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N° 79 Mars 201 9
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S TETI LUNE I I ntervi ew J FF: EXI CULTURE lAGENES EDU EUROPEENNE? FES TI VAL
EDITO Le mois de mars est arrivé et avec lui c’est le grand retour du festival de géopolitique ! Dans ce numéro spécial, vous trouverez des articles consacrés au festival et à la place de la géopolitique à GEM, ainsi que des articles portant sur le thème du festival : la (des)union européenne. Ce thème brulant d’actualité n’est pas simple à aborder puisqu’il s’ouvre à des sujets complexes et clivants. L’important est de s’y intéresser, quand on sait que les élections européennes connaissent une abstention record, et c’est là l’ambition de ce Gem In Way. Alors je vous souhaite une très bonne lecture, en espérant qu’elle vous donnera aussi envie de participer au festival de géopolitique ! Guillaume Ouallet L’inscription au Festival est obligatoire. Pour vous inscrire : www.festivalgeopolitique.com/ programme
Rédaction du Gem In Way
Publication Xpression
Contact
xpression@grenoble-em.com
Rédacteur en Chef Guillaume Ouallet
Rédacteurs:
Nouhaila Hamlich Louis-Nicolas Roussel Claire Greslé Hugo Benoit Rafael Deville
Responsables Maquette Imane Ramli Rim El atrassi
Maquettistes
Zeïna Didi Gaëtan Lavigne Photo non contractuelles
Sommaire SEE Les fonctions Business développement et commercial.........................4-5
Le festival de geopolitique Interview JFF: la génèse du festival......................................................6-7 La place de GED au festival...................................................................8-9 Témoignages d’étudiants qui ont participé aux anciens festivaux.....10-11 Le fetival de géopolitiques en chiffres...............................................12-13
La geopolitique A gem Interview Nathalie Belhoste.............................................................14-15 Interview Jean-Marc Huissoud................................... .....................16-17 Café rencontre-alumni:un parcours en géopolitique.........................18-19
Thème du festival Petite histoire de l’Union Européenne..............................................22-23 Le brexit, ce calvaire britannique......................................................24-25 Everything you need to know about Brexit.......................................26-27 Existe-t-il une culture européenne....................................................28-29 L’Europe de la défense......................................................................30-31 Di Maio, gilets jaunes et quai d'Orsay, le symbole d'une désunion...32-35 européenne ?
SEE Student Experience and Employability Les fonctions Business Development et commerciales ! Concours de vente GEM Négocier GEM Négocier, c’est LE concours de vente de Grenoble Ecole de Management ! Cette année, une dizaine d’entreprises seront présentes le Jeudi 28 mars 2019 à GEM tel que L’Oréal, HP, Wavestone…
Parcours vente à GEM
Intéressé par un parcours vente à Grenoble Ecole de Management ? En plus du cours comportement vendeur, en tronc commun de 1ère année, le stage de première année permet à chaque étudiant d’expérimenter la place centrale de la vente dans le développement de l’entreprise. Par la suite, de nombreuses spécialités sont proposées en 2ème et 3ème année à GEM.
Les offres à pourvoir
Actuellement, 900 offres de stage, 1000 offres d’emploi et 70 alternances sont à pourvoir sur le GEM Career Center dans la fonction Commercial & Business Development. De nombreuses offres sont publiées quotidiennement, n’hésite pas à consulter régulièrement le site du Career Center et à te créer des alertes ! Quelques exemples de stages : • En 1ère année (minimum 6 semaines à partir de mai) : Merchandising en grande distribution, Assistant chef de rayon, Télévente, … (Vous pouvez utiliser des tags approprier qui vous permet d’identifier que les offres en adéquation avec votre cursus : 1A / BIB) • En 2ème ou 3ème année (minimum 13 semaines à partir de mai) : Chef de secteur, Ingénieur commercial junior, Chargé de développement commercial, …
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SEE GEM Négocier en quelques mots : Cet événement est un challenge de vente dans lequel les étudiants en binôme font face à des professionnels venus leur donner la répartie à travers des jeux de rôle propres à leurs entreprises. Tu travailleras sur un cas fourni par l’une des entreprises présente. Les rôles sont répartis de la manière suivante : les étudiants sont les vendeurs, les professionnels sont les acheteurs. Cet évènement sous une forme ludique vous permettra de vous démarquer auprès de professionnels de la vente, et qui sait, peut-être de décrocher un stage ! Il sera suivi d’un déjeuner Networking pour les étudiants et entreprises et d’une après-midi Speed Recrutement sur pré-sélection pour les étudiants de première et deuxième années en rendez-vous individuel. Toutes les infos et inscription sur
www.grenoble-em.com/careercenter
Viens relever le défi auprès de professionnels de la vente et de la négociation, et peut-être te démarquer et décrocher un stage !
Pour suivre toutes les actualités sur les propositions de stage et emploi viens suivre la communautée Facebook Sales & Business Development – GEM Alumni & Students : https://www.facebook.com/groups/gem.sales. bd.careers/
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Le festival de géopolitique Interview de Jean-Francois Fiorina, la genèse du festival Pourquoi de la géopolitique dans une école de commerce ?
JFF : J’ai toujours eu un goût prononcé pour la
Pouvez-vous rapidement présenter votre parcours ? Jean-François Fiorina : Cela risque d’être long
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(rires) Je suis diplômé d’une école de commerce complétée par un MBA. J’ai ensuite commencé ma carrière dans une banque tout en enseignant dans une école sur Paris car j’ai toujours voulu enseigner. Rapidement j’ai vu que la partie cours m’intéressait beaucoup plus que la partie bancaire. J’ai rejoint un cabinet de consultants spécialisé dans la formation quant à la géopolitique pour tous types de publics (Entreprises, écoles, universités…). Cela a confirmé chez moi l’idée que ce domaine devenait primordial. Internet était en train d’arriver au moment où j’ai rejoint l’ESC Amiens qui avait un projet sur le digital et au bout de quatre ans, en septembre 2000 je suis venu à GEM où j’ai gravi les échelons pour avoir le poste que j’occupe maintenant.
géopolitique. Toutes les expériences que j’ai pu avoir, dans les pays de l’est notamment après la chute du Mur de Berlin m’ont montré que la compréhension des enjeux et la capacité de se constituer sa propre grille d’analyse étaient primordiales. Quand je suis arrivé à GEM j’ai voulu aller plus loin et faire de la géopolitique un axe fort de l’école. On est sur des problématiques de lutte de territoire, de création d’écosystème et cette volonté a rencontré la demande des entreprises. Celles-ci ont de plus en plus besoin de gens ayant cette capacité d’analyse afin de minimiser les risques des entreprises à l’étranger, notamment au niveau culturel. La relation avec les autres devient de plus en plus importante. Elle a évolué, passant d’un statut de vente-importation à un statut d’investissement, de collaboration, de partenariat qui nécessite une compréhension des pays concernés. Il ne faut pas oublier que la géopolitique est un mélange de beaucoup de disciplines, allant de la géographie à la sociologie en passant par l’économie. Pourtant pour nous, à l’échelle d’une business school, l’enjeu peut être résumé simplement : il s’agit de comprendre au mieux ce qu’il se passe dans un pays pour mieux positionner son entreprise. Comment vous est venue l’idée de créer un festival de géopolitique ?
JFF : Voulant faire de la géopolitique un axe fort de
l’école, on a eu une réponse pédagogique avec des cours de tronc commun et des électifs. La signature de doubles-diplômes à participé à cela. C’était la première étape. Ensuite on s’est dit qu’il fallait « évangéliser », d’où mes « Notes de géopolitiques » qui paraissent toutes les semaines avec toujours la volonté de comprendre.
Le festival de géopolitique
Ensuite des interviews sur la géopolitique, avec des chercheurs, des militaires, des éditeurs… Et depuis peu des études de cas. On s’est finalement dit qu’il y avait un besoin, un créneau pour avoir du grand public. On a donc décidé de créer ce festival. « Colloque » faisait trop académique, on ne voulait pas d’entre-soi mais bien un évènement public qui serait le lieu d’expression de toutes les géopolitiques pour tous les publics par tous les moyens. On a voulu multiplier les évènements, pas seulement faire des conférences, afin d’arriver à faire de ce festival un vrai lieu d’expression. De là, on est arrivé à cette belle réussite, notre festival de géopolitique étant devenu un incontournable en la matière. Quels sont les points qui vous ont plu ou au contraire déplu au cours des précédentes éditions ?
JFF : On arrive de plus en plus à être le lieu où se
discutent des sujets d’actualité. C’est un lieu où tout le monde peut s’exprimer sans être jugé. Ma grande frustration est le peu de grenoblois qui viennent y participer et aussi que tous les étudiants de GEM ne viennent pas. J’aimerais encore plus l’ancrer dans GEM et que les étudiants se sentent à chaque édition plus concernés. Une deuxième frustration est l’échec de l’enseignement de la géopolitique au cours de ce festival. Je rêve que des professeurs du monde entier viennent donner des cours lors du festival. On en est encore loin, mais j’ose espérer que cela viendra.
Cette année le thème est celui de la désunion européenne. Pourquoi ?
JFF : Parce qu’on a une échéance importante le 23
mai et que vous orthographiez le thème comme vous le souhaitez en fonction de votre optimisme ou de votre pessimisme. Il y a un grand besoin d’explication de ce que fait l’Europe. Car elle est une réalité dans certains domaines qui n’est pas expliquée. Ce manque d’explications de ce qu’est l’Europe permet de comprendre l’appréhension de certaines populations vis-à-vis d’elle, à raison ou à tort. Il n’empêche par exemple que la mobilité étudiante est énorme grâce à des programmes européens. L’Europe aurait pu être le grand gagnant de l’élection de Trump et cela n’a pas été le cas, cela pose des questions. A celles-ci se rajoutent celles, pratiques, de la gouvernance car il faut concilier vingt-sept pays avec des calendriers électoraux différents qui amènent chaque année de nouveaux acteurs avec de nouveaux points de vue sur la question européenne, ce qui est difficile à gérer. Il y a de vraies questions noyées sous des déluges politiques ou idéologiques et il faut changer cela. Frexit ?
JFF : Quand je vois ce qu’il se passe avec le Brexit je
me dis que certains hommes et femmes politiques ne peuvent exister que dans une position de refus, car c’est bien pour le marketing mais ils n’ont pas de plan derrière, comme Nigel Farage au RoyaumeUni. Nos partisans du Frexit font pareil, c’est le business de leur propre personne, de leur propre partie, mais sûrement pas celui du peuple.
Rafael Deville
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Le festival de géopolitique La place de Gem en Débat au festival de géopolitique
Le pôle Actu et Débat est un pôle de Gem en Débat, la tribune étudiante de Grenoble Ecole de Management (GEM). Ce pôle a la chance d’être associé à l’organisation du Festival De Géopolitique. Madame Zhuk est la collaboratrice du Centre d’Etude en Géopolitique et Gouvernance (CEGG) qui fait le lien entre notre pôle et cet événement majeur. Nous organisons cinq interviews d’intervenants durant le festival, l’objectif de ces interviews de 10 minutes est de créer une vitrine sur le site du festival, mais également de produire un contenu pédagogique. Les étudiants doivent proposer des thèmes et des intervenants au CEGG, lorsque ceuxci sont validés, les étudiants entament un travail de recherches et rentrent en contact avec les intervenants pour préparer ces interviews.
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Cet exercice permet aux étudiants d’acquérir des qualités de recherche et de communication. Nous organisons quatre Débattons-en, ces événements sont des débats organisés avec deux intervenants sur un thème qui n’est pas abordé directement durant les conférences, mais dont ils sont spécialistes. Le format est novateur : les spécialistes débattent avec un public en petit comité, ce format permet une prise de parole plus facile des visiteurs, un meilleur contact entre les intervenants et le public. De la même manière, les étudiants doivent proposer des thèmes et des intervenants au CEGG, lorsque ceux-ci sont validés, les étudiants entament un travail de recherches et rentrent en contact avec les intervenants. Les étudiants acquièrent des qualités de recherches, des qualités de synthèse, mais aussi de gestion de débat.
Le festival de géopolitique Madame Zhuk organise également une simulation étudiante d’une heure et demie qui a lieu lors d’une plage horaire qui lui est dédiée lors du festival. Les participants incarnent des personnages publics durant un sommet choisi en fonction du thème du festival. Les participants de cet événement ne se limitent pas aux étudiants de Gem en Débat, des étudiants de l’association Alpes Model United Nations (Alpes Mun) et de l’association des Jeunes Européens participent également à cette simulation. Ainsi le CEGG s’ouvre aux étudiants de GEM mais également aux étudiants de la métropole grenobloise en les intégrant activement à l’organisation du festival. Cet événement permet à GEM de
rayonner un peu plus au sein du monde étudiant grenoblois, les étudiants acquièrent des qualités de recherches, de prise de parole en public, mais également d’argumentation, étant donné que la simulation respecte une trame préparée lors de plusieurs réunions, tout en étant fondée sur de l’improvisation. Enfin, le CEGG permet aux étudiants de l’ensemble de Gem en Débat de participer au festival de géopolitique, étant donné que les modérations de certaines conférences sont confiées aux étudiants de première année de l’association. Les étudiants doivent préparer la modération de ces conférences, rentrer en contact avec les intervenants, les présenter au début de la conférence et gérer les questions
du public. Lors d’une réunion, Mr Huissoud, co-organisateur du Festival de Géopolitique, a précisé les modalités des modérations de conférences aux étudiants de première année. Les responsables du pôle Actu et Débat se chargent ensuite de vérifier via des entretiens individuels que les étudiants sont prêts à animer leurs conférences. C’est un exercice formateur de prise de parole en public. Le CEGG fait un choix stratégique en choisissant d’intégrer et de valoriser à ce point les étudiants dans le Festival De Géopolitique, cette intégration est inédite et nous pouvons la considérer comme une preuve par les faits que GEM a confiance en la formation qu’elle donne à ses étudiants.
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Le festival de géopolitique Que pensent les élèves du Festival de géopolitique ? Un festival riche et enrichissant. Pour recueillir le témoignage d’élèves de GEM nous nous sommes informés à l’aide de brèves interviews de plusieurs élèves de GEM ayant participé/assisté au festival de l’an passé, dans le but d’avoir un avantgoût des points marquant de cet évènement et pour savoir où se situent les attentes pour celui de cette année. Nous avons réalisé une série de 4 interviews composées de deux élèves internationaux et de deux élèves français. Nous rappelons que le festival de l’année précédente avait pour thème principal
What was your principal memory about the last geopolitical festival?
What do you think about the topic “(des) Union Européenne”?
I don’t remember clearly everything because it was one year ago, but we could buy books about geopolitics around the world and I took one about America’s history. Its name was “The Republic of suffering” (…), it talks about the USA’s history and principally the civil war. I love all movies about this period, the Westerns especially. It’s a dream for me to live in the USA even if I’m fine in France now! I saw two conferences, but I don’t remember the names, it was interesting anyway. This year I’m going to the festival again! I live in Europe now, I think I must know what’s going on in Europe. So if Europe is crumbling, I’m going back to India (laugh).
I think it is a very good idea because of the actual events in Europe with the immigrant crisis, the relationship with Russia after the Ukrainian invasion or the Brexit. The first one is, in my opinion, the most important one. If they decide to leave the EU it will have an impact on the global economy because the UK is a very powerful nation. That will impact French economy, and, in my case, I don’t think my knowledge on the topic is enough… That’s free and help people to understand the world where they live. I don’t know if I’ll come but if I have the time and nothing compulsory to do of course I’m in.
Je suis tombé dedans en voulant aller à la bibliothèque pour réviser, je ne vais pas souvent sur le groupe d’admis gem et j’étais passé complètement à côté de l’info. Mais quand je suis arrivé il y avait plein de monde qui n’était pas de GEM, (…) des dessins sur les Etats Unis et la Chine sur la mezzanine, (…) un stand de livres et on m’a même invité à une conférence sur la politique des Etats Unis en Afrique. C’était super intéressant, moi-même je n’ai pas la meilleure culture en géopolitique, mais je pense que c’est important et bien pour tout le monde de participer à des trucs comme ça. En apprendre plus sur les autres pays que la France. Puis même avec le Brexit et tout c’est un sujet d’actualité je pense. Je ne suis pas anglais mais ça risque d’impacter notre économie donc c’est normal de garder un œil là-dessus et de s’informer le plus possible.
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Honnêtement je lis régulièrement « Le Monde » et tous les articles d’actualité concernant le Brexit ou la situation géopolitique internationale. Je sais que je n’aurai jamais toutes les connaissances sur le sujet mais j’aurai préféré un thème sur lequel j’ai moins de connaissances afin d’approfondir mon « background ». Voir des conférences sur des sujets que je connais n’est pas ce que je recherche, des sujets plus complexes sur des régions du monde méconnues de la plupart des gens en France comme la situation en Amérique du Sud ou un focus sur les BRICS et leur avenir aurait été plus enrichissant à mon goût. Même si je considère que c’est un très bon évènement et je serai présent, je ne participerai juste pas autant aux évènements proposés dont je considère connaitre assez bien le sujet c’est tout.
Le festival de géopolitique
Do you have a suggestion for the topic of the geopolitical festival of 2020? I’m from India so a focus on Asian situation, the relation between India and China or North Korea would be good, I guess. Pour l’année prochaine je ne sais pas mais pour dans quelques années ce serait bien de faire un sujet sur l’Angleterre d’après Brexit ou de la Russie aussi. I think we should have a strong interest in the situation in the Middle East and the interests of the different superpowers over this region of the world. Their battle for influence, resources (…), I guess. Honnêtement on ne parle que de la Chine et de la Russie je pense qu’on devrait peut-être se concentrer sur les puissances émergentes, (…), je pense à l’Iran, le Brésil, l’Inde et tous ces payslà. Même la Pologne en Europe je crois que ça va devenir une grande puissance européenne dans quelques années. Mais même, on aura peut-être de nouveaux sujets qui vont se créer eux même avec les évènements, par exemple un Frexit post Gilets jaunes et la fin de l’UE, même si je vais loin là, c’est pour illustrer.
Hugo Benoit
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Le festival de gĂŠopolitique Le festival de Geopolitique en chiffres
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Le festival de géopolitique
11 C’est la 11e édition du festival de géopolitique de Grenoble
50
C’est le pourcentage de progression du nombre de visiteurs entre 2017 et 2018
6
19 345
C’est le nombre de visiteurs qu’il y avait lors de l’édition 2018
>700
C’est le nombre de spécialistes qui sont intervenus depuis la première édition en 2009 63 C’est le nombre de conférences de 2018 qui ont été retransmises en live
C’est le nombre d’endroits où se déroule le festival : Grenoble Ecole de Management, La Cité Scolaire Internationale, Café des Arts, Maison de l’international, La librairie Decitre et Sciences Po Grenoble -13-
La géopolitique à Gem Asso La Géopolitique au service du manager de demain La géopolitique est-elle une réalité déjà tangible ou à venir au sein des entreprises ?
3)Qu’est-ce qu’un management géopolitique/ incluant une stratégie géopolitique ? Quels sont les enjeux ? Un management géopolitique ? Je n’ai jamais entendu parler de ce concept ! En revanche, si vous parlez de management qui inclut le paramètre géopolitique dans sa stratégie, là je connais ! Il s’agit d’entreprises qui ont une réflexion dans le domaine et qui prennent compte ces aspects géographiques, historiques, intentionnels et politiques… dans leurs décisions stratégiques, sans uniquement les centrer sur les aspects économiques. Les entreprises qui agissent dans un cadre international sont aujourd’hui obligées de prendre en compte certains facteurs externes tels que les conditions climatiques, la démographie, le climat politique, le bagage historique d’un pays pour savoir ce qu’elles peuvent faire ou non, à quoi elles doivent faire attention, etc. En fait, les organisations s’intéressent à la géopolitique surtout pour prévoir et réduire les risques dans un contexte international. Dès lors, les fonctions d’achat, d’approvisionnement, de RH, ainsi que le risk management deviennent clés.
1)Présentez-vous en quelques mots
Bonjour. Je m’appelle Nathalie Belhoste, je suis actuellement professeur de géopolitique à Grenoble Ecole de Management. J’ai fait Science Po Paris où j’ai obtenu un doctorat de géopolitique. J’ai fait une thèse sur l’Inde, pays où j’ai passé plusieurs années de ma vie. Je suis également diplômée de l’EM Lyon. 2)Comment vous êtes-vous orientée vers la géopolitique après des études management ? En fait j’ai étudié la géopolitique avant d’entrer en école de management. C’est une passion que j’ai depuis longtemps. Faire un doctorat à Science Po a été la continuité de ma formation.
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4)Quelles sont les entreprises nationales et internationales douées dans le domaine ? Partons sur un contre-exemple. Lafarge en Syrie avait de bonnes ressources (par ses recrutements) qui avaient analysé la situation de façon pertinente dans un premier temps. Lafarge, comme tout groupe international, intègre en partie les questions géopolitiques, mais c’est probablement l’acceptation des recommandations faites en local par le « board » qui a pêché. Aujourd’hui, les entreprises qui s’intéressent de très près à la géopolitique sont notamment celles qui ont des activités extractives, cela peut être des entreprises pétrolières comme Total ou bien encore minières et gazières. Les ressources du sol sont de grands enjeux en géopolitique, on peut donc dire que ce sont plutôt ce type d’entreprises qui sont à la pointe dans le domaine.
La géopolitique à Gem 5)Qui du monde l’entreprise aujourd’hui par rapport à la géopolitique ? Une réalité présente ou à venir ? Comme je le disais, c’est quelque chose qui a déjà bien commencé à se mettre en place dans certains domaines. Certaines entreprises tardent plus que d’autres à s’y mettre, mais globalement on constate une demande croissante pour le recrutement de personnes qui possèdent des compétences d’analyse géopolitique. Dès qu’une entreprise agit dans un cadre international, elle a intérêt à avoir dans ses rangs des personnes qui savent anticiper les risques internationaux (tarifs douaniers, piraterie, climat…)
«Je pense que les entreprises vont devoir continuer à développer des compétences d’analyse géopolitique afin de s’adapter à cette conjoncture économique mondiale»
6)La géopolitique au service du manager ou le manager au service de la géopolitique ? Je dirais les deux à la fois. Tout d’abord, on ne peut pas dire qu’un manager se serve de la géopolitique de la même façon qu’il peut se servir de l’électricité ou de son ordinateur. La géopolitique donne un cadre d’analyse. En ce sens qu’elle donne des clés au manager pour prendre des décisions afin de maximiser son activité et de réduire les risques.
D’un autre côté, lorsqu’un manager fait une analyse géopolitique, il est vrai qu’il « fait » de la géopolitique, notamment lorsque celui-ci connaît et se rend sur le terrain. La géopolitique est avant tout une méthode de la connaissance du terrain. Lorsque le manager produit une analyse géopolitique, qu’il la partage avec ses collègues et ses supérieurs, on peut dire qu’il contribue à développer la connaissance géopolitique dans son entreprise et en général. On ne m’avait jamais posé une question pareille, mais il est vrai que c’est comme un échange, une symbiose ! (rires) 7)Nous dirigeons nous vers +/- d’internationalisation des entreprises et donc +/- d’enjeux géopolitiques à l’avenir ? Aujourd’hui, le monde est tellement interdépendant économiquement, que je ne vois pas les échanges commerciaux et les flux d’investissement s’effondrer à l’avenir. Le monde est trop connecté. De plus, les pays continuent d’émerger et d’ouvrir leurs économies dans certaines parties du monde (exemple de l’Iran), ce qui les amène à construire de nouveaux partenariats et échanges. Les enjeux géopolitiques vont donc en croissant de ce point de vue là et je pense que les entreprises vont devoir continuer à développer des compétences d’analyse géopolitique afin de s’adapter à cette conjoncture économique mondiale. 8)Un mot de la fin ? Je pense que ce qui compte c’est tout autant de se rendre compte que la géopolitique est importante pour les entreprises (ça c’est acquis) mais que l’entreprise est en fait, par ses actions, un acteur géopolitique à part entière. Mais ça, c’est une autre histoire !
Louis-Nicolas Roussel
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La géopolitique à Gem Asso Interview Jean-Marc Huissoud: La géopolitique dans l'enseignement à GEM Le positionnement de l’école sur la géopolitique a fait de GEM une école à part, qui a su se distinguer par des choix originaux. Jean-Marc Huissoud, professeur de géopolitique a bien voulu nous parler des caractéristiques et des enjeux de l’enseignement de cette matière à GEM. de stabilisation et de sécurité pour les activités des entreprises se multiplient. Cela représente un coût financier et humain. Cela implique d’autres choses au niveau des compétences, outre l’analyse d’un environnement localisé, c’est aussi une ouverture d’esprit qui rompt un peu avec le modèle ancien des écoles de commerce comme écoles techniques, écoles de métier, pour en faire peut-être des écoles un peu plus généralistes qui répondent aux besoins contemporains des organisations.
C : Pourriez-vous décrire la méthode d’enseignement de la géopolitique à GEM ?
Claire : Pourquoi la géopolitique a-t-elle sa place en école de commerce ?
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JM Huissoud : Parce qu’en tant qu’étudiants et futurs managers vous allez intégrer des organisations qui ont des stratégies par rapport à des ressources sur des marchés, des approvisionnements et que tout cela se base sur des territoires. Ces territoires, vous n’êtes pas les seuls à être dessus, votre rationalité n’est pas la seule en jeu et penser que parce que vous n’êtes pas dans des organismes à vocation politique vous met à l’abri des débats de cet ordrelà serait une grave erreur. Qui plus est, on observe qu’avec l’internationalisation des entreprises, les cas de mécompréhension qui créent à leur tour des échecs, des surcoûts ou des difficultés, un manque
JM H : Il ne s’agit pas tellement d’une transmission de données, d’informations prédigérées, même si cet aspect existe car il faut bien partir de quelque chose. Il s’agit plutôt d’un entraînement à une façon de penser. Il existe de nombreuses façons de faire de la géopolitique, mais il existe une intelligence géopolitique qui se forme, non pas par une méthode écrite, mais par une sensibilité, une capacité à lier des éléments, à porter attention à des faits auxquels on n’est pas naturellement porté à prêter attention. Cela permet de produire une conscience de l’environnement qui, comme expliqué précédemment, peut être un facteur d’atténuation des risques et aussi d’enrichissement personnel.
La géopolitique à Gem C : Quels sont les débouchés après une spécialisation en géopolitique à GEM ? JM H : Alors aujourd’hui il n’existe pas de fonction qui s’intitulerait « géopoliticien d’entreprise », ou autre. Nous ne sommes pas, en tout cas aujourd’hui, la voie royale vers les organisations internationales où la diplomatie. Cela reste le privilège de sciences Po ou ce genre de formations. Mais il existe deux ou trois éléments qui ouvrent des possibilités. La première, ce sont les ONG qui ont un besoin de compétences managériales, qui ne manquent pas de bonne volonté mais qui ont souvent du mal à recruter des gestionnaires d’opérations. Après un détour dans le privé, les gens expérimentés sont recherchés, d’autant qu’il faut également accepter la difficulté émotionnelle que cela représente de travailler dans certains de ces organismes. Ensuite, on peut penser à différents postes dans des groupes internationaux, des organisations dans les métiers sur l’analyse, la stratégie ou tout ce qui touche à l’anticipation et qui ont besoin de ce genre de profils et qui recrutent d’ailleurs assez largement dans des formations concurrentes. Et puis d’une manière générale, il existe de nombreux métiers dans lesquels avoir cette conscience-là est un atout. Je pense notamment à responsable d’achats, responsables financiers ou d’investissements.
C : Existe-t-il un profil type d’étudiant qui se spécialise en géopolitique ? JM H : Souvent des étudiants qui ne se sentent pas très à l’aise avec le côté purement managérial. Ce n’est pas forcément toujours une très bonne chose parce qu’on ne peut pas aller vers la géopolitique par défaut, simplement parce que l’on ne veut pas faire autre chose. C’est une spécialisation qui demande beaucoup d’énergie. Il s’agit plutôt d’étudiants français. Je n’ai pas le sentiment que les étudiants des parcours internationaux soient aussi sensibilisés et se rendent compte à ce point de l’atout que ça peut constituer. Peut-être parce qu’ils rentrent dans l’école aussi avec d’autres
stratégies que les étudiants français. On a des étudiants qui ont déjà une certaine sensibilité à ça, soit par les études, soit par le milieu familial qui privilégie assez facilement ça. Maintenant les promotions qui ont fait par exemple le double parcours qui ont délibérément été chercher des postes avec une dimension géopolitique ne sont pas encore suffisamment nombreuses pour qu’on ait une typologie bien précise. Je crois que tout le monde est capable de le faire. Mais encore une fois ce n’est pas un parcours dans lequel on s’investit pour se faire plaisir et en s’imaginant que cela sera moins stressant que d’autres métiers du management.
C : Est-ce qu’il existe un lien fort entre l’enseignement de la géopolitique à GEM et le festival de géopolitique ? Si non, avez-vous pour ambition d’en établir un ? JMH : Les deux répondent à la même logique. Au départ, il s’agissait de marquer notre volonté d’introduire cela dans notre philosophie, dans notre identité, de montrer notre savoir-faire, de créer une communauté autour de nous sur ces questions-là, et puis évidemment de séduire un peu les élèves de prépa (au début). Nous voyons cela comme une opportunité pour nos étudiants de venir entendre des gens qu’ils n’entendront pas forcément dans d’autres cadres. Des grands noms mais aussi des gens moins connus tout aussi remarquables, qui ont beaucoup de culture générale du monde moderne à apporter. Ce sont des gens accessibles, ce qui permet de créer des liens. Il y a une volonté de compléter les enseignements dans lesquels on ne peut pas non plus tout envisager. Les questions abordées sont sociétales ou d’actualité, ce qui permet une meilleure compréhension de la société actuelle et de ses possibles évolutions. Mais cela reste deux éléments séparés, les élèves viennent au festival de géopolitique parce qu’ils sont intéressés et non parce qu’ils y sont obligés dans le cadre de leur cours, ce qui est plutôt positif.
Claire Greslé -17-
La géopolitique à Gem Asso Café-rencontre alumni: un parcours en géopolitique La Corpo accueillait Ugo Mahin, diplômé 2014, account manager chez Wavestone.
Quel est votre parcours en géopolitique ? J’ai d’abord suivi les cours de géopolitique de tronc commun en 1A, puis je voulais approfondir et j’ai choisi deux spécialisations en 2A : agenda global et géopolitique de l’Europe. J’ai fait un double-diplôme EISTI (Ecole Internationale des Sciences du Traitement de l’Information), ce qui m’a permis d’approfondir mes connaissances en analyse stratégique et de me donner des compétences opérationnelles. L’approche plus pratique que théorique de la géopolitique à GEM m’a donné la possibilité de mettre ma formation en géopolitique directement au service de l’entreprise, et cela m’a pu être utile notamment en tant qu’analyste marketing stratégique à la sortie de GEM.
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La géopolitique à Gem
En quoi consiste votre métier ? En tant qu’account manager je suis chargé de la relation avec les clients. Je dois comprendre les problématiques des clients, identifier leurs besoins et attentes, afin de définir une stratégie de vente. Pour cela je m’intéresse à l’actualité des clients, à l’actualité du secteur… et le mieux pour comprendre les besoins des clients est de leur poser un maximum de questions. Le but final est de se positionner comme partenaire stratégique du client. La plupart de mon travail repose sur de la fidélisation de clients (pour 90%), le reste étant de la prospection. Il est en effet souvent compliqué de prospecter de nouveaux clients et plus intéressant de maintenir et développer des liens avec les clients déjà existants. Enfin je suis amené à piloter une équipe.
«Je dois comprendre les problématiques des clients, identifier leurs besoins et attentes» Pouvez-vous nous en dire plus sur Wavestone ? Wavestone est un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation des entreprises. Wavestone réalise près de 360 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. Nos clients sont principalement de grandes entreprises, des entreprises du CAC 40 notamment. On travaille également avec de grosses entreprises locales. Pour donner un exemple concret, le ministère des finances est un client avec qui on réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui comparé à d’autres clients n’est pas énorme, mais c’est un client au grand potentiel stratégique.
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Thème du festival La (des)union européenne Petite histoire de l'union europÉenne L’histoire de l’Union Européenne ne débute pas en 1992 avec le traité de Maastricht, ni avec la création de la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1957, et encore moins avec celle de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) en 1951. L’histoire de l’Union Européenne remonte à bien plus loin.
Une histoire de guerres
L’histoire européenne est une histoire de guerres fratricides, qui débutèrent lors du partage de l’empire de Charlemagne entre ses fils. On pourrait ajouter que l’histoire des fils de Charlemagne est elle-même héritière de la désunion du royaume de Clovis, trois cents ans plus tôt. Les Européens ont toujours adoré ça, se battre entre eux (mais pas pour toujours, espérons-le). Qu’est-ce qui a fait que ce continent a connu des guerres si violentes, longues comme la Guerre de cent ans, et terribles comme la guerre de 1914-1918 ? Le territoire constitue presque toujours l’enjeu sous-jacent des guerres. Or, l’Europe est un territoire assez restreint comparé à des continents tels que l’Asie, l’Afrique et l’Amérique, où les peuples avaient plus de terres à se partager, plus d’espaces à exploiter et donc moins de raisons de s’affronter. Donc, l’histoire de l’Europe, avant d’être celle de l’Union Européenne (UE), c’est celle de la Guerre Européenne (GE). Mais, ce qui est moins connu, c’est qu’il y a deux guerres européennes : les Européens contre les Européens, et les
L’Europe contre l’Europe
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les conflits européens étaient principalement internes, liés à des rivalités de territoire. Après la seconde guerre mondiale, les Européens se sont (al)liés avec des traités, d’abord commerciaux avec l’accord économique de Paris, instaurant une coopération dans les domaines du charbon et de l’acier en 1951, puis politiques avec le traité de Rome instaurant la CEE en 1957. Ces unions avaient pour objectif de normaliser les relations entre Européens, les pays réalisant peu à peu qu’il valait mieux échanger pour s’enrichir mutuellement que de se taper dessus pour toujours. Ces échanges commerciaux ont peu à peu rendu les pays européens tellement interdépendants, qu’ils constituent aujourd’hui une très forte garantie contre un éventuel conflit. En effet, les Européens n’ont aujourd’hui aucun intérêt économique à ce qu’une guerre naisse entre eux.
L’Europe contre le reste du monde
Ensuite, il y a les guerres de l’Union Européenne contre le reste du monde. Après la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats européens se sont rapprochés et alliés militairement à travers l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord),
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soutenus par la nouvelle puissance mondiale : les Etats-Unis. Leur nouvel ennemi commun : l’URSS. Les Etats-Unis s’assurèrent la fidélité de leurs nouveaux alliés grâce à un plan d’aide aux Européens (plan Marshall, 1947) pour que ceux-ci puissent reconstruire leurs infrastructures, leurs économies, et pour qu’ils ne tombent pas dans la tentation communiste. En plus, ils occupent l’Allemagne de l’Ouest et mettent en place des garnisons dans plusieurs pays européens stratégiques de l’Ouest. Bref, les Etats-Unis construisent aux Européens un ennemi et s’imposent comme leader contre l’oppresseur. Une fois l’ennemi communiste vaincu, le mur de Berlin et le rideau de fer tombés, s’ensuit une période de transition, où, sans grand ennemi, l’Europe entreprend de s’étendre et de se consolider. Elle trouve finalement de nouveaux ennemis en 2001 (une nouvelle fois sous l’inspiration des EtatsUnis) : les Etats voyous et terroristes. S’ensuivent des guerres et interventions, régulièrement foireuses (Lybie, Afghanistan…) qui débouchent sur encore plus d’instabilité. Par ailleurs, les EtatsUnis continuent d’imposer leurs vues à tous en empêchant par exemple de commercer avec l’Iran, ou encore en sortant de l’accord de Paris, etc.
Thème duLafestival (des)union européenne
L’Europe, aujourd’hui
Aujourd’hui, les Etats-Unis continuent de peser contre les Européens dans les accords internationaux (climat, Iran, Europe de la défense…). Ils voient d’un mauvais œil cette Europe qui cherche à s’allier et à se créer une armée unie, indépendante de l’OTAN. Trump cherche à focaliser les attentions ailleurs en accentuant son discours sur la participation financière des Etats européens au budget de l’OTAN. Mais ce dont il a vraiment peur, ce n’est pas que les Européens refusent de payer plus, c’est qu’ils quittent l’organisation. Démarche assez stupide finalement, que de nous demander de toujours payer plus. Sans grand ennemi aujourd’hui, contre qui les Etats-Unis nous protègent-ils ? Devons-nous payer pour accroitre l’influence américaine sur notre continent ? Les Etats-Unis feraient mieux d’appliquer leur dicton à eux-mêmes : «L’Amérique aux Américains, l’Europe aux Européens », avant qu’ils ne deviennent le prochain grand ennemi sur notre liste. Le futur de l’Europe est à l’Union.
Louis-Nicolas Roussel
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Thème du festival La (des)union européenne Le Brexit, ce calvaire britannique. Theresa May dans la tourmente Nous sommes le 15 Janvier 2019, le gouvernement britannique avec à sa tête la « nouvelle dame de fer » Theresa May a enfin trouvé un accord avec Bruxelles sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l’union européenne. Il ne restait plus qu’à faire voter ces conditions au parlement afin d’être paré à l’évènement politique et économique majeur de ce début d’année 2019.
Oui mais voilà, le parlement répond de façon ferme et sans appel par un « non » aux conditions de l’accord trouvé entre le gouvernement et Bruxelles avec un cinglant résultat de 434 contre pour seulement 202 pour. Face à cet échec, Theresa May et son gouvernement s’enfoncent de plus en plus dans la crise et pour la première fois l’éventualité d’un Brexit sans accord est sérieusement envisagé de la part des gouvernements européens et des entreprises mondiales. Suite à une telle urgence à seulement deux mois et demi de la date fatidique
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prévue, le gouvernement demande un de délai pour trouver un accord dans le temps imparti. Les compagnies comme Airbus menacent de quitter le pays et les citoyens font des provisions en prévision d’une possible pénurie alimentaire post Brexit. Mais au-delà de ces tristes prévisions, un ras le bol général s’empare de Londres, où de nombreux citoyens demandent une bonne fois pour toute la sortie de l’UE et la sortie de ce flou politique et économique dans lequel est embourbé le pays depuis plusieurs mois.
Thème duLafestival (des)union européenne D’un autre côté, un nouveau référendum serait envisagé après de nombreux sondages et études démontrant que la population britannique serait devenue majoritairement défavorable à la sortie de l’UE et une partie de l’opinion publique demanderait une nouvelle consultation du peuple afin d’éventuellement stopper la sortie de la Grande Bretagne. Mais comment ce phénomène est-il vu et préparé de notre côté de la Manche ? Edouard Philippe, premier ministre du gouvernement français a annoncé qu’un plan serait mis en place et que celui-ci : « comporte des mesures législatives et des mesures juridiques qui visent à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’interruption de droits et que les droits de nos concitoyens ou de nos entreprises soient effectivement protégés ». Celui-ci prioritiserait avant tout les secteurs de la pêche et des ports qui seraient les premiers touchés par cette rupture brute et sans accords avec l’Angleterre.
Mais la défaite cuisante de Theresa May au parlement et son « Bad deal » avec l’UE ne sera pas passé inaperçu auprès des députés anglais qui ont déposé une mention de censure du gouvernement. Theresa May a échappé de peu à celle-ci et se dirige donc vers de nouvelles discussions à Bruxelles pour obtenir la meilleure sortie possible de son pays.
Les conséquences de cette sortie sur le Royaume de sa majesté sont prévues comme catastrophiques à plus ou moins court terme avec une perte des avantages et accords commerciaux actuels et devant être renégociés sur plusieurs années. Une perte d’investisseurs, une chute de la valeur des actions des entreprises et des banques en Angleterre sur la bourse mondiale et une baisse significative des revenus des ménages anglais qui s’élèverait selon les estimations à 5400€ de manque à gagner par an par rapport au pré-Brexit. La croissance du pays s’en retrouverait affectée, chutant elle aussi, s’ensuivant une augmentation du taux de chômage. Plus que la simple situation économique du pays, des enjeux politiques entrent aussi en jeu. Le Royaume-Uni ayant toujours connu des moments d’incertitude et une volonté plus ou moins affirmée d’indépendance de la part de l’Ecosse ou encore de l’Irlande du Nord, le Brexit pourrait bien remettre ces questions au goût du jour. En effet les sondages ont révélé que les habitants de étaient en majorité en faveur d’un non-départ du royaume de l’Union Européenne. Nous sommes alors en droit de nous demander, le Brexit serait-il le début d’une dissension du Royaume-Uni et une régression de l’Angleterre dans l’économie mondiale ? Ou est-elle une étape nécessaire et bénéfique pour le renouveau du Royaume-Uni et pour son rebond au sommet de la hiérarchie mondiale ?
Hugo Benoit
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Thème du festival La (des)union européenne Everything you need to know about Brexit
What could a no-deal Brexit mean ?
The European Economic Community (EEC) was founded in 1957. In 1973, the United Kingdom became a member with a special status. 52% of voters in the referendum held on June, 23rd 2016 were in favour of Britain’s exit from the European Union, due on March, 29th 2019. This news was as a shock to many Brits, who never thought Britain would take such a stance after being part of Europe since 1973. It was followed by the resignation of the British Prime Minister, David Cameron’s, the day after the referendum.
What has led to this result? -The argument that Britain would financially be better off: “We send the EU 50 billion pounds, let’s spend it on our NHS (National Health Service) instead”. So, that extra money could be used to help the health service. -The critique of an excessive number of rules and regulations that the EU imposed on businesses, and that the European parliament should not impose common rules on countries: a national parliament is to do that. -The most poignant argument is the freedom of movement and to control borders. This free flow of people appears as endangering the British identity giving way to a melting pot: it becomes difficult to define what it is to be British. In addition, Europe has been hit in the last years by different waves of terrorism, which can spread to the United Kingdom, who wants to have full control of its borders, something that the EU prohibits.
The arguments of non-Brexiteers: -David Cameron said, “Britain is stronger in Europe. Progressing as one nation is not as efficient as progressing in a coherent group.” -Big businesses are in favor of the EU as it eases funds mobility, for import and export, and delocalization. -Having an easy flow of immigrants: skilled labour is good for economic development. -The education sector represents another key argument, since many students benefit from the opportunity to spend a year in another country. Overall, it would be fair to say that Britain’s future is far more uncertain. Theresa May said, “Brexit means Brexit”, but the very existence of a United Kingdom could be called into question as Scotland and Ireland wanted to remain in the EU. A “hard Brexit” (single market exit, and anti-immigration politics) or a soft one will depend on the will of the British parliament, and of the 27 other countries.
Thème duLafestival (des)union européenne
Is there a “British dream”? Theresa May promised to bring back the British dream during her speech, “the idea that each generation should do better than the one before.” David Hendy tweeted “the British dream, what on earth is that? Never heard of it. The dream for me is the chance to succeed in your life no matter your postcode, your gender or the colour of your skin.” For others, the British dream is ensuring everyone in the UK speaks the same language, and shares the values of tolerance and fairness (same opportunities, meritocracy…).
For the British historian from the University of Essex Pamela Cox, “the British dream has come to stand for home ownership, having a secure job and a living standard higher than your parents”[1], but “ elites are very good at pulling up the drawbridge behind them - things such as private schools and an inflated housing market.” As she argues, “the American Dream is much more ‘anyone can make it’. The British Dream is a different version - there is not a willingness for everyone to make it.”
[1]https://www.bbc.com/news/uk-politics-41506032
Nouhaila Hamlich
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Thème du festival La (des)union européenne
Existe-t-il une culture européenne ?
Le projet européen a été pensé par les défendeurs d’une « vision européenne », mais repose-t-il effectivement sur une convergence de culture ? Jean Mistler, écrivain et homme politique français prononçait en 1976 cette phrase : « L’Europe serait presque parfaite si les Français restaient chaque jour une heure de moins au bistrot et les Allemands une heure de plus au lit ». Au-delà de l’humour porté par ces clichés, l’idée selon laquelle il existe des différences fondamentales de culture entre les pays européens est ici amenée. Car en effet, cette distinction entre la France et l’Allemagne peut être élargie à une vision plus globale de l’Europe qui opposerait celle dite « du Nord », travailleuse, sérieuse, se comportant en « bon père de famille » (pardon pour l’archaïsme complètement patriarcal de cette expression) et l’Europe dite « du Sud », vivant grâce aux aides des pays vertueux. Enfin, plus récemment les pays de l’Est sont venus ajouter une vision différente de l’Europe au tableau. Mais si vous lisez cet article, c’est sans doute que votre réflexion a soif d’un peu plus d’analyse et de subtilité. Revenons donc sur les fondements culturels du projet européen, et sur les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui pour évoluer.
L’Europe s’est d’abord fondée sur un idéal mêlant paix, prospérité et démocratie. La seconde guerre mondiale ayant laissé des cicatrices sociales, économiques et politiques, l’idée du projet européen est venue comme un remède pour rapprocher les intérêts des peuples. Car il fut un temps où ces intérêts étaient intimement liés. L’Europe, c’est en effet le vieux continent, celui des cours royales et impériales où le français fut jadis la langue universelle et où les lignées aristocratiques se partageaient le pouvoir. Sans vouloir tomber dans l’ethnocentrisme bien sûr, l’Europe c’est aussi le continent de la culture classique. De Schubert à Rembrandt, en passant par Guardi, l’Europe a connu une histoire culturelle commune, faite de courants et de ruptures. L’idéal gréco-romain a forgé une
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esthétique et une éthique qui ont formaté la culture européenne pendant des siècles, et notamment
pendant la Renaissance. La culture européenne serait donc celle des Beaux-Arts, des mœurs de cours et de la guerre conquérante. Cependant cette vision ne saurait être complète sans la prise en compte de la chrétienté, concept à la fois historique, religieux mais également géographique. L’Europe fut le berceau de la chrétienté occidentale, ce qui constitua à la fois sa force et sa faiblesse. En effet, l’histoire de la chrétienté est celle d’une influence [pensée ?] qui a pendant longtemps structuré les sociétés et les pouvoirs qui les dirigeaient. La religion fut le fer de lance de la conquête du monde par les puissances européennes (Espagne, Portugal, Royaume-Uni). Tous les arts précédemment évoqués, particulièrement la peinture et la musique, ont largement bénéficié des commandes des différentes Eglises.
Thème duLafestival (des)union européenne
Mais la religion chrétienne a également engendré des déchirures et des périodes sombres de l’histoire européenne. Nous en revenons donc à la petite phrase de Jean Mistler. En effet, une partie de la culture sociale d’un pays (son rapport au travail, au loisir, au temps) peut s’expliquer par son rapport à la religion. Le schisme entre les catholiques et les protestants peut fournir une partie de l’analyse expliquant la différence dans l’appréhension du travail chez les latins et les saxons. La religion protestante prône une vie dure, d’efforts, de travail.
«L’Europe, c’est en effet le vieux continent, celui des cours royales et impériales où le français fut jadis la langue universelle et où les lignées aristocratiques se partageaient le pouvoir.»
La religion catholique valorise la charité, l’espoir d’une vie sans souci. Bien que très partielle, cette première vision permet de comprendre certaines fractures et incompréhensions culturelles entre les pays européens dits « fondateurs », le club des six (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Plus récemment, une nouvelle catégorie de pays nouvellement formés après la chute de l’URSS a rejoint le projet européen. Ces pays ne faisant pas partie des pays fondateurs et ayant connu des guerres ont dû faire de très nombreux efforts pour être acceptés dans l’Europe. Ils se sont construits dans la culture de la gestion de leurs ressources financières, dans la mise en application vertueuse des normes européennes très contraignantes. Mais lorsque cette histoire, cette culture de la rudesse se confronte à une vision plus court-termiste (carpe diem), moins soucieuse de la structure sociale et économique des pays latins, des incompréhensions et même des frustrations se forment. [pas trop d’accord avec ça mais bon] Ainsi, il existe bel et bien une culture européenne, une culture de l’esthétique fondée sur la philosophie gréco-romaine. Mais cette culture élitiste ne parvient désormais plus à unir les peuples européens, dont les cultures sociales diffèrent parfois beaucoup et créent des divergences d’intérêts. Claire Greslé
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Thème du festival La (des)union européenne
L'Europe de la défense
« On ne protégera pas les européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne » déclare Emmanuel Macron le 6 novembre 2018.
Depuis l’élection du président de la République, le débat sur la défense européenne est d’actualité. Pourtant, l’idée d’une Europe de la défense est ancienne. Déjà en 1952, la Communauté Européenne de Défense (CED) portait le projet d’une armée européenne, alors que l’actuelle Union Européenne n’était qu’une organisation, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), entre six pays. Proposé devant ces six membres, le traité est rejeté par l’assemblée nationale française et le projet ne voit pas le jour. Le traité de Maastricht (1992) est cependant ratifié, même s’il ne l’est que de justesse (51% des voix au référendum français, rejeté au Danemark par référendum avant de l’emporter lors d’un second référendum). Ce traité institue la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui a pour objectif d’assurer la sécurité de l’Union Européenne et des coopérations en matière de politique extérieure. De facto, la PESC n’est pas un outil performant et on ne peut pas dire qu’elle établit à elle seule une défense européenne. Depuis, il n’y a pas eu de réelles avancées en termes de défense européenne. Au contraire, l’Union Européenne a démontré son incapacité à avoir une politique de défense crédible. Lors des guerres de Yougoslavie dans les années 1990, l’Union Européenne a été complètement impuissante à arrêter les affrontements. C’est finalement bien plus l’OTAN qui est intervenu, notamment lors de la guerre du Kosovo (1998-1999). En 2003, lors de la guerre d’Irak menée par les Etats-Unis, l’Union Européenne a de nouveau prouvé son incapacité à constituer une force commune. Alors que Jacques Chirac a refusé que la France intervienne en Irak, décision aujourd’hui saluée par tous les politiques, de nombreux pays européens sont intervenus au côté des Etats-Unis. Le président polonais Aleksander Kwasniewski avait alors déclaré, dans un discours totalement opposé à celui de Jacques Chirac : « Si c’est la vision du président Bush, alors c’est la mienne ».
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Thème duLafestival (des)union européenne
Un problème fondamental d’une défense européenne est tout simplement que cette défense européenne n’est pas souhaitée. Elle n’est pas souhaitée par de nombreux citoyens, mais elle
envie de bâtir une défense et se sentent très bien sous le parapluie militaire et nucléaire américain. Cela est vrai pour les pays d’Europe de l’Est, qui intègrent l’OTAN à partir de 1999, pour beaucoup avant d’intégrer l’Union Européenne. Mais cela est vrai aussi pour les pays d’Europe centrale et de l’Ouest. Ainsi par exemple, contrairement à des idées reçues et parfois véhiculées par des fake news ou personnalités germanophobes, l’Allemagne ne souhaite pas la création d’une défense européenne. Ce n’est pas une véritable puissance politique, il suffit de la comparer à la France. Elle n’a pas d’arme nucléaire ni de siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Elle possède un espace maritime ridicule comparé à la France. Elle a une armée certes, mais qui est déplorable et qui n’a pas du tout les mêmes capacités
«il n’y a peut-être que la France qui veut réellement une Europe de la défense» n’est pas non plus souhaitée par de nombreux pays. Un sujet dont on parle peu est pourtant essentiel pour comprendre une grande partie de l’incapacité à bâtir une défense européenne : l’OTAN. Cette organisation qui date de 1949 a été pensée par les Etats-Unis pour s’assurer de l’alignement de l’Europe de l’Ouest dans un contexte de Guerre Froide. L’OTAN assure la sécurité des pays membres. Cela arrange bien de nombreux pays européens qui n’ont aucune
d’intervention que la France. L’Allemagne ne souhaite pas non plus devenir une puissance politique, ayant fait le choix de la puissance économique, et reste très attachée à l’OTAN qui assure sa protection. En réalité, il n’y a peut-être que la France qui veut réellement une Europe de la défense. Cependant, même si elle se faisait finalement, elle ne pourrait réussir que si elle est séparée de l’OTAN. Or la France, qui était une exception européenne grâce à l’héritage du général De Gaulle qui affichait une certaine indépendance visà-vis des Etats-Unis, ne semble pas sur le point de se détacher de l’OTAN, surtout depuis que Nicolas Sarkozy a réintégré la France au commandement intégré de l’OTAN. Enfin, notons la présence, dont on a très peu parlé mais qui est très révélatrice, de l’OTAN dans le traité d’Aix la Chapelle : « Ils [la France et l’Allemagne] s’engagent à renforcer la capacité d’action de l’Europe et à investir conjointement pour combler ses lacunes capacitaires, renforçant ainsi l’Union Européenne et l’Alliance nord-atlantique ». Enfin, seuls deux pays membres de l’Union Européenne sont actuellement des puissances militaires et nucléaires : la France et le Royaume-Uni. Après le Brexit, seule la France aura une véritable capacité de défense. Une défense européenne serait donc essentiellement française. Voilà pourquoi je pense que, dans les réalités actuelles, une Europe de la défense ne peut pas être crédible.
Guillaume Ouallet -31-
Thème du festival La (des)union européenne Di Maio, gilets jaunes et quai d'Orsay, le symbole d'une désunion européenne ? Quand une couleur fait trembler un État et que son voisin n’aide pas.
A
l’heure où la couleur jaune fait grincer des dents en France, la rencontre de Christophe Chalençon avec Luigi di Miao a eu le don de les faire crisser, jusqu’à la casse. Le jeudi 7 février 2019 la porte-parole du quai d’Orsay annonce le retrait de son ambassadeur à Rome. Coup de tonnerre européen, coup de sang français, erreur italienne ? Un mélange de tout cela. Rembobinons un peu.2018. Élections générales italiennes après
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la dissolution du Parlement le 28 décembre 2017. Elles permettent au Mouvement 5 étoiles (M5S) d’accéder à une victoire inédite pour un parti extrême depuis les années de plomb. Son homme de proue du M5S est Luigi di Maio. Face à cette formation populiste, se crée une coalition de droite et centre droite dans laquelle se trouve Matteo Salvini, grand chef de la Ligue du Nord, parti régionaliste d’extrême droite.
Thème duLafestival (des)union européenne Le M5S et la ligue vont alors s’allier et diriger ensemble. En 2018 se crée ainsi une combinaison inédite : Giuseppe Conte juriste inconnu au bataillon politique devient officiellement Président du conseil des ministres, Matteo Salvini et Luigi di Maio deviennent ses vice-présidents. Un libéral, un extrême plutôt de droite et un extrême plutôt de gauche. On aurait tendance à penser que pareil agencement serait non fonctionnel. Et pourtant il dure. Et montre combien la montée des extrêmes en Europe « du sud » est une réalité. Face à la crise migratoire, Matteo Salvini (dont la côte de popularité a explosé en un an) refuse que les bateaux des ONG accostent en Italie, et va
jusqu’à faire voter une loi dite « anti-migrants », durcissant la politique d’immigration du pays. Sa politique est aux antipodes de celle prônée par le gouvernement français. On pourrait presque dire de Salvini qu’il est passif sur la question migratoire préférant que l’eau noie les migrants plutôt que de les aider ou de les repousser. Ces différences politiques vont créer des dissensions. Tout au long de l’année 2018, des déclarations sont faites par le gouvernement italien, en particulier par son ministre de l’intérieur, dont la proximité avec le Rassemblement National n’est pas passée inaperçue, appuyant là où ça fait mal. Dernière en date « La France doit arrêter de repousser les migrants aux frontières » (Franceinfo, 7 février
2019). Mais tout cela n’était rien. Le début d’une simple querelle conjugale entre les deux pays fondateurs de l’Union Européenne. Puis vint l’automne 2018. Et avec l’automne, les gilets jaunes. Qui grognent. Qui gueulent. Qui font entendre partout qu’ils ne sont pas contents. Pourquoi ? On ne sait pas vraiment : la hausse du carburant, la disparition de l’ISF. On demande un RIC : référendum d’initiative citoyenne, sans qu’on sache sur quel sujet. La situation s’envenime : pendant les manifestations, la police devient ferme. Presque dure. David Dufresne, journaliste, entame le 4 décembre un décompte des blessés côté manifestant avec ses tweets « Allo Place Bauveau ».
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Thème du festival La (des)union européenne Di Maio, gilets jaunes et quai d'Orsay, le symbole d'une désunion européenne ? SUITE Quand une couleur fait trembler un État et que son voisin n’aide pas. Début 2019 les médias commencent à parler de violences policières lorsque le commissaire Andrieux est filmé en train de tabasser un manifestant. C’était le 5 janvier. Le même jour Christophe Dettinger faisait son entrée fracassante dans l’actualité en se lançant dans un octogone sans règles contre des CRS. Les manifestations se font de plus en plus violentes, les victimes des LBD (lanceurs de balles de défense) se multiplient, une figure des gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, est blessée à l’œil. Les européennes arrivent à
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grand pas, trop tard pour le RIC. C’est décidé, les gilets jaunes monteront leur liste pour les élections du 26 mai. Celle-ci sera dirigée par Ingrid Levavasseur. Sur la liste un nom retient l’attention. Christrophe Chalençon. Qui appelle clairement à faire un coup d’Etat afin d’en finir avec la toute-puissance d’En Marche qui semble capable de tout (en témoigne le texte du projet de la fameuse loi « anti-casseurs » adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale mardi 5 février 2019). Sans même avoir prévenue Ingrid Levavasseur, Christophe
Chalençon va rencontrer Luigi Di Maio. Pour le Gouvernement français, c’est la rencontre de trop. Les critiques, le gouvernement les accepte, mais cette rencontre franco-italienne ne passe pas. C’est, d’après la porteparole du quai d’Orsay « une instrumentation de la relation à des fins électorales ».Et l’ambassadeur de France à Rome est rappelé à Paris. L’histoire pourrait se terminer là. Mais le jour même Matteo Salvini semble rétropédaler et se dit prêt à rencontrer Emmanuel Macron afin de dialoguer au sujet de cette relation.
Thème duLafestival (des)union européenne
Cette décision du quai d’Orsay est inédite et Salvini le sait. Jamais depuis 1945 les rapports diplomatiques avec l’Italie n’avaient été coupés. Et cela nous montre deux choses. D’une part que l’Europe est aujourd’hui en partie dysfonctionnelle, du fait de la montée des extrêmes qui l’amoindrissent chaque jour. Si deux de ses membres fondateurs peuvent ainsi se tirer dessus à vue, c’est que quelque chose cloche. Second point : le gouvernement a peur des gilets jaunes. Il en a tellement peur qu’il est prêt à rompre ses relations diplomatiques avec ses voisins, plutôt qu’à voir ces opposants soutenus par les populistes étranger. De là à rappeler son ambassadeur à la maison ? La réponse semble disproportionnée. Elle marque en tout cas un point d’arrêt fort de la relation franco-italienne et montre que l’Union européenne n’est pas – n’est plus- infaillible. Les extrêmes tendent à en montrer les limites. Les prochains mois nous montreront si la situation entre les deux pays frontaliers s’apaisera. En tout cas, la décision du quai d’Orsay de rappeler son ambassadeur à Paris est significative, et de la désunion qui existe aujourd’hui au sein de l’Union européenne et de la peur de l’État Français de voir les extrêmes s’imposer au Parlement européen. Les urnes nous diront si cette peur, fondée, n’aura pas aidé les populistes de tous bords à glaner des voix le 26 mai prochain.
Rafael Deville -35-
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