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L’éternelle question
from Terre-net Le Magazine n°103
by NGPA
Bien que le sujet ne date pas d’hier, la flambée des prix remet la question du labour au goût du jour. Outre les économies mesurables liées à la facture carburant, cesser de labourer peut s’avérer efficace agronomiquement. Cependant, la charrue offre aussi des bénéfices indéniables dans certaines situations : sols compactés, population adventice développée, conditions humides à l’automne rendant le semis difficile… Quoi qu’il en soit, décider de remiser l’outil ne s’improvise pas et nécessite de maîtriser les conséquences.
Avec la flambée du prix des carburants et des intrants, chacun tente de limiter les factures et par conséquent de minimiser l’impact sur ses coûts de production. Le labour constitue bien souvent l’un des principaux postes de dépense. L’opération est gourmande en traction, et donc en carburant. La supprimer rime souvent avec économies, dont la valeur peut s’élever jusqu’à 30 % des charges de mécanisation. Arvalis a comparé différentes pratiques : implanter une culture avec la technique faisant référence – à savoir le semis combiné derrière un labour, après deux déchaumages – et diverses techniques culturales simplifiées (TCS). Globalement, les TCS comptent moins de passages et leur débit de chantier est supérieur. Elles ont donc l’avantage. Par ailleurs, elles s’avèrent intéressantes pour les implantations d’automne, car elles permettent de réduire la puissance du tracteur de tête sur la ferme. Voire, dans certaines situations, d’en supprimer un !
Faire l’impasse sur le labour peut cependant avoir des incidences agronomiques qu’il vaut mieux maîtriser. Structure, tassement, acidité et aération du sol, faune et adventices présentes… autant de paramètres à ne pas négliger avant de décider ou non de remiser sa charrue.
Levée d’adventices retardée
En accélérant le réchauffement du sol, le labour fournit davantage de chaleur aux plantes fraîchement semées, qui se développent plus rapidement. Sans compter que le semis se trouve facilité, puisque le labour diminue la force de pénétration nécessaire au semoir. La charrue efface aussi les empreintes de pneumatiques et les ornières laissées par les engins. Côté adventice, leur levée est retardée par l’enfouissement du stock semencier. Par conséquent : moins de concurrence, et donc une meilleure croissance des plantes cultivées. Soulignons également que le fait de retourner la terre brise le cycle de développement de certaines maladies fongiques.
En revanche, là où le bât blesse, c’est au niveau de la faune. Le nombre de vers dits « mangeurs de terre », les endogés, augmente au détriment des anéciques, dont une partie est détruite au passage de l’outil. Parmi les risques les plus importants, citons la formation d’une semelle de labour, sorte de « croûte » résultant de la compaction du sol sous la zone labourée. La matière organique tombe au fond de la raie, ce qui se répercute sur la répartition de la faune du sol. Les individus anaérobies se retrouvent en surface, où ils meurent asphyxiés, et inversement, les aérobies se retrouvent enfouis et subissent le même sort.
Attention à la vie biologique
En labourant, d’autres problèmes, plus graves, peuvent survenir : disparition de la couche d’humus superficielle, érosion des sols (particulièrement s’ils sont fragiles) ou dessèchement, baisse de la quantité de matière organique en surface (et de la qualité), à
LE LABOUR, À QUOI ÇA SERT ?
Le terme « labour » vient du latin laborare, qui signifie « travailler ». La technique consiste à retourner la couche arable d’une parcelle cultivée et pour cela, les agriculteurs utilisent la charrue. Celle-ci ouvre la terre à une certaine profondeur – en général, pas plus de 20 cm – et la retourne, pour ensuite pouvoir l’ensemencer à nouveau. Résultat : le sol est décompacté et aéré. Par ailleurs, le labour mélange la terre et les résidus de récolte, les fumiers, la chaux ou les engrais minéraux, en y introduisant de l’oxygène. Cependant, en conditions humides, l’opération risque de compacter le sol sous la zone travaillée, et de former ce que les paysans appellent la « semelle de labour ». Autre avantage à retourner la terre : la minéralisation des éléments s’accélère et la perte d’azote par volatilisation diminue. À court terme, la quantité d’azote disponible est supérieure. L’absence de résidus à la surface des parcelles accélère l’évaporation de l’eau et réchauffe le sol.
enfouissement en profondeur des débris végétaux, amendements organiques, nématodes et micro-organismes décomposeurs. Conséquences : les champignons aérobies meurent et les sols s’acidifient, les racines se retrouvent parasitées, les nitrates sont lessivés et polluent les nappes phréatiques. Sans parler des apports d’engrais importants nécessaires pour pallier le déficit. À cela s’ajoute l’exposition des vers de terre aux produits chimiques. Moins actifs, ils ne remontent plus la nuit pour venir chercher la matière organique. En surface, le sol se retrouve moins aéré, voire asphyxié. Et avec la diminution de l’humus superficiel, il perd son pouvoir de rétention d’eau. Actuellement, les sols s’érodent d’un millimètre par an (alors qu’il en faut dix pour constituer cette épaisseur).
47 % de la SAU française non labourée
En France, en 2017, les superficies non labourées ont évolué, elles sont passées, en moyenne, à 47 % de la surface agricole, selon une enquête Agreste. Alors qu’auparavant, 46,8 % des surfaces étaient labourées une à deux fois tous les six ans (entre 2006 et 2011), et 40 % étaient encore labourées systématiquement. Bien évidemment, la rotation culturale et le type de sol jouent : la charrue est plus fréquemment abandonnée sur terrains argilo-limoneux (39 % ne sont plus labourés). La zone de production se révèle elle aussi significative. Dans les Hauts-de-France et en Alsace, les parcelles recevant du blé sont le plus régulièrement labourées.