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Pourquoi le sujet du stockage de l’eau divise-t-il ?
from Terre-net Le Magazine n°103
by NGPA
Indispensable à l’agriculture, l’eau semble pourtant se raréfier. Les cultivateurs souhaitent la stocker en hiver pour irriguer leurs cultures l’été, quand les précipitations sont moins fréquentes. Mais certains y voient un accaparement et protestent.
L’eau se raréfie et la pression monte. En témoigne la manifestation interdite du 25 mars dernier à SainteSoline (Deux-Sèvres), qui a donné lieu à de violents affrontements entre opposants radicaux et forces de l’ordre. À la base, l’objectif était d’exprimer le désaccord de certains envers les bassines de stockage de l’eau. Le sujet avait déjà créé de violentes et tragiques oppositions en 2014 à Sivens (Tarn), où un projet visait, outre le soutien de l’étiage du Tescou (affluent du Tarn), à sécuriser l’approvisionnement des fermes voisines grâce à la création d’un barrage-réservoir d’1,5 million de mètres cubes. À l’heure où la production agricole focalise les attentions, notamment autour de la question de comment nourrir la planète, dont la population s’accroît, le sujet du stockage de l’eau divise.
1 C’est quoi une mégabassine ?
Une « mégabassine » est une retenue d’eau à ciel ouvert dont le fond a été imperméabilisé et dont la taille peut atteindre plusieurs hectares. Contrairement aux idées reçues, ces ouvrages ne sont pas alimentés par l’eau de pluie, mais via des pompes qui puisent directement dans les nappes phréatiques superficielles, à une dizaine de mètres environ de profondeur. L’objectif est de ravitailler les réserves durant l’hiver, lorsque l’eau est plus abondante. Celle-ci pourra ensuite être utilisée pour irriguer les cultures pendant l’été, période où les précipitations sont plus rares. Des seuils limites, au-delà desquels les remplissages des mégabassines seront interdits, doivent être fixés par les autorités afin de limiter l’impact sur la ressource en eau superficielle (rivières et zones humides) et souterraine.
2 Que reprochent les opposants ?
Dans le bassin de la Sèvre, par exemple, un projet prévoit la création de 16 mégabassines pour assurer l’alimentation de 230 exploitations. Les opposants dénoncent l’accaparement de l’eau par les agriculteurs en vue de produire des céréales généralement destinées à l’export. Alors que la ressource se raréfie, ils estiment que ces stockages en surface reviennent à vider les nappes phréatiques pour soumettre leur eau à l’évaporation en plein air.
3 L’impact sur les nappes phréatiques est-il réel ?
Selon Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, « les futures bassines des Deux-Sèvres devraient avoir des effets positifs sur les nappes phréatiques et les cours d’eau ». À chaque fois, le ministre s’appuie sur le rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) sur l’impact du projet sur les nappes souterraines et les cours d’eau. Rapport rendu public dans le bassin de la Sèvre niortaise en juillet 2022. En résumé : les prélèvements hivernaux destinés à remplir les réserves de substitution auraient un impact négligeable sur les nappes souterraines et le débit des cours d’eau. Les bassines pourraient même améliorer le niveau des nappes au printemps et à l’été La profondeur de la surface de la nappe pourrait augmenter de plusieurs mètres là où d’importants prélèvements estivaux sont substitués. Au niveau des cours d’eau, la simulation du BRGM souligne l’effet positif au printemps et à l’été avec un gain de 6 % du débit en sortie du bassin
L’AVIS DU PRÉSIDENT
Emmanuel Macron a annoncé le jeudi 30 mars, un « plan de sobriété » sur l’eau non seulement pour tous les secteurs économiques, mais aussi pour les particuliers qui pourraient payer plus cher s’ils en consommaient trop. Le président a également révélé son objectif de réutiliser 10 % des eaux usées d’ici 2030 (et autant dire que la France a pris du retard sur le sujet !). Il redoute des situations de stress l’été prochain concernant la ressource, celle-ci étant menacée par le réchauffement climatique. Selon lui, il est nécessaire de réutiliser 300 millions de mètres cubes, soit l’équivalent de trois piscines olympiques par commune et par an. Le Président a également validé l’intérêt des mégabassines. Il précise cependant vouloir mieux répartir leurs usages et assujettir leur utilisation à certaines pratiques. « Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer », a-t-il déclaré. Les futurs ouvrages seront conditionnés à des changements de pratiques significatifs, à commencer par les économies d’eau et la réduction de l’usage des produits phytosanitaires.
pour le mois de juillet. Selon les hydrogéologues, l’augmentation de débit pourrait atteindre 40 % par rapport au débit observé entre 2000 et 2011 Des résultats sans appel, mais le sujet de l’eau reste sous tension, et constitue même un des enjeux majeurs du xxie siècle. Par ailleurs, l’étude n’a pas été approfondie, elle n’a pas valeur d’étude d’impact des conséquences possibles des prélèvements d’eau envisagés. 4
Le réchauffement climatique videra-t-il les bassines ?
L’étude du BRGM n’a pas non plus pris en compte les risques d’évaporation de l’eau stockée, ni les évolutions climatiques. C’est bien ce que reprochent les opposants aux mégabassines ! La mise à jour des données devrait permettre de faire de nouvelles simulations en intégrant les valeurs des années 2010 à 2020 et donc le changement climatique. Le Bureau pointe aussi le fait que les bassines ne pourront pas être remplies en hiver si le niveau des nappes phréatiques demeure trop bas. Vu la récurrence des sécheresses hivernales, il pourrait finalement s’avérer inférieur aux seuils réglementaires et ainsi compromettre le remplissage des réserves certaines années. ■