Travail fin d'études, droit, Droit international Public,

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Université catholique de Louvain Faculté de Droit Place Montesquieu, 2 1348 Louvain-la-Neuve

DISPARITION DU JOURNALISTE FREDERIC NERAC Quel droit de savoir pour sa famille?

Sous la direction de Delphine CHALUS Séminaire de droit public, pénal ou international

Yamina EL ATLASSI

3ème Licence (Horaire décalé)

Année académique 2005-2006


“The time of human beings certainly is not the time of the stars, in more that one sense. The time of the stars, - I would venture to add, - besides being an unfathomable mystery which has always accompanied human existence from the beginning until its end, is indifferent to legal solutions devised by the human mind; and the time of human beings, applied to their legal solutions as an element which integrates them, not seldom leads to situations which defy their own legal logic, - as illustrated by the present Blake case. One specific aspect, however, appears to suggest a sole point of contact, or common denominator, between them: the time of the stars is inexorable; the time of human beings, albeit only conventional, is, like that of the stars, implacable, - as also demonstrated by the present Blake case”. A. A. Cançado Trindade1

“Ce sont rarement les réponses qui apportent la vérité, mais l’enchaînement des questions”

Daniel Pennac (extrait de La fée carabine)

1 Juge à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, dans son opinion dissidente à l’arrêt Blake c. Guatemala sur la question de la limite ratione temporis de la compétence de la Cour

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Ce travail est dédié à : Benjamin, qui a supporté patiemment des années de soirées en solo et tout le reste

Maman, tout simplement

Belly, Zaza et Dindine qui, en me trouvant géniale, m’ont convaincue que je pouvais y arriver

Et surtout…..

Fabienne Nérac et ses enfants, en espérant ….

Je tiens à remercier : Vincent, Catherine et le Comité de soutien à la famille de Frédéric Nérac

Pierre Huybrechts qui a eu la gentillesse de me rencontrer et de répondre à mes questions

L’équipe de droit international humanitaire du CICR-Belgique qui m’a très patiemment accueillie dans ses locaux

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INTRODUCTION Les faits Le 22 mars 2003, deuxième jour de la guerre en Irak, a eu lieu un affrontement entre les forces américaines et irakiennes sur la route entre Bassorah et Al-Zoubaïr. Entre les deux, deux véhicules de télévision avec à leur bord2 les journalistes de la chaîne britannique ITN. A la suite de cet affrontement, le bilan est lourd pour l’équipe de télévision : seul Daniel Moustier (journaliste belge) rentrera en Belgique sain et sauf. Terry Lloyd (journaliste britannique) quant à lui succombera à ses blessures, Frédéric Nérac (journaliste français) et Hussein Otman (leur interprète) sont portés disparus. Les restes du corps de Hussein Otman seront identifiés environ un an plus tard. Mais de Frédéric Nérac… aucune nouvelle depuis ce jour. A partir de sa disparition, une seule et unique priorité pour sa famille : savoir ce qu’il lui est arrivé. Bien que plusieurs enquêtes3 aient été réalisées depuis, la famille et les proches de Frédéric Nérac n’ont toujours pas de réponses à leurs questions.

Les questions L’objet de cette étude est donc de se pencher, comme son titre l’indique, sur le droit de savoir pour la famille Nérac : existe-t-il ? Peuvent-il le revendiquer ? Et si oui, auprès de qui ? Les Parties au conflit ? L’Etat national? Nous nous pencherons dans un premier temps sur la protection que le droit international humanitaire offre aux journalistes en mission périlleuse dans des zones de conflits armés. Nous verrons, qu’étant considérés comme des personnes civiles, ils jouissent d’une protection générale contre les effets des attaques. Nous examinerons également ce que le droit prévoit afin de prévenir les disparitions et ce qu’on entend par cette notion. Une fois ces différents éléments mis en place, il nous restera à savoir si les membres de la famille d’une personne portée disparue peuvent prétendre au statut de victime. Nous verrons que la jurisprudence en la matière n’est pas tranchée et que ce statut n’est pas toujours admis. Nous remarquerons que, bien que ce statut de victime ne soit pas toujours reconnu, le droit pour la famille à recevoir des informations est par contre admis par le droit international. Nous

2

Il s’agit de la première thèse présentée dès le jour de la disparition de Frédéric Nérac. Depuis, certaines des enquêtes ont fait état d’une autre thèse qui ne peut cependant pas être avancée pour l’instant, l’enquête étant toujours en cours. 3 Des enquêtes de la chaîne ITN, mais aussi des armées britannique, danoise et américaine, le gouvernement français, quant à lui, n’a pas fait sa propre enquête mais s’est basé sur les 4 enquêtes sur place afin de déposer des conclusions peu convaincantes pour la famille.

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verrons que dans les cas de disparitions, la famille se voit reconnaître, en plus du droit de savoir, un autre droit conforme à ses besoins : un droit à la réparation pour le préjudice subi. Il nous faudra également nous intéressé à la notion de famille et aux conséquences de cette disparition sur les relations entre Etats intéressés. Enfin, et pour terminer, il nous restera à nous pencher sur les mécanismes de mise en œuvre de ce droit à l’information. Nous comprendrons que les mécanismes judiciaires ne sont pas la panacée, il existe en effet des mécanismes non judiciaires (via un Comité de soutien, par exemple), des mécanismes humanitaires (via le CICR) et des mécanismes gouvernementaux. De cet ensemble de données, il nous est possible d’affirmer (à travers la disparition de Frédéric Nérac) l’apparition d’un droit à l’information pour les familles de disparus en conflits armés (I). Néanmoins, nous montrerons que la mise en œuvre d’un tel droit n’est pas encore suffisamment satisfaisante pour permettre le plein exercice de ce droit (II).

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I – L’ÉMERGENCE D’UN DROIT À L’INFORMATION DES FAMILLES DE DISPARUS EN CONFLITS ARMÉS Le droit a l’information pour les familles de personnes disparues lors de conflit armés est établi et reconnu par le droit international. Dans les pages qui suivent nous allons commencer par démontrer le fondement juridique de ce droit de savoir et nous expliquerons,

ensuite, son

contenu.

SECTION 1 – LES FONDEMENTS Dans cette section nous allons établir les fondements du droit de savoir en abordant pour commencer la définition du statut de “personne civile” en cas de conflit armé, expliquant ensuite quelle est la situation des journalistes dans ce contexte.

§ 1. Eviter les disparitions : protection de la population civile La protection de le population civile est l’un des objectifs principaux du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949. Les disparitions dues a un conflit armé sont une problématique de plus en plus inquiétante. A travers les Conventions de Genève, la coutume internationale, les traites internationaux (et plusieurs cas de jurisprudence) nous verrons quels sont ces droits et leur limites.

A. La protection générale La problématique des disparitions, qu’elles soient forcées, involontaires ou encore dues à un conflit armé, suscite ces dernières années de nombreuses discussions au niveau du droit international et plus particulièrement au niveau du droit international humanitaire. Afin de les éviter, il convient de respecter entre autres le “droit de Genève”4 dont l’un des objectifs est la protection de la population civile. Cette protection est assurée par l’article 51 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève5 (ci-après “Protocole I”), qui est “l’un des plus importants du Protocole”6.

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Le droit international humanitaire a deux sources principales, le droit de Genève qui regroupe l’ensemble des règles qui protègent les victimes de la guerre, et le droit de La Haye, c’est-à-dire, les dispositions qui régissent la conduite des hostilités, bien que cette distinction est aujourd’hui quelque peu artificielle puisque ces deux branches du se sont rejoint dans le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève.

5 Article 51 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Protocole I), Genève, 8 juin 1977

6 Yves, SANDOZ, Christoph, SWINAESKI, Bruno, ZIMMERMAN, Commentaires des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, CICR, Genève, Martinus Nijhoff Publishers, 1986, (ci après : “Commentaires Protocole I”) page 629, § 1923

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L’objectif de cet article est de réduire les dangers que pourraient courir la population civile lors de conflits armés7. Les Parties à un conflit armé se doivent de se conformer à ce corpus de règles.

1. Tout non-combattant est une personne civile La notion de population civile est reprise à l’article 50, § 1er du Protocole I. Il s’agit d’une définition négative : est considérée comme personne civile toute personne qui est noncombattant. C’est-à-dire toutes les personnes qui ne peuvent pas bénéficier du statut de prisonnier de guerre, en cas de capture, en vertu de la IIIème Convention de Genève et du Ier Protocole8. Dans le cas qui nous occupe, Frédéric Nérac peut sans conteste être qualifié de “personne civile” dans le sens de l’article 50 précité. Son séjour en Irak se faisait dans le cadre de son travail de journaliste, donc en tant que non-combattant. Il n’y a aucun doute à ce sujet et cette question, lors des enquêtes qui sont menées afin de le retrouver, n’est débattue par aucune des parties. Le droit humanitaire international reconnaît en effet deux grandes catégories de personnes à protéger : les combattants et les personnes civiles9. Cet article nous donne une présomption : en cas de doute sur la qualification d’une personne, elle sera présumée personne civile et bénéficiera de facto de la protection de l’article 51. Il faut également préciser contre quoi la population civile est protégée : contre les “attaques”, dont la notion est définie à l’article 49-1 du Protocole I10.

2. Les dispositions existant en la matière La protection de la population civile est une règle coutumière11 de droit international public confirmée depuis par les traités internationaux. Plusieurs auteurs font référence, dans leur historique de cette protection, à la Déclaration de St Petersbourg de 1868 qui énonce le principe d’interdiction des violences inutiles ou disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi12.

7

ibid. Commentaires Protocole I, page 630, § 1935

8

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 212 (§ 2.11)

9 Karma, NABULSI, “Evolving Conceptions of Civilians and Belligerents: One Hundred Years after the Hague Peace Conferences” in Civilians in War, Simon Chesterman, ed., Boulder: Lynne Rienner, 2001, page 9

10

premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949

11

Commentaires Protocole I page 629, § 1923

12

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 210 (§ 2.8) ; Dominique, TURPIN, “Protection de la population civile contre les effets des hostilités”, in Etudes internationales, Volume XXIII, n°4, 1992, page 798

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En effet, selon cette déclaration : “(…) le seul but légitime que les Etats doivent se proposer, durant la guerre, est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi”13.

On peut déduire de cette phrase qu’a contrario le but n’est donc pas d’affaiblir la population civile, celle-ci ne pourrait dès lors être visée par l’armée ennemie. Plusieurs autres traités virent le jour, chacun évoquant de manière implicite une protection des personnes civiles. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, certains articles du Règlement de La Haye de 189914 ou encore de celui de La Haye de 190715. Après la Seconde guerre mondiale et ses effets dévastateurs16, la IVème Convention de Genève17 (Convention IV), qui consacre une véritable protection explicite de la population civile, fut adoptée. Cette protection est plus particulièrement abordée dans le Titre II de cette Convention : “Protection générale des populations civiles contre certains effets de la guerre”. Néanmoins il ne s’agissait à l’époque que de dispositions par trop générales quant à leur libellé. La protection est encore lacunaire18. Enfin, les grands principes (voir infra) de cette protection seront posés par le Protocole I, déjà cité, et plus particulièrement son article 51. E. David constate le peu de jurisprudence en la matière, il fait référence, entre autres, à une décision de 1927 : Coenco frères c. Allemagne, dans laquelle le tribunal arbitral mixte grécoallemand déclare que les belligérants doivent se conformer aux droit des gens et de ce fait respecter la population civile19. Plus récemment, la Cour internationale de Justice, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires20, a confirmé que parmi les principes cardinaux du 13

Déclaration à l'effet d'interdire l'usage de certains projectiles en temps de guerre, Saint Petersbourg, 11 décembre 1868

14

article 23, c. et article 25 de la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 29 juillet 1899

15 articles 23 c, g et h ; 28 ; 43 à 47 et 50 à 53 de la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907

16

Commentaires Protocole I, page 634, § 1946

17 Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949

18 Dominique, TURPIN, “Protection de la population civile contre les effets des hostilités”, in Etudes internationales, Volume XXIII, n°4, 1992, page 799

19

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 210 (§ 2.9)

20 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J., Recueil 1996, p. 257, § 78.

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droit international humanitaire, le premier principe est la protection de la population civile. Afin de respecter ce principe, elle précise que les Etats ne doivent jamais prendre pour cible des civils. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a également précisé le fait que cette règle de protection est une règle cardinale, “noyau dur” du droit international humanitaire. Ainsi dans l’affaire Zoran Kupreskic et consorts21, le Tribunal a précisé que la protection de la population civile est le “socle” sur lequel repose le droit humanitaire moderne. Ce Tribunal a également précisé ce qui devait être entendu par “population civile” : dans son arrêt Tadic22 il précise que la définition doit être entendue dans son sens le plus large. Dans son arrêt Milan Martic23, le Tribunal a précisé quels sont les principes du droit international applicable à tout conflit armé considérant que cet ensemble de règles visent la protection de la population.

3. Une protection de la population civile qui connaît quelques exceptions L’article 51 du Protocole I est un article supplétif aux règles existant déjà en la matière, nous les avons vues précédemment : d’anciennes règles coutumières qui ont été, au fil du temps, confirmées par les traités (voir supra). Cet article pose quelques principes fondamentaux concernant cette protection, à savoir24 : Tout d’abord, le principe de proportionnalité : comme on l’a déjà souligné, la protection des personnes civiles tend à réduire les effets que pourraient avoir sur elles les hostilités. En conséquence, les parties belligérantes n’ont pas un choix illimité concernant les méthodes et les moyens de la guerre de même qu’elles ne peuvent employer des armes causant des “maux superflus”25. Ensuite, le principe de discrimination : il s’agit ici de faire la distinction entre les combattants et les non-combattants. Mais également la distinction entre “objectifs militaires“ et “biens civils”. Ce principe est énoncé à l’article 48 du Protocole I. Nous ne nous attarderons pas, dans le cadre de cette étude sur les notions d’“objectifs militaires” et de “biens civils”, ces définitions sont données par l’article 49, §§ 1 à 3 du Protocole I26. Le dispositif de cet article est le suivant :

21 Le Procureur c. Zoran Kupreskic et consorts, IT-95-16-A, Chambre de première instance II du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Jugement, 14 janvier 2000

22 Le Procureur c. Tadic, Affaire n° IT-94-1-AR72, Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Jugement de la Chambre de première instance II, 7 mai 1997, p. 643

23 Le Procureur c. Milan Martic, Affaire n° IT-95-11-R61, Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, 8 mars 1996

24 Dominique, TURPIN, “Protection de la population civile contre les effets des hostilités”, in Etudes internationales, Volume XXIII, n°4, 1992, page 801 et suivantes

25

article 35 du Protocole I

26

Par contre, l’étude de cette question reviendra, une fois les faits concernant la disparition de Frédéric Nerac établis et que se posera alors la question des éventuelles responsabilités.

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Article 49 – Définition des attaques et champ d'application

1.

L'expression “attaque” s'entend des actes de violence contre l'adversaire, que ces actes soient offensifs ou défensifs.

2.

Les dispositions du présent Protocole concernant les attaques s'appliquent à toutes les attaques, quel que soit le territoire où elles ont lieu, y compris le territoire national appartenant à une Partie au conflit mais se trouvant sous le contrôle d'une Partie adverse.

3.

Les dispositions de la présente Section s'appliquent à toute opération terrestre, aérienne ou navale pouvant affecter, sur terre, la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil.

Elles s'appliquent en outre à toutes les attaques navales ou aériennes dirigées contre des objectifs sur terre, mais n'affectent pas autrement les règles du droit international applicable dans les conflits armés sur mer ou dans les airs.

Enfin, la protection accordée aux personnes civiles connaît des limites : les personnes civiles perdront leur immunisation juridique27 si elles participent aux hostilités28. Elles deviennent dans ce cas “une cible licite”29. Une autre limite à leur protection est l’hypothèse, bien malheureuse, où les civils se trouvent trop près d’objectifs militaires pour qu’une discrimination puisse se faire en cas d’attaques. Dans ce cas, il ne faut pas que les pertes parmi la population civile soient “excessives par rapport à l’avantage militaire”30. Ici le principe de proportionnalité prend également tout son sens.

4. La protection de la population civile doit être assurée par la Partie adverse Certaines règles de précaution dans l’attaque, prévues à l’article 57 du Protocole I doivent donc être respectées par la Partie adverse. L’article 85 du 1er Protocole additionnel prévoit des sanctions en cas de non respect des dispositions du Protocole I. Il ressort du commentaire de cet article que les Parties au combat se doivent de respecter les principes de discrimination et de proportionnalité31. Il s’agit là d’un principe commun de droit international humanitaire : l’obligation de respecter et de faire respecter le droit.

27

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 216 (§ 2.16)

28 article 51-3 du Protocole I et article 2 du Règlement annexé à la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 29 juillet 1899

29

Commentaires Protocole I, page 633, § 1942

30 Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 216-217 (§ 2.17)

31

Commentaires Protocole I, page 1019, §§ 3475 et suivants.

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De plus, cet article renforce l’importance de l’article 51 sur la protection des personnes civiles, puisqu’il érige en infraction grave le non-respect de cette disposition32. L’infraction grave étant dès lors qualifiée de crime de guerre33. Notons également que les Parties au combat ont une obligation d’avertissement avant l’attaque, inscrite à l’article 57 du Protocole I, alinéa 1er, libellé comme suit : Article 57 – Précautions dans l'attaque

1. Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil.

L’alinéa 2nd de cet article énonce une liste de précautions devant être prises. Enfin, l’alinéa 4 énonce le principe de précautions afin d’éviter les pertes en vie humaines : 4. Dans la conduite des opérations militaires sur mer ou dans les airs, chaque Partie au conflit doit prendre, conformément aux droits et aux devoirs qui découlent pour elle des règles du droit international applicable dans les conflits armés, toutes les précautions raisonnables pour éviter des pertes en vies humaines dans la population civile et des dommages aux biens de caractère civil.

B. La protection des journalistes On peut se poser la question du statut de Frédéric Nérac et de la protection auquel il a droit en tant que journaliste. En effet, dans le point précédent, nous avons vu que tout noncombattant est une personne civile. Un journaliste est dès lors considéré lui aussi de ce fait comme faisant partie de la population civile. Cela est confirmé par l’article 79 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève.

1. Une notion large du journaliste L’article 79 du Protocole I ne donne pas de définition du terme journaliste. Pour les commentateurs, il faut donc se baser sur l’article 2 du projet de Convention des Nations Unies sur la protection des journalistes en mission périlleuse dans des zones de conflit armé34, mais également sur le “sens ordinaire du mot”35. A titre d’exemple de définition, nous citerons celle qu’en donne le Nouveau Petit Robert36, est journaliste “Celui qui fait, publie un journal”.

32

Commentaires, Protocole I, pages 631, § 1932

33

Article 85, Protocole I, in fine

34 Art. 2, (a) du projet de Convention des Nations Unies sur la protection des journalistes en mission périlleuse dans des zones de conflit armé, 1er août 1975, document ONU A/10147, Annexe I

35

Commentaires, Protocole I, page 945, § 3260

36

Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert, Dictionnaire Le Robert, Paris, 2000

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En Belgique, pays de résidence de Frédéric Nérac, l’article 1er, point 3 de la loi du 30 décembre 1963

relative

à

la

reconnaissance37

et

à

la

protection

du

titre

de

journaliste

professionnel énonce que : Nul ne peut être admis à porter le titre de journaliste professionnel s’il ne remplit pas les conditions suivantes :

3. A titre de profession principale et moyennant rémunération, participer à la rédaction de journaux quotidiens ou périodiques, d’émissions d’information radiodiffusées ou télévisées, d’actualités filmées ou d’agences de presse consacrées à l’information générale ;

Et à titre de comparaison, l’article L-761-2 du Code du travail français nous en donne la définition suivante : “Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il reçoit des appointements fixes et remplit les conditions prévues au paragraphe précédent.”

Sur base de ces différentes sources, nous pouvons mettre à jour les éléments identificateurs d’un journaliste :

-

le fait de collaborer pour un ou plusieurs journaux (écrits, télévisés ou radiophoniques)

-

une collaboration qui est l’activité principale

-

une collaboration rémunérée

Le droit international reconnaît deux catégories de journalistes : les “correspondants de guerre” et les “journalistes en mission professionnelle périlleuse”. Tous deux bénéficient de la même protection que la population civile, mais les correspondants de guerre, en cas de capture et à la condition qu’ils aient reçu l’autorisation de suivre les forces armées, bénéficient du même traitement et du même statut que les prisonniers de guerre38. La catégorie à laquelle appartient Frédéric Nérac est celui de “journalistes en mission professionnelle périlleuse”. Une nouvelle catégorie de journalistes semblent émerger : les journalistes “embedded” (c’està-dire des journalistes intégrés aux forces armées). A. Balguy-Gallois, tout en soulignant l’ambiguïté de leur statut39, tend à les assimiler aux correspondants de guerre, puisqu’ils suivent, comme ces derniers, les forces armées sans en faire partie. Mais ils portent le même uniforme que ces forces armées, ce qui pose la difficulté de distinguer le journaliste du soldat. Il serait intéressant de se pencher sur la question d’autant plus que ce phénomène s’est

37

loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance, M.B, 14 janvier 1964

38

article 4 de la IIIème Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 12 août 1949

39

Alexandre, BALGUY-GALLOIS, “Protection des journalistes et des médias en période de conflit armé”, in Revue internationale de la Croix Rouge, volume 86, n°853, mars 2004, page 42

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considérablement accru depuis le début des affrontements en Irak. Parallèlement à cela, le nombre de journalistes “indépendants” victimes des ces affrontements n’a cessé d’augmenter. Est-ce, comme le craint A. Balguy-Gallois, l’expression d’une plus grande indifférence des forces armées face au sort des journalistes “indépendants” ? La question reste ouverte et mériterait qu’on s’y attarde40 : elle soulève la problématique de la protection des journalistes en zone de conflit armé, mais aussi celle de leur indépendance et enfin celle de la liberté d’information.

2. Les particularités du métier et ses conséquences dangereuses Le métier de journalistes en mission dans les zones de conflits armés peut comporter des risques plus importants que ceux encourus par la population civile. H-P Gasser souligne que les journalistes sont non seulement exposés aux dangers d’un conflit armé, tout comme la population civile, mais qu’ils peuvent également être victimes d’actes arbitraires de la part des autorités du pays dans lequel ils se trouvent41. A titre d’illustration, le nombre de journalistes tués en 2005 est d’au moins 63, dont 24 en Irak (le nombre de journalistes tués dans les autres pays est en moyenne de 2 sauf aux Philippines où 7 journalistes ont trouvé la mort)42. L’Irak est d’ailleurs le terrain d’opérations le plus meurtrier depuis le début des affrontements en mars 2003. Le cas de Frédéric Nérac, qui occupe plus particulièrement l’objet de cette étude, n’est malheureusement pas un cas isolé d’attaques à l’encontre de journalistes. Ces éléments suscitent questions et inquiétudes. De nombreuses associations de journalistes font pression sur les pouvoirs publics afin d’assurer à ceux-ci une plus grande sécurité43.

3. Le journaliste est une personne civile L’article 79 du Protocole I consacre la protection des journalistes “en mission périlleuse dans des zones de conflits armés” face aux attaques. Article 79 – Mesures de protection des journalistes

1.

Les journalistes qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit armé seront considérés comme des personnes civiles au sens de l'article 50, paragraphe 1.

2.

Ils seront protégés en tant que tels conformément aux Conventions et au présent Protocole, à la condition de n'entreprendre aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles et

40

Ibidem, page 43

41

Hans-Peter, GASSER, “La protection des journalistes dans les missions professionnelles périlleuses”, in Revue internationale de la Croix Rouge, n°739, Janvier 1983, page 3 42

Voir Reporters sans frontières, Bilan 2005, (site www.rsf.org)

43

A titre d’exemples d’organisations dédiées à la protection des journalistes : CPJ – Committee to Protect Journalists; FIJ – Fédération Internationale des Journalistes ; RSF – Reporters sans Frontières.

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sans préjudice du droit des correspondants de guerre accrédités auprès des forces armées de bénéficier du statut prévu par l'article 4 A.4, de la IIIe Convention. 3.

Ils pourront obtenir une carte d'identité conforme au modèle joint à l'Annexe II au présent Protocole.

Cette carte, qui sera délivrée par le gouvernement de l'Etat dont ils sont les ressortissants, ou sur le territoire duquel ils résident ou dans lequel se trouve l'agence ou l'organe de presse qui les emploie, attestera de la qualité de journaliste de son détenteur.

Cet article précise également que ces journalistes bénéficient de la protection générale de l’article 51, puisqu’ils sont considérés comme des personnes civiles. A ce stade de la réflexion nous pourrions être tenté d’affirmer que tout est dit sur la question de la protection des journalistes. Il suffit de se reporter au point précédent. Les principes de protection de la population civile et ses limitations sont d’application pour les journalistes. Cependant, nous nous pencherons quelque peu sur la nécessité ou pas de créer une protection spéciale pour les journalistes : l’étude de certains articles et projets de réglementation sur la question nous paraît indispensable, au vu des risques que prennent chaque jour les représentants de cette profession. Ainsi certains auteurs émettent l’idée que les journalistes ne devraient pas seulement bénéficier de la protection générale offerte aux personnes civiles, mais qu’il faudrait mettre en œuvre une protection spéciale pour cette catégorie de personnes.

4. Une protection spéciale du journaliste ? C. Emmanuelli constate que les journalistes font partie d’une catégorie de personnes encore insuffisamment protégées44 selon lui. Les commentateurs de l’article 79 du Protocole I se félicitent pourtant qu’un statut particulier n’ait pas été créé, en effet selon eux : “Toute augmentation du nombre de statuts particuliers, accompagnés forcément d’une prolifération de signes déjà acceptés, tend à affaiblir la valeur protectrice des statuts protégés déjà acceptés (..)”45.

Cette affirmation est d’autant plus véridique que la protection générale dont bénéficie la population civile est forte, et que les Tribunaux y veillent (voir supra – Protection de la population civile). Il avait été question de créer un statut particulier pour cette catégorie professionnelle et ce par le biais du projet de Convention des Nations Unies précité. Mais ce projet a été abandonné et a donné naissance à l’article 79 du Protocole I. Plusieurs auteurs soulignent que si certaines catégories de personnes bénéficient d’un statut particulier (personnel sanitaire, médical, etc.) c’est en raison de leur mission humanitaire : 44

Claude, EMANUELLI, “Introduction au droit international applicable dans les conflits armés (droit international humanitaire)”, in Etudes internationales, Volume XXIII, n°4, 1992, page 731

45

Commentaires Protocole I, page 946, § 3265

14


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elles portent en effet secours aux victimes des conflits. J-P Petit souligne par ailleurs, concernant l’idée, très vite rejetée, du port d’un brassard pour les journalistes, que : “l'emblème de la Croix-Rouge (…) n'a pas seulement pour but de protéger celui ou celle qui le porte mais aussi indirectement les blessés et malades secourus”46.

La question préoccupe en tout cas les autorités : pour preuve un Rapport d’information de la Commission des Affaires étrangères sur le statut des journalistes et correspondants de guerre en cas de conflit a été déposé le 8 mars 2006 à l’Assemblée nationale française47. Les conclusions de celui-ci indiquent bien l’urgence de prendre des mesures afin de mieux faire respecter le droit international en la matière.

C. L’échec de l’Etat chargé de la protection : la disparition Malgré la protection offerte par le droit international humanitaire, la population civile et les journalistes couvrant les événements sont victimes d’attaques. F. Nérac a été victime d’une telle attaque le 22 mars 2003 et nous sommes sans nouvelles de lui jusqu’ici. Nous allons d’abord définir ce qu’est une disparition et ensuite nous pencher sur les conséquences de celle-ci sur les membres de la famille.

1. Une personne dont on est sans nouvelles... “Une personne disparue est une personne dont la famille est sans nouvelle en raison d’un conflit armé”. Cette définition, partielle, du phénomène des personnes disparues nous est donnée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)48. C’est l’expression “personne disparue” qui est utilisée généralement par les différents instruments internationaux. Un rapport traitant des disparitions forcées ou involontaires (c’est-à-dire à la suite d’actes illicites ou d’excès commis par les autorités chargées de l’ordre public) propose de parler de “personnes manquantes”49 afin de distinguer nettement les deux phénomènes, mais cette expression n’a pas été retenue. Cette définition nous donne les éléments fondamentaux afin de déterminer ce qu’est une personne disparue : elle contient en effet trois éléments fondamentaux :

-

un conflit armé

46

Jean-Philippe, PETIT, Actualisation de la protection des journalistes en mission périlleuse dans les zones de conflit armé, Mémoire de DESS Droits de l'Homme et Droit Humanitaire, Université Panthéon-Assas (Paris II), Paris, 2000-2001 (voir texte : http://www.u-paris2.fr/crdh/pub/200105petit.htm )

47 Rapport d’information n°2935 de la Commission des Affaires étrangères sur le statut des journalistes et correspondants de guerre en cas de conflit, déposé le 8 mars 2006 à l’Assemblée nationale de la République française

48

“Les personnes disparues et leurs familles”, documents de référence, CICR, février 2004, page 7

49 Disparus : rapport a la commission indépendante sur les questions humanitaires internationales – 7, Paris, Berger-Levrault, 1986

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-

une famille50

-

famille qui est sans nouvelles de cette personne

Frédéric Nérac s’est rendu en Irak, en tant que journaliste en mission professionnelle périlleuse, comme nous l’avons vu lors de l’étude de ce qui est entendu par l’expression “journaliste”. Cette mission est considérée comme périlleuse, car l’Irak est le théâtre depuis mars 2003 d’un conflit armé. Suite à un affrontement entre les forces armées américaines et les forces irakiennes, au milieu de laquelle F. Nérac et ses collègues se trouvaient, ni sa famille, ni ses employeurs, ni aucune autre personne n’a plus reçu aucune nouvelles de lui. Frédéric Nérac est donc bien une personne disparue au sens du droit international humanitaire.

2. Les conséquences désastreuses d’une disparition pour la famille Les experts51, qui se sont penchés sur la problématique de la disparition, ont relevé que les membres de la famille souffraient de répercussions psychologiques longtemps après les faits. Tant que le sort de la victime n’est pas clair, il est impossible pour les proches de faire leur deuil. Pour eux, un doute subsiste toujours : le membre de la famille disparu est-il toujours vivant ? Si oui, où se trouve-t-il, dans quelles conditions vit-il ? Pourquoi ne donne-t-il pas signe de vie ? Quels sont les éléments qui l’en empêchent : des problèmes de santé (mentale ou physique) ou la détention forcée ? S’il est mort : qu’est-il advenu de sa dépouille ? Où se trouve-t-elle ? A-t-elle été traitée avec respect et dignité ? L’a-t-on enterré individuellement ? Voilà autant de questions que se posent les proches, chaque jour et ce, sans répit. Et à chaque question posée, des dizaines d’hypothèses sont imaginées. Il est donc primordial que la détresse des familles soient prises en compte par les autorités et que les Etats intéressés prennent toutes les mesures possibles afin d’atténuer les souffrances de ses personnes. Le statut de victime n’étant pas encore unanimement reconnu aux familles, c’est là un obstacle important à la prise en compte de cette détresse. Nous nous penchons donc sur ce statut de victime de la famille au § suivant.

50

Voir la définition de ce terme en Partie II – Section 1

51 voy. pour cette question Rapport ICRC/TheMissing/01.2003/FR/10

du

CICR :

“Les

personnes

disparues

et

leurs

familles”,

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§ 2. L’extension du statut de victime à la famille Selon nous, la famille devrait également pouvoir bénéficier du statut de victime lorsqu’un de ses membres a disparu. Le CICR recommande que ce statut de victime soit accordé aux familles52. Cette qualification de victime doit, selon nous, être fondée sur les besoins spécifiques53 qu’ont les membres de la famille face à une disparition. Besoins variant en fonction des circonstances et du temps. Les familles ne pourront prétendre à ces besoins qu’à condition que ce statut leur soit accordé. Cependant la jurisprudence internationale (que nous analysons ci-après) est encore quelque peu partagée sur la question d’accorder ou non ce statut aux membres de la famille qui, nous l’avons vu, vivent constamment dans le doute et l’incertitude et ne peuvent “tourner la page”. Bien que les différentes Cours aient admis le statut de victime pour les membres de la famille d’une personne disparue chaque fois qu’elles ont eu à juger d’un cas de disparition, la Cour européenne des droit de l’homme semble encore frileuse pour l’ériger en principe général. C’est sur base de l’article 754 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques55 que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies accorde le statut de victime aux membres de la famille d’un disparu56. De même, la Cour interaméricaine des droits de l’homme est arrivée à cette constatation, en particulier dans l’affaire Blake c. Guatemala57, où elle a déclaré qu’il y avait eu violation de l’article 558 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 à l’encontre de la famille de Nicholas Blake, journaliste disparu au Guatemala (après son enlèvement sur place). Il est intéressant de noter que, toujours dans cette même affaire, dans le cadre du jugement préliminaire, la Cour fait la distinction entre deux types de victimes : directs et indirects :

52

Rapport du CICR : “Les personnes disparues et leurs familles”, ICRC/TheMissing/01.2003/FR/10, page

47 53

En règle générale, les besoins identifiés sont des besoins sur le plan financier, matériel, psychologique et juridique in “Les personnes disparues et leurs familles”, documents de référence, CICR, février 2004, page 13, voir pour cette question la Partie II. 54

Qui interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants

55

Résolution 2200A (XXI) de l’Assemblée générale, New York, 23 mars 1976

56 María del Carmen Almeida de Quinteros c/ Uruguay, comm. n°107/1981, 21 juillet 1983, par. 14, A/38/40 (1983)

57

Case of Blake v. Guatemala, I/A Court H.R.,. Jugement, 24 janvier 1998, Series C No. 36

58

Droit à un traitement humain

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“the defenselessness of the victims, both direct (the “disappeared”) and indirect (their relatives)”59.

La Cour a eu à connaître d’autres affaires de disparitions, et chaque fois a conclu à la violation de l’article 5 de la Convention de la Convention précitée à l’encontre des proches de la personne disparue60. Il y a cependant un tempérament que nous nous devons d’indiquer ici. Tous les cas de jurisprudence que nous avons répertoriés, le sont dans des cas de disparitions forcées. Ce type de disparition est considéré comme une grave violation des droits de l’homme et c’est en se basant sur les faits, particulièrement douloureux qu’ont eu à subir les victimes de disparitions, que la Cour interaméricaine a étendu le statut de victime aux proches : “This Court has indicated on other occasions, that the next of kin of the victims of human rights violations may, in turn, become victims”61.

Afin de prétendre au statut de victime pour les proches d’une personne disparue suite à un conflit armé, il faudrait principalement se fonder sur l’argument de l’angoisse provoquée par l’incertitude quant au sort du disparu. Nous pouvons imaginer que cette angoisse est la même quelle que soit l’origine de la disparition. Un autre tempérament nous vient de l’analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, bien qu’elle ait admis dans les cas62 qu’elle a eu à connaître, le statut de victime aux requérants sur base de l’article 363 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Cour a cru bon, dans son arrêt Tas c. Turquie, de préciser que sa jurisprudence sur la question ne peut être érigée en principe général : “The Kurt case does not however establish any general principle that a family member of a “disappeared person” is thereby a victim of treatment contrary to Article 3” 64

Le fondement en est probablement le fait que la Cour a dégagé quelques critères spécifiques d’interprétation de l’article 3. L’un de ces critères est celui du “seuil de gravité”65 : principe selon lequel seul un mauvais traitement atteignant un certain seuil de gravité est interdit par

59

Case of Blake v. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt préliminaire du 2 juillet 1996, Série C, n° 27, § 3

60

Case of the “Street Children” v. Guatemala (Villagrán-Morales et al.), Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt du 19 novembre 1999, Série C, n° 63, § 177 61

Case of Bámaca Velásquez c. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt du 25 novembre 2000, Série C, n° 70, § 160

62

Kurt c. Turquie, arrêt du 25 mai 1998 ; Kaya c. Turquie, arrêt du 28 mars 2000

63

Qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants

64

Arrêt Tas c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 14 novembre 2000, § 79

65

Louis-Edmond, PETTITI, (dir.), La Convention européenne des droits de l’homme, commentaires article par article, Economica, Paris, 2ème édition, 1999, page 158

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l’article 3 de la Convention. En-deçà de ce seuil, il s’agirait alors de mauvais traitements qui n’entrent pas dans le champ d’application de cet article. Nous en concluons qu’il apparaît que pour la Cour européenne des droits de l’homme, le fait pour les familles de victimes de ne pas avoir de nouvelles de la personne disparue pourrait être considéré comme étant un traitement inhumain si l’Etat ne met pas tout en œuvre afin de rassurer les familles. Néanmoins cette constatation doit se faire au cas par cas, puisqu’elle ne l’érige pas en principe général. Cette question est primordiale compte tenu des ses conséquences : si on considère que les proches sont des victimes, c’est sur base de droits, comme nous le verrons plus loin, qui devraient leur être reconnus et qui auraient été bafoués. Toute la jurisprudence que nous avons analysée se rapporte aux droits de l’homme. Dans la section suivante nous analyserons les différents droits que peuvent revendiquer la famille. Nous verrons que le droit humanitaire international leur reconnaît également un droit primordial : celui de savoir.

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SECTION 2. LE CONTENU DU DROIT Il nous faut à présent nous pencher sur le contenu du droit qui serait reconnu aux familles dont un de ses membres disparaît suite à un conflit armé. Afin d’en répertorier le contenu nous nous penchons sur le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève et plus particulièrement son article 32, mais également sur plusieurs rapports du Comité international de la Croix Rouge, qui de par ses missions est en contact avec ces familles et a pu dès lors procéder à l’analyse de ces droits.

§ 1. Droit à l’information Le droit à l’information est le premier qui est reconnu aux familles d’une personne disparue ce droit est par ailleurs l’objet principal de cette étude.

1. Le droit de savoir : un droit humanitaire fondamental L’article 32 du Protocole I reconnaît aux familles de disparus un droit de savoir. Il s’agit là d’un droit subjectif inscrit et confirmé à la lecture des commentaires de cet article. Article 32 – Principe général

Dans l'application de la présente Section, l'activité des Hautes Parties contractantes, des Parties au conflit et des organisations humanitaires internationales mentionnées dans les Conventions et dans le présent Protocole est motivée au premier chef par le droit qu'ont les familles de connaître le sort de leurs membres.

Le fondement de ce droit est un principe humanitaire fondamental, à savoir : “atténuer les souffrances des familles des personnes disparues dans la guerre en dissipant l'incertitude sur leur sort, et leur donner la possibilité d'honorer leurs morts sur les lieux mêmes où reposent leurs restes, c'est là un principe humanitaire fondamental”66

L’adoption de cet article n’a pas été sans suscité de nombreuses polémiques : tous les participants à la Conférence qui a précédé l’adoption de ce texte reconnaissaient que savoir ce qui est advenu d’un proche qui a disparu est un besoin essentiel pour les familles, mais certains ne considéraient cependant pas qu’il s’agissait là d’un droit fondamental. Mais, à la lecture des commentaires, il apparaît clairement que c’est bien ce caractère de droit fondamental qui l’a emporté. Faut-il également rappeler les termes très explicites de la Résolution 3220 (XXIX) de l’Assemblée générale (sur laquelle, d’ailleurs, les auteurs de l’article se sont également fondés pour affirmer ce droit des familles) qui soutient également que ce droit est un “besoin humain fondamental”67 ?

66

Commentaires, Protocole I, page 345, § 1196

67

Résolution 3220 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’Assistance et coopération dans la recherche de personnes disparues ou décédées lors de conflit armé, New York, 6 novembre 1974, Préambule, in fine

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Nous avons argumenté plus haut en faveur du statut de victime de la famille, il convient donc de préciser que si la famille voit son droit de savoir bafoué, il convient alors de leur reconnaître, sur base de cet article 32, une violation de leur droit, et de leur accorder le statut de victime avec pour conséquence un droit de réparation.

2. Le droit de savoir : un droit non encore largement reconnu Cependant, ce droit n’est pas encore reconnu unanimement : de nombreux pays n’ont pas encore ratifié le Protocole I parmi ces lesquels les Etats-Unis (bien que signataire) et l’Irak, les deux Parties belligérantes dans le cas qui nous occupe. Nous pourrions alors, malgré cela, nous baser sur le caractère coutumier de ce droit, mais il est encore contesté par certains Etats68, il paraît donc difficile, face à ces contestations de voir une coutume internationale, d’autant qu’il y a encore peu de pratique. Une autre difficulté que rencontreront les familles revendiquant ce droit est le fait qu’il ne contient pas d’obligation de résultat (“à l’impossible nul n’est tenu” , comme l’ont si bien résumé les commentateurs du Protocole I69). Donc en cas d’impossibilité prouvée de fournir des informations, il n’y a pas de violation de ce droit.

3. Le droit de savoir ou le droit d’exiger une enquête ? Il apparaît donc que la famille n’a pas le droit de savoir à proprement parlé, mais plutôt le droit d’exiger qu’une enquête soit menée par les autorités et ce de manière conforme au droit international humanitaire.

68 “Les disparus : Action pour résoudre le problème des personnes portées disparues dans le cadre d’un conflit armé ou d’une situation de violence interne et pour venir en aide à leurs familles”, CICR, Genève, Résultats de la conférence, Genève 19-21 février 2003, TheMissing/Conf/02.2003/FR/82, page 4

69

Commentaires, Protocole I, page 349, § 1216

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§ 2. Etablir les responsabilités afin d’obtenir réparation Le Comité international de la Croix-Rouge s’est penché70 sur les besoins de la famille lorsqu’un de ses membres a disparu. A côté du besoin d’information, érigé en droit à l’article 32 du Protocole I comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, les familles ont d’autres nécessités liées à cette disparition. L’un de ses besoins touche la matière de la responsabilité des auteurs de la violation du droit international humanitaire. La responsabilité, en droit international, naît dès qu’un un Etat a commis un fait internationalement illicite – ainsi que l’énonce l’article 1er de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies A/RES/56/83 du 12 décembre 2001 sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. Afin de savoir s’il y a ou pas responsabilité de la part des Parties belligérantes, il est bien entendu nécessaire que les faits soient établis et ce via une enquête. S’il s’avère que les Parties au conflit n’ont pas respecté leur obligation de protection de la population civile en procédant à une attaque alors que des journalistes (F. Nérac et ses collègues) se trouvaient dans la zone et que les dommages pour ces personnes civiles ne sont pas proportionnés par rapport à l’avantage militaire de l’attaque, il y a alors une faute dans le chef de l’une, l’autre ou les deux Parties. Si les responsabilités sont mises à jour la famille pourra par conséquent obtenir une compensation par le biais d’indemnités, on peut donc en déduire qu’elles ont droit à une réparation71 pour le préjudice subit. La jurisprudence que nous avons étudiée précédemment a systématiquement accordé une indemnisation pécuniaire. Ainsi dans l’affaire Kurt c. Turquie, la Cour justifie le droit à une indemnisation du fait que : “(…)les autorités n’ayant pas aidé la requérante dans sa quête de la vérité72 quant à l’endroit où se trouve son fils, ce qui a amené la Cour à constater une violation des articles 3 et 13 en ce qui concerne l’intéressée, la Cour estime justifié d’octroyer à celle-ci une réparation. Elle lui accorde donc 10 000 GBP”73

La Cour note donc que l’Etat a commis une faute du fait qu’il n’a pas respecté son obligation d’enquête, de ce fait, la Cour estime donc que cette faute doit être réparée, et ce sous forme d’une indemnisation. Dans son arrêt Kaya c. Turquie le Cour précise, en octroyant une indemnité à la famille, que la seule reconnaissance ne peut suffire à réparer le préjudice

70

Rapport du CICR : “Les personnes disparues et leurs familles”, ICRC/TheMissing/01.2003/FR/10, page

91 71

Pour la question de la réparation, principe général admis en droit international public, voyez l’article de Emanuela-Chiara, GILLARD, “Reparation for violations of international humanitarian law”, in Revue internationale de la Croix Rouge, Volume 85, n°851, Septembre 2003 72

Nous soulignons

73

Kurt c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 25 mai 1998, § 175

22


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subit74. Il semble donc que le droit à réparation est intrinsèquement lié au droit pour la famille d’exiger, de la part des autorités, une enquête. Afin de répondre aux besoins des familles que nous venons d'examiner, certains mécanismes sont mis en place. L’étude de ceux-ci fait l’objet de notre deuxième partie.

74

Kaya c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 28 mars 2000, § 139

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II – LES MODALITÉS DE MISES EN ŒUVRE DU DROIT DE L’INFORMATION DES FAMILLES DE DISPARUS SECTION 1 – GÉNÉRALITÉS § 1. Les membres de la famille pouvant mettre en œuvre les droits qui leurs seraient reconnus Selon le CICR, le terme famille doit s’entendre dans son sens le plus large, incluant tous les proches : parents et amis, et tenant compte de l’environnement culturel de l’intéressé75. Cette acceptation est confirmée par les commentateurs76 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève qui nous rappellent qu’au moment de la rédaction de l’article 32 de ce Protocole (droit pour les familles de connaître le sort de leurs proches), les auteurs de cette disposition ont refusé de donner une définition de ce terme, c’est à chacune des Parties contractantes d’interpréter ce terme en ce qui la concerne et en fonction de ses réalités culturelles, sociales ou religieuses. A titre d’exemple, pour la législation communautaire, une définition des membres de la famille est donnée dans le cadre de la libre circulation des travailleurs au sein de la Communauté et du bénéfice de certains droits dont peuvent bénéficier également les membres de la famille du travailleur. Cette définition comprend le conjoint, les enfants mineurs (de moins de 21 ans) ou à charge, ainsi que les ascendants à charge. Cependant une directive du Parlement européen et du Conseil invite à inclure dans cette définition les partenaires enregistrés77, si le pays membre accepte dans sa législation la forme de partenariat. La directive invite également les Etats membres à procéder au cas par cas en ce qui concerne les personnes dont la situation ne serait pas englobée par la définition donnée celle-ci et ce aux fins de garantir l’unité de la famille. Dans le cas de F. Nérac, les membres de sa famille qui s’adressent aujourd’hui aux autorités afin d’exiger que leur droit de savoir soit respecté sont principalement son épouse et ses deux enfants Alexandre et Camille, âgés respectivement de 19 et 16 ans. Si l’on s’en tient à la définition la plus stricte donnée par la législation communautaire, il s’agit donc là bien des membres de sa famille. La famille de F. Nérac s’étend bien entendu à d’autres personnes (parents, amis proches du couple et de leurs enfants), qui les soutiennent dans toutes leurs actions, mais qui ne réclament pas un droit pour eux-mêmes mais bien au nom de son épouse et de ses deux enfants. 75

“Les personnes disparues et leurs familles”, documents de référence, CICR, février 2004, page 7

76

Commentaires, Protocole I, page 349, § 1216

77

article 2 de la Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens

de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, 29 avril 2004, J.O L 229 du 29 juin 2004, p. 35

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§ 2. L’impact d’une disparition sur les relations entre Etats compétents Nous verrons à la section suivante les différents mécanismes judiciaires ou non qui peuvent être mis en œuvre par les membres de la famille. Mais avant d’aller plus avant dans ces mécanismes, il est intéressant de se pencher sur les relations entre Etats compétents lorsqu’il y a une disparition.

A. L’Etat compétent 1. L’obligation à charge des parties belligérantes Selon le droit international humanitaire et en particulier les Conventions de Genève, les obligations de ces conventions sont contraignantes pour les Parties intéressées, c’est-à-dire les Etats belligérants78 mais aussi les Puissances protectrices. Le respect du droit international humanitaire est en effet l’affaire de tous les Etats. Il convient ici de préciser que l’objet de ce point est plus particulièrement de savoir qui est tenu de l’enquête sur les personnes disparues. La question de la protection de F. Nérac en tant que journaliste jouissant de la protection due à la population civile a déjà été explicitée supra : les Parties belligérantes se doivent de ne pas porter atteinte à la sécurité des non-combattants. La question qui nous occupe à présent est celle de savoir quel Etat, quelle Partie a une obligation d’enquête. L’article 33 du Protocole I précise que c’est la Partie adverse qui introduit les demandes concernant les personnes disparues. S’agissant du cas d’un ressortissant d’une Partie non engagée dans le conflit, les commentateurs nous précisent que les Etats non Parties au conflit ne “sont pas pris en considération dans ce contexte”79. L’article 33 ne serait dès lors pas le fondement de la demande. Mais il s’agirait là apparemment d’une lacune dans le texte. Ce type de demande dans ce cas devrait alors passer par la canal des relations diplomatiques. La France devant se tourner vers les belligérants et demander qu’une enquête soit menée. Cela dépend dans ce cas du bon vouloir des Etats en question et de la teneur de leurs relations ou des relations que ces Etats aimeraient avoir avec la France. Il n’y a pas de fondement juridique dans ce cas, il s’agirait de simple accord politique, la bonne volonté des Etats permettant que les enquêtes puissent être menées, sans que rien ne les y obligent. Notons que dans cette affaire, les Etats-Unis ont procédé à ce type d’enquête, ainsi que la Grande-Bretagne et le Danemark (bien que les forces armées de ces deux Etats ne soient pas impliquées dans l’attaque ayant précédé la disparition de F. Nérac, ils ont procédé à cette enquête

en

tant

que

Parties

belligérantes).

Quant

à

l’Irak,

bien

que

la

situation

gouvernementale ne soit pas encore stable au moment de la rédaction de cette étude, il nous a été confirmé par les autorités françaises rencontrées lors de nos recherches, que des

78

Commentaires, Protocole I, page 354, § 1231 et article 32-1, Protocole I qui précise “les Parties au conflit”

79

ibidem, page 353, § 1231

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contacts informels avaient été pris et que les Irakiens sont de bonne volonté afin d’aider la France dans la recherche de l’un de ses ressortissants, à savoir Frédéric Nérac.

2. L’obligation à charge de l’Etat de la nationalité, non partie au conflit Cependant, l’Etat de la nationalité a également une responsabilité envers ses ressortissants. Il s’agit de la protection diplomatique qu’un Etat offre à ses nationaux dont les droits seraient bafoués. L’objectif serait de contraindre l’Etat responsable de la violation des droits de l’individu de cesser ce comportement fautif. Il s’agit là d’un aspect essentiel dans les relations entre les Etats intéressés. Cette règle est reconnue de longue date et confirmée par la jurisprudence80, bien qu’elle ne semble être ni un devoir absolu ni une obligation juridique, il s’agirait plutôt d’un devoir moral. Les Etats ont des “droits et des devoirs réciproques concernant la protection des individus”81. En ce qui concerne Frédéric Nérac, l’Etat de sa nationalité, c’est-à-dire la France, a le devoir de faire pression sur les autorités – aussi bien américaines, qu’irakiennes, ou encore britanniques82, afin que ces Parties mettent tout en œuvre pour retrouver la trace du journaliste disparu. Ces dernières sont contraintes d’effectuer tout ce qui est en leur pouvoir puisqu’il s’agit d’une obligation inscrite dans le droit international humanitaire. L’Etat de la nationalité, par ces différentes actions, oblige les Parties à mettre en œuvre ce droit. Cette pression diplomatique pourra prendre diverses formes. U. Palwankar en identifie cinq83 en tout (allant de simples pressions à des protestations vigoureuses, etc.) dont l’une d’entre elles est la saisine de la Commission d’établissement des faits, tel que prévu par l’article 90 du Protocole I84. Or, cette saisine n’est possible que pour l’une des parties au conflit, et la France étant dans ce conflit un Etat “tiers” , il n’est pas possible pour elle de la saisir.

B. Le nécessaire établissement des faits et l’obligation pour les Parties au conflit de rechercher les disparus Cet établissement des faits est au centre de la préoccupation des familles, sans cela, les chances de trouver la personne disparue s’amenuisent. Etablir les faits, c’est tenter de découvrir les circonstances dans lesquelles la personne a disparu.

80 Arrêt Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) du 6 avril 1955, Cour internationale de Justice, in Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour internationale de Justice, 1955, page 4

81

Edwin M., BORCHARD, Les principes de la protection diplomatique des nationaux à l’étranger, Leyden, Bibliotheca Visseriana, Tomus Tertius, Lugdini Batavorum, 1924, page 5

82

La région où a disparu Frédéric Nérac est sous contrôle britannique depuis mars 2003

83 Umesh, PALWANKAR, “Mesures auxquelles peuvent recourir les Etats pour remplir leur obligation de faire respecter le droit international humanitaire”, in Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 805, Février 1994, page 12

84

Mais encore faut-il que les Etats aient accepté la compétence de cette Commission.

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Cet établissement des faits ne peut se faire que par la biais d’une enquête sur place. De ce fait l’article 33 du Protocole I est on ne peut plus explicite : “Chaque Partie au conflit doit rechercher les personnes dont la disparition est signalée (…)”85. A ce propos, la Résolution 2002/41 de la Commission des droits de l’homme sur la question des disparitions forcées ou involontaires encourage la communication entre l’Etat et la famille afin qu’une enquête soit menée86.

85

article 33 – 1 du Protocole I

86

Résolution 2002/41 sur la question des disparitions forcées ou involontaires de la Commission des droits de l’Homme (E/CN.4/2002/200), New York, 23 avril 2002 , point 2, a) et 5, b)

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SECTION 2. MÉCANISMES JUDICIAIRES Nous procédons à présent à la revue des différents mécanismes existant afin d’aider les proches à retrouver la trace de la personne disparue, mais nous voulons souligner que tous ces mécanismes se doivent d’interagir les uns avec les autres. Ils seront, si pas tous, mais plusieurs d’entre eux, utilisés simultanément afin de parvenir à un résultat satisfaisant. Ce n’est pas, par exemple, parce qu’on entame une action en justice que les autres mécanismes perdent leur utilité. Ils doivent coexister en harmonie et ne pas s’annuler l’un l’autre. Ces différents mécanismes qui coexistent avec les mécanismes judiciaires (Section 2) sont principalement les mécanismes gouvernementaux et humanitaires (Section 3). Lors d’un manquement aux droits, quels qu’ils soient, le premier réflexe des particuliers est d’introduire une demande devant la justice (c’est l’objet de notre § 1er) La première question qui se pose est celle de savoir auprès de quel tribunal introduire la demande : nous examinerons donc les deux hypothèses, d’abord l’introduction de la demande devant un tribunal national (1) et ensuite devant une juridiction internationale (2) et ce, que la poursuite concerne l’Etat national ou les Etats belligérants. Nous verrons ensuite s’il est réellement nécessaire ou pas d’entamer une action en justice quelle qu’elle soit (3). Enfin nous verrons les possibilités de règlements judiciaires offertes à l’Etat de la nationalité (§ 2).

§ 1. Actions ouvertes à la famille d’une personne disparue A. Devant un tribunal national E-C Gillard, nous rappelle que la jurisprudence de différents Etats, loin d’être uniforme, montre tout de même une tendance à ne pas accepter ce type de demandes sur base de plusieurs arguments : l’immunité juridique des Etats ou de leurs représentants, ou encore parce qu’un traité de paix avait été conclu qui ne permet plus ce type d’actions87. Cela limite donc l’action judiciaire que pourrait entreprendre la famille. Il est également intéressant de noter que “les crimes de droit international donnent lieu à des poursuites individuelles sur le plan pénal”88. Le droit international lie les Etats, mais au-delà de ceux-ci il lie non seulement les organes de l’Etat, mais surtout les individus qui composent ces organes. Il s’agit là d’un principe de responsabilité individuelle des personnes formant l’organe de l’Etat89. La famille Nérac pourrait être tentée d’entamer une action judiciaire en Belgique, où elle réside, ou en France, pays de la nationalité. Nous procéderons dès lors à un aperçu des 87

ibidem, page 537

88

Damien, VANDERMEERSCH, “Droit belge”, in Juridictions nationales et crimes internationaux, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, page 100

89

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 204 (§ 1.172)

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mécanismes judiciaires que le droit de chacun de ces deux Etats peuvent lui offrir si ce droit à l’information est bafoué.

1. Le droit belge Il nous faut déterminer si le juge belge pourrait être compétent pour connaître d’une telle action. La réponse sera la même que cette action soit dirigée contre l’Etat de la nationalité ou encore contre les Etats belligérants, puisqu’il s’agit dans chaque cas, pour le juge belge d’un Etat étranger. La compétence extraterritoriale des juridictions belges est une exception au principe de territorialité du droit pénal. Cette compétence extraterritoriale n’est possible que dans les cas déterminés par la loi. Ces cas sont prévus à l’article 6 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale90. Ces cas sont les suivants :

-

le principe de compétence réelle qui vient à s’appliquer lorsque les intérêts primordiaux de l’Etat sont menacés

-

le principe de personnalité active dont le critère est la nationalité belge de l’auteur de l’infraction

-

le principe de personnalité passive dont le critère est la nationalité belge de la victime, ou de résidence principale en Belgique. Ce qui est le cas de la famille Nérac. Elle pourrait donc introduire une demander sur cette base.

-

Et enfin le principe de compétence universelle mais dans certains cas uniquement expressément prévus par la loi.

Cependant la compétence du juge belge ne devrait intervenir qu’en dernier “recours”, c’est-àdire uniquement dans les cas où un autre juge ne pourrait connaître des faits. Cette compétence se heurte en effet à de nombreux obstacles : le ou les auteurs des faits ne se trouvent probablement pas sur le territoire belge, l’établissement des faits est plus difficile pour ce juge puisqu’il se trouve à des milliers de kilomètres de l’endroit où F. Nérac a été vu pour la dernière fois, l’audition des témoins, la descente sur les lieux sont également rendus plus compliqués voire impossibles. Or c’est justement cet établissement des faits qui est demandé par la famille. De plus, la Belgique a ratifié les différentes Conventions de Genève et les Protocoles additionnels à ces Conventions, elle a donc adopté une loi afin de réceptionner les règles inscrites dans ces textes dans son droit interne : il s’agit de la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire91.

90 Loi contenant le titre preliminaire du code de procedure penale, 17 avril 1878, M.B, 25 avril 1878, modifiée par la loi du 5 août 2003

91

Loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire, M.B, 23 mars 1999

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Cette loi ne permet la poursuite que des infractions graves, tels que le génocide, le crime contre l’humanité ou encore les crimes de guerre. Il nous faudrait donc savoir si le fait de ne pas informer la famille peut entrer dans ce type de qualification. On l’a vu, le droit de savoir est un droit reconnu aux familles sur base des droits de l’homme combiné à celui du droit international humanitaire. Nous avons vu également que ce droit d’information est inscrit à l’article 32 du Premier protocole additionnel aux Conventions de Genève. La question est donc de savoir si cette infraction est considérée comme grave par le droit belge. La définition de ce qu’il faut entendre par crime contre l’humanité est inscrit en son article 1er, § 2, la disposition reprend à peu près les mêmes comportements que ceux énumérés à l’article 7 du Statut de la Cour pénale internationale. § 2. Constitue un crime de droit international et est réprimé conformément aux dispositions de la présente loi, le crime contre l'humanité, tel que défini ci-après, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre. Conformément au statut de la Cour pénale internationale, le crime contre l'humanité s'entend de l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque :

1° meurtre; 2° extermination; 3° réduction en esclavage; 4° déportation ou transfert forcé de population; 5° emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international; 6° torture; 7° viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable; 8° persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent article. ";

L’un des comportements incriminés est la torture (6°). L’analyse de la jurisprudence que nous avons faite afin de déterminer si la famille pouvait être qualifiée de victime nous a montré que la plupart des juridictions internationales ont reconnu ce statut de victime en fondant leur décision sur le fait que laisser une famille dans l’angoisse pouvait être constitutif de torture. Nous avons vu également que la Cour européenne des droits de l’homme n’en a pas fait un principe général et que tous les cas de jurisprudence connus concernent les disparitions forcées92. Il nous semblerait donc hâtif de prétendre que le fait de devoir contraindre un autre Etat – et par là ses organes – à mener à bien une enquête ne soit pas de la compétence du juge belge.

2. Le droit français La famille Nérac pourrait également tout naturellement se tourner vers les autorités judiciaires françaises.

92

Voir Partie I

30


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S’il s’agit d’intenter une action contre l’Etat français lui-même, il s’agit alors d’un recours ouvert à la famille sur base du droit interne, il ne s’agit pas d’un contentieux international. La famille pouvant se plaindre d’une carence de la part de l’Etat qui ne respecte pas ses obligations envers ses nationaux. Un autre recours envisageable serait celui à l’encontre des Parties belligérantes pour non respect des obligations des Conventions de Genève et des Protocoles additionnels. La France ne permet la poursuite d’infractions commises en-dehors de son territoire que pour réprimer les crimes les plus graves. La question qui se pose est donc la même que celle que nous avons posée lors de l’étude du droit belge : peut-on considérer que le fait de ne pas mener une enquête est une infraction assez grave pour entrer dans les conditions très restrictives qui permettraient à un juge français de connaître de l’affaire ? Cinq catégories d’infractions peuvent être poursuivies et sont définies par le Code pénal français93 : il s’agit du génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, de la torture et du terrorisme. Si nous continuons notre raisonnement selon lequel le fait de ne pas informer les membres de la famille d’une personne disparue sur son sort est constitutif de torture, la compétence du juge français serait alors possible. La torture n’est pas définie en droit interne français, il faut donc se tourner vers la définition donnée en droit international94, à savoir l’article 1er de la Convention des Nations Unies (“tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne”).

B. Devant un tribunal international Si la famille introduit un recours sur base d’une violation par l’Etat de la nationalité, à savoir la France, ce recours serait envisageable auprès de la Cour européenne des droits de l’homme sur base, par exemple, de l’article 3 de la Convention comme nous l’avons vu dans les arrêts Kurt, Kaya ou Tas dans notre première partie. Par contre, si le recours est tourné contre les Parties belligérantes, et ce sans l’aide de l’Etat de nationalité, la question est de déceler la juridiction internationale qui sera compétente. Il n’existe

pas

en

droit

international

de

juge

obligatoire,

ce

qui

pose

une

difficulté

supplémentaire pour la famille d’obtenir gain de cause. La Cour européenne des droits de l’homme est compétente en ce qui concerne les infractions commises par les Etats signataires de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme à l’encontre de leurs ressortissants. Il n’est donc pas possible de poursuivre tous les Etats devant cette cour.

93

Articles 211-1 à 213-5 du Code pénal, en vigueur depuis le 1er mars 1994

94

Mikaël, BENILLOUCHE, “Droit français”, in Juridictions nationales et crimes internationaux, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, page 161

31


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C. De la nécessité ou pas d’introduire une action judiciaire Avant d’entamer une action en justice, il est primordial de réaliser que les objectifs de ce type d’action peuvent diverger des objectifs des proches d’une personne disparue. Ces derniers veulent savoir ce qui s’est passé, là où l’action en justice cherche à poursuivre les coupables95. Parfois un certain secret entourera l’enquête menée pour y parvenir, ce qui ne satisfera pas les proches en quête d’informations. Il est important que les familles soient correctement informées des conséquences d’une action judiciaire avant de décider de l’entamer ou pas. Fort heureusement, d’autres mécanismes leurs sont offerts. Notons également que dans le cas où la famille décide d’entamer une telle action, nous ne saurions que trop conseiller de se tourner en priorité vers une juridiction internationale. S’il est fait le choix d’une juridiction nationale, le premier réflexe est d’introduire la demande auprès des juridictions de l’Etat dont la responsabilité est engagée.

§ 2. Actions pouvant être menées par l’Etat de la nationalité Nous avons ici un obstacle commun aux actions menées par les particuliers : les Etats sont souverains et il n’existe donc pas de juge obligatoire afin de régler leurs éventuels différends. La Cour internationale de Justice pourrait être compétente, mais uniquement sous certaines conditions : que les Etats en conflit soient liés au Statut de la Cour96 et qu’ils aient accepté la compétence de celle-ci. Les sources sur lesquelles pourrait se baser la Cour peuvent également être a priori à la base d’une difficulté dans l’affaire Nérac. On pourrait imaginer que la France décide de poursuivre les Etats-Unis et/ou l’Irak en raison du fait que ces Etats ne collaboreraient pas à l’établissement des faits entourant la disparition du journaliste et donc ne respecteraient pas l’article 32 du Protocole I. Or ces deux Etats n’ont pas ratifié ce texte. Cela pourrait donc poser problème si le caractère coutumier de ce droit n’est pas établi. Les mécanismes judiciaires ne sont donc pas la solution idéale afin que le droit de savoir des familles soit respecté. Que l’action soit menée par la famille ou par l’Etat national, il n’est guère évident de mener à bien ce type d’actions. Il faut également noter que cette action serait envisagée alors qu’on ne sait pas encore ce qui est advenu de Frédéric Nérac et que les responsabilités dans cette affaire ne sont donc pas encore connues. Une fois ces informations récoltées, il paraît plausible que de nouvelles actions devraient alors être menées par la famille afin de poursuivre les éventuels responsables de l’attaque dont le fondement serait cette fois l’interdiction des attaques contre les civils.

95 Vasuki, NESIAH, “Overcoming tensions between family and judicial procedures”, in Revue internationale de la Croix Rouge, Volume 84, n°848, Décembre 2002, page 824 et suivantes

96

Article 93 du Statut de la Cour internationale de Justice

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SECTION 3. MÉCANISMES NON-JUDICIAIRES A côté des mécanismes judiciaires dont on a vu la difficulté de mise en œuvre, il existe plusieurs mécanismes non-judiciaires : les mécanismes gouvernementaux (§ 1) et d’autres mécanismes regroupant les mécanismes humanitaires offerts par le Comité international de la Croix Rouge, mais aussi des mécanismes “divers” tels que les services offerts par les comités de soutien (§ 2).

§ 1. Les mécanismes gouvernementaux Par le biais de la diplomatie, l’Etat national, dans le cadre d’une recherche d’une personne disparue non ressortissante d’une des Parties au conflit, pourrait introduire la demande aux Parties belligérantes97. Nous avons vu que c’était lié à la protection diplomatique que se devait d’offrir un Etat à ses ressortissants. Il s’agit là d’un mécanisme par lequel l’Etat va réclamer la réparation du dommage qu’il a subi lui-même du fait du dommage subi par l’un de ses ressortissants. Plusieurs conditions doivent être réunies98 : -

Le ressortissant doit avoir la nationalité de l’État qui invoque son intérêt.

-

Lorsque le ressortissant dispose de plusieurs nationalités, seul l’État de la nationalité dominante, c'est-à-dire celle de l’État avec lequel le ressortissant a le plus de liens, pourra agir. Cette question de nationalité dominante est une question de fait. La Commission pour le droit international prône cependant que la protection soit accordée par chaque État dont l’individu a la nationalité. Si l’individu a la nationalité de l’État auteur du fait illicite et celle d’un autre État, cet autre État est en droit d’agir s’il s’agit de la nationalité dominante.

-

La violation d’une règle du droit international.

-

L’individu doit avoir épuisé les voies de recours internes (disponibles et effectives) devant les juridictions de l’État responsable (il s’agit là d’une condition procédurale; l’Etat peut se dispenser de cette condition, le droit à réparation existant dès la commission d’un fait illicite).

Si ces conditions sont réunies, l’État agit en son nom et pour son compte propres (pour la réparation de son propre préjudice). La réparation du dommage sera toutefois mesurée selon celui de l’individu. L’État peut donc agir à sa discrétion. Il peut, mais ne doit pas, indemniser son ressortissant s’il obtient gain de cause, à moins qu’une disposition de droit interne ne règle la question au profit de ce dernier.

97

Commentaires, Protocole I, page 354, § 1231

98

Joe, VERHOEVEN, Précis de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2005, page 634

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Un arrêt de la Cour internationale de Justice consacre très tôt dans sa jurisprudence ce principe : il s’agit de l’arrêt Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) du 6 avril 195599. L’Etat joue également un rôle si une décision en faveur de la famille a été rendue par une Cour sur base des droits de l’homme et que l’Etat100 qui a été condamné ne respecte pas la décision rendue, l’Etat national peut alors faire pression afin d’obliger l’Etat condamné à s’exécuter. Mais les modalités de mise en œuvre passent presque toutes par l’Etat : ce droit est dès lors concrètement peu garanti,

il arrive en effet que la raison des Etats ne soit pas celle des

individus et il y a alors peu de chance que ce mécanisme fonctionne. Dans ce cas, il faut agir via les organisations humanitaires qui existent.

§ 2. Autres mécanismes Ces autres mécanismes regroupent un large panel d’initiatives, allant du rôle des comités de soutien aux familles, en passant par les pressions exercées sur les politiques ou encore les annonces faites via les médias, mais également les mécanismes humanitaires, tels ceux proposés par des organisations (inter)nationales non gouvernementales. On peut citer, à titre d’illustration, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge.

A. Les mécanismes humanitaires La Croix-Rouge a un programme de recherche de personnes et contribue à l’avancement de la législation en la matière en organisant des conférences internationales lesquelles réunissent des experts internationaux élaborant des recommandations pour prévenir les disparitions, mais également pour que les familles soient reconnues comme des victimes, par exemple. A côté de ce rôle de promotion du droit international humanitaire, le CICR peut intervenir dans tout ce qui touche à la protection des droits établis par les Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels. La fonction du CICR est dans le cadre de ces textes “quasi judiciaire”101. Il semblerait que le CICR a dès lors la possibilité de constater en droit et en fait des éventuelles violations du droit international humanitaire par les Parties au conflit. Il s’agit là sans aucun doute d’une aide précieuse pour les familles. Le CICR a d’ailleurs un service spécifique de recherches des personnes disparues102, ce service est en contact avec la famille Nérac dans le cadre de cette affaire afin de tenter de récolter des informations sur le terrain.

99

Arrêt Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) du 6 avril 1955, Cour internationale de Justice, in Recueil

des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour internationale de Justice, 1955. 100

A condition que l’Etat condamné ne soit pas l’Etat dont le requérant a la nationalité

101

Eric, DAVID, Précis de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002 (3ème édition), page 527 (§ 3.31)

102

http://www.familylinks.icrc.org/

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B. Mécanismes divers Lors des conférences organisées par la CICR, le rôle important des comités de soutien a été mis en évidence pour le soutien moral et psychologique qu’ils apportent aux familles. De plus, les membres de la famille qui participent activement au sein de ces comités se situent dans une logique proactive. Ils deviennent acteurs de leur histoire. Ces comités de soutien ont également un rôle à jouer en tant que groupe de pression auprès des politiques. Rôle qui n’est pas inutile afin que les autorités n’oublient pas le dossier et continuent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour retrouver la personne disparue. La particularité – et l’avantage – de ce type de mécanismes est qu’ils sont informels et flexibles103 et peuvent donc être remaniés avec le temps en fonction des besoins des familles. La famille Nérac n’échappe pas à la règle et bénéficie de l’aide d’un comité de soutien très actif et dynamique. Plusieurs actions ont été menées grâce à la bonne volonté de ses membres comme par exemple un site Web reprenant les différentes informations concernant cette disparition104, des communiqués de presse, des contacts réguliers avec les chefs d’Etats et de gouvernements afin de faire avancer le dossier.

103

Vasuki, NESIAH, “Overcoming tensions between family and judicial procedures”, in Revue internationale de la Croix Rouge, Volume 84, n°848, Décembre 2002, page 828

104

http://www.fred-nerac.info/

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CONCLUSION Après cette étude sur le droit de savoir des familles de disparus, nous avons réalisé que ce droit n’était pas encore reconnu par tous les Etats et que ceux-ci ne le considère pas comme un droit coutumier, alors que, par ailleurs, d’autres Etats acceptent l’idée qu’il s’agit là d’un droit humanitaire fondamental. Mais, il nous semble incorrect de parler de droit de savoir. En réalité, nous l’avons vu, la famille a le droit que tout soit mis en œuvre afin qu’elle obtienne des informations, sachant que dans certains cas (trop nombreux) les circonstances ne permettent pas de réellement savoir ce qu’il s’est passé et ce qu’il est advenu de la personne portée disparue. Nous en concluons que la famille possède un droit d’exiger qu’une enquête sérieuse soit menée. La jurisprudence que nous avons étudiée ne dit pas autre chose lorsqu’elle condamne un Etat qui s’est comporté de façon trop négligente face à la demande d’enquête de la famille. L’un des principaux problèmes auxquels font face les familles est le discours des autorités qui leur fait comprendre que leur cas n’est pas prioritaire, et qu’elles doivent donner priorité aux vivants. Ce type de phrase est inadmissible et ne prend pas en compte la douleur des familles qui, selon nous, doivent être considérées comme des victimes. Dans ce cas, les autorités, en acceptant d’entreprendre les recherches, le font, non pour la personne disparue, mais pour la famille, vivante et bien présente afin de revendiquer leurs droits. Force est pourtant de constater qu’il n’y a pas de jurisprudence sur cette question, mais bien sur la problématique des disparitions forcées. De plus, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, bien qu’ayant accordé systématiquement le statut de victime aux familles de disparus dans tous les cas qu’elle a eu à connaître, a jugé bon de préciser qu’il ne s’agit pas là d’un principe général, cela est probablement du au doute dans le texte même de la Convention. L’autre problème que pose ce type de discours est le fait qu’il démontre que, pour les autorités, la personne disparue est décédée. Cela est également inacceptable pour les proches qui gardent toujours l’espoir de retrouver le disparu. Et même si les membres de la famille acceptent cette idée de décès, cela reste inacceptable pour eux, car on ne leur permet pas d’inhumer le défunt dans un endroit choisi par eux et selon leurs rites ; pratique essentielle afin de faire le deuil. De plus, cela pose également de nombreux problèmes juridiques liés au statut de l’absence, qui est une présomption de décès, afin que les familles puissent se passer juridiquement de l’absent. Un autre élément qui doit jouer en faveur du droit de savoir est le problème des éventuelles responsabilités de l’une et/ou l’autre Partie au conflit. Ne pas enquêter, ou enquêter de manière partiale ou partielle, c’est refuser d’admettre qu’il y a probablement

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eu infraction aux Conventions de Genève et aux Protocoles additionnels. Et c’est laisser cette infraction – et ses auteurs – impunis. Or, on l’a vu : la population civile, dont les journalistes font partie, sont protégés par ces textes. Nous sommes conscients qu’une guerre est meurtrière. Nous sommes conscients que, pour un journaliste, dont le métier exige qu’il se rende en zone de conflit armé, les risques sont importants. Mais, nous sommes conscients également que des textes existent afin de réduire, comme on l’a étudié, les effets de la guerre sur la population civile. Nous sommes aussi conscients des chiffres : le nombre de journalistes victimes de la guerre en Irak, depuis mars 2003 est inquiétant. Il nous semble donc que si ces chiffres ne cessent d’augmenter c’est que les forces armées sur place ne considèrent probablement pas que les instruments de droit international humanitaire en vigueur sont leur priorité. Il nous semble dès lors impératif que les faits à l’origine des disparitions et des décès soient mis à jour. C’est, selon nous, du ressort de la responsabilité des Etats, même – et peut-être surtout – s’ils ne sont pas parties au conflit.

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http://www.cceia.org/viewMedia.php/prmID/95)

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LILLICH, Richard B., “Forcible Protection if Nationals Abroad : The Liberian “Incident” of 1990”, in German Yearbook of International Law, Volume 35, 1992, page 205-223 NABULSI, Karma, “Evolving Conceptions of Civilians and Belligerents: One Hundred Years after the Hague Peace Conferences” in Civilians in War, Simon Chesterman, ed., Boulder: Lynne Rienner, 2001, page 9-24. NESIAH, Vasuki, “Overcoming tensions between family and judicial procedures” in Revue internationale de la Croix Rouge, Genève, Volume 84, n°848, Décembre 2002, page 823844 PALWANKAR, Umesh, “Mesures auxquelles peuvent recourir les Etats pour remplir leur obligation de faire respecter le droit international humanitaire”, in Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 805, Février 1994, p.11-27 SAND-TRIGO, Ariane, “Le rôle du CICR dans la mise en œuvre du droit international humanitaire”, in Etudes internationales, Québec, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, Volume XXIII, n°4, 1992, page 745-772 SANDOZ, Yves, Swinaeski, Christoph, Zimmerman, Bruno, Commentaires des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, CICR, Genève, Martinus Nijhoff Publishers, 1986 SPEZIALI, Laure, “Les Droits de l’homme à l’ONU : vifs débats sur les disparus”, in Faim et développement, Comité catholique contre la faim et pour le développement, Paris, dossiers 81-4, avril 1981, page 15-16. TURPIN, Dominique, “Protection de la population civile contre les effets des hostilités”, in Etudes internationales, Québec, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, Volume XXIII, n°4, 1992, pages 797-818 VANDERMEERSCH, Damien, “Droit belge”, in Juridictions nationales et crimes internationaux, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, page 69 à 119

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Comité international de la Croix-Rouge (CICR) “Les disparus : Action pour résoudre le problème des personnes portées disparues dans le cadre d’un conflit armé ou d’une situation de violence interne et pour venir en aide à leurs familles”, CICR, Genève, Résultats de la conférence, Genève 19-21 février 2003, TheMissing/Conf/02.2003/FR/82 Rapport

du

CICR :

“Les

personnes

disparues

et

leurs

familles”,

ICRC/TheMissing/01.2003/FR/10 “Les personnes disparues et leurs familles”, documents de référence, CICR, février 2004

Organisation des Nations Unies (ONU) Rapport E/CN.4/2002/71 du 8 janvier 2002, “Droits civils et politiques, notamment la question des disparitions et exécutions sommaires”, Commission des Droits de l’homme, 58ème session Zegveld, Liesbeth, “Remedies for victims of violations of international humanitarian law”, in Revue internationale de la Croix-Rouge, volume 85, n° 851, Septembre 2003, page 497-527

Divers Disparus : rapport a la commission indépendante sur les questions humanitaires internationales – 7, Paris, Berger-Levrault, 1986, Préface de Simone VEIL, 107 pages Rapport d’information n°2935 de la Commission des Affaires étrangères sur le statut des journalistes et correspondants de guerre en cas de conflit, déposé le 8 mars 2006 à l’Assemblée parlementaire de la République française

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JURISPRUDENCE Cour internationale de Justice Arrêt Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) du 6 avril 1955, Cour internationale de Justice, in Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour internationale de Justice, 1955, page 4 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J., Recueil, 1996, p. 257

Comité des droits de l’homme des Nations Unies Quinteros Almeida v. Uruguay, Communication No. 107/1981, 17 septembre 1981, U.N. Doc. Supp. No. 40 (A/38/40) at 216 (1983)

Cour interaméricaine des droits de l’homme Case of Blake v. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt préliminaire du 2 juillet 1996, Série C, n° 27 Case of Blake v. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt du 24 janvier 1998, Séries C No. 36 Case of the “Street Children” v. Guatemala (Villagrán-Morales et al.), Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt du 19 novembre 1999, Série C, n° 63 Case of Bámaca Velásquez c. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Arrêt du 25 novembre 2000, Série C, n° 70

Cour européenne des droits de l’homme Kurt c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 25 mai 1998 Kaya c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 28 mars 2000 Tas c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 14 novembre 2000

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Le Procureur c. Zoran Kupreskic et consorts, IT-95-16-A, Chambre de première instance II du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Jugement, 14 janvier 2000 Le Procureur c. Tadic, Affaire n° IT-94-1-AR72, Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie, Jugement de la Chambre de première instance II, 7 mai 1997 Le Procureur c. Milan Martic, Affaire n° IT-95-11-R61, Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, 8 mars 1996

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LÉGISLATION “Droit de La Haye” Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 29 juillet 1899 Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907

“Droit de Genève” Convention pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne, Genève, 6 juillet 1906 Convention (I) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, Genève, 12 août 1949 Convention (II) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades et des naufragés des forces armées sur mer, Genève, 12 août 1949 Convention (III) relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 12 août 1949 Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Protocole I), Genève, 8 juin 1977 Second Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Protocole II), Genève, 8 juin 1977

Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Résolution VIII sur la Protection de la population civile dans les conflits armés, XXVème Conférence internationale de la Croix-Rouge, Genève, 23 au 31 octobre 1986

Organisation des Nations Unies (ONU) Résolution 3220 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’Assistance et coopération dans la recherche de personnes disparues ou décédées lors de conflit armé, New York, 6 novembre 1974 Résolution 2200A (XXI) de l’Assemblée générale adoptant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, 23 mars 1976

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Résolution A/RES/47/133 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la protection des toutes les personnes contre les disparitions forcées, New York, 12 février 1993 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies A/RES/56/83 du 12 décembre 2001 sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite Déclaration S/PRST/2002/6 du Président du Conseil de sécurité, New York, 15 mars 2002 Résolution 2002/41 sur la question des disparitions forcées ou involontaires de la Commission des droits de l’Homme (E/CN.4/2002/200), New York, 23 avril 2002 Résolution 2002/60 de la Commission des droits de l'homme sur Personnes disparues, New York, 25 avril 2002 Résolution A/RES/57/2007 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les personnes disparues, New York, 14 février 2003 Projet de Convention des Nations Unies sur la protection des journalistes en mission périlleuse dans des zones de conflit armé, 1er août 1975, document ONU A/10147, Annexe I

Autres Déclaration à l'effet d'interdire l'usage de certains projectiles en temps de guerre. Saint Petersbourg, 11 décembre 1868 Convention américaine relative aux droits de l'homme , adopté à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme, San José, 22 novembre 1969 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, 29 avril 2004, J.O L 229 du 29 juin 2004, p. 35

Droit belge Loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel, M.B., 14 janvier 1964 Loi du 10 février 1999 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire, M.B, 23 mars 1999

Loi contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale, 17 avril 1878, M.B, 25 avril 1878, modifiée par la loi du 5 août 2003

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TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ........................................................4 Les faits .......................................................................................... 4 Les questions .................................................................................. 4

I – L’EMERGENCE D’UN DROIT A L’INFORMATION DES FAMILLES DE DISPARUS EN CONFLITS ARMES...............6 SECTION 1 – LES FONDEMENTS .................................... 6 § 1. EVITER LES DISPARITIONS : PROTECTION DE LA POPULATION CIVILE......... 6 A. La protection générale ..................................................................... 6 1. Tout non-combattant est une personne civile ................................... 7 2. Les dispositions existant en la matière ............................................ 7 3. Une protection de la population civile qui connaît quelques exceptions 9 4. La protection de la population civile doit être assurée par la Partie adverse ........................................................................................ 10 B. La protection des journalistes ......................................................... 11 1. Une notion large du journaliste .................................................... 11 2. Les particularités du métier et ses conséquences dangereuses ......... 13 3. Le journaliste est une personne civile............................................ 13 4. Une protection spéciale du journaliste ? ........................................ 14 C. L’échec de l’Etat chargé de la protection : la disparition ..................... 15 1. Une personne dont on est sans nouvelles... .................................. 15 2. Les conséquences désastreuses d’une disparition pour la famille ...... 16

§ 2. L’EXTENSION DU STATUT DE VICTIME À LA FAMILLE ........................... 17

SECTION 2. LE CONTENU DU DROIT ............................. 20 § 1. DROIT À L’INFORMATION........................................................... 20 1. Le droit de savoir : un droit humanitaire fondamental ..................... 20 2. Le droit de savoir : un droit non encore largement reconnu ............. 21 3. Le droit de savoir ou le droit d’exiger une enquête ? ....................... 21

§ 2. ETABLIR LES RESPONSABILITÉS AFIN D’OBTENIR RÉPARATION ............... 22

II – LES MODALITES DE MISES EN ŒUVRE DU DROIT DE L’INFORMATION DES FAMILLES DE DISPARUS ............. 24 SECTION 1 – GENERALITES ...................................... 24 § 1. LES MEMBRES DE LA FAMILLE POUVANT METTRE EN ŒUVRE LES DROITS QUI LEURS SERAIENT RECONNUS ............................................................. 24 § 2. L’IMPACT D’UNE DISPARITION SUR LES RELATIONS ENTRE ETATS COMPÉTENTS ............................................................................... 25 A. L’Etat compétent........................................................................... 25 1. L’obligation à charge des parties belligérantes................................ 25 2. L’obligation à charge de l’Etat de la nationalité, non partie au conflit. 26 B. Le nécessaire établissement des faits et l’obligation pour les Parties au conflit de rechercher les disparus ........................................................ 26

SECTION 2. MECANISMES JUDICIAIRES ........................ 28

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§ 1. ACTIONS OUVERTES A LA FAMILLE D’UNE PERSONNE DISPARUE.............. 28 A. Devant un tribunal national ............................................................ 28 1. Le droit belge............................................................................. 29 2. Le droit français ......................................................................... 30 B. Devant un tribunal international...................................................... 31 C. De la nécessité ou pas d’introduire une action judiciaire..................... 32

§ 2. ACTIONS POUVANT ETRE MENEES PAR L’ETAT DE LA NATIONALITE .......... 32 SECTION 3. MECANISMES NON-JUDICIAIRES ................. 33 § 1. LES MECANISMES GOUVERNEMENTAUX .......................................... 33 § 2. AUTRES MECANISMES .............................................................. 34 A. Les mécanismes humanitaires ........................................................ 34 B. Mécanismes divers ........................................................................ 35

CONCLUSION ......................................................... 36 BIBLIOGRAPHIE ...................................................... 38 DOCTRINE ............................................................ 38 OUVRAGES ................................................................................. 38 ARTICLES ................................................................................... 39 COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE (CICR) ............................. 41 ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU)......................................... 41 DIVERS...................................................................................... 41 JURISPRUDENCE..................................................... 42 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE .................................................... 42 COMITE DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES............................. 42 COUR INTERAMERICAINE DES DROITS DE L’HOMME .................................. 42 COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME ........................................ 42 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE........................ 42 LEGISLATION ........................................................ 43 “DROIT DE LA HAYE” ..................................................................... “DROIT DE GENEVE”...................................................................... COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE (CICR) ............................. ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU)......................................... AUTRES ..................................................................................... DROIT BELGE...............................................................................

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TABLE DES MATIERES.............................................. 45

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