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VENI, VIDI, VICI
from Terre-net Le Magazine n°105
by NGPA
À croire qu’en bon vieux gaulois, l’agriculteur soit tombé dans le chaudron de potion étant jeune ! Car il en faut, de l’énergie, pour être capable de s’adapter en permanence ! Limiter l’impact du métier sur la planète, produire de nouvelles énergies pour remplacer l’origine fossile, assurer la relève, robotiser les tâches ingrates, davantage considérer le sol et l’environnement… Et si le fameux village gaulois se nommait « Outarville » ?
Après deux années saluées par la profession, le salon Innov-agri reste sur sa dynamique. Alors que les inscriptions sont closes, les organisateurs de l’édition 2023, qui se tiendra du 5 au 7 septembre à Outarville (Loiret), annoncent une fréquentation équivalente à celle de l’avant-Covid-19 en termes d’exposants – quelque 250. Quatre ans après le coup de frein imposé par la crise sanitaire, l’offre « terrain » séduit plus que jamais ! Même en ayant étendu la surface de 15 % par rapport à 2021, tout l’espace est déjà réservé. À souligner cependant que la nouvelle organisation a libéré de la place au profit des zones de démos ! L’idée de condenser pour faire plus sur moins de surface a donc trouvé son public. Le principe de l’allée unique, lancé en 2021, a été conservé pour 2023. La circulation en boucle semble plus claire pour les visiteurs, qui ne risquent pas de passer à côté d’un stand. Selon l’organisation, l’ADN du salon s’affirme toujours plus et se résume en un mot : terrain. Entre 75 000 et 80 000 visiteurs sont attendus durant les trois journées, ce qui donne du fil à retordre aux équipes, qui travaillent d’arrache-pied pour proposer un millésime qui soit source d’idées et de conseils personnalisés à chaque exploitant. Rendez-vous donc sur place pour découvrir ce que la filière réserve comme nouveautés, représentées au travers d’environ 300 marques. Depuis l’édition 2021, baptisée « Restart », le nombre de postulants augmente à tel point que le site ne suffit plus à accueillir tout le monde. Détail plutôt flatteur, surtout si l’on se réfère à l’autre grand salon qu’est le Sima, qui subit des désistements à répétition pour sa prochaine session en 2024 à Paris… Sans doute est-ce la preuve que le paysan aime fouler la terre des parcelles céréalières, dans lesquelles, par ailleurs, il peut voir et toucher le matériel, ce qui n’est pas le cas lors du salon sur moquette rouge.
L’AVIS DE L’EXPERT
Erwan Hignette, directeur d’Innov-agri
« Des villages terrain pour individualiser les conseils ! »
« Fini les conférences magistrales durant lesquelles le PowerPoint expliquait la même chose à chacun des 200 participants installés sous la tente ! La méthode a vécu. Désormais, les agriculteurs attendent davantage de personnalisation. C’est l’idée, à travers les ateliers qui seront proposés à Innov-agri et regroupés sous forme de cinq “villages” thématiques, les plus importantes pour la profession actuellement. Nous capitalisons sur le côté terrain du salon et profitons également d’avoir une multitude de cas concrets [NDLR : selon les thèmes] sous la main pour montrer aux visiteurs de quoi on parle. Par exemple, pour parler agroécologie, nous avons mis des végétaux partout avec différents mélanges de couverts afin de pouvoir individualiser les réponses. Fini les pratiques où la même recette était délivrée à tous, comme on avait tendance à le faire avec l’engrais et les phytos. Il est temps de réfléchir à l’échelle de son exploitation pour adapter la pratique à ses difficultés. L’agroécologie a d’ailleurs souligné cette nécessité. “Les machines feront le travail de manière autonome, les OAD disent ce qu’il faut faire. Du coup, il suffira de mettre en relation les deux et l’exploitant ne servira plus à rien…” La robotique interroge les paysans, qui sont inquiets de savoir ce qu’ils risquent de devenir. Mais l’idée est bien de remettre l’homme au centre du débat. Il est le seul avoir l’expertise et la mémoire de la terre, et donc à être capable de prendre la bonne décision à l’échelle ultra-localisée de la parcelle. Sans compter que développer un OAD capable de raisonner au niveau de l’exploitation ne sera pas économiquement rentable, seul l’agriculteur peut le faire, donc pas d’inquiétude. »
En 2021, pour son édition « Restart », l’organisation d’Innov-agri avait réduit la surface du site. Plébiscitée tant par les constructeurs que par les agriculteurs, l’édition de 2023 voit sa superficie augmenter de 15 % pour atteindre les 130 ha, mais elle reste organisée en une boucle unique permettant à chacun de ne rien rater des machines et des solutions exposées.
Seule certitude, depuis la crise sanitaire, les habitudes ont évolué et la convivialité reste un pilier du monde paysan. Certaines marques l’ont bien compris, et organisent plutôt des roadshow pour venir directement au contact des agriculteurs. Face à l’engouement rencontré par ces évènements, certaines parlent même de ne plus retourner à Paris. Dans le Loiret, au cœur du dispositif, les cinq « villages » thématiques d’Innov-agri seront orientés autour des problématiques qui préoccupent la profession : l’agroécologie, la robotique, les nouvelles énergies, la gestion de l’eau ainsi que l’emploi, la formation, l’installation et la transmission.
➜ Depuis la crise sanitaire du Covid-19, la fréquentation de tous les salons est en chute libre en raison du changement de comportement des visiteurs.
Bien que certains organisateurs de salons constatent une baisse de fréquentation, Innov-agri monte en puissance. Ce qui confirme l’intérêt des agriculteurs pour les évènements terrain leur permettant de toucher du doigt les nouveautés et de les voir évoluer en conditions réelles.
➜ Pour obtenir un billet d’entrée gratuit pour Innov-agri, rendez-vous simplement sur le site de l’évènement.
Le Groupe France agricole, organisateur du salon via sa filiale GFA Events, a toujours tenu à ce que les agriculteurs puissent profiter gratuitement du salon du machinisme terrain afin que chacun puisse participer.
➜ Faute d’un nombre suffisant de participants, la surface d’exposition d’Innov-agri a été réduite de moitié pour l’édition 2023.
300 marques sont inscrites, dont 80 nouveaux participants, et la surface a été relevée de 15 %. L’idée est aussi d’optimiser chaque mètre carré et de ne plus recourir à la course au gigantisme. Des solutions concrètes seront proposées aux visiteurs via les cinq « villages » dont les thèmes sont au cœur de l’actualité agricole.
LE SAVOIR-FAIRE DU FERMIER POUR FAIRE FONCTIONNER L’AGROÉCOLOGIE
L’agroécologie est perçue comme une agriculture invitant à se remettre constamment en question. Elle se fonde sur une forte démarche d’expérimentation, rien n’est jamais acquis puisqu’il faut s’adapter en permanence aux conditions changeantes de la nature.
L’agroécologie, quoi qu’on en pense, a l’avantage de replacer le fermier au centre de la production. Elle devrait aussi permettre aux fermes de gagner de l’autonomie économique. Pour négocier le virage que la profession aborde, dépasser le principe du « un problème = une solution » est devenu primordial. La pratique des méthodes dites « agroécologiques » doit plutôt être vue comme une agriculture complexe qui ne fonctionnera que grâce au savoir-faire du fermier et à ses capacités d’observation, de réflexion, d’adaptation et d’anticipation. Comprendre son sol ainsi que l’écosystème gravitant autour constitue la base. Pour garantir la production agricole à l’échelle mondiale, cet agroécosystème doit rester productif et durable, d’où la nécessité d’appréhender la complexité du vivant et donc de remettre la science et l’agronomie au cœur de la réflexion.
C’est exactement ce à quoi le village Agroécologique d’Innovagri s’attellera, en vue d’aider les professionnels à, non plus trouver ce qui marche, mais rendre leur agroécosystème résilient afin de demeurer productif malgré les changements réglementaires et climatiques. Matthieu Archambeaud, Julien Hérault, Bruno Sirven, l’Apad… pléthore de spécialistes seront présents, et le programme proposé se montrera tout aussi vaste. Biodiversité, fertilité du sol, machinisme, matière organique ou encore érosion, les sujets sont nombreux qui peuvent aider les paysans à parfaire leurs connaissances et à revenir aux fondamentaux du métier, trop souvent oubliés, en vue de répondre à la massive demande de production.
Découvrez la vidéo de présentation grâce à la réalité augmentée.
L’AVIS DE L’EXPERT
Matthieu Archambeaud, dirigeant d’Icosystème
« Afin d’illustrer nos propos au sujet de l’agroécologie, le village dédié profitera du fait qu’Innov-agri soit un salon de plein air pour mettre le maximum de techniques et de pratiques sur un périmètre restreint, et qui soient en regard avec les techniques agricoles de demain, basées autour de la compréhension des écosystèmes naturels appliquée à l’agriculture. Des ateliers couverts végétaux, fertilité organique des sols, biodiversité, etc. se dérouleront, avec de nombreuses démonstrations de machines. C’est l’occasion de montrer que le matériel, spécialisé ou non, peut avoir d’autres applications que celles dont on a l’habitude. En outre, à Innov-agri, nous rencontrons beaucoup de monde que l’on ne voit pas ailleurs. Le public est varié. Certes, tous sont intéressés par les machines, mais les autres sujets intéressent aussi. C’est l’opportunité d’expliquer que les méthodes dites “agroécologiques” ne sont pas nécessairement compliquées, ni très différentes de ce qu’ils font déjà. Sécheresse, prix des intrants, gestion de l’eau… les incertitudes permanentes sont à l’origine du recentrage de la profession autour des fondamentaux du métier et notre rôle est de les y accompagner. »