“Une semaine plus tard, le monde du spectacle se remet à peine de l’attaque perpétrée par le Joker dans le Centre des Arts Créatifs de Gotham City.”
“Entouré de ses hommes de main, le dément fendit la foule jusqu’à la scène où il s’est avancé, portant à la main une récompense pour, selon ses termes, ‘toutes ces existences exécutées’.”
“L’hystérie fut à son comble quand le Batman entra en scène, dispersant l’assistance terrifiée et jetant à terre le gang du Joker.”
“Ce dernier, cependant, ne recula pas. Il semblait attendre l’irruption de Batman, comme pour l’accueillir. Tout fut presque aussitôt fini, et le forcené fut remis aux mains de la police.”
CAS D’ÉCOLE Paul Dini Alex Ross
Par et
Valerie D’Orazio assistante éditoriale DC
Mark Chiarello responsable éditorial DC
“Nous attendons encore une déclaration officielle, mais il semble déjà évident que le plus notoire des criminels de Gotham soit de nouveau jugé irresponsable et enfermé à l’asile d’Arkham.”
Combien de temps va-t-on encore jouer les gardiens de zoo pour cet animal ? Arkham ne pourra pas tolérer un bain de sang de plus.
Dieu du ciel.
Alors permettez-moi de présenter une hypothèse peu conventionnelle. Et si le Joker n’était pas fou ? Ce n’est pas possible.
Je comprends, monsieur. Mais en fouillant dans les vieux dossiers du Joker, j’ai découvert des pièces d’un rapport qui suggérerait le contraire.
Un problème avec le Joker, Dr Rubin ?
Quiconque se comporte avec un tel mépris pour la vie humaine ne distingue plus le bien du mal. Des médecins sérieux l’ont établi, procès après procès.
Il n’y a pas de nom, le rapport n’a jamais été enregistré. Mais d’après les notes, les observations ont été faites après une étude du cas du Joker, mais aussi après des entretiens avec d’autres criminels qui se souviennent de l’homme avant sa, disons, transformation.
celui-ci, au milieu. À droite, c’est Eddie Marcone, un vieux braqueur qui a accepté de répondre aux questions.
Un rapport de quel docteur ?
“Le Joker ? Tu parles que je me rappelle.”
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Et qui d’autre ? Je déteste baisser les bras pour un patient, mais après toutes ces années et tous ces échecs, je ne comprends toujours rien aux psychoses de cet homme.
“Bien entendu, on l’appelait pas Joker à l’époque, et du diable si je me souviens de son nom. Sonny, Jackie, Hap, il avait toujours un blase nouveau, en fonction de pour qui il travaillait. Un gars dur à classer, mais je crois qu’il aimait ça.”
“Il n'avait jamais d’équipe à demeure, mais il était toujours en cheville avec plusieurs gangs. Toujours le premier quand il y avait du grabuge, toujours le premier à prendre sa part, toujours le premier à décaniller. Il préférait pas se salir les mains. Un malin, le gars, vraiment malin.”
“Je me souviens la fois où il avait levé cette belette, Debbie quelque chose... chais plus, mais c’était la poulette à Tommy Doyle.”
“Doyle, à l’époque, c’était rien moins que le parrain le plus dur de tout Gotham, genre qui s’énerve quand des marlous s’approchent trop près de sa gisquette. Et au lieu de la jouer profil bas, c’est comme si le Joker avait fait une annonce publique au monde. Il sortait Debbie dans des nightclubs, genre le Tracks. On s’est dit qu’il était louf, que Doyle allait pas encaisser ça !”
“C’est plutôt marrant, comme blague, tant que ça vous arrive pas à vous. En deux coups de cuillère à pot, Tommy est dans le couloir de la mort et le rigolard a repris son gang. Comme j’ai dit, un malin !”
“Joker se fait discret pendant un mois, et un soir où ça caillait, il insiste pour sortir Debbie dans un nouveau club. On sait pas trop, mais le vison de Debbie était abîmé, alors notre gars lui prête galamment son pardessus et son chapeau, pour quand elle sort.”
“Naturellement, Tommy attend dans son coin. Vous devinez la suite. pauvre schnoque de Tommy. Il était encore sous le choc, les yeux ronds, quand les flics sont arrivés.”
Le docteur qui l’écoutait a conclu que, même si l’homme qui allait devenir le Joker possédait une intelligence affinée doublée d’un goût prononcé pour le sadisme, ça ne faisait pas nécessairement de lui un malade mental.
“Le témoignage suivant provient d’un certain Dink Fox, un associé connu du Joker qui a pris part aux braquages du fameux Red Hood :”
Continuez.
‘Après s’être emparé du territoire de Doyle, le Joker a bien pris garde à pas tremper dans le sale boulot. Même les rares fois où les flics l’ont amené pour interrogatoire, le patron a toujours si bien recouvert ses traces qu’ils pouvaient plus suivre la piste.'
‘Il était assez finaud pour embaucher les baveux les plus roublards, qui le tiraient toujours d’affaire.'
Ce n’est guère le comportement d’un homme dont on dit qu’il ne distingue plus le bien du mal.
‘Mais si le patron s’en sortait toujours blanc comme neige, le frisson du bon vieux temps lui manquait quand même. Il avait toujours inventé des tas de trucs, alors il a imaginé un déguisement.'
“Une sorte de capuche de métal sans tain, genre avec des lunettes infrarouges. Il pouvait nous voir, mais on le voyait pas. Même photographié, y avait pas un flic pour le reconnaître. Pour un temps, le gang du Red Hood a fait la loi en ville !”
‘Et puis une nuit, on a braqué la paie à la compagnie de cartes Monarch.'
‘La chauve-souris s’est pointée. Il nous attendait.' ‘Il savait que c’était râpé s’il était pris, alors le patron a fait le seul truc possible, il a sauté dans la cuve à produits chimiques, il a nagé par les conduits d’évacuation et s’est barré par la rivière.'
‘Et là encore, il s’en est sorti blanc comme neige.'
Le docteur qui enregistre émet ici l’hypothèse qu’après la nuit où son visage a été défiguré, l’homme qui se fait désormais appeler le Joker est devenu d’une certaine manière plus rationnel que jamais.
“Envolé, l’anonymat du gangster, et avec lui l’empire du crime usurpé, qu’il dirigeait avec son humour et sa cruauté.”
“Il avait désormais une nouvelle mission, qui s’enracinait sans doute dans un traumatisme personnel, que l’on pourrait peut-être comparer aux circonstances floues et tragiques qui ont forgé le destin de Batman.”
“Et si Batman avait adopté une silhouette terrifiante pour déclarer sa guerre au crime, le Joker, dorénavant, se draperait dans les atours de la folie pour exercer une vengeance savamment calculée.”
... déclaré sain d’esprit, envoyé en prison et exécuté.
L’opinion de ce médecin était que le Joker avait choisi de lancer sa vendetta contre Batman dans un style qui paraissait irrationnel, mais qui était en fait méticuleusement préparé et brillamment orchestré. Ce ne sont pas les actions d’un fou incapable de contrôler ses pulsions homicides.
Ce que nous avons là, c’est le profil crédible d’un homme qui choisit de susciter la peur. Et qui le savoure, c’est évident. Et je suis d’accord avec la conclusion de ce docteur, qui recommande que le Joker soit reconnu mentalement apte...
Harleen, comment savezvous ce qu’il y a dans ce dossier ?
C’est le mien, grand fou ! J’étais interne ici, quand j’ai commencé à rassembler ces notes. À l’époque, je croyais que j’avais toutes les réponses.
Mais c’est lorsque j’ai commencé à faire des séances personnelles avec monsieur J que j’ai compris combien il était complexe.
Et profond, et intense, et merveilleux...
Tenez, Ahmet. Jetez-moi ça. Ou brûlez-le. Je m’en fous.
Vous n’y croyez pas ?
“Il savait que ça ne tiendrait pas devant un juge. Mais il savait aussi que ça nous donnerait un instant d’espoir, avant qu’il ne tire le tapis sous nos pieds.”
“Eddie Marcone dirait sans doute que ‘c’est plutôt marrant, comme blague, tant que ça vous arrive pas à vous’, non ?”
“Non, mon ami. Que le Joker soit sain d’esprit ou non, j’ai bien peur qu’il n’y ait qu’une seule certitude pour nous autres.”
“Il est de re tour.”