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Pulvérisation ciblée : les drones à la rescousse pour freiner l’utilisation des herbicides ?

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Par SOPHIE GUYOMARD sguyomard@terre-net-media.fr

La détection des adventices permet de réduire de 70 à 90 % la quantité d’herbicides utilisée.

PULVÉRISATION CIBLÉE Les d rones à la rescousse pou r f reiner l ’uti lisation des herbicides ?

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Agriculteur à Remaucourt, dans l’Aisne, Laurent Cardon est passionné par les nouvelles technologies. En cette campagne 2021, il accueille sur son exploitation des essais des chambres d’agriculture de l’Aisne et de la Somme pour la détection des chardons par drone dans ses parcelles de betteraves sucrières. Selon les premiers tests, cela permettrait de réduire de 70 à 90 % l’utilisation des herbicides.

Détection de maladies, quantiication de dégâts de gibiers, mesure du taux de levée des cultures… le drone répond à de multiples utilisations en agriculture », indique Aline Dupont, conseillère agroéquipements connectés à la chambre d’agriculture de la Somme. Depuis deux ans, les chambres de l’Aisne et de la Somme travaillent sur la détection d’adventices par drone, en lien avec l’agence de l’eau ArtoisPicardie et le Casdar1. Laurent Cardon, agriculteur à Remaucourt (Aisne), met à disposition une parcelle de betteraves sucrières de 11 ha. Féru de technologies, il module déjà ses apports azotés et voit là « une opportunité supplémentaire pour limiter le recours aux intrants ». Semée le 23 mars 2021, la parcelle est hétérogène en raison du froid et des dégâts causés par les lièvres. En matière de désherbage des vivaces de type chardon, le fermier pulvérise en plein ou en localisé à la main. « Les images du drone permettent d’identiier la répartition des chardons dans l’interrang. En ressort une carte qu’il sufit d’intégrer au terminal de l’appareil. Il ne reste plus qu’à traiter les zones infestées »,

1 Casdar : compte d’affectation spéciale développement agricole et rural

Aline Dupont, conseillère en agroéquipements connectés à la CA de la Somme, et Aymeric Lepage, conseiller agroéquipements à la CA de l’Aisne, précisent que la technique est d’autant plus efficace que la parcelle est moyennement sale.

indiquetil. La saison précédente, la méthode avait déjà été testée sur le maïs.

Entre 70 et 90 % de produit économisé Les premiers résultats des essais montrent qu’entre 70 et 90 % de produit peuvent être économisés par rapport à un passage en plein. « Le gain varie selon le niveau d’infestation et la répartition des adventices dans la parcelle, précise Aline Dupont. Plus la parcelle est moyennement infestée, et les adventices regroupées, plus la technique du tir ciblé s’avère intéressante. » Outre la précision, Laurent Cardon souligne aussi le confort de travail et le gain de temps que les producteurs recherchent. « Le droniste établit d’abord son plan de vol puis survole la parcelle », explique Aymeric Lepage, conseiller agroéquipements à la chambre d’agriculture de l’Aisne. Pour piloter l’engin, les conseillers doivent posséder le certificat d’aptitude de télépilote. Trois machines, de marque DJI, sont testées : les Phantom 4 RGB, Phantom 4 Multispectral (RTK) et Matrice 300. Elles embarquent chacune un capteur multispectral de haute résolution. L’appareil prend 240 clichés par hectare, qui sont ensuite traités pour reconstituer la carte

« Le gain varie selon le niveau d’infestation et la répartition des adventices dans la parcelle. »

ALINE DUPONT, ingénieure conseil en agroéquipements connectés

de préconisation. Diférents prestataires de ser vices sont aussi à l’étude, comme Abelio, Phytodrone, Chouette et Alteia. « La première année, le traitement de l’image était spéciique. L’objectif était de diférencier les rangs de betteraves. Les zones en dehors

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Plusieurs drones à hauteur et vitesse variables sont testés pour déterminer le modèle le plus précis.

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étaient considérées comme adventices. Cette année, l’essai fait appel à de l’intelligence artiicielle, en vue de reconnaître spéciiquement les chardons des autres adventices », indique Aymeric Lepage. Résultat : sur les 11 ha de champ, seul 0,5 ha a été identiié comme étant à traiter, soit une économie de 80 % par rapport à une application en plein avec le pulvérisateur Horsch Leeb 5T de l’agriculteur.

Un service disponible dès 2022 ? « Le service pourrait être proposé aux agriculteurs dès l’an prochain, si les résultats sont concluants, précise Aline Dupont. Il devrait être ajouté au pack “Proagri agriculture de précision” déjà commercialisé à l’échelle nationale et regroupant des prestations liées à l’agri culture dite “connectée”. Les ingénieurs évaluent aussi la capacité des appareils à gérer ces cartes de préconisation, base de travail du mode ciblé. Facilité d’intégration et précision de frappe sont observées de près, car, en matière de réactivité, tous les matériels ne se valent pas. Idéalement, il faudrait que la technique soit accessible avec un équipement classique, juste capable de moduler la dose et de couper des tronçons sans qu’il faille bénéicier d’un outil de dernière génération. » « Question tarif, diicile à dire tant que le service est en phase de tests, ajoute Aymeric Lepage. Cependant, l’idée est de le rendre économiquement accessible, surtout vu son intérêt écologique. Un herbicide spéciique “chardon”, en plein, sur des betteraves, coûte autour de 20 €/ha. C’est la limite à ne pas dépasser. » ■

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