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biot
l’expo #5
l’expo L’ expo est un magazine d’art événementiel dédié aux expositions individuelles et collectives d’artistes peintres, sculpteurs, céramistes, verriers, ferroniers d’art...
Il m’offre la possibilité de monter mon travail de photographe et de valoriser le travail des artistes au travers d’une publication simple, accéssible et facilement véhiculable. Le web magazine l’expo en est à son cinquième numéro. Les séances de prises de vues avec les artistes sont l’occasion d’échanges et de moments forts. Les séances de réglage des lumières, par exemple, nous permettent de mieux comprendre les intentions de l’artiste et de traduire par l’image les émotions que l’oeuvre communique. J’apprécie particulièrement ces séances de travail. On échange... La sélection de photos qui suitest issue d’une commande de l’Office du Tourisme de Biot pour l’exposition Eclats de Verre. je n’ai pas pu montrer tous les travaux... mille excuses. Xavier Canal
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LORSQUE BIOT FUSIONNE AVEC LE VERRE
« Né du sable et du feu, le verre est un des matériaux les plus anciens utilisés par l’homme. L’histoire de cette découverte, qualifiée par l’Encyclopédie Diderot de merveilleuse et de plus utile depuis celle des métaux, nous fait voyager de Babylone à l’Égypte antique et de Venise à la France de Colbert. Aujourd’hui, le verre occupe pratiquement tous les espaces de la vie quotidienne passant de la table à l’architecture, de la décoration à l’expression artistique. Biot tient une place particulière dans l’histoire du verre soufflé artisanal. En 1956, Éloi Monod, céramiste issu de l’École de Sèvres, crée la Verrerie de Biot®. Secondé par Fidel Lopez, patron verrier venu d’Espagne et Segmund Winnowski (dit Raymond), excellent verrier issu de la verrerie d’Ezanville, il met au point une collection de verreries utilitaires provençales (gobelets, bouteilles, porrons, carafes, huiliers) déclinée en 6 coloris et dont la particularité est d’être faite en verre bullé (bicarbonate de soude pris entre 2 couches de verre chaud et se transformant en gaz carbonique). De manière pédagogique, Éloi Monod ouvre l’atelier de production au public qui assiste à l’élaboration des pièces qu’il trouvera, par la suite, sur les étagères du magasin. Le verre bullé devient le style caractéristique de la Verrerie de Biot® qui remporte rapidement un grand succès. Afin de mieux répondre à la demande, Éloi embauche Alfio Vio, verrier italien et des gamins du village qui deviendront des verriers accomplis. Les collections de verreries s’étoffent : coupes, bougeoirs, photophores, etc… Les gobelets et verres se déclinent en modèles et dimensions différentes. Comme le souligne Marie-Ange Lasmene, ethnologue : « l’ambition de cette nouvelle verrerie cherche (…) à se distinguer à la fois de l’artisanat de luxe des grandes cristalleries françaises et de ce contexte d’industrialisation massive par un retour à la fabrication de produits fabriqués manuellement, proposant ainsi la qualité d’un produit artisanal original, mais aussi de revenir sur un modèle d’organisation d’entreprise familiale où l’homme est au coeur de la fabrication ». Les verriers sont fiers de leur travail et gagnent bien leur vie. Une ambiance familiale, paternaliste et humaniste, règne dans ce lieu où, souvent, femmes et maris, frères et cousins oeuvrent ensemble. Au début des années 70, la Verrerie de Biot® compte 80 employés dont une quarantaine de verriers. Mais le petit atelier artisanal du début devient entreprise.
Quelques verriers partent tenter leur chance ailleurs. Claude Monod, fils d’Éloi, prend sa suite en 1971, change l’affaire familiale en SARL puis restructure et modernise la verrerie. En 1974, la Verrerie de Biot® est cédée à la famille Lechazynski; encore actuel propriétaire, dynamisant toujours davantage ce lieu unique pour le verre avec son écomusée du verre, des espaces dédiés à l’artisanat d’art, aux arts décoratifs, la galerie Jean-Claude Novaro et l’art contemporain avec sa Galerie Internationale du Verre créée en 1982. Lieu de formation de maîtres verriers, elle est reconnue par le Musée des Arts Décoratifs de Paris comme « l’École de Biot », à l’instar de celle de Nancy. Elle a été la première verrerie au monde à avoir une production exclusive de verre bullé, à créer le verre bullé givré et récemment, le verre bullé luminescent entre 2 couches de verre, technique des plus surprenantes, mise au point en 1991 par J.-C. Novaro. Aujourd’hui, la Verrerie de Biot® présente des collections très variées en verre bullé teinté dans la masse (plus de 200 modèles d’art de la table, décoratifs et luminaires). Au milieu des années 70, les verriers les plus expérimentés continuent à prendre leur envol pour monter leurs propres ateliers et développer individuellement une créativité inédite. Biot bénéficie alors d’une identité artistique verrièr e incontestable. Ainsi, Claude et Isabelle Monod créent en 1976 l’atelier du Touron au Broc, où Claude souffle des pièces aux formes simples et à l’épaisseur animée par un graphisme aux couleurs et inclusions très étudiées. Il évolue ensuite vers différentes techniques comme le moulage, la taille et le polissage. Isabelle préfère mettre en relation le verre qu’elle souffle avec divers éléments comme le bois, les cordes, les cailloux, le papier ou la ferraille. En 1977, Jean-Claude Novaro (dit Nano) et Michèle Luzoro, son épouse ouvrent également leur atelier. Nano, qui possède une créativité bouillonnante et un sens inné des teintes et proportions, invente sans cesse de nouvelles méthodes de travail. Ses oeuvres connaissent un vif succès et sa carrière prend vite une dimension internationale. En 1982, le couple se sépare et Michèle conserve l’atelier qui devient la Verrerie Luzoro. Elle diffuse alors ses propres créations élaborées par une équipe de verriers hors pair. Coloriste avertie, elle apporte à ses oeuvres une dimension féminine avérée. Elle cesse son activité en 2007.
Jean-Paul van Lith, céramiste issu de l’École des Arts Appliqués à l’Industrie-Paris, s’oriente quant à lui vers le verre d’art après sa rencontre avec J.-C. Novaro en 1979. Il pratique toujours ces deux activités dans son atelier, au coeur du vieux village. Pourobtenir des effets originaux sur ses pièces, J.-P. van Lith utilise des métaux précieux et l’émaillage sur verre à chaud. Il réalise également des sculptures en cristal optique. En 1980, Robert Pierini installe son atelier dans l’ancien moulin à huile de Biot. Il perfectionne constamment sa technique, utilisant la transparence, les effets de matités. Ses pièces, aux volumes équilibrés, sont colorées avec du chlorure d’or, des oxydes, des sulfates et des nitrates. Sa gamme de couleurs favorites est le rouge ou l’orange. Antoine, son fils, est «tombé dans le four» dès son enfance. Il perpétue la tradition familiale en oeuvrant d’abord aux côtés de son père et en créant, dès 1998, ses propres pièces aux lignes très contemporaines. Il enrichit sa technique et tente de nouvelles expériences. Il développe notamment un verre vibrant où la sobriété des couleurs et l’originalité des décors rivalisent avec l’élégance des formes. Véronique Monod, fille d’Éloi Monod, apprend les techniques verrières avec son frère Claude. Diplômée d’expression plastique à l’école des Beaux Arts et des Arts Appliqués Nicolas Untersteller de Metz, elle ouvre son atelier à Biot en 1985 et se lance dans des créations diverses : objets utilitaires et de décoration, surtout des flacons de parfum en série limitée. Elle utilise la technique du verre bombé pour mettre la malléabilité du verre chaud au service de sculptures drapées à l’aspect textile. S’ajoutent à ses pratiques : la gravure, la taille, le polissage et la peinture émaillée. Jean-Marie Bertaina quitte la Verrerie de Biot ® en 1987 pour rejoindre l’atelier de Michèle Luzoro puis la verrerie Artifice deVallauris. En 1989, Daniel Saba ouvre la Verrerie du Val de Pôme. Avec son fils Christophe, à qui il transmet le métier, il travaille le verre bullé cannelé et crée des pièces uniques, lampes, vases, flacons, poissons... Aujourd’hui, Christophe Saba poursuit l’activité de son père. Après un passage à la Verrerie de Biot® puis à la Verrerie Luzoro, Raymond Branle ouvre la Verrerie du Vallon. Il y conçoit des flacons enrichis par inclusions d’émaux ainsi que des pièces inspirées de l’École de Nancy.
Son atelier est repris en 1995 par Jean-Michel Operto. Il prend alors le nom de Verrerie Silice Créations. Jean-Michel, formé chez Michèle Luzoro, diffuse alors vases et flacons en verre soufflé et décorés par inclusions d’émaux et feuilles d’or. En 1989, Ada Loumani ouvre son atelier à Valbonne et continue à souffler le verre dans l’atelier d’Antoine Pierini. Il dessine entre deux couches de verres réalisant des pièces avec des effets picturaux très différents, de véritables tableaux. Plus tard, en 1996, la Verrerie Farinelli voit le jour au pied du village avec Raphaël Farinelli. Il s’oriente vers l’art de la table et la création de lampes et de pièces uniques aux couleurs acidulées. La même année, Pascal Guyot ouvre la Verrerie du Village, atelier boutique situé dans le coeur de la cité bitoise. Il propose un vaste choix de lampes, vases et flacons col rés au moyen de mélanges d’oxydes et par inclusion de feuilles d’or et d’argent ainsi qu’une collection d’art de la table en verre bullé. Il arrête son activité début 2014. Vient ensuite la jeune génération née d’un héritage certain de la passion verrière à Biot. Nicolas Laty, formé par J.-C. Novaro et Michèle Luzoro en 1996, souffle désormais chez Antoine Pierini des créations semblant sortir de l’univers de la bande dessinée. Il associe au verre soufflé des matériaux complémentaires comme le bois et la silicone donnant à ses oeuvres un caractère très ludique. En 2001, Richard Ranise ouvre un petit atelier d’où sortiront des créations aux formes naturelles et aux couleurs douces et pastels. Isabelle Poilprez, diplômée de l’École Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Arts de Paris, formée au Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts Verriers (CERFAV) de Vannes-leChâtel, première femme française acceptée dans le renommé atelier «Anfora» de Murano, installe son atelier de verre, sculpture et peinture, dans l’arrière-pays niçois. Soufflant initialement à la Verrerie de Biot®, elle pratique aujourd’hui son activité chez Antoine Pierini. La nature et la vie l’attirent et l’inspirent au quotidien dans la création d’un monde étrange, peuplé de formes organiques et autres créatures vivantes, imaginées avec poésie. Biot, véritable terre de création, attire l’artiste verrier belge Frédéric Van Overschelde qui reprend en 2014 l’atelier de Pascal Guyot, assisté d’Hubert Dany. Diplômé de l’Institut pour les Artisans d’Art à Malines en section verre et de la Gerit Rietveld Academie d’Amsterdam,
il participe à la réalisation de créations de différents artistes comme Richard Price et fait également ses propres pièces : vases, sculptures, lampes. Berceau du verre bullé et dotée d’un riche passé artistique, Biot est aujourd’hui le fer de lance de la création du verre contemporain et possède une renommée internationale. Depuis 1997, la commune est labellisée « Ville et Métiers d’Art » pour ses verreries. À travers l’exposition Éclats de Verre, réunissant 19 verriers en activités et de nombreuses oeuvres d’anciens créateurs, la Ville de Biot souhaite mettre en lumière 50 ans de passion du verre et partager avec les visiteurs le panel surprenant des oeuvres et des techniques de la verrerie biotoise.
Perrine Chevallet Commissaire d’exposition
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frédéric van overschelde « J’ai commencé ma carrière dans le verre en 1982 à l’âge de 17 ans comme apprenti dans l’atelier de néons de mon grand-père. Depuis 1995, je me suis mis au soufflage à la canne. Diplômé de l’Institut d’Artisanat d’Art de Malines (Belgique) et puis de la Gerrit Rietveld Academie à Amsterdam (Pays Bas), j’ai développé mon propre style en travaillant au Danemark, en Belgique et en Hollande. Récemment installé à Biot, je me suis mis au verre bullé. »
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nicolas
laty « Dans mon travail, j’essaie de communiquer le plaisir que j’ai à travailler le verre. Une matière si riche aux multiples effets : poli, dépoli, opaque, translucide... Sculpter le verre « à chaud » est un vrai challenge, voir la forme naître et obtenir le résultat final, c’est une réelle satisfaction. En découvrant mes sculptures, j’espère que vous ressentirez le même plaisir. »
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ada
loumany
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ada
loumany « Je suis spécialisé dans le soufflage de verre selon la technique du Graal. Cela signifie un travail successivement à froid et à chaud afin de créer des effets de profondeur à l’intérieur de la pièce. J’ai développé une technique qui exige une combinaison de travail artistique, de compétence technique et un travail physique éprouvant. La première étape consiste à souffler un noyau, à le cuire, puis à peindre le décor. Le processus continue en réchauffant le noyau, l’enfermant dans de nouvelles couches de verre, puis soufflant la forme définitive. Chaque étape est longue et risquée, car chaque cycle de recuisson induit des pressions et des tensions dans les couches de verre. Le résultat : Des vases aux peintures suspendues dans du verre épais qui intensifie la profondeur et la résonance des couleurs.. »
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jean-paul
van lith
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jean-paul
van lith « J’aime l’échec, le hasard, la rigueur, la remise en cause incessante, le doute, la réussite, le jeu, l’aisance ».
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isabelle
monod
« Le verre, pour moi, a d’abord été un jeu, puis une pratique quotidienne ; peu à peu il est devenu un langage, une part importante de ma vie. Le temps est au centre de mon travail : contrainte et rapidité du travail à chaud (soufflage), lenteur et distance lors du travail à froid (taille, polissage) et mise en relation d’éléments travaillés dans l’atelier (verre) avec des éléments bruts (bois, pierre, papier, métal) qui viennent d’ici et d’ailleurs, qui ont un passé propre – autres lieux, autres temps. C’est une recherche sans cesse renouvelée sur la couleur, les lignes de forces, sur l’équilibre et les limites d’équilibre ».
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robert
pierini « Je ne m’arrêterai jamais de souffler le verre. C’est ma vie, mon rêve et mon équilibre. L’oeuvre intitulée la « Plume » est un défi avec la matière. Ma volonté est d’obtenir une transparence, une légèreté dans une masse de verre pleine que je façonne. Éclatante de cette couleur rouge orangée et vivante par son mouvement, il ne faudrait qu’un souffle pour que l’incendie reprenne».
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véronique
monod « Fruits, feuilles, fleurs, parfums et lumière sont les sources de mon inspiration, le verre en est la matière, le souffle donne le mouvement...».
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isabelle
poilrez colombes
« La vie m’attire, m’inspire grâce aux surprises qu’elle propose, l’expression de sa diversité. Ce que je recherche : aller à l’essentiel en utilisant la matière et ses différents états, mis en évidence par la lumière. C’est vrai que le verre est éclatant !!! Il m’éclate en verre et avec tous.».
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claude
monod
« Après avoir dirigé la Verrerie de Biot®, Claude Monod crée son atelier où il développe durant 24 ans une activité artistique. Dans son travail de soufflage, il s’applique à obtenir des formes classiques parfaites. Ses recherches portent aussi sur les couleurs et les textures qu’il insère en surface et dans l’épaisseur du verre. Puis il y adjoint d’autres matières comme le marbre ou l’ardoise et aborde d’autres techniques comme le moulage au sable, la taille et le polissage. Ce faisant, il s’abstrait progressivement des objets utilitaires pour se diriger vers des formes sculpturales géométriques, tout en poursuivant ses jeux d’inclusions à caractère pictural.».
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monod
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Photos - Xavier Canal - 2014 xavier@reportages-canal.com pour l’exposition «Eclats de Verre» Commande de l’Office du Tourisme de Biot 2014