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Améliorer le potentiel des sols en évitant les tassements
from Terre-net Le Magazine n°103
by NGPA
Quand le sol est compacté, sa capacité d’infiltration et de stockage de l’eau est amoindrie, de même que sa colonisation par les racines des cultures. Le rendement peut être impacté jusqu’à 30 %.
Cette année encore, le phénomène de sécheresse renforce la tension relative à la question de l’irrigation des cultures. Les usages agricoles sont remis en cause, et le rôle des sols comme premier réservoir pour le stockage de l’eau revient sur le devant de la scène. « Le volume d’un sol bien structuré est formé à 50 % environ de pores occupés par de l’air ou de l’eau », rappelle dès la première page le guide Tassements des sols, prévenir et corriger leurs effets réalisé à l’issue du projet Sol-D’Phy (2012-2018)* et coordonné par Agro-Transfert Ressources et Territoires dans les Hauts-de-France. La compaction des sols correspond à une dégradation de leur porosité ayant pour effet de réduire la capacité d’infiltration et de stockage de l’eau, ainsi que de perturber leur fonctionnement global (aération, activité biologique).
Les Hauts-de-France s’avèrent particulièrement exposés au risque de tassement des sols en raison des récoltes réalisées avec des machines lourdes et souvent en conditions humides pour les cultures traditionnelles de la pomme de terre et de la betterave sucrière. D’où l’émergence dans cette région du projet Sol-D’Phy dont l’enjeu est la préservation, voire la restauration de la qualité physique des sols cultivés, pour une meilleure durabilité des systèmes agricoles. Toutefois, avec l’augmentation générale du dimensionnement des matériels, toutes les régions se retrouvent concernées par la problématique.
Jusqu’à 30 % de perte de rendement
Au-delà de la préoccupation montante autour des ressources en eau accessibles pour les cultures, le tassement des sols se répercute sur les rendements en pénalisant l’enracinement des plantes et donc leur développement (en particulier pour les racines pivot et les tubercules). Dans les suivis du projet SolD’Phy, Agro-Transfert observe par exemple jusqu’à 15 % de chute de rendement en blé lorsqu’il y a eu dégradation de la structure lors de la récolte du précédent betterave ; jusqu’à 15 % également de perte de rendement commercialisable en pomme de terre dans le cas de zones tassées à l’implantation. De son côté, Arvalis a mis en évidence, au cours de ses expérimentations, des pertes de rendement systématiques, comprises entre 5 et 30 % selon les cultures.
D’après les spécialistes du fonctionnement des sols cultivés, la préservation voire la restauration de leur fertilité physique constitue un enjeu majeur pour réduire la dépendance aux intrants, et notamment aux fertilisants chimiques et à l’eau d’irrigation. Les risques de compaction doivent être évités au maximum.
Le tassement des sols résulte de l’application d’une pression supérieure à leur résistance mécanique, exercée via les roues des engins, surtout lors des chantiers de récolte, de transport et d’épandage. Au niveau des machines, les facteurs à
PARTAGE D’EXPÉRIENCE Cultures
Pour les chantiers lourds, tous les leviers doivent être mis en œuvre afin d’alléger la charge par essieu. Cette arracheuse à pommes de terre décomposée (traînée et dépourvue de trémie) est plus légère qu’une automotrice. Reste à veiller au poids par essieu et à la pression de gonflage des pneus de la benne.
déterminants, détaillés dans l’étude Sol-D’Phy, sont : la charge par essieu, la dimension et le gonflage des pneumatiques, et le nombre de passages. Côté sols, les facteurs de risque sont : l’humidité, la texture, le type de porosité et la stabilité structurale.
Priorité à la charge par essieu et à l’humidité du sol
Dans un essai d’octobre 2015 sur sol limoneux humide, le tassement engendré par une arracheuse automotrice à pommes de terre vide (17 t/essieu) atteint 25 à 30 cm de profondeur, et jusqu’à 40 cm lorsque la trémie est pleine (24 t/essieu). Les résultats de Sol-D’Phy montrent par ailleurs que pour une même charge par essieu (environ 20 t), la profondeur de tassement passe de 25 cm avec 20 % d’humidité en profondeur, à 35 cm avec 22,5 %, et jusqu’à 55 cm avec 37 % d’humidité. Ainsi, la charge par essieu et l’humidité du sol se révèlent être les principaux facteurs du tassement en profondeur, c’est-à-dire sous l’horizon habituellement travaillé.
Concernant le tassement en surface (10, voire 20 premiers centimètres), outre la charge et l’humidité, il est influencé par les pneumatiques et le nombre de passages. Les pneumatiques constituent l’interface répartissant la pression exercée par le poids de l’engin. L’augmentation de cette surface de contact
Avec une charge à l’essieu de 5 t, l’utilisation de pneumatiques larges permet de réduire le tassement en surface. En montant à 10 t, les pneumatiques larges ne suffisent plus à l’éviter, ni celui en profondeur.
Avant toute action corrective, plusieurs méthodes existent pour évaluer l’intensité d’un tassement du sol, notamment le mini-profil 3D réalisé au chargeur télescopique.
Un essai Sol-D’Phy d’octobre 2015 sur sol limoneux humide a permis de comparer cinq passages de roues successifs (2 t/roue pour le tracteur + 5 t/roue pour la benne) à un passage d’arracheuse automotrice (12 t/roue). La répétition des passages tracteur-benne génère un tassement supérieur jusqu’à 15 cm de profondeur. Mais dans les horizons plus profonds, la charge à la roue de l’automotrice devient plus pénalisante. Pour Agro-Transfert, « les tassements de surface se régénérant plus facilement, il faut ici privilégier plusieurs passages légers pour limiter le tassement en profondeur ».
(pneu large, faible gonflage, chenilles) se traduit par une baisse de la pression et donc une diminution du risque de tassement en surface (0-25 cm).
« Pas de moyen mécanique d’intervention »
La résistance mécanique des sols est naturellement meilleure en terrains argileux qu’en terrains limoneux, et peut être améliorée par la teneur en matière organique. Par ailleurs, la porosité résultant du travail du sol est plus sensible au tassement (en particulier si elle est récente) que celle issue de la biologie (galeries de vers de terre, racines) ou de l’alternance humectation/dessiccation.
Dans un article de décembre 2019, Pascale Métais, spécialiste de la fertilité physique des sols chez Arvalis, indique que la régénération naturelle des horizons tassés, superficiels ou profonds, est lente. D’où la nécessité de prévenir à tout prix les risques de compaction en prenant en compte les facteurs évoqués ci-dessus. Lorsqu’un tassement est suspecté, il faut commencer par observer le sol afin d’évaluer son intensité, avant toute action corrective (plusieurs méthodes complémentaires existent : mini-profil 3D au chargeur télescopique, test bêche, tige pénétrométrique). Les tassements de surface peuvent être corrigés avec un travail superficiel (0-10 cm), voire un labour ou un décompactage (15-20 cm). Pour ceux plus profonds (30-50 cm), « il n’y a pas de moyen mécanique d’intervention, d’après Pascale Métais. Il faut compter uniquement sur l’activité biologique du sol, et cette régénération naturelle demande plusieurs années » Ces tassements sont donc, dans certains cas, plus difficilement réversibles.
Le décompactage doit rester ponctuel
Certaines cultures peuvent recréer de la porosité grâce à leurs racines, à condition d’être présentes suffisamment longtemps, c’est-à-dire au moins un an. Arvalis et Agro-Transfert recommandent que le décompactage demeure une opération ponctuelle, et qu’il soit suivi de l’implantation d’un couvert végétal à
L’AVIS DE L’EXPERT
Bertrand Deloste, chef de projet Sol-D’Phy 2 chez Agro-Transfert
« La clé avant toute intervention est le diagnostic »
« Parmi les travaux de Sol-D’Phy 2, lancé jusqu’en 2024, en conditions réelles de parcelles ayant subi un tassement, nous comparons une régénération assistée mécaniquement et une régénération plus naturelle. La sensibilité au tassement augmente avec l’intensité et la fréquence du travail du sol, en particulier à proximité d’un chantier à venir. Nous voulons voir jusqu’où il est possible d’aller dans la réduction du travail du sol dans les systèmes avec pommes de terre, betteraves et légumes d’industrie. En cas de tassement important, un couvert ne suffit pas à décompacter et les vers de terre peinent à circuler. Intervenir mécaniquement s’avère utile pour recréer de la porosité, donc des échanges avec l’air et l’eau, et relancer l’action de restructuration par le climat et les vers de terre, à condition de nourrir ces derniers. Un couvert de longue durée aidera ensuite à maintenir la structure en état. La clé, avant toute intervention, est le diagnostic. Dans le cas d’un tassement à la récolte de betteraves, suivi d’un labour pour semer un blé, refaire un diagnostic en fin d’été est utile pour décider, par exemple, s’il est nécessaire de décompacter et si les conditions sont réunies. Dans Sol-D’Phy 2, nous voulons aussi créer une méthode rapide et consensuelle permettant aux agriculteurs d’évaluer l’humidité de leur sol afin d’estimer la possibilité de circulation et de travail. Car l’humidité est le principal facteur de sensibilité au tassement. L’outil Terranimo permet de modéliser le risque, mais il s’adresse davantage aux conseillers. Nous travaillons aussi avec Arvalis sur l’outil d’aide à la décision J-Distas, visant à calculer les jours disponibles pour intervenir en bonnes conditions de traficabilité et de travaillibilité. »
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