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Quels critères prendre en compte dans le choix variétal ?
from Terre-net Le Magazine n°105
by NGPA
Pour choisir ses variétés de colza, il ne faut pas tout miser sur le potentiel de rendement. Différents critères entrent en ligne de compte, en fonction du contexte pédoclimatique et des contraintes locales.
Le choix variétal constitue un des leviers majeurs pour se donner toutes les chances de réussite en colza. Rendement, vigueur, comportement vis-à-vis des ravageurs d’automne, sensibilité à l’élongation, tolérance aux maladies… Terres Inovia fait le point sur les critères-clefs.
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Adaptation du travail du sol pendant l’interculture, semis précoce, pratique du colza associé, fertilisation au semis, etc., c’est la combinaison de différents leviers qui est mise en avant quand on vise un colza robuste, face aux contraintes climatiques et à la menace des ravageurs d’automne, rappelle Mathieu Dulot, ingénieur de développement chez Terres Inovia. Le choix variétal est un point important qui contribue à la réussite de la culture. » Et Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation des variétés pour Terres Inovia, d’ajouter : « Essayer de mettre les bonnes variétés au bon endroit, tel est l’objectif ! Regarder seulement le rendement ne suffit pas. Différents critères sont à prendre en compte en fonction du contexte pédoclimatique et des contraintes locales. » C’est l’idée de l’outil de choix variétal Myvar, proposé gratuitement par l’institut. Il permet de trouver les variétés les plus adaptées à sa situation via l’indicateur de « mérite agronomique ».
Vigueur et comportement visà-vis des ravageurs d’automne Terres Inovia fait régulièrement évoluer la caractérisation des variétés de colza en fonction des problématiques rencontrées. Depuis quelques années, de nouveaux critères essentiels dans la lutte contre les ravageurs d’automne – en particulier les grosses altises – ont été intégrés, comme la vigueur du début de cycle. Évaluer cette dernière consiste à réaliser des observations via une photographie drone à plusieurs périodes pour certains essais variétaux. Les ingénieurs distinguent deux choses. D’une part, la vigueur de départ caractérise la surface foliaire atteinte au stade 3-4 feuilles ; plus elle est faible, mieux la plante résistera aux morsures des grosses altises. D’autre part, la vigueur automnale classe les variétés selon leur dynamique de croissance jusqu’à l’entrée de l’hiver pour mieux résister à la pression des larves d’altises. Au stade 3-4 feuilles, la différence de surface foliaire varie de 5 à 10 % selon que la variété est plus ou moins vigoureuse. L’écart s’accentue au cours de l’automne, pouvant atteindre 15 à 20 % entre les extrêmes au stade 8-10 feuilles à l’entrée de l’hiver. « Régulièrement, l’écart entre les deux vigueurs est corrélé. D’où la nécessité de classer les variétés selon les deux variables », souligne Arnaud Van Boxsom. En 2023, Terres Inovia a analysé 17 essais réalisés dans le cadre du projet Adaptacol.
« À titre d’exemple, la variété Bessito est très vigoureuse au départ et à l’automne. À l’opposé, Hanissa confirme le classement de l’année précédente avec une vigueur plus faible », note le responsable.
Terres Inovia évalue aussi le comportement des variétés vis-à-vis des attaques de larves d’altises. Deux variables sont utilisées pour classifier les colzas : la mesure d’infestation larvaire via la méthode Berlèse et le comptage des plantes buissonnantes avant la floraison. « Là encore, indique Arnaud Van Boxsom, c’est important de conserver les deux variables. En effet, certaines variétés présentent deux fois plus de larves que d’autres dans le même essai, sans pour autant exprimer des symptômes aussi graves, avec moins de plantes buissonnantes. » Feliciano KWS, la variété témoin, reste la référence en matière d’infestation larvaire et de symptôme de plantes saines (sans ports buissonnants). Certaines variétés, comme KWS Arianos ou LG Armada, présentent une infestation larvaire fréquemment élevée, avec des symptômes qui s’expriment faiblement. Attica ou Heliott présentent régulièrement des plantes buissonnantes dans les essais.
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D’autres critères ne doivent pas être oubliés. En situations particulières, mieux vaut privilégier des variétés à certains pathotypes de la hernie des crucifères ou à bon comportement face à l’orobanche rameuse, par exemple. Pour les autres cas, il faut également regarder le potentiel de rendement, caractéristique pour laquelle Terres Inovia publie des données. Arnaud Van Boxsom conseille à ce sujet de ne pas se focaliser sur les résultats de l’année à la virgule près, mais plutôt sur la tendance pluriannuelle.
Veiller à la sensibilité à l’élongation automnale Autre point d’attention : la sensibilité à l’élongation automnale. « L’automne 2022, chaud et poussant, a mis en avant ce critère », explique Arnaud Van Boxsom. Mieux vaut éviter les colzas avec une forte sensibilité dans les situations à risque. Ceux dotés d’une bonne vigueur à l’automne ne sont pas forcément sujets à l’élongation. À cette saison, les variétés vigoureuses avec une sensibilité moyenne ne nécessitent pas de régulateur si les facteurs azote et densité sont maîtrisés. Idem en ce qui concerne la verse. Si les deux facteurs sont maîtrisés, aucun risque. Beaucoup de variétés sont classées « très peu sensibles » et « sensibles ». Bien qu’il soit souvent oublié, le phoma demeure par ailleurs un problème dans certaines régions. Il ne faut pas l’écarter des critères de choix. Terres Inovia étudie aussi la tolérance au sclérotinia, la résistance à l’égrenage et l’utilisation efficace de l’azote. Sujet à suivre… L’idée d’associer une variété attractive à une autre à protéger afin de détourner et concentrer les insectes fait son chemin. La pratique existe depuis plusieurs années pour lutter contre les méligèthes. Les insectes sont attirés par les odeurs émises par la plante hôte et par sa couleur jaune. Condition indispensable pour garantir l’efficacité de la technique : la floraison des deux variétés doit être décalée. « L’objectif est de protéger le bouton floral le plus longtemps possible, précise Céline Robert, chargée d’étude ravageurs des cultures et faune auxiliaire chez Terres Inovia. Ce qui peut éviter, ou retarder, l’intervention insecticide si l’infestation reste faible à moyenne. » Plusieurs variétés sont désormais disponibles : ES Alicia, Exavance et Atrack, qui s’associent à n’importe quelle autre, RGT Windozz, RGT Ginfizz et KWS Miranos, qui fonctionnent sous forme de couple. Bien sûr, cela ne dispense pas de surveiller la parcelle. Le concept est aussi testé avec l’altise d’hiver en misant sur la différence d’attractivité du génotype du colza. Pour l’heure, les essais sont peu concluants. En 2021-2022, l’effet piège à insecte n’a pas pu être démontré, il n’y avait pas de différence significative. Pour la campagne 2022-2023, aucun ne semble apporter de plus-value par rapport à une variété seule, mais cela reste à confirmer avec les données de rendements. ■