Paru dans Yolaine ESCANDE et Jean-Marie SCHAEFFER (dir.) L'esthétique : Europe, Chine et ailleurs. Paris, You-Feng, 2003, p. 71-84.
La cité naturelle De l'ermitage paysager en Chine médiévale à l'e-urbanization post-fordienne par Augustin BERQUE EHESS/CNRS, Paris berque@ehess.fr
Qui me donnera les ailes de la colombe, que je m'envole et me pose ? Voici, je m'enfuirais au loin, et demeurerais au désert. Psaumes, 55, 7-8.
1. Le retour à la Source aux Fleurs de Pêcher Le sinogramme jiao, qui signifie « banlieue » 1, possède un intéressant pedigree. S'il recouvre aujourd'hui des phénomènes que l'on peut trouver sur les bords de la mer de Chine comme en Seine-Saint-Denis, telles les barres en séries industrielles, son acception première2 semble avoir été celle d'un sacrifice en l'honneur du Ciel et de la Terre, que le Fils du Ciel accomplissait aux deux solstices hors les murs de la ville ; de là, sous les Zhou (XI e-IIIe siècle a.C.), ce lieu lui-même 3. À l'époque des Printemps et Automnes (770-443 a.C.), Jiao, comme toponyme, était devenu en particulier le nom d'une capitale de principauté (yi), celle de Jin4 ; mais au sens général, le terme désignait alors une zone périurbaine, dite « proche » (jinjiao) en deçà de 50 li, et « lointaine » (yuanjiao) entre 50 et 100 li5. De là jiaowai, « à l'extérieur (wai) du jiao », qui est aujourd'hui plus employé que le seul jiao dans le même sens de « banlieue », mais
La définition du Xinhua zidian (Pékin, Shangwu Yinshuguan, 1962) est la suivante : « hors les murs » (chengwai) ; et celle du Xiandai hanyu cidian (Pékin, Shangwu Yinshuguan, 1979): « district périurbain » (chengshi zhouwei de diqu). 2 Je m'appuie ici sur les dictionnaires de sinogrammes Dai Jigen (Tokyo, Kadokawa Shoten, 1992) et Kanjigen (Tokyo, Gakushû Kenkyûsha, 1994). 3 Le Grand Ricci (I, 713) précise : « Terrasses où l'on sacrifiait au Ciel (dans le faubourg sud, au solstice d'hiver) et à la Terre (dans le faubourg nord, au solstice d'été) ». 4 Jiao (aujourd'hui Yuncheng) se trouvait dans le sud-ouest de l'actuel Shanxi. 5 Sous les Zhou, un li mesurait environ 450 m. 1