Projet de thèse « La réciproque ~ L’interaction entre la nature et la société ~ le cas des canaux d’irrigation dans la région Chi Shang à Taïwan» Objectif Le terme « la réciproque » (hu xiang 互相1) signifie une relation réciproque. Nous nous intéresserons à la représentation des canaux pour mieux comprendre ces interactions entre nature, espace et société. Dans la composition du caractère chinois, le sinogramme « jun 圳2 » qui signifie canal d’irrigation est composé de deux sinogrammes : la terre et la rivière. Deux éléments naturels, ressources essentielles de subsistance associés par l’homme. C’est ainsi que les travaux hydrauliques sont une création paysagère dans laquelle l’homme transforme les ressources naturelles dont il dispose : la terre irriguée par l’eau devient un champ. Un canal d’irrigation est une voie servant à amener de l’eau dans une culture. Ces voies autour des rizières inondées et des équipements hydrauliques sont installées dans un milieu qui reflète des actions réciproques entre l’homme et la nature. Le paysage hydraulique est un type de représentation que la société humaine perçoit, qu’elle symbolise et qu’elle aménage avec l’environnement.
Contexte ~ par l’entrée de la géographie et du développement des canaux À Taïwan, le développement des rizières entre l’est et l’ouest de l’île fut très inégal du fait du relief montagneux. La mise en valeur des terres à l’est s’est faite beaucoup plus tardivement qu’à l’ouest à cause des contraintes naturelles. Sa localisation isolée et sa topographie en sont les raisons principales3. La plaine de Chi Shang 池上4 est située au milieu de la vallée longitudinale, son accès et son cadre naturel sont encore plus difficiles que ceux des autres régions du nord ou du sud : Elle fait partie de la région frontalière, elle est éloignée de la partie ouest et du centre industriel et économique de l’île. Son cadre naturel 1
Dans le dictionnaire chinois, « 互 » signifie entre les deux ; « 相 » signifie les gestes de l’un à l’autre. Selon le dictionnaire chinois, « 圳 » est l’origine de la langue minnan, qui signifie la voie pour l’emploi de l’irrigation. 3 Chen Zheng-Xiang, 陳正祥, « La possibilité de la culture et de l’immigrant à la vallée longitudinale de l’est », 1954, p.125 4 Le nom de la région Chih Shang était à l’origine : Xin Kai Yuan 新開園. En 1910, l’Etat Japonais a nommé le village Chi Shang ~ en remplacement du nom original Xin Kai Yuan ~ le nom japonais signifiant : « habitant flottant sur l’étang ». 2
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est préservé, la qualité de ses ressources est meilleure, mais sa topographie constitue un obstacle pour son développement économique. Ainsi le développement de l’agriculture se fait sous certaines conditions. En parcourant l’histoire de la région de Chi Shang, c’est la construction du canal Xin Kai Yuan 新開園5, un des deux plus grands canaux de la vallée Hwa Tung depuis l’ère Qing, qui a permis un grand développement des rizières. Nous remarquons que depuis l’époque de la colonisation japonaise nous avons obtenus la meilleure qualité de riz jamais produite dans cette région. Depuis le début de son exploitation, la riziculture inondée a été maintenue et a gardé sa première place. À l’arrivé des Han 漢族 (1684)6, l’ensemble du réseau d’irrigation de Taïwan était composé principalement des rivières de proximité et de plusieurs canaux plus ou moins longs suivant les surfaces à irriguer. Depuis l’ère japonaise, la construction des barrages permettait de stocker suffisamment d’eau pour satisfaire l’ensemble des besoins dans les régions d’ouest de l’île. Dans l’est, l’ensemble des besoins est fourni par la rivière car aucune construction de barrage n’a été développée. Le canal était devenu le centre du village et le lieu de rencontre de ses habitants. Par conséquent, l’installation hydraulique, par l’ingéniosité et le travail des hommes, fut le point de départ de la transformation du paysage et des mentalités des habitants dans le milieu des rizières inondée. La région de Chi Shang se situe aux pieds des massifs centraux où les paysans profitent en priorité des rivières, premières ressources naturelles. La qualité de l’eau n’est jamais polluée car les sources sont dans les monts centraux. Le captage des eaux des rivières, avant l’époque de la colonisation japonaise, relevait de traditions ancestrales fondées sur une grande expérience de plusieurs siècles. Au début du XX ème siècle, le contrôle de l’eau n’est plus privé, mais relève de l’Etat. Chaque responsabilité de l’organisation hydraulique est bien définie par l’administration japonaise. Le réseau d’irrigation est géré selon une technique bien plus évoluée : avec des fonctionnements en différentiels de niveaux. Après la deuxième guerre mondiale (1945), le canal est considéré comme un outil de productivité, c’est une grosse machine qui fonctionne sans arrêt. C’est ainsi que le paysage hydraulique est caractérisé par la monotonie. Depuis quelques années, grâce à quelques passionnés, 5
Xin Kai Yuan 新開園 est l’ancien toponyme de la région Chih Shang depuis son exploitation à l’Ere impérial Qing jusqu’au début de l’occupation japonaise, qui signifiait « nouveau champ cultivé ». 6 Les Han 漢 族 sont les citoyens d’origine Chinoise, par opposition aux autres minorités ethniques. Aujourd’hui les Han représentent 98% de la population à Taïwan.
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le public prend enfin conscience de la valeur patrimoniale et de l’importance de ces ouvrages qui font partie du paysage façonné par l’homme et où sont souvent présents des habitats, une faune et flore intéressants. L’écologie et la préservation de l’environnement sont devenus prioritaires pour les pouvoirs publics et sont restés une préoccupation pour les Taïwanais. Par le développement de l’entreprise hydraulique, nous pouvons supposer qu’il existe un rapport réciproque entre
cette mutation (le rapport de la société à la nature et à l’espace) et leurs représentations à chaque moment. Par la suite nous découvrons une évolution de la perception du paysage hydraulique. Dans la société des aborigènes, une première représentation du paysage hydraulique était faite par imitation des faits naturels dans l’organisation du réseau hydrologique dans le respect de l’environnement. À la fin de l’ère impériale Qing, à l’arrivée des Han, les aborigènes qui avaient l’expérience de la nature sauvage. Les Han maîtrisaient la technique de la riziculture irriguée, la construction du canal Chi Shang fût le premier échange sur la perception du paysage hydraulique entre les Han et les aborigènes XiLaYa 西拉雅. À l’époque de la colonisation japonaise, la perception du paysage hydraulique a été beaucoup influencée par l’intervention du pouvoir central qui a instauré le statut public du canal avec une réglementation bien précise. L’objectif prioritaire de l’Etat japonais était la recherche d’une forte productivité répondant à ses propres objectifs et besoins. La culture japonaise et l’introduction de nouvelles techniques a fortement influencé les paysages (alentours). Au cours de la période de l’essor économique de l’après-guerre, par l’entrée de Taïwan à l’OMC7 la construction hydraulique a progressé en tenant compte d’une limitation dans la production du riz. L’évolution du sens des responsabilités a entraîné des avis d’interdiction qui ont changé la relation naturelle vers une crainte collective. Néanmoins il y a eu un mouvement de conquête sur la nature sauvage. Ce double phénomène a eu une répercussion sur la représentation du paysage hydraulique. Depuis 2002, Fu Jun 浮圳 (le canal surnagé : sixième dérivation du canal Chi Shang) a été inscrit au patrimoine de l’état taïwanais ; une évolution de la perception du paysage hydraulique de la région Chi Shang a ainsi privilégié la recherche d’esthétique, du tourisme et une
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OMC : Organisation Mondiale du Commerce est une organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce international entre les pays.
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pédagogie dynamique s’est mise en place pour raconter l’histoire des systèmes hydrauliques.
Problématique Taïwan, sous l’influence du changement des pouvoirs politiques, présente des paysages hydrauliques différents dans chaque région lesquels représentent un sens des milieux. A la suite de cette mutation du paysage hydraulique cette recherche va s’appuyer sur le questionnement suivant : Comment l’homme utilise et transforme les ressources naturelles en modifiant leur milieu ? Ces canaux artificiels sont-ils une œuvre de représentation en soi d’une société ? Leur réalisation est-elle influencée par la nature ? Cette œuvre s’harmonise-t-elle dans une connivence entre la nature et le travail de l’homme? Cette œuvre a-t-elle reflété sa particularité dans un milieu ? Quel rapport de l’homme à la nature peut-on comprendre à travers l’histoire d’une infrastructure, de l’ère agricole à l’ère industrielle ? Nous avons observé que la rizière a envahi la vie de Chi Shang depuis la mise en valeur des premières exploitations datées de 1878. Pour quelles raisons les hommes cultivent-t-ils toujours la rizière ? Nous savons très bien qu’un réseau de canaux d’irrigation est un facteur décisif pour les activités agricoles qui joue aussi un rôle très important dans la transformation du paysage. C’est-à-dire que l’existence des activités agricoles et la vie dans une société pratiquant la riziculture inondée sont très liées à « l’eau ». Comment les gens emploient-ils leurs ressources naturelles pour disposer de cet ouvrage ? Cet ouvrage est considéré à la fois comme une construction artificielle qui aide l’homme à cultiver la rizière et un facteur qui lie les activités humaines et leur environnement. Nous pouvons former ainsi notre étude dans le point de vue de la mésologie depuis le rapport entre le développement de la ville Chi Shang et sa disposition sur le réseau des canaux. Les changements de pouvoir ont induit une évolution du paysage hydraulique pendant une centaine année. Chaque pouvoir a eu un regard différent pour traiter l’environnement et les canaux. Reflètent-ils toujours la particularité de ce milieu en tant qu’interaction homme nature? Si oui, par quelles formes existent ces canaux ? Si non, quel impact évoque ce changement ?
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Méthodologie Nous proposerons d’aborder notre sujet sous l’angle de la mésologie, afin de comprendre sur le long terme, le rapport qu’il existe entre une société et les ressources naturelles, l’eau, à travers les transformations successives du milieu, les permanences et les transitions. La rareté de la ressource et son importance dans la société agricole a poussé l’homme à développer des systèmes hydrauliques (canaux d’irrigation) pour faire face aux contraintes naturelles. C’est le début de la réponse de l’homme aux difficultés que lui pose la nature. Après avoir fini la construction du système hydraulique, les champs deviennent un lieu de stockage potentiel. Le paysage est transformé du fait de cette exploitation qui structure l’espace et influence la vie sociale et économique. À travers cette transformation du paysage hydraulique, nous étudierons l’évolution du rapport à l’environnement. L’interaction entre la nature et l’espace se développe : autrefois elle n’existait qu’entre les paysans et la terre et il apparaît maintenant de plus en plus de facteurs qui transforment et enrichissent cette interaction. Chaque nouvelle utilisation des canaux apporte avec elle sa perception du paysage et sa conception du territoire. Nous essaierons donc de suivre les cinq catégories de canaux du site en analysant leurs données pour relever les interrelations homme - nature. Nous nous intéresserons dans cette recherche aux gestes réciproques entre ces deux composantes en employant les méthodes de la mésologie et du paysagisme afin d’envisager une étude plus précise. Index de la traduction : Hu xiang 互相 : la réciproque, la réciprocité Jun 圳 : rigole d’irrigation, canal d’irrigation Chi Shang 池上 : toponyme du site de cette recherche, il signifie habitant flottant sur l’étang Xin Kai Yuan 新開園 : ancien toponyme de Chi Shang à l’époque Qing, il signifie nouveau champ cultivé XiLaYa 西拉雅 : la tribu d’aborigène XiLaYa est une des tribus d’aborigène à Taïwan la plus civilisée par l’influence de la culture de l’Han
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