Institut dâart contemporain (IAC) de Villeurbanne Cycle de recherches Vers un monde cosmomorphe, station 12 Pratiques cosmomorphes et milieux asiatiques ConfĂ©rence du 3 novembre 2017
Renouer avec la Terre
Cosmologie de lâagriculture naturelle selon Fukuoka par Augustin Berque berque@ehess.fr
1. Le propos gĂ©nĂ©ral Rappelons dâabord la perspective gĂ©nĂ©rale dans laquelle se place cette confĂ©rence. Lâinvitation de Nathalie Ergino, Directrice de lâIAC, dans un courriel du 12 juillet 2017, dĂ©finissait la journĂ©e dâĂ©tudes Station 12 â Pratiques cosmomophes comme « rassembl[ant] chercheurs et artistes autour dâune multiplicitĂ© de pratiques tendant Ă rendre manifestes les liens de coexistence entre le vivant et son milieu. Faisant suite aux recherches transdisciplinaires amorcĂ©es depuis fin 2016, cette Station se fonde sur lâĂ©mergence dâalternatives aux perspectives modernistes occidentales. Sous le prisme de la pensĂ©e asiatique, elle propose de réévaluer notre conception de lâenvironnement non plus comme objet sĂ©parĂ© de notre pensĂ©e mais selon une imprĂ©gnation mutuelle avec ceux qui lâhabitent ». Dans un courriel prĂ©cĂ©dent (7 octobre 2016), Mme Ergino mâinformait que, plus gĂ©nĂ©ralement, ces « stations » visent à « se sĂ©parer dâune vision anthropocentrique du monde pour apprĂ©hender la notion dâun univers organiquement reliĂ©, un monde non plus anthropomorphe mais âcosmomorpheâ, oĂč lâhomme prend acte de sa place relative dans la chaĂźne du vivant. Les notions de coexistence dynamique, dâintuition et de recherche collective sont au cĆur des prĂ©occupations de cette nouvelle station. De la perception Ă la fusion, de lâimmersion Ă lâosmose⊠Aujourdâhui, il nous semble plus que jamais nĂ©cessaire de renouveler et de partager une multiplicitĂ© dâapproches. » VoilĂ un objectif qui, clairement, rencontre celui de le mĂ©sologie que je professe en tant que telle depuis mon premier essai sur le milieu japonais, Le Sauvage et lâartifice (1986)1. Câest en effet dans ce livre que jâai mis en avant les deux concepts centraux de ce que jâentends par ce terme de « mĂ©sologie » : la mĂ©diance et la trajection, dont justement Mme Ergino mâa demandĂ© de vous parler aujourdâhui. Par la suite, la thĂ©orie sâest Ă©toffĂ©e, dâautres concepts en sont dĂ©rivĂ©s, nĂ©cessitant en fin de compte que je rĂ©dige un Glossaire de la mĂ©sologie dans la perspective du colloque sur la mĂ©sologie qui a eu lieu lâĂ©tĂ© dernier Ă Cerisy-la-Salle 2 . Ce glossaire est consultable sur le site <http://mesologiques.fr>. Câest un vocabulaire technique, au premier abord un peu jargonnesque, mais dont lâessentiel tourne autour des trois mots milieu, mĂ©diance, et trajection. Toutefois, ce nâest pas dâun commentaire de ces concepts que je partirai aujourdâhui, mais plutĂŽt de lâintitulĂ© de votre journĂ©e dâĂ©tudes : « pratiques cosmomophes ». Il sâagit bien dâabord de pratique, et de la pratique entre toutes, celle qui est la plus indispensable Ă notre existence matĂ©rielle : lâagriculture, qui nous fournit la plus grande part de notre subsistance. Et pour cela, je vous parlerai pour commencer 1 Augustin BERQUE, Le Sauvage et lâartifice. Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986. 2 « La
mĂ©sologie, un autre paradigme pour lâanthropocĂšne ? (autour dâAugustin Berque) » (30 aoĂ»t-6 septembre 2017), actes Ă paraĂźtre sous la direction de Marie Augendre, Jean-Pierre Llored et Yann Nussaume, Ă©ditions Hermann.