisse une oeuvre dont l’influence sur quelques créateurs locaux est indéniable. Ses fruits géants, reconnaissables entre tous, hauts en couleur, d’une exécution parfaite et d’une grande richesse d’émail restent le symbole d’un art céramique au plus haut niveau.

Nous tous, créateurs actuels, leur sommes redevables de nous avoir ouvert la voie dans ces lieux empreints encore de leur image. À Biot, beau village envié de beaucoup, la collaboration de Fernand Léger avec Roland et Claude Brice dans l’atelier de l’impasse des Roses marquera un renouveau de la céramique. Roland Brice, élève de Fernand Léger après des études aux Beaux-Arts d’Orléans, s’installa à Biot vers 1949 pour se consacrer à la céramique. Soutenu par le «Patron», il sut convaincre celui-ci des possibilités offertes par ce matériau céramique dans les rapports qu’il souhaitait établir entre architecture et art mural ; les sculptures aux tons vifs reprenaient en bas-relief ou en ronde bosse des fragments de toiles anciennes. «Le jardin d’enfants» dans le parc du musée national Fernand Léger de Biot témoigne de cette vision originale. Dans les pièces souvent importantes à exécuter, Roland Brice était assisté de son fils Claude qui, suite à la maladie de son père, prendra la relève de l’atelier tout en créant des sculptures et des pièces utilitaires très colorées, influencées par la palette du Maître. Il fut également chargé de fournir des pièces d’édition allant de bijoux bas-reliefs à «la fleur qui marche» monumentale. Autre grande figure du village, Hans Hedberg, artiste suédois avait choisi de vivre et travailler sur la Côte d’Azur où son talent reconnu au plan international amena nombre d’amateurs à venir le visiter.

Qui aurait pensé que l’atelier de Fernand léger et Roland Brice devienne un jour un jardin extraordinaire peuplé de créatures étranges et surnaturelles au milieu d’un bric-à-brac hallucinant où l’on découvre la famille Coville ? Transfuges de la région parisienne, Françoise et Jacky, tourneur en poterie d’une adresse exceptionnelle, s’intéressèrent vite aux émaux de haute température inspirés des céramiques Song ; les productions utilitaires de pichets et autre vaisselle de table ravitaillent de nombreuses boutiques de l’hexagone. Et puis, renversement total… grenouilles, totems, dragons, loups, oiseaux géants, chats un rien pervers font leur apparition dans un jardin d’Eden planté de tulipes géantes et d’arbres de la période d’avant l’humanité ! Les qualificatifs manquent pour décrire Jacky, bourreau de travail, en recherche incessante, qui aime se mesurer avec des pièces de dimensions énormes. Homme de défi, Coville est à lui seul une représentation de ce que peut être un artiste complet à notre époque, nous plongeant dans un univers poétique coloré à l’extrême. Il maîtrise parfaitement des techniques complexes, en toute modestie.. Dans les années 60-70 la fabrication de la porcelaine artisanale était rarissime, Jacqueline Orr, précurseur installée au vieux moulin en bas de Biot, développa une ligne de produits moulés dans cette matière avec un sens aigu

Dans le Biot d’après-guerre, quelques potiers s’exilèrent vers d’autres régions. Michel Lanos, excellent tourneur en poterie traditionnelle, s’orientera vers les pièces modelées de grandes dimensions, subissant aussi l’attrait du décor et de la couleur. Les Jens choisirent à leur tour de quitter la région pour s’installer vers Paris.


50 ans de création céramique

de ce que l’on désignera plus tard sous l’appellation de design. Par la suite, Tim son mari réalisera avec elle, à 4 mains, des sculptures aux formes généreuses de même que des reliefs pour l’architecture. Martine Polisset, quant à elle, s’installe en 1970 à Biot et commence ses premières sculptures en terre où elle exprime sa passion pour le monde végétal : coloquintes géantes, tomates, aubergines, fenouils, poireaux, courgettes… tout un marché provençal peuple son atelier ! L’emploi d’une palette aux couleurs vives l’inscrit dans cette tradition que les céramistes biotois en majorité semblent apprécier. Ses recherches actuelles s’orientent vers des structures complexes parfaitement maîtrisées. Dominique Perot, dans sa cave-repère du vieux Biot, modèle avec bonheur soleils et animaux. Noël Monmarson grand amateur de baleines, chevaux, poules de toutes sortes et de toutes tailles propose un véritable bestiaire en raku, poète paysan moustachu dont le jardin est l’atelier. Actuellement, de jeunes créateurs recherchent de nouveaux moyens d’expression avec des procédés peu utilisés comme la décalcomanie ou la photocéramique sur terre blanche. La plasticienne Rachèle Rivière se situe dans cette mouvance et explore cette nouvelle direction. Géraldine Heduy quant à elle nous propose un panneau totalement baroque faisant montre d’une grande maîtrise de l’emploi des émaux. Le plat de faïence de Georges Tardieu nous projette dans la préhistoire tandis que Véronique Torrelli témoigne de la continuité de la tradition avec de belles pièces utilitaires aux couleurs provençales. Autre figure à la curiosité insatiable, Elisabeth Brainos, peintre photographe céramiste, nous propose un univers de personnages singuliers qui interpellent. Son compagnon, Philippe Cardillo lui répond dans un curieux dialogue par une production d’ustensiles-arrosoirs, dont un géant, ou de boules-sphères aux riches matières craquelées dues à la cuisson de type raku.


Jean-Paul van Lith Pour clôturer ce panorama d’exposition, participant à cet évènement, je montre des pièces de faïence illustrant 50 ans de recherches dans cette technique «bien du midi». Formé à l’École des Arts Appliqués de Paris, arrivé à Vallauris en 1962, j’eus l’opportunité de rencontrer et de côtoyer les grands noms de la céramique française des années 60. Nourri d’art populaire depuis toujours ainsi que d’art contemporain, mon cheminement imprégné de Picasso et de Fernand Léger m’a conduit à l’utilisation de couleurs primaires, en accord avec ces décennies d’artistes biotois et allant à contre courant d’une certaine mode venue d’Extrême-Orient. » Jean-Paul van Lith Biot, le 17 juillet 2013

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coville « […] C’est en 1973 qu’il débarque sur la Côte et achète un terrain dans le petit village perché de Coaraze - où il rencontrera les artistes de l’École de Nice, Pagès, Ben, Viallat… - avant de s’installer à Biot, deux ans plus tard, dans l’ancien atelier de Roland Brice où il est encore aujourd’hui. Ce lieu qui a une histoire possède surtout un four de dimensions gigantesques, qui va lui permettre d’oser la céramique monumentale. L’occasion aussi de trouver son style, qui reproduit en céramique ce qu’il aime en peinture, mélange de cubisme et de Figuration Libre. Pour inventer son univers fabuleux, fait de créatures hybrides, il travaille comme un architecte, à partir de pièces cubiques et de couleurs primaires, déconstruisant et reconstruisant à sa façon corps humains et animaux. » Par Florence Canarelli pour Art-Cote. com, magazine d’art et d’architecture

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rivière « Lorsqu’on interprète le travail de Rachèle Rivière, il est important de se rappeler qu’il ne faut pas observer un objet dans le temps, mais le temps dans cet objet... La relativité du temps, la fragilité de la mémoire sont des motifs constants de sa réflexion personnelle et professionnelle. L’oeuvre de l’artiste possède une empathie universaliste, qui fait de la mémoire la scène appropriée où un moment précis du passé se transforme en histoire. On peut approcher ses oeuvres en imaginant que ce sont des réserves de souvenirs. On peut également les comprendre en considérant le temps comme la substance conceptuelle qui les a assemblées. On peut aussi les appréhender à travers leur forme et leur apparence, c’està-dire comme des oeuvres évidentes, chaleureuses, terrestres, rugueuses et imbues d’une intimité qui nous est proche.» Extraits du texte de Montse Juve, critique et historienne d’Art, écrit à l’occasion de la IVème Biennale Internationale de Céramique El Vendrell (2007).

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loumany « Je suis spécialisé dans le soufflage de verre selon la technique du Graal. Cela signifie un travail successivement à froid et à chaud afin de créer des effets de profondeur à l’intérieur de la pièce. J’ai développé une technique qui exige une combinaison de travail artistique, de compétence technique et un travail physique éprouvant. La première étape consiste à souffler un noyau, à le cuire, puis à peindre le décor. Le processus continue en réchauffant le noyau, l’enfermant dans de nouvelles couches de verre, puis soufflant la forme définitive. Chaque étape est longue et risquée, car chaque cycle de recuisson induit des pressions et des tensions dans les couches de verre. Le résultat : Des vases aux peintures suspendues dans du verre épais qui intensifie la profondeur et la résonance des couleurs.. »

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noël monmarson « Depuis 35 ans je travaille seul, explorant toutes les techniques dites de basse température telles que la faience, les terres cuites, sigillées, enfumées…», explique l’artiste. « Je réalise des pièces utilitaires tournées à la main recouvertes d’un émail de terre vernissée. En parallèle et de plus en plus, je façonne des animaux en utilisant la technique du Raku qui donne un aspect brut et archaïque qui convient au monde sauvage ».

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Venue à la terre qui date les civilisations dans les musées archéologiques, Véronique Torrelli se consacre depuis 30 ans à la technique traditionnelle la plus ancienne en Méditerranée, la terre vernissée parée de bleu de cobalt, de vert de cuivre et de jaune de fer dans une figuration libre qui lui ressemble. D’une famille niçoise, Véronique Torrelli vit à Biot depuis 1963. Elle découvre la poterie avec des amis de sa famille, Mme Billaudot et Mr Durbec. Après des études de médecine puis de biologie à Nice en1981-82, elle continue de se former à la poterie Biotiful (1983-84), puis au Centre international de formation aux métiers d’arts et de la céramique (ex-Cnifop). Elle assiste ensuite l’artiste plasticien Serge Seckler dans ses recherches qui les emmènent à Istanbul, Delhi, Katmandu, Pokhara, Bombay, Goa (1987-88). Sa première boutique « 2B3 » à Biot est spécialisée en Terre Vernissée. Elle sera suivie de la création de la galerie TerraTerre puis, en 1993, de celle de son atelier de fabrication de poteries utilitaires assistée de Donatella Ciaravino(artiste)et Maurice Clark (tourneur émérite). 2014 : réouverture de l’atelier de poterie.

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pérot Depuis 1978, Dominique Pérot fabrique des céramiques à partir de l’argile rouge de Provence. Façonnées et cuites à 940 degrés puis décorées avec des émaux haute température, les pièces subissent une deuxième cuisson à 1140 degrés. L’émail se vitrifie et donne, par cette fusion, un résultat d’une qualité et d’une solidité exemplaires. Une méthode des plus traditionnelles, mise au point dans les années 1950 par Robert Pérot, sculpteur céramiste, donne naissance encore aujourd’hui à toute une collection d’objets utilitaires ou décoratifs..

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Née en 1976 à Cannes en France. C’est après en avoir découvert et étudié sa pratique durant quatre ans au Lycée du Génie- Civil, Léonard de Vinci, qu’une expérience sur deux ans lui a permis d’apprendre le fameux décor des Oiseaux de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes de Haute Provence). Un passage à l’école des Beaux-arts de Vallauris, nommée « Les Arts du Feu » lui a permis de réaliser entièrement diverses créations, formes et décors. Puis lors d’un voyage d’échanges culturels avec la Hongrie, elle effectue un stage de poterie dans une manufacture de faïences à Hodmezovasarhely. Dès son retour, elle se spécialise durant sept ans dans la décoration sur carreaux de faïence pour tables et fresques murales, multiples paysages, portraits, décors exotiques, conceptions sur demandes et personnalisées..en étant salariée dans les ateliers de Vallauris. Elle exécuta ses plus belles réalisations à partir du jour où elle s’installa à son compte en tant qu’artiste libre. Créations, conceptions sur demandes, objets d’art, utilitaires et décoratifs, tables d’orientation, fresques de plusieurs metres carrés,… Entre deux commandes, elle crée des oeuvres sur divers thèmes reflétant ses passions et ses intérêts pour les fonds marins, la défense de l’environnement, la calligraphie chinoise ou encore le flamenco. Certaines de ses oeuvres ornent aujourd’hui de grandes villas et certaines ont déjà voyagé à travers le monde : Arabie - Saoudite, Amérique, Asie…

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van lith Jean-Paul van Lith est né à Argenteuil ; après une formation à l’École des Arts Appliqués de Paris, il s’est fixé à Biot il y a plus de 35 ans. Céramiste, depuis le début il considère la terre comme un support à part entière. Artiste total, il suit ensuite un parcours d’expériences et techniques multiples, toujours marqué par l’originalité et une grande puissance créative, décorative et coloriste. N’hésitant pas à mêler de façon inattendue les matériaux, conciliant tradition et innovation, il évolue dans un univers exubérant et baroque. L’importance de son oeuvre, ses différentes activités et voyages donnent l’impression qu’en plus d’un don d’ubiquité, il a vécu plusieurs vies. Jean-Paul van Lith, homme attachant, chaleureux, parfois excessif ou provocateur, assume toujours son art avec liberté et audace. Ses oeuvres sont présentes dans de nombreux et prestigieux musées dont celui de Sèvres qui lui a consacré une rétrospective. Pour cet artiste, éclectisme rime avec perfectionnisme. Boulimique de travail, passionné par toutes les formes d’arts plastiques, tour à tour céramiste, verrier, dessinateur, sculpteur, peintre, il est aussi collectionneur, s’intéressant à l’histoire des métiers d’art contemporains.

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Photos - Xavier Canal - 2014 xavier@reportages-canal.com Commande de l’Office du Tourisme de Biot 2014


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