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Semer en direct nécessite un équipement spécifique capable de travailler en conditions plus tassées et avec parfois une quantité de résidus non négligeable.

Alors qu’au sud-ouest, le non-labour est davantage répandu. À l’Est (Bourgogne, Champagne et Lorraine), les rotations de cultures d’hiver (blé-colza-orge) contribuent au développement des techniques culturales sans labour. Sur la question de l’arrêt total du labour, la décision est plus difficile à prendre. N’oublions pas que la pratique possède des inconvénients, mais aussi quelques atouts. L’agriculteur devra donc raisonner en fonction de ses convictions, de sa maîtrise de l’agronomie et des particularités pédoclimatiques de ses parcelles. Il devra aussi prendre en compte la complexité de certaines TCS.

L’engouement pour les TCSL existe-t-il ?

Autre élément à envisager : la réduction du temps de travail que permet la suppression du labour. Elle constitue une motivation forte, au même titre que les économies sur les charges de mécanisation. Deux paramètres qui pèsent lourd dans la décision de ne plus utiliser sa charrue. Particulièrement en ces temps où la surface cultivée des fermes augmente et où chacun chasse les économies. Ce n’est pas pour autant que l’outil doit être complètement délaissé, cela dit. Nombreux sont ceux qui ne s’interdisent pas de retourner leurs parcelles si les conditions l’exigent (sols tassés, graminées devenues incontrôlables…). Enfin, les techniques culturales sans labour (TCSL) sont bénéfiques pour l’environnement. D’une part, des études ont mis en évidence les économies d’énergie et une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’autre part, avec elles, les risques d’érosion des sols sont moindres.

Retour sur la lutte contre les GES. L’enjeu est d’envergure mondiale, et les TCSL peuvent actionner certains mécanismes favorables au stockage du carbone dans le sol, via le CO2 contenu dedans. En ôtant la protection de la matière organique, le labour réduit la durabilité de stockage du carbone. Autrement dit : l’humification de la matière organique augmente en l’absence de labour. En France, le stockage annuel de carbone a été évalué entre 100 et 200 kg/an/ha dès lors que l’agriculteur cesse de labourer. Ces valeurs ont été mises en évidence par Arvalis grâce à son dispositif longue durée testé sur le site de Boigneville (Essonne). L’essai souligne aussi que la différence entre les deux méthodes – labour et non-labour – s’atténue avec le temps. Excepté au niveau du stockage de carbone, qui augmente en situation de non-labour. Ceux qui ressortent la charrue exceptionnellement effacent aussitôt l’effet bénéfique sur le stockage.

Réduire sa quantité de phytos

Les TCSL visent aussi à réduire, voire à supprimer, l’utilisation de produits phytosanitaires. Pour y parvenir, les agriculteurs doivent créer une sorte de mulch à la surface de manière à couvrir le sol durant toute l’année. Cela limite la pression adventice. Quelques difficultés ont été relevées sur la culture du maïs. Les conseils sont de faire un faux-semis juste après la récolte et d’appliquer une dose de glyphosate pour détruire les graminées estivales. Mais pourquoi ne pas pailler les interrangs de manière à préserver l’humidité du sol et à limiter la levée des adventices ?

L’AVIS DE L’EXPERT

ARVALIS

« Le sol est souvent la principale motivation, car de plus en plus d’agriculteurs regardent ce qui s’y passe. En sol pierreux, travailler profondément a tendance à faire remonter les cailloux. Ensuite, il faut les ramasser ou les broyer, ce qui coûte cher et demande du temps. Mieux vaut donc opter pour un travail superficiel. En situation plus argileuse, l’agriculteur a des difficultés à travailler l’argile à la bonne humidité. Résultat : difficile de reprendre les problèmes de mottes ou de sol creux ensuite. En sol crayeux, sableux ou limoneux, la motivation est plus la réduction de la battance. Sans oublier la portance des sols, meilleure en situation de non-labour. Les TCS [techniques culturales simplifiées] nécessitent plus de technicité et de rigueur. Souvent, la charrue cache la misère et efface les erreurs (gestion des adventices, tassement du sol, répartition des pailles…). Sans labour, le fermier doit anticiper les problèmes et ne plus les gérer de manière curative. »

À noter tout de même que dans cette configuration, le maïsiculteur doit accepter de ne pas avoir des parcelles totalement exemptes de mauvaises herbes. Ici, l’idée est de se concentrer sur la marge brute plutôt que sur la taille du maïs. Faut-il travailler le sol ? Dans ses conclusions, cet ouvrage coordonné par Arvalis et AgroParisTech établit qu’au bout du compte, il existe une « multitude de combinaisons possibles entre les différentes techniques de travail du sol », et que l’enjeu n’est pas tant de les comparer que de définir les modalités appropriées pour les mettre en œuvre. La question prépondérante n’est donc plus « pour ou contre le labour ? », mais plutôt « comment optimiser la technique, avec ou sans labour ? » et « pour quel objectif ? ».

Travailler profondément peut s’imposer

Selon Jérôme Labreuche, un des coordinateurs de l’ouvrage, « le labour peut rendre service ». Il constitue une solution curative à certains problèmes. Il atténue les difficultés de désherbage en cas de forte pression graminées. Sans oublier que la pratique permet de semer quand les conditions deviennent trop humides, comme ce fut le cas au cours de l’automne 2019, durant lequel certains agriculteurs ont ressorti la charrue pour pouvoir emblaver dans de meilleures conditions. Si le sol est tassé, le labour permet également de le restructurer. Attention, toutefois, à ne pas créer de semelle de labour, notamment dans les sols limoneux.

Kuhn

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D’après Arvalis, quand la structure est dégradée, l’action régénératrice du climat et de l’activité biologique est variable selon le type de sols. Le plus souvent, il faut plusieurs années. Alors, en fonction de l’objectif de l’exploitant, travailler le sol en profondeur peut s’imposer. « Certains préféreront ne pas déroger à la règle du non-labour, quitte par exemple à renoncer à semer un blé tardivement, observe Jérôme Labreuche. Cela peut se révéler plus compliqué, mais tout dépend de leurs priorités. »

Large gamme d’humidité pour le labour

Selon Arvalis, toute action corrective de la structure du sol (travail superficiel, décompactage, labour) doit découler d’un diagnostic évaluant l’ampleur et la profondeur du tassement. Plus celui-ci est important, moins il est facile à rattraper. La sensibilité au tassement de la culture à venir entre aussi en ligne de compte. En outre, si le labour peut se faire dans une gamme d’humidité assez large, ce n’est pas le cas du décompactage, qui a besoin d’un sol friable. « Avec la sécheresse des derniers étés, décompacter avant le semis de couverts était mission quasi impossible ! Faute d’humidité suffisante, souligne Jérôme Labreuche. Il est parfois difficile de travailler les sols au moment opportun, tout dépend de la répartition de la charge de travail dans l’année. » Certaines cultures recréent de la porosité grâce à leurs racines, permettant de remettre le sol en état. « Pour cela, il est indispensable que la plante reste implantée au moins un an, écrivait Pascale Métais, d’Arvalis, en 2019. Ceux [les sols] qui sont en semis direct, si la situation leur est favorable, nécessitent deux années d’installation du couvert végétal avant de retrouver la porosité équivalente à celle d’un sol labouré ! »

Prudence : des contre-vérités circulent Jean-François Vian, enseignant-chercheur en agronomie des systèmes et sciences du sol à l’Isara de Lyon, a consacré sa thèse à l’effet sur les micro-organismes du sol de différentes techniques de travail en agriculture biologique. « Beaucoup de contre-vérités circulent dans le domaine de la fertilité des sols, observe-t-il. Le labour est diabolisé, accusé de les stériliser. Pourtant, nous avons observé une bonne fertilité en situation de labours bien faits. Souvent, ce sont les conditions d’application qui sont mauvaises, pas la pratique en elle-même. Il faut intervenir au bon moment, sur un sol bien ressuyé, et au maximum à 20 cm de profondeur. » Des travaux scientifiques montrent que les sols travaillés sont plutôt dominés par des espèces bactériennes, tandis que la diminution ou la suppression du travail du sol favoriserait le développement de champignons. Les communautés microbiennes sont par ailleurs influencées par l’usage du glyphosate. Côté macrofaune, des études indiquent que parmi les carabes, certaines espèces sont inhibées par le labour et d’autres plus abondantes. Tandis que la présence d’un mulch en agriculture de conservation créerait un habitat propice aux limaces. « Aucun système n’est vertueux à 100 %, résume Jean-François Vian. En agriculture biologique, se séparer de la charrue me semble risqué. Il vaut mieux détruire une prairie ou une interculture par un labour que multiplier les passages superficiels. Le labour est utile aussi pour réduire l’usage des herbicides. » ■

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