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Le robot grandes cultures biberonné par un agriculteur béarnais

Quand Jean-Luc Picourlat, agriculteur béarnais passionné d’informatique, s’est mis à la robotique, il a cherché en premier lieu à répondre aux besoins « terrain ».

C’est ainsi qu’est né son tracteur autonome, riche en promesses pour la conduite des grandes cultures.

Sur les zones d’exposition et de démonstration de la 7e édition du Fira, qui s’est tenue en février à Toulouse, les robots destinés aux grandes cultures n’étaient pas les plus nombreux. Plusieurs nouveaux venus avaient toutefois de quoi fasciner technophiles et simples curieux, à l’instar du Rover e-K18 de la société béarnaise Softivert. Fait rare, cette dernière n’a rien d’une nouvelle start-up, puisqu’elle officie depuis une vingtaine d’années dans l’agriculture de précision. Ce n’est toutefois qu’en 2018 qu’elle s’est lancée sur les pas de Naïo Technologies et Agrointelli, avec une différence notable : son fondateur, Jean-Luc Picourlat, n’est pas ingénieur mais agriculteur. Épris des « -iques », selon son expression – informatique, électronique, mécanique et, bien sûr, robotique – ce dernier témoigne d’un parcours peu commun !

Rangs de maïs et lignes de codes

Jean-Luc Picourlat a grandi sur une exploitation agricole « traditionnelle » du Béarn : 80 ha, des vaches laitières et du maïs ensilage. Son avenir était tout tracé, à un détail près : il se découvre rapidement une passion pour l’informatique. Autodidacte, il fait ses premières armes sur un Oric Atmos, un micro-ordinateur de jeu tombé dans l’oubli, tout en travaillant sur la ferme familiale. En 1989, le jeune agriculteur parvient à coder ses propres logiciels pour la gestion des parcelles et de l’élevage de l’exploitation. Mais c’est lors de l’achat d’un distributeur automatique de concentré que sa passion prend un tournant : le fabricant lui promet un partenariat s’il réussit à connecter l’équipement à l’Oric Atmos. Pari tenu : premier DAC informatisé vendu en 1990 et création de la société Softivert en 2003. Aujourd’hui, celle-ci compte sept salariés, dont Clément, le fils de Jean-Luc, formé en Communication et Réseaux, et

L’AVIS DE L’EXPERT

produit à la fois des logiciels et l’électronique associée.

La genèse du Rover e-K18

Grâce aux capteurs et systèmes de guidage qu’il a mis au point, Jean-Luc Picourlat constate bientôt que, sur son tracteur, l’essentiel du travail se résume au demi-tour en bout de champs. Si cette manœuvre était automatisée, plus besoin de monter dessus, gain de temps

Roland Lenain, dir. de recherche et responsable de l’équipe Robotique et mobilité pour l’environnement et l’agriculture (Romea) à l’Inrae

Une longueur d’avance pour l’élevage

En France, le développement de la robotique agricole devient réalité. C’en est même déjà une en élevage. « Aujourd’hui, le robot de traite s’est largement démocratisé, indique Roland Lenain, directeur de recherche et responsable de l’équipe Robotique et mobilité pour l’environnement et l’agriculture (Romea) à l’Inrae, on trouve aussi les robots d’affourragement, d’alimentation… La technologie est en plein essor, pour une raison simple : l’environnement est structuré, les robots s’y sentent bien. La robotique se développe plus facilement quand on maîtrise l’environnement, les conditions de localisation, quand on la déploie dans un site fermé, propre, balisé. » C’est la principale explication quant à la différence de développement entre la robotique d’élevage et la robotique dans les champs. Pour que les robots soient efficaces en terrain ouvert, il reste à lever des verrous. Les engins doivent agir en fonction de leur environnement et des tâches qui leur sont confiées. Ils doivent être capables de distinguer les situations dangereuses et d’adapter leur comportement en conséquence. Ici résident les complications : le robot doit reconnaître l’obstacle. Des capteurs adéquats sont nécessaires, capables d’avoir les couleurs, la géométrie, et de fonctionner quel que soit l’éclairage – y compris la nuit… important assuré. De là naît l’idée d’un engin autonome, pour lequel l’agriculteur part en quête d’un partenaire pour la partie traction, afin « de se concentrer sur la géolocalisation, l’automatisme et la création d’une gamme d’outils », explique-t-il. Le prototype sera finalement conçu entièrement en interne et sur fonds propres.

Le couteau suisse de la grande culture ?

Avec son châssis articulé lui offrant une « taille de guêpe », ses lignes épurées et ses deux petits phares avant, l’e-K18 a des allures d’hyménoptère métallique. C’est que son créateur l’a voulu avant tout transportable et adaptable : 1,5 t, peu large, sur roues et équipé de deux batteries électriques lui conférant une puissance de 18 kW (équivalent à 24 ch). Le robot devrait ainsi pouvoir assurer une large gamme de travaux de grandes cultures, de la préparation des terres au binage en passant par le semis, la fertilisation et les traitements phytosanitaires. Équipé d’un semoir, « son autonomie lui permettrait d’ensemencer 3 ha », estime Jean-Luc Picourlat.

Un chantier clôturé

Sur le modèle de ce qui se fait avec les tondeuses automatisées – c’est d’ailleurs dans son jardin que l’agriculteur a trouvé l’inspiration –, la parcelle dans laquelle intervient le robot doit être délimitée par un fil périphérique. « Si le robot le pousse, la tension est répertoriée sur un émetteur radio et aussitôt, l’engin s’arrête et alerte l’agriculteur qui reçoit un SMS. Même chose si quelqu’un pénètre dans le champ », explique Jean-Luc Picourlat. Et qu’on ne lui dise pas qu’il y a entrave à la liberté de circuler : « C’est un chantier automatisé interdit au public », objecte-t-il, dressant le parallèle avec la sécurisation d’un ouvrage dans le BTP. Reste à voir si le plus avantageux serait de poser une clôture pérenne ou mobile, à l’image de ce qui se pratique au niveau des pâturages. Se pose également la question du prix : pour le Rover, « l’objectif est de rester autour de 100 000 €, voire en dessous », précise-t-il. Après le Sima, en novembre 2022, puis le World Fira en février dernier, le robot devrait à nouveau faire parler de lui en juin. Dans la ferme où il a vu le jour, il aura pour mission de semer 5 ha de maïs. Et Jean-Luc Picourlat espère bien multiplier les essais par la suite, jusqu’au jour où il sera nécessaire de se faire épauler par un constructeur pour entamer la production à une échelle industrielle. Mais l’agriculteur n’est pas pressé : « Nous allons conserver le bébé un maximum de temps pour le faire grandir. Après, seulement, viendra le temps du sevrage ! » plaisante-t-il. Confiant en son produit, il l’est aussi quant au futur de la robotique agricole : « Transition il y a, transition il y aura », conclut-il. ■

Valtra : limiter ses émissions grâce au carburant renouvelable

Depuis cinq ans, Valtra réduit ses émissions de gaz à effet de serre grâce à l’utilisation d’un carburant 100 % renouvelable. À cette fin, il a noué une collaboration avec Neste MY, produisant l’énergie à partir de déchets et de résidus. Le site finlandais a aussi lui-même recours aux énergies issues de l’éolien, l’hydraulique, la biomasse et le photovoltaïque.

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