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Agriculture 4.0 : Innov-Agri donne le top départ à Outarville (Loiret)

DOSSIER

AGRICULTURE 4.0

Par SÉBASTIEN DUQUEF sduquef@terre-net-media.fr

a 26e édition d’Innov-Agri, qui se tiendra Là Outarville (Loiret) du 7 au 9 septembre, devrait marquer une étape importante dans l’ histoire de l’agriculture. Certes, l’événement donne le coup d’envoi du retour des salons agricoles de plein air, presque deux ans après l’arrêt brutal dû à la pandémie de Covid-19. La crise sanitaire a souligné la nécessité de produire, quelle que soit la situation. Et, face au réchaufement climatique, il est urgent que la ilière réagisse. Le secteur des agroéquipements l’a compris et se mobilise d’autant plus pour innover et proposer des solutions aux exploitants leur permettant de répondre aux enjeux auxquels l’agriculture est confrontée : produire davantage tout en limitant le recours aux produits chimiques pour préserver la planète. L’agroécologie a au moins le mérite de remettre l’humain au centre de la production agricole. La technique devrait rendre l’autonomie économique aux exploitations. Aux producteurs de reprendre désormais la main sur leurs systèmes de production, d’observer et comprendre leur sol, de réléchir, d’anticiper, de mettre leurs connaissances en pratique ou de les adapter pour créer un agroécosystème productif et durable. Même si la recette peut paraître simple, le vivant est diicile à comprendre. La science et l’agronomie doivent revenir au cœur de la rélexion et conduire évidemment les agriculteurs à se remettre en question sans cesse pour s’adapter aux évolutions naturelles. Ne plus chercher « ce qui marche » mais plutôt travailler à adapter son écosystème, à le rendre résilient pour produire davantage tout en tenant compte des conditions changeantes du vivant. En clair, faire évoluer ses pratiques pour trouver une forme de sérénité dans la production… Innov-Agri « Re-start » se positionne comme l’événement par lequel l’agriculture 4.0 sera lancée.

Retrouvez plus d’informations en réalité augmentée sur la technologie Sniper en snapant cette page.

100 ha

L’édition « Re-start » d’Innov-Agri, du 7 au 9 septembre à Outarville (Loiret), n’est pas une version miniature ! Plus de 300 marques exposeront leurs innovations et bénéicieront de 30 ha pour démontrer la performance de leurs outils. Sept villages thématiques – agroécologie, protection des cultures, robotique, méthanisation, emploi et formation, contrat de solution, irrigation – offriront pour leur part davantage de conseils techniques et de formation autour de sujets d’actualité.

La caméra hyperspectrale Sniper de Berthoud détecte les plantes sur sol nu et identiie une adventice dans la culture grâce à l’intelligence artiicielle.

BERTHOUD

Berthoud : le Sniper tire à vue les adventices ! Les sept villages du salon ont pour mission de faire germer des idées dans l’esprit des fermiers. À moyen terme, la protection des cultures devrait rester un

pilier essentiel pour assurer la productivité des parcelles. Sans oublier, bien sûr, de préser ver l’environnement et le capital sol, principales diicultés actuelles au regard de la complexité du sujet. Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire d’allier agronomie, phytotechnie et nouvelles technologies. Berthoud, par exemple, exposera sa dernière trouvaille, une solution de pulvérisation ultraciblée baptisée « Sniper ». Le constructeur annonce réduire de 40 à 85 % la quantité de produit utilisé par rapport au schéma classique. L’équipement embarque des caméras hyperspectrales bénéiciant d’une puissance de vision nettement supérieure à celle de l’œil humain. Les images récoltées, couplées à l’intelligence artiicielle, permettent de détecter les plantes sur sol nu mais également d’identiier une adventice dans la culture. En mesurant la couleur, la forme et la texture, l’électronique diférencie même une pierre d’un végétal. Question investissement, le coût annoncé est important : environ 1 400 € par mètre de rampe, soit 33 600 € pour un appareil de 24 m de largeur. Ceci dit, le retour sur investissement est rapide au vu des économies réalisées sur l’achat de produits phytosanitaires. Les premiers essais réalisés

VRAI ou FAUX

➜ Les adventices sont la première cible des constructeurs de robots. VRAI La plupart des fabricants proposent des plateformes autonomes, souvent spécialisées dans une seule tâche. Les adventices sont les premières cibles des robots, lesquels adoptent de multiples stratégies de désherbage, allant de la distribution ultralocalisée de désherbant au binage mécanique intra- et interrang, en passant par l’utilisation de lasers ou de micro-ondes pour dévitaliser les mauvaises herbes. ➜ L’agroécologie risque de limiter la diversité des systèmes de production agricole. FAUX La production est conçue autour de la diversiication des cultures et de l’allongement des rotations, ce qui renforce la biodiversité dans son rôle de facteur de production. ➜ La consommation d’eau destinée à irriguer les cultures doit être optimisée. VRAI Le changement climatique, la pression sociétale, la durabilité des exploitations, la qualité des produits, la diversiication ou encore le coût de l’énergie sont autant d’enjeux qui nécessitent de sécuriser ou développer la capacité d’irrigation pour y répondre. Sans compter que les outils numériques aident les producteurs à optimiser l’eau captée dans les nappes.

à

AGRICULTURE 4.0

montrent un gain compris entre 40 et 70 €/ha… sans oublier l’aspect environnemental ! À l’ heure où les produits de synthèse sont décriés, et les pulvérisateurs sujets à controverse, la technologie devrait jouer un rôle primordial dans l’amélioration des pratiques.

Les bineuses Horsch Transformer VF fertilisent au plus près des rangs Autre solution visant à faire chuter les IFT (indices de fréquence de traitement) : le désherbage mécanique. Les fabricants de matériels l’ont bien compris et sont nombreux à présenter des gammes d’outils de binage élargies of frant des perform anc e s ac cr ue s. L e c on str uct eur a l lemand Horsch, par exemple, complète sa série de bineuses Transformer VF et propose des options supplémentaires. Avec l’acquisition récente de son compatriote Cross Farm Solution (CFS), l’Autrichien Pöttinger ajoute une bineuse mécanique et une houe rotative à son catalogue. Pour optimiser le désherbage mécanique, un nombre limité de passages de tracteur est requis. L’ajout d’un dispositif de fer tilisation , notamment, permet d’apporter, en un seul passage, l’engrais au plus près du rang. Des tubes de descente sont alors positionnés devant les socs de façon à recouvrir légèrement de terre le fertilisant et à en limiter ainsi la volatilisation. Les fermes biologiques ne sont pas en reste puisqu’elles peuvent dorénavant limiter le salissement des parcelles en semant une seconde culture dans l’interrang. En période de récolte, la portance des engins s’en trouve en outre améliorée. Les outils de déchaumage évoluent eux aussi. Chez Sulky, le lancement récent d’une version « hybride » au x c ouleurs de S ky Agriculture en atteste. Dénommé « Methys », ce modèle a pour objectif de travailler supericiellement, entre 4 et 7 cm, ain de

La tête de répartition et les tuyaux de descente vers chaque élément de la bineuse Transformer VF de Horsch permettent de fertiliser en localisé au moment du binage.

HORSCH

à

AYMERIC LEPAGE L’AVIS DE L’EXPERT Aymeric Lepage, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Aisne

« Localiser l’engrais permet de diminuer sa quantité, sur maïs, d’environ 30 %. Épandre au moment du binage donne un coup de boost à la culture, à un stade (6-8 feuilles) où les besoins en azote sont importants. En plus d’apporter une économie en matière d’herbicide, la méthode limite la surface d’application d’engrais et donc, mathématiquement, en réduit la quantité. Nos essais ont montré une hausse du rendement de 2 q grâce à la localisation du “Super 46” au semis et de l’“Ammo 27” au binage, et ce, par rapport à un apport en pré-semis. Sans oublier l’économie côté facture d’azote ! La technique est certes intéressante mais nécessite une organisation de chantier différente. Il faut également prendre en compte l’investissement en matériel spécifique. À rendements équivalents, même en tenant compte du surcoût lié à l’achat du matériel, le gain tourne entre 5 et 10 €/ha grâce aux seules économies de fertilisants, un gain auquel il faut ajouter le rendement supplémentaire. »

AGRICULTURE 4.0

SKY AGRICULTURE

limiter la propagation des graminées résistantes. L’outil se destine en particulier aux producteurs bios ou en ACS (agriculture de conservation des sols). En ajoutant une trémie ainsi qu’une tête de répartition, l’agri culteur sème, là encore, ses couverts végétaux en un seul passage. La consommation de carburant se voit aussitôt réduite, de même que les émissions polluantes. Le coût de production devrait ainsi diminuer, et l’environnement en proiter.

Robots agricoles : ce n’est plus de la fiction, ça fonctionne Côté démonstration, pléthore de robots terrestres font le show sur les stands. Entre concept et look futuriste, la plupart des marques présentent des outils autonomes, travaillant sur une plateforme monotâche. Beaucoup d’aspects relatifs à la sécurité, au niveau d’autonomie et aux responsabilités restent à traiter avant que la réglementation n’évolue. Notons que, dès les premiers travaux, le sujet désherbage a monopolisé l’attention des chercheurs. Pulvérisation ciblée, travail mécanique dans l’interrang ou directement sur le rang : les initiatives pullulent. Les premiers appareils ont démarré leur activité dans le maraîchage, milieu où le parcellaire pose moins de problèmes, mais la technologie est prête. St e c om at imp or t e le ro b o t F D20 c on çu p ar Farm Droid. L’engin gère le semis et enregistre la

Sky Agriculture ajoute une trémie et une tête de répartition à son déchaumeur Methys pour semer des couverts végétaux sans passage supplémentaire. position GPS de chaque graine. L’information est ensuite réutilisée au moment du désherbage mécanique, permettant ainsi de travailler au plus près de la plante sans endommager la culture puisque l’outil sait précisément où se situent les individus ! Il est même possible de biner à l’aveugle avant que la culture lève pour maîtriser la croissance des adventices en les éliminant dès le stade ilament blanc. Question énergie, la source la plus fréquemment utilisée est l’électricité. Le FD20 possède

STECOMAT L’AVIS DE L’AGRICULTEUR Damien Blondel, betteravier bio près de Reims (Marne) « Le drone gère jusqu’à 6 ha/j »

« J’exploite 220 ha en cultures biologiques. J’ai décidé de confier le semis et le désherbage mécanique de ma production de betteraves sucrières au robot FarmDroid FD20. Stecomat, le distributeur français de l’engin, gère la mise en route et le suivi pour le démarrage et l’entretien. L’objectif est clair : le désherbage mécanique demande beaucoup trop de temps, surtout en mode manuel. C’est ce qui m’a conduit à confier ce travail au robot. Le FD20 est entièrement autonome et travaille, en plus, entre et sur les rangs. Lancée à 900 m/h, la machine peut gérer jusqu’à 6 ha par jour. Question sécurité, si l’une des deux antennes GPS sort de la zone prédéfinie, le dispositif s’immobilise aussitôt. »

Pour créer un agroécosystème productif et durable, les agriculteurs doivent obser ver et comprendre leur sol, réléchir, anticiper, mettre leurs connaissances en pratique ou les adapter.

même son propre panneau photovoltaïque, destiné à produire l’énergie nécessaire à l’alimentation des moteurs. En cas de surplus, des batteries stockent l’énergie pour l’utiliser la nuit venue. De quoi permettre à l’engin de travailler 24 heures sur 24. En cas de panne sèche, le robot attend sagement que le jour se lève pour reprendre le travail.

Réinventer le tracteur pour anéantir la pollution De leur côté, les tractoristes cherchent des alternatives à l’énergie fossile. La traction doit devenir plus propre grâce aux moteurs utilisant les énergies telles que le gaz, l’ hydrogène ou l’électricité. Il est urgent de cesser les émissions polluantes, sous peine de inir par étoufer. Le groupe CNH Industrial a mis au point le tracteur Methane Power. Désormais opérationnel, il fonctionne déjà sur quelques exploitations. Le groupe vient en outre d’annoncer sa prise de participation au capital de Monarch Tractor. La marque a conçu un modèle 100 % électrique bénéiciant de deux modes de conduite pour maintenir sa polyvalence : 100 % autonome ou manuel. Les 40 ch sous le capot autorisent jusqu’à dix heures de travail sans recharger les batteries. Si le chaufeur recherche plus de puissance, le moteur délivre ponctuellement jusqu’à 70 ch. Le rechargement du tracteur s’opère sur une prise classique alimentée en 220 V. Au bout de cinq heures de charge, le bolide a retrouvé 100 % de sa capacité. Le principal intérêt agronomique de ce modèle tient à son poids, assez faible, limitant le tassement du sol.

Et si la charrue devenait un outil agroécologique ? Actuellement, mieux vaut être prudent avant de parler labour. Le mot suit à déclencher d’éternels à

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NAVI App

Application tablette gratuite révolutionnaire pour la gestion de l’épandage par GPS avec carte de préconisation intra-parcellaire, contrôle de 80 sous-sections pour les pointes et bandes restantes, aide au guidage et création de rapports pour le suivi et la traçabilité.

Distribution dans le réseau France.

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FARMDROID

débats. Le constructeur de charrues Demblon l’a bien compris et tente de redorer le blason de l’outil en lui apportant une touche agroécologique. Son modèle « mixte » vise à préparer des mulchs répartissant mieux la matière organique dans le sol. Celle-ci est enfouie non pas en fond de raie mais aux deux tiers, ce qui améliore sa dégradation et rend les minéraux plus accessibles pour la culture suivante. À noter que, les socs travaillant moins en profondeur, le dégagement sous bâti s’en voit aussitôt augmenté. Cet argument s’avère important pour ceux qui travaillent dans des parcelles à forts résidus, car les problématiques de bourrage se font oublier. De plus, la matière végétale, mieux mélangée à la terre, se dégrade plus rapidement. La filière des agroéquipements doit également prendre en considération la ressource en eau. Chaque mètre cube pompé dans les nappes phréatiques doit être utilisé avec beaucoup d’eicience. Pour répondre à cet enjeu, les matériels d’irrigation évoluent. Ils bénéicient des avancées technologiques et du numérique permettant d’aider l’agriculteur dans sa prise de décision. En se diversiiant, l’agriculture participe également à l’efort collectif consistant à limiter les émissions de gaz à efet de serre. Plutôt que de considérer les résidus organiques comme des déchets, pourquoi ne pas y voir un gisement d’énergie renouvelable ? C’est le cas de la méthanisation, ilière vertueuse qui transforme la matière organique en biométhane. Qu’il soit destiné à alimenter une génératrice électrique ou à être injecté dans le réseau GRDF, le gaz vert remplace celui qui est extrait du sous-terrain. La méthanisation est souvent mise en avant par les pouvoirs publics qui la considèrent comme une solution eicace pour lutter contre le réchauffement climatique. Cependant, l’investissement est lourd, et l’on ne s’improvise pas producteur de gaz ! Preuve cependant que le métier évolue. Pour éviter la levée de boucliers, mieux vaut expliquer le projet aux riverains. Le champignon vert fait peur, ou plutôt le risque d’explosion lié au gaz. Expliquer, rassurer, se montrer pédagogue : autant de missions qui s’ajoutent au métier de paysan. Alors que ce dernier avait plutôt tendance à vivre centré sur sa ferme, il lui faut s’ouvrir aux autres. L’agriculture est donc en pleine mutation, un mouvement sans doute accéléré par la crise sanitaire. Dans ce contexte, Innov-Agri se déinit comme le point de départ de la nouvelle ère agricole. ■

Le robot FD20 de FarmDroid mémorise la position des semences lors du semis pour ensuite biner au plus près de la plante sans dégrader la culture.

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