Mésologiques verticalité / Jean-Baptiste Bing

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Bing – Mammifères verticalité

Mésologiques – 11/12/2015

Mammifères à la recherche de la troisième dimension. Verticalité et géographie humanimale Jean-Baptiste Bing – Université de Genève Résumé Cette proposition croise éthologie et géographie via la mésologie, en explorant la composante culturelle d’une dimension peu prise en compte en géographie : la verticalité, et en défendant le paradigme de la similarité entre animaux humains et non-humains. Les cas d’étude seront fournis par les rapports entretenus, d’abord, sur le volcan Merapi (Java) entre les humains et les animauxsentinelles – notamment le macaque crabier –, ensuite à Gibraltar entre humains et macaques de Barbarie, enfin sur l’île aux Prunes (Madagascar) entre humains, roussettes et baleines à bosse. Cette étude sera basée sur des données de terrain recueillies lors de plusieurs séjours. Nous commencerons par envisager comment ces rapports entre humains et animaux sentinelles peuvent d’abord être analysés du strict point de vue du relief et selon le paradigme de l’irréductibilité humaine à la condition animale. Les insuffisances de cette double analyse nous conduiront ensuite à considérer les apports possibles de la mésologie, permettant de dégager les enjeux sociaux, éthologiques et territoriaux de ces questions, dans le cas des macaques. Enfin nous étendrons la réflexion à des animaux plus éloignés (baleines, chauve-souris) en considérant les apports heuristiques possibles de ce genre d’approche en géographie. Mots-clés Similarité – Mésologie – Verticalité – Anthropomorphisme – Approche humanimale Key-words Similarity – Mesology – Verticality – Anthropomorphism – Humanimal approach

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Un champ négligé de la géographie Habitués à raisonner dans les deux dimensions du plan, les géographes explorent par contre peu la troisième dimension spatiale : la verticalité. D’ordinaire considérée comme synonyme de « relief », « saillance », « pente », voire de « hauteur », elle peut certes être comprise comme un facteur majeur d’organisation de l’espace (par exemple en biogéographie) ou analysée comme une contrainte (pour les déplacements) ou une ressource (pour le tourisme en montagne) ; mais généralement elle demeure une donnée naturelle. Cependant, de récents apports des études urbaines – sur les formes de la ville (Hugron 2008) et les pratiques habitantes (Lebreton & Héas 2007) – montrent qu’elle est aussi un construit social et qu’elle a une influence directe sur les deux dimensions horizontales. En termes mésologiques, la verticalité serait donc un fait trajectif 1 dont les formes « naturelles » de hauteur (relief, saillance) ne constitueraient que la « base » (Berque 2009). Or, dans le dictionnaire qu’il a coordonné et qui est une des références de la discipline, J. Lévy (2003) considère qu’« en géographie, les phénomènes qui sortent du plan sont considérés comme des caractéristiques non-spatiales (substances) des objets localisés et non comme des composantes de l’étendue, celle-ci étant, par construction, réduite à deux dimensions ». Le propos ici tenu soutient au contraire que la « face de la Terre » (Pinchemel & Pinchemel 2002) n’est pas plane ; c’est cette troisième dimension de l’espace que nous explorerons ici. Pour cela, nous userons d’un paradigme qui, lui aussi, demande à être confirmé, nuancé et précisé : celui de la similarité2 humain-animal. Se référant notamment au double héritage de Von Uexküll et d’Imanishi, Berque (2014) définit la « mésologie » comme l’étude des milieux humains et animaux. Mais ce travail ne peut s’effectuer sans précaution épistémologiques et méthodologiques rigoureuses : en effet, si tout un courant de l’éthologie accepte ce paradigme et la méthode de l’« anthropomorphisme heuristique » (Renck & Servais 2002), les débats restent vifs avec d’autres courants de la discipline qui, en Occident en particulier, rejettent et le paradigme et la méthode (Pracontal 2010). Par ailleurs il faut bien se garder de confondre les incommensurabilités entre d’une part « milieux animaux » et « milieux humains » et d’autre part entre culture humaines, en raison des différences de degré d’éloignement, de facilité à passer outre et d’implications ; mais il ne faut négliger ni l’une ni l’autre (Descola 2005). Le défi est donc double : appréhender la verticalité et consolider la similarité humain-animal, le tout en géographe. Plus précisément, l’objectif est que ces deux propositions se renforcent l’une l’autre. Pour cela j’aborderai la coexistence de l’être humain et de diverses espèces dans trois lieux différents où j’ai pu habiter et/ou effectuer des séjours de recherche : à Gibraltar à propos de la cohabitation homme-macque ; sur le volcan Merapi (Java) ensuite, à propos de l’usage des animaux sentinelles (dont les macaques crabiers) ; au large de l’embouchure du fleuve Ivoloina (Madagascar) enfin, où cohabitent baleines à bosse et chauves-souris roussettes. La première partie, centrée les animaux sentinelles du Merapi, montrera l’apport mais aussi les insuffisances des approches 1

Berque (1990) définit la trajection comme « combinaison médiale et historique du subjectif et de l’objectif, du physique et du phénoménal, de l’écologique et du symbolique, produisant une médiance. D’où : trajectivité, trajectif, trajecter ». La médiance, quant à elle, est le « sens d’un milieu ; à la fois tendance objective, sensation/perception et signification de cette relation médiale ». 2

À ne pas confondre avec l’équivalence, qui postule que « l’humain n’est qu’un animal plus complexe ». La similarité, elle « accepte la possibilité concomitante de la continuité et de la discontinuité », donc cherche à dépasser l’alternative entre « équivalence » et « rupture ». Cf. http://www.ressources.univrennes2.fr/ciaphs/tetralogiques/spip.php?article25.

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classiques de géographie culturelle et de la zonalité par rapport aux enjeux posés par la complexité du lien homme-animal. La deuxième partie proposera une approche humanimale de la question, qui permettra d’étudier une première modalité de la trajection en verticalité : celle du relief, à l’échelle du volcan et du Rocher de Gibraltar. La troisième partie interrogera une autre modalité de la verticalité : celle de la corporalité (et notamment du mode de locomotion) de chaque animal et sur la manière dont la verticalité (vers le haut comme vers le bas) et les usages qui lui sont liées contribuent à structurer le milieu de chaque espèce, c’est-à-dire à le ressentir, l’organiser et lui donner sens de manière trajective ; en retour, nous devrions pouvoir nuancer le paradigme de similarité : les cas des roussettes et des mégaptères nous fourniront des « cas extrêmes » permettant d’interroger en retour notre propre verticalité humaine. 1. Les animaux-sentinelles : du bon usage du relief L’expression « animal sentinelle » désigne un animal qui, par son comportement, avertirait les observateurs humains que la réalisation d’un risque approche. Sur le Merapi, ce sont essentiellement des paysans habitant les villages situés les plus haut (en bordure du Parc national) qui détiennent ces savoirs, d’une part car leur profession et leur localisation leur font fréquenter une plus grande diversité de milieux (forêt, agroforêt…) et donc d’espèces, d’autre part car ils habitent les villages potentiellement les plus menacés par les éruptions. Cependant, outre que les aléas volcaniques (coulée de lave et nuée ardente 3) peuvent toucher – même rarement – les villages situés plus bas, les risques sismiques concernent, eux, l’ensemble du volcan (et de Java). Commençons par présenter, d’une manière acceptable par toutes les écoles éthologiques, cette cindynique vernaculaire4 à base éthologique. 1.1 : Les animaux, objets de savoirs et de valeurs pour les humains5 Trois faits principaux caractérisent le Merapi : volcan des plus actifs de la planète, il abrite l’une des populations rurales (humaines) les plus denses du monde et celle-ci coexiste avec un Parc national qui couvre la zone sommitale ; d’où nombreux enjeux, en termes socioculturels (Bing 2014a), environnementaux (Bing 2015a et b) et cyndiniques (Bing 2014b). Il suit un régime éruptif tel que, après une lente montée du magma durant plusieurs mois, une éruption se déroule sur plusieurs semaines avec de courts épisodes paroxystiques de coulées de lave et/ou de nuées ardentes. Des animaux y réagiraient selon des temporalités différentes, offrant ainsi une chronologie précise de l’approche de l’aléa. L’animal le plus souvent cité, du haut en bas du volcan, est le macaque (Macaca fascicularis) dont les clans descendraient vers le bas des pentes dans les jours précédant l’éruption, avant que la montée du magma n’arrive à son terme. À l’approche d’un moment paroxystique, les oiseaux s’envoleraient en nuées depuis les zones arborées (quelques heures avant), puis les chiens 3

Nous ne dirons rien ici des lahar dingin, ces mal nommées « coulées de boue » liées à la météo plus qu’au caractère volcanique du Merapi, pour lesquelles il semble n’y avoir pas d’animal sentinelle. 4

Pour qualifier les savoirs et savoir-faire (ici la prévention des risques), nous utiliserons « vernaculaires » plutôt que les adjectifs « populaires », « locaux » ou « traditionnels » ou que les expressions « ethnosavoirs », « ethno-cindynique » et autres « ethno-éthologie ». « Vernaculaire » souligne en effet un lien de ces phénomènes à une pratique du quotidien, tandis que les autres tendent à les confiner à une ethnie (bien qu’ils puissent être transculturels), une classe sociale (les élites peuvent pourtant les détenir), un lieu (or ils peuvent voyager) ou en faire un archaïsme (alors qu’ils peuvent être modernes : Bing 2014 a). 5

Cette sous-partie synthétise mon mémoire de Master (2009, Université Paris 1 sous la direction de F. Lavigne).

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hurleraient à la mort (quelques minutes avant). Seuls des habitants du haut citent ce dernier cas, ajoutant que dans le cas d’une éruption les chiens hurlent tournés vers le cratère, alors qu’avant un séisme leur direction est aléatoire. Nos interlocuteurs ont aussi mentionnés d’autres espèces – cervidés, serpents, panthère – mais rares sont les cas cités, sans doute car ces espèces, peu anthropophiles et unanimement considérées comme « sauvages » (liar), ne font l’objet que de peu d’observations : même à l’approche d’éruptions, ils se calfeutrent dans la forêt et seuls les habitants s’y rendant pour récolter du fourrage peuvent les apercevoir. Ces observations demanderaient à être étudiées à des fins de confirmation ou d’infirmation, par des éthologues et des volcanologues. Macaques et chiens constituent des cas particuliers. Certes « sauvages », les premiers sont considérés comme des « animaux voyous » (binatang nakal) en raison de leur commensalité souvent jugée envahissante. Certains clans, particulièrement habitués à la présence humaine et aux ressources qu’elle leur offre, descendent tous les jours se servir dans certains villages du haut, proches du Parc national et de sa forêt (assez dégradée). Lors de leurs descentes massives dans les campagnes du bas des pentes à l’approche des éruptions, les macaques s’attaquent aux plantations (kebun) voire aux jardins (taman) et aux maisons (rumah) des habitants, peu habitués à de telles déprédations et par conséquent d’autant moins indulgents. Leur rôle empirique de sentinelle n’empêche donc pas une valorisation plutôt négative de l’espèce. Par contre les chiens (souvent peu présents dans les régions à dominante musulmane car l’islam, qui domine largement sur le Merapi, les dévalorise) sont, sur le volcan, nombreux et appréciés. Leur double rôle de sentinelle et de gardien face aux sangliers et aux rats l’explique en partie (à Sumatra, dans les villages javanais des piémonts des Bukit Barisan Sud, où les mêmes animaux posent le même type de problème, les chiens servent également souvent de gardiens). 1.2 : Une répartition zonale en évolution Se dessine ainsi une zoogéographie vernaculaire de la répartition des animaux sur le volcan (fig. 1) qui, conforme à la javanité traditionnelle (Bing 2014a), tient à la fois du pratique et du symbolique : les animaux domestiques (gros et petit bétail, volaille, chiens) vivent auprès des humains dans les villages et la campagne, et la faune sauvage (aigles, macaques, cervidés…) a pour elle la forêt sommitale. Cependant les animaux, êtres vivants et mobiles, transgressent volontiers les limites que veulent imposer les êtres humains : sur le mode cocasse, souventes fois avons-nous vu un poulet venir parader dans la ruang tamu (pièce d’entrée et de réception) d’une maison et se faire chasser à grands moulinets de bras. Plus gênant, le cas ci-évoqué du macaque : c’est sans doute moins la réalité des déprédations causées par les macaques (les rats en provoquent des plus graves) qui les fait qualifier d’« animaux voyous », que le fait qu’un animal « sauvage » – et relativement gros – sorte de la forêt, domaine que la javanité lui attribue ; en revanche, selon lesdits canons spatiaux, le chien (seul animal domestique de la liste) se trouve parfaitement à sa place dans les campagnes.

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Fig. 1.1 : Le dégradé agroforêt-forêt-sommet vu du Sud.

Fig. 1.2 : Le Merapi vu du Sud-Est. Le pied des deux collines se trouve à environ 1000 m. d’altitude.

Figure 1 : Deux vues du Merapi. L’agroforêt et les villages forment la campagne, la forêt et le sommet sont inclus dans le Parc national. La colline visible en 1.1 se trouve, en 1.2, à gauche ; Kaliurang se trouve au pied de celle de droite (caché par les arbres en 1.1). La place de l’être humain (manusia) est inverse de celle des animaux sauvages : au milieu de ses semblables ou dans l’aire de culture qu’est la campagne, dans un paysage de rizières (sawah), de plantations et, éventuellement, de friches (ladang6). Par contre la forêt – comme d’ailleurs la nuit – n’est pas le domaine de la vie quotidienne : les habitants ne s’y rendent que rarement, pour la cueillette ou pour des activités spirituelles. L’opposition traditionnelle entre piémont socialisé et zone sommitale sauvage demeure vive, bien que leur polarité ait été inversé (la forêt et le sauvage, de dangereux et négativement connotés, sont devenus positif et à protéger, d’où la transformation de la zone sommitale en parc naturel depuis 2004 : Bing 2014a). Par ailleurs elle reste définie selon un critère anthropocentrique et des modalités purement administratives matérialisées par une frontière censément stricte. Or en pratique, d’une part ces zones définies en fonction de l’altitude sont séparées par un dégradé progressif plutôt que par de strictes frontières, et d’autre part ce dégradé évolue non pas seulement à cause de décisions humaines mais en raison de modifications comportementales animales. Ainsi, autour du village de Kaliurang, les macaques ont abandonné en partie leur méfiance vis-à-vis de l’homme et sont devenus au cours des décennies 1990-2000 plus entreprenants (voire plus agressifs) et franchement commensaux ; leur comportement contraste avec celui des autres clans de macaques du volcan (fig. 2.1 et 2.2). L’histoire particulière du lieu explique en partie ces changements : bien desservi grâce à la présence d’une résidence du sultan, Kaliurang fut l’un des premiers points où s’est développé (dès les années 1980) le tourisme de masse sur le Merapi. Afin de satisfaire les touristes, les guides ont attiré les singes en leur offrant moult gâteries. Habitants victimes de déprédations, primatologues désirant préserver la santé des macaques et administrateurs des aires protégées déplorent cette violation de la frontière entre « sauvage » et « humain », mais même si la pratique du nourrissage est en diminution (officiellement interdite, elle demeure néanmoins tolérée) voire vienne à cesser (les efforts de sensibilisation y visent), les comportements auront bel et bien été altérés. Hors de Kaliurang, la limite entre Parc national et 6

D’après les dictionnaires ladang désigne l’essart et friche se dit belukar, mais les habitants du Merapi utilisent souvent le premier pour dire le second (Bing 2015b).

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campagne anthropisée n’est pas plus hermétique : sangliers descendant se nourrir dans les plantations comme habitants montant chercher du fourrage en forêt usent les uns comme les autres de ressources situées hors de leur territoire attribué – mais dans leur propre territoire vécu…

Fig. 2.1 : Macaque de Kaliurang. Il ne craint pas la proximité de l’homme et pose volontiers.

Fig. 2.2 : Macaque près de Kaliadem. Il sait être commensal, mais préfère éviter les humains.

Figure 2 : deux comportements des macaques sur le Merapi (Bing, 2009). 1.3 : Appréhender et représenter le non-humain Une question court en filigrane, qui croise un fort enjeu de pouvoir : qui, parmi les acteurs en présence, a légitimité pour décider de la place de l’animal dans la cité humaine et de celle de l’homme dans la « nature » (alam) ? La population locale (orang sini, les « gens d’ici »), ses représentants (wakil) locaux, officiels (chefs de village : kepala desa…) ou coutumiers (chefs de la coutume : kepala adat), les autorités provinciales ou nationales, leurs représentants en matière de prévention des risques (BPBD) ou de gestion forestière (Parc national : Taman Nasional Gunung Merapi)… ? Tous disposent d’une certaine légitimité, en tant qu’« experts » ou qu’habitants (Callon & al. 2001). Dans la pratique, s’il y eut et s’il y a encore de sérieux conflits, la tendance est plutôt à l’accroissement de la participation (Bing 2014b, 2015c). Cependant mes interlocuteurs sur place ont souventes fois souligné qu’ils préféraient travailler avec les chercheurs étrangers qu’avec des nationaux, car les premiers feraient moins preuve de condescendance que les seconds et retournaient plus volontiers les résultats acquis à la population (Bing 2015a). Cela paraît fort dommage. D’une part la ville de Yogyakarta (sise à moins de 25 km du Merapi) demeure l’un des grands centres universitaires du pays, et le Merapi fait l’objet de plusieurs programmes internationaux ; la recherche dispose donc sur place d’une vraie force de frappe, et son application d’un formidable champ. D’autre part car la densité de population et son niveau d’enseignement rendraient possible un travail approfondi de vérification et d’exploitation des savoirs vernaculaires, cyndiniques et éthologiques, de manière interdisciplinaire (impliquant des éthologues, des volcanologues, des ethnologues, des ingénieurs forestiers, etc.). Dans cet effort, les géographes pourraient apporter non seulement le lien – via la spatialisation – entre les différents spécialistes, mais aussi l’appréhension des savoirs vernaculaires dans leurs rapports avec les évolutions territoriales (Raffestin 1995). Or considérer avec sérieux les savoirs vernaculaires éthologiques paraît une nécessité pressante, à la fois parce que l’« ethno-éthologie » (Brunois 2005) constitue une source d’une grande richesse pour le chercheur moins habitué au milieu étudié que celles et ceux qui l’habitent ; d’autre part car les populations locales sont garantes de la réussite des politiques de

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protection (Bing 2015c) et, quand le contexte sociopolitique leur garantit leurs droits, font même preuve d’une grande inventivité (Pinton & al., 2014). Cela étant dit, on remarque que tous ces acteurs sont humains. Parmi les « médiateurs » (Bing 2014b) ceux qui, de droit ou de fait, représentent aux yeux des autres acteurs les non-humains (supra-humains : les esprits voire Dieu, ou infrahumain : les animaux ou, plus généralement, l’« environnement » lingkungan ou la « nature » alam), demeurent des humains. La question posée par Latour (1996) de « faire entrer le non-humain en politique » n’est donc pas résolue sur le Merapi. Par ailleurs, le rattachement à l’une des ontologies définies par Descola (2005) pose problème : si les acteurs dominants (État, autorités provinciales, administrateurs du Parc, scientifiques…) s’inscrivent plutôt dans une ontologie « naturaliste », celle des habitants apparaît moins unitaire et plus complexe. En dépit de leur visibilité et d’une croissance relative dans les dernières décennies, ceux qui se rattachent à l’islamo-modernisme et dont l’ontologie relève du naturalisme ou de l’analogisme demeurent peu nombreux. Pour la grande majorité, qui tient à la fois à la javanité et au modernisme, ce dernier implique une ontologie naturaliste contaminant l’ontologie traditionnelle (Bing 2014b) ; mais cette dernière, qui reste prégnante dans la vie quotidienne (Bing 2014a), échappe à la classification descolienne : de même que la javanité entrelace les héritages animistes, hindobouddhiques et monothéistes en un tout certes peu orthodoxe mais cohérent, il semble que l’ontologie qui s’en dégage puisse, selon le « collectif » et la « relation » (Descola 2005) concernée, ressortir d’un syncrétisme mêlant les ontologies définies par Descola. Finalement, étant donné la dynamique de changement qui caractérise la société rurale javanaise depuis plusieurs décennies, c’est l’affrontement des paradigmes similarité/irréductibilité qui paraît plus à même de caractériser l’« ethno-éthologie » des habitants du Merapi et ses évolutions. L’usage des animaux sentinelles par les habitants du Merapi relève donc d’une biogéographie et d’une géographie culturelle classiques, analysables selon le double paradigme de la « verticalité » comme relief, et de l’« irréductibilité » humaine face aux autres animaux. Cependant, plusieurs enjeux montrent leur insuffisance : démêler les collectifs humains/non-humains, appréhender les évolutions des savoirs vernaculaires et les situer dans les changements sociaux en cours, favoriser la participation de la population dans les prises de décision politiques comme celles concernant la place respective des hommes et des autres animaux, etc. Changer de paradigme pourrait alors permettre une meilleure appréhension de la complexité des milieux humains et animaux (Berque 2014), ce qui ouvrirait la voie à plus d’efficacité dans la prise de décision (Callon & al. 2001). 2 : Du relief à la verticalité : une géographie culturelle des territoires humanimaux7 Si l’on considère que les « cultures animales » existent (« culture » désignant ici un ensemble de comportements non-innés, acquis et transmis par apprentissage et modifiables : Lestel 2003, Pracontal 2010), alors il est logique de postuler la possibilité d’une géographie culturelle de leurs milieux8. Supposer que les êtres humains ne sont pas seuls à trajecter une verticalité signifie donc que d’autres animaux non seulement s’adaptent à l’altitude et au relief, mais entretiennent avec ces éléments de nature un rapport de culture, les transformant en « prises médiales » (Berque 2014). Toutefois, avant de mettre cela en place à propos des relations hommes-macaques, il importe d’évoquer les difficultés épistémologiques et méthodologiques que pose ce projet. 7

Nous reprenons-là un néologisme inauguré par le no 5 des Carnets de géographes (2013).

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Lestel (2003) parle d’« ethnographie des mondes animaux ».

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2.1 : De l’incommensurabilité spécifique à l’« anthropomorphisme heuristique » Une première difficulté, bien connue des éthologues et à conserver en tête, est qu’en dépit de la proximité taxonomique de certaines espèces (comme les deux primates simiens Homo sapiens et Macaca fascicularis : Picq 2013), le milieu de l’une n’est pas celui des autres ; en effet chaque animal dispose de capacités sensitives, motrices et cognitives que les autres n’ont pas. C’est d’ailleurs là le principe sur lequel se fonde l’usage des animaux sentinelles : quelle qu’en soit la cause (sensibilité aux vibrations ou aux températures ont été évoquées), les animaux sentinelles ressentent l’approche de l’éruption et/ou du paroxysme et y réagissent ; les humains ne possèdent pas ces capacités mais, par esprit systématique (Gell-Mann 1997), établissent un lien de cause à effet. Cette incommensurabilité médiale se traduit par une relative incapacité à communiquer par-delà les barrières spécifiques. Certes, des comportements transmettent des messages clairement compréhensibles par-delà ladite barrière – quand une mère macaque protège son petit, par exemple ; mais nous ne pouvons échanger avec les macaques comme avec d’autres êtres humains. Il faut cependant insister sur un point où le naturalisme est myope : si la barrière de la langue entre humains est moindre que celle du langage entre espèces, la frontière, ici, sépare moins l’« homme » de l’« animal » que chaque espèce vis-à-vis de toutes les autres (Lestel 2003). En revanche – là, la séparation postulée par le naturalisme serait réelle –, même si de nombreux animaux témoigneraient de la rationalité, de technologies voire d’une théorie de l’esprit (Pracontal 2010) – hypothèse acceptée par certains éthologues, rejetée par d’autres9, encore à confirmer pour beaucoup –, l’homme semble bien le seul animal à avoir suffisamment objectivé le monde et développé le langage pour en faire l’un des piliers à une accumulation du savoir unique dans le monde animal. Pour le dire plus vite : si l’homme n’est probablement pas le seul animal bavard, bricoleur, gastronome10, politique 11 ou érotique 12, il est sans doute le seul animal scientifique (et religieux : Berque 2014). La différence n’est certes que de degré et non de nature, elle n’en demeure pas moins considérable. Dans ce travail, comme dans tous ceux comprenant Homo sapiens parmi les espèces étudiées, nous nous retrouvons donc face à une dissymétrie manifeste : l’auteur de cet article étant un être humain, il se trouve à la fois juge et partie – autre difficulté soulevée par le projet de croiser sciences de l’animal et sciences humaines (Lestel 2003). Cependant ces trois incommensurabilités – médiale, langagière et statutaire – peuvent être sinon supprimées, du moins réduites grâce à l’« anthropomorphisme heuristique » (Renck & Servais 2002) fondé sur la similarité. Toute la difficulté réside dans la délimitation entre l’illusion piégeuse et 9

Lestel (2003) et Berque (2014) soulignent que les éthologues issus des cultures d’Extrême-Orient se montrent plus facilement convaincus par l’idée de similarité homme-animal que leurs confrères occidentaux. L’une des causes en est l’opposition entre la continuité postulée par le bouddhisme entre toutes les formes de vie par et le statut particulier dont jouit l’homme dans les religions monothéistes. À ce titre, il est frappant de constater que la société et les universités indonésiennes sont touchées par un fort entrisme créationniste, et que cela se fait en parallèle avec une certaine « chariatisation » des esprits (Bing 2014a). Sur le créationnisme et les enjeux en termes éducatifs, cf. Picq (2007), Lemartinel (2012). 10

Le célèbre cas des macaques de l’île de Koshima découvrant qu’une patate salée et propre est meilleure qu’une patate terreuse et fade : concernant cet aspect comme les précédents (bavard, rationnel, bricoleur), cf. entre autres Lestel (2003). 11

L’œuvre de Franz de Waal le démontre amplement, et relativise la grandeur de nos joutes politiques.

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Parmi nos proches cousins les bonobos sont célèbres pour la diversité et le ludisme de leur sexualité, mais la sélection sexuelle joue un rôle chez nombre d’espèces plus éloignées : cf. entre autres Picq (2013).

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l’outil heuristique, qui exige des précautions épistémologiques et méthodologiques importantes. Cela nécessite d’avoir affaire à des informateurs ayant une longue pratique de l’animal étudié : ce peut être l’éthologue lui-même, à l’image de K. Lorenz avec ses oies et de N. Tinbergen avec ses épinoches (Renck & Servais 2002), ou des habitants qui nous font bénéficier de leurs propres savoirs et savoir-faire « ethno-éthologiques » (Brunois 2005). Ainsi, dans le cas des animaux sentinelles du Merapi, l’amitié entre un chien et son maître constitue sans doute la meilleure garantie d’une observation approfondie du comportement de l’animal ; en revanche, les animaux moins proches des habitants seront sans doute plus compliqués à suivre (cf. 1.1). S’il n’est pas question de nier l’utilité des travaux de laboratoires, des séjours prolongés au plus près des animaux dans leurs conditions de vie normales sont une nécessité (Lestel 2003) ; il y a d’ailleurs là un argument en plus en faveur de la « recherche conviviale » (Illich 1981). 2.2 : Une géopolitique anthropozoologique La géographie culturelle des milieux animaux postulée ci-dessus viserait moins à cartographier les faits de culture animale qu’à considérer ceux-ci comme facteurs d’organisation spatiale (Raffestin 1995). Un cas particulièrement intéressant à étudier dans ce cadre serait celui de la transformation du comportement des macaques du village de Kaliurang (cf. 1.2). Cependant, les données historiques précises manquent, de même que la cartographie des différents clans en présence, avant et après leur commensalisation13. À défaut de disposer de telles données penchons nous sur le Rocher de Gibraltar14, où cohabitent également hommes et macaques. Pour produire une analogie valable, précisons d’abord en quoi une telle comparaison se justifie. Tout d’abord, si le contexte culturel (humain) diffère radicalement, dans les deux cas les savoirs techno-scientifiques y apparaissent comme ceux « de référence » (Bing 2012) ; par conséquent l’ontologie naturaliste domine, bien qu’elle ne soit pas unique. Par ailleurs dans les deux cas la question de la place respective de l’homme et du macaque se trouve en jeu, avec l’intervention massive de « non-experts » (cf. 1.3). Enfin, en dépit de la différence de taille des deux géogrammes, on y retrouve le même zonage en fonction de l’altitude (fig. 3.1): opposition entre un haut classé aire protégée et attribué à la faune sauvage (dont le macaque) et un bas fortement anthropisé et défini comme réservé à l’homme (ville à Gibraltar, campagne dense du Merapi). Dans les deux cas, la limite administrative franche entre les deux zones se trouve remise en question sur le terrain, tant par les humains (touristes, guides) qui veulent aller voir « les singes15 », que par les macaques qui n’hésitent pas, selon leurs besoins, à provoquer des déprédations peu appréciées par les habitants. Or à Gibraltar, l’histoire de la répartition des clans est très bien documentée : dans la décennie 1990, après la démilitarisation du site et sa transformation en Réserve naturelle, la plus grande liberté de mouvements accordée aux macaques et le libre-accès des touristes à la Réserve firent passer la population de macaques de deux à six clans. Deux des quatre 13

Ce néologisme désigne le processus menant une population animale sauvage de l’évitement de l’homme à la commensalité. 14

Je synthétise ici mon travail de maîtrise (Université Paris 1, sous la direction de J.F. Staszak) ; cf. Bing (2014c).

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Ce terme seul mériterait une analyse lexicographique poussée. En anglais et en indonésien (et en français…), les macaques (Macaca fascicularis sur le Merapi, Macaca sylvanus à Gibraltar) sont en effet souvent regroupés dans la vaste catégorie des « singes » (monkey en anglais, monyet en indonésien), en compagnie d’autres espèces (en Indonésie les gibbons et les orangs-outans) mais à l’exclusion de l’Homo sapiens en dépit de toute logique taxonomique. Ce naturalisme mal compris a la vie dure, et participe d’ailleurs du succès social des créationnistes.

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nouveaux clans développèrent un net tropisme pour la ville haute : ils n’hésitent pas, plusieurs fois par jour, à quitter le cœur de leur territoire (dans la Réserve) pour descendre piller poubelles et étals (fig. 3.2) ; quant aux autres clans, seuls ceux situés hors des zones touristiques n’ont pas développé de comportement commensal. Il est probable qu’un processus de ce genre ait eu lieu près de Kaliurang avec l’accroissement du tourisme.

Fig. 3.1 : Gibratar. La ville se trouve au pied du Rocher que couvre la Réserve naturelle.

Fig. 3.2 : Dans la ville haute, un macaque descendu de la Réserve pille une poubelle.

Figure 3 : Gibraltar et ses macaques : une histoire bien documentée (Bing, 2005). Il est certes possible de postuler que, dans les deux cas, les macaques n’ont fait que réagir à des stimuli nouveaux liés à une situation qui a évolué. Il semble en fait plus économique – donc plus élégant et conforme au « rasoir d’Occam » – de supposer une certaine agentivité16, certes contingente (Berque 2014), mais impliquant une intentionnalité (Guilhaumou 2012) de la part des macaques dans leur usage d’un espace que caractérise un zonage en altitudes lié au relief. Évoquer ici une « géopolitique humanimale » ne paraît pas abusif, de la même manière que F. de Waal parle de politique chez les chimpanzés (Pracontal 2010). Tout comme les humains, les macaques font le choix de certains comportements (à l’exclusion d’autres) visant à obtenir certaines ressources (à l’exclusion d’autres) : à Gibraltar, les clans de Farringdon Battery et d’Anglian Way ont privilégié les descentes vers la ville bel et bien pour obtenir une alimentation variée (en effet, les quantités nécessaires de nourriture leur étaient de toute façon déjà attribuées dans l’enceinte de la Réserve par l’organisme chargé de veiller sur eux) ; ils ont ainsi mis en place sans nécessité intrinsèque une véritable pendularité. Plus qu’ils ne subissent le relief, ils l’utilisent de manière différenciée et en font une prise médiale, privilégiant la Réserve pour le repos et la ville pour la nourriture : on peut parler de trajection du relief en verticalité. Et nous pouvons supposer qu’il en va de même à Kaliurang. 3 : Un milieu pluri-élémentaire ? 3.1 : Corps et locomotion : la verticalité, héritage médial évolutif Les spécialistes des différentes disciplines s’accordent sur le fait que l’acquisition d’un mode de locomotion spécifique est déterminante pour l’évolution d’une espèce, et le reste quant à sa médiance et à son mode de vie (Reichholf 1994). Une étape particulièrement cruciale est le moment où elle peut, grâce aux adaptations de son corps, conquérir un nouvel élément. Ainsi, les ancêtres quadrupèdes des chauves-souris et des baleines ont pu délaisser la terre comme élément de 16

Cette traduction de l’anglais agency, quoique peu courante, existe néanmoins. Cf. Guilhaumou (2012).

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référence quant à leur mobilité : grâce à la transformation de leurs membres antérieurs en ailes, les premières ont acquis le vol et gagné les airs ; les secondes, en adoptant une forme proche de celle des poissons, ont conquis les eaux. Les innovations des chiroptères et des cétacés ne sont d’ailleurs pas une exclusivité, tant chez les mammifères (écureuils volants, siréniens…) que dans d’autres taxons (ptérodactyles et ichtyosaures, par exemple). Cependant, derrière l’apparente simplicité des convergences évolutives des formes (ailes des chauves-souris et des oiseaux, nageoires des poissons et des cétacés), les modalités précises de la trajection de la hauteur en verticalité demeurent encore mal connues en termes d’histoire évolutive : Reichholf (1994) aborde ainsi le cas patagium chez les chauves-souris, et la question de savoir s’il fut dès son apparition lié au vol, ou s’il a d’abord rempli une autre fonction avant de se révéler apte à servir d’aile. Les primates ne sont par contre pas détachés du substrat terrestre que partageaient leurs ancêtres qui cousinaient avec ceux des chauves-souris et des baleines ; ils ont cependant développé une verticalité propre à chaque espèce. Loin de l’hyperspécialisation des mains et des pieds d’Homo, le macaque est quadrumane autant que quadrupède. Capable, quand les circonstances l’y obligent, de courir quelques dizaines de mètres sur ses pattes arrière, il se déplace plus généralement sur quatre pattes ; de plus, s’il se déplace sans problème au sol, il évolue plus souvent dans la canopée : mieux protégé de ses prédateurs (terrestres), il peut en outre les voir venir de loin. Il lui est cependant nécessaire, de temps à autre, de descendre près du sol (voire au sol) pour aller ramasser de quoi se nourrir, quand la canopée s’interrompt ; aller boire relève même de l’obligation quotidienne. La verticalité humaine ne semble pas moins complexe que celle du macaque : elle est autrement complexe. La bipédie de notre « corps animal », qui fonda le « triple et mutuel engendrement hominisation/anthropisation/humanisation » (Berque 2009 : 155), constitue la « base » de la verticalité de notre « corps médial ». Elle nous semble si naturelle que nous n’en interrogeons que rarement les conséquences – qui pourtant apparaissent capitales tant dans la croissance du petit d’homme17 (Tuan 2006) que dans notre évolution en tant qu’espèce (Picq 2013)18. Par ailleurs l’être humain se distingue tant de la roussette et de la baleine que des autres animaux par l’extension technologique de sa verticalité. Notre corps animal déploie sa verticalité essentiellement sur le plan horizontal : quand un humain grimpe à un arbre ou escalade une montagne, l’appréhension de la saillance se fait encore sur le mode du plan, qui se redresse (Boutroy 2002). Mais l’écoumène s’est étendue, grâce à l’utilisation d’artefacts, au plus profond des océans et au plus haut de l’atmosphère (Berque 2009). Cela est certes extrêmement récent (la montgolfière date du XVIIIème s.et le sous-marin du XIXème) et énergivore (Reichholf 1994), mais par le biais de la technique, notre corps médial déploie une verticalité sans doute la plus vaste du règne animale. Évoquer le dépassement par l’écoumène du système solaire grâce aux sondes spatiales (Berque 2009) ainsi que tout l’imaginaire lié au ciel (Lacarrière 1993) ne serait ici qu’anecdotique, car ces

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Loin des terrains de recherche, accompagner mon enfant dans son apprentissage de la station debout fut l’occasion d’une prise de conscience de cela. De même, les réaménagements du micro-espace de l’appartement suite à son apprentissage de la marche m’ont amené à interroger les conséquences horizontales d’un changement vertical – bref à prendre le contre-pied de la phrase de J. Lévy citée en ouverture – à d’autres échelles. 18

Et ce, sans prétendre que l’ontogénèse récapitule la phylogénèse (Picq 2013) : l’incommensurabilité des échelles temporelles et des processus biologiques en jeu fait qu’il y a là ressemblance et non récapitulation. Il reste d’ailleurs bien des inconnues dans ce processus qui lie bipédie, cerveau et main (Picq 2007)…

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pratiques n’enrichissent que notre seul milieu, l’écoumène19. En revanche, d’autres pratiques, uniquement humaines elles aussi, nous mettent en prise avec d’autres animaux et bouleversent ainsi autant leur milieu que le nôtre. C’est le cas, par exemple, de tout ce qui nous permet de passer de notre assise terrestre au vol ou à la plongée20 : parapente, scaphandre autonome, etc. 3.2 : Donner sens au haut et au bas : la verticalité, prise médiale Construction trajective basée sur l’existence d’un support (la terre ferme et son relief, l’air ou l’eau), la verticalité offre une « prise médiale » ; elle peut donc se décliner selon quatre modalités : ressources, contraintes, risques et agréments (Berque 2014). On l’a dit, cétacés, chiroptères et primates ont en commun d’avoir évolué chacun depuis un ancêtre quadrupède et terrestre, pour qui certes il était possible de grimper à un arbre ou sur un rocher, mais alors l’appréhension du relief se faisait sur le mode du plan, qui se redressait ; c’est toujours le cas quand, par exemple, un randonneur ou un alpiniste grimpe une montagne. On peut alors faire l’hypothèse que la verticalité représentait alors plus un risque (par exemple car les prédateurs la maîtrisant mieux, depuis les minuscules moustiques jusqu’aux oiseaux de proie) ou une contrainte (augmentant dépense d’énergie nécessaire pour la vaincre, en escaladant un relief par exemple) qu’une ressource ou un agrément. En gagnant les airs (roussette et, récemment, homme) et les eaux (baleine à bosse et, récemment, homme), les trois espèces ont changé la donne. Examinons donc la verticalité comme ressource et agrément. La verticalité a une double direction : haut et bas. Or le second est bien souvent oublié, sans doute parce que l’être humain en se dressant sur ses pattes arrière a entamé un mouvement vers le haut. Cette expérience, si quotidienne qu’on n’y pense même plus, si naturelle qu’on n’en interroge plus les conséquences culturelles, est pourtant fondamentale dans notre manière d’appréhender l’espace : le haut est plutôt l’objet de topophilie et le bas de topophobie (Tuan 2006). Chez les chiroptères et les cétacés, ces deux modalités de la verticalité ont certainement un autre sens. Pour la baleine, descendre peut signifier une protection (quant un bateau serre un petit de trop près, mère et baleineau sondent et plongent) ; elle offre donc une ressource vers le bas. Mais elle ne peut que remonter à un moment ou à un autre pour venir respirer : elle demeure donc une contrainte vers le haut ; ce rapport entre haut/air et bas/eau distingue la baleine (et les cétacés en général) des animaux purement aquatiques. Le mode de vol des chauves-souris les distinguent aussi des autres animaux volants (tant oiseaux, insectes) : d’une part elles doivent se laisser tomber pour s’envoler (la pesanteur est donc une ressource), d’autre part elles doivent inverser l’orientation de leurs pattes et de leur tête par rapport à leur position de repos. Les mouvements liés au déplacement des deux espèces interrogent donc leur rapport au haut et au bas en tant que prise médiale. Quant à nous, les risques pris lors de simples usages ludiques (plongée, vol-à-voile…) montre d’ailleurs à quel point l’agrément peut être fort, jusqu’à mettre la santé – voire la vie – de l’individu qui le pratique en péril (Boutroy 2002 ; Reichholf 1994). User de manière ludique de la verticalité n’est pas le propre de l’homme. Le saut de la baleine à bosse fournit un cas qu’il serait intéressant d’étudier, puisque ce 19

Au niveau collectif du moins. En attendant que des astronautes colonisant une planète extraterrestre – hypothèse qui pour l’instant relève de la science-fiction et non des faits – parmi les non-humains seuls des individus ont été envoyés dans l’espace (Laïka, etc.), et cette expérience subie n’a pas eu de conséquence pour leurs congénères. 20

Et constitue d’ailleurs, autant qu’un loisir ou un mode de transport, des outils pour la recherche en géographie (Humbert 2012).

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mouvement éminemment complexe (il s’agit pour un animal de quinze mètres et trente tonnes de se propulser verticalement à plusieurs mètres hors de l’eau, puis de retomber sur le dos 21) a de multiples visées : digestion, jeu, séduction 22… Pour explorer toutes les dimensions de ce sens, faisons le pari de possibles « éthoastronomie » et « étho-océanologie »23 : comment les roussettes et les baleines à bosse appréhendent-elles le ciel et l’océan ? Plus précisément, dans le cas des environs de l’île aux Prunes, comment les roussettes utilisent-elles le bras de mer qui les sépare de la Grande terre ? N’est-il qu’une contrainte (espace à franchir) ou une ressource (protection) ? Dans le cas des jubartes, croire que leur attachement à l’eau les empêcherait de considérer le ciel serait assurément trompeur : des cétologues pensent d’ailleurs que les baleines à bosse utilisent les étoiles pour se guider dans leurs migrations ; mais cela demande encore à être prouvé et le mécanisme, élucidé. D’autres questions, d’ailleurs, se posent à ce sujet : peuvent-elles communiquer leurs informations concernant les routes ? Quels sont les mécanismes d’apprentissage et de transmissions des mères aux petits ? Autant de questions qui, résolues, pourraient confirmer le paradigme de la similarité et, en retour, servir à mieux comprendre certains comportements humains et nous fournir d’autres moyens d’étendre notre corps médial. En tout cas, croisés au nôtre, les cas des baleines à bosse et des roussettes témoignent de la trajectivité de la verticalité : prise médiale, elle peut être valorisée de différentes manières par les animaux, selon des mécanismes et des médiances qui restent à mieux explorer par des spécialistes. 3.3 : Quelques enjeux géographiques au prisme de la verticalité et de la similarité Voyons maintenant ce que – à l’inverse – la prise en considération de cette trajectivité peut apporter à la géographie en tant que discipline : il s’agit de voir ce que peut apporter la comparaison mésologique (comportementale et spatiale) entre espèces proches taxonomiquement, vivant en un même lieu, mais l’une volante, la deuxième nageuse et la dernière marcheuse (chauve-souris/baleine à bosse/humain à l’île aux Prunes, ou chauve-souris/castor/humain dans nos contrées). Ainsi du « territoire », terme d’ailleurs commun à la géographie et à l’éthologie. Fortement remis en cause par certains géographes, il a été largement repensé par des auteurs mettant désormais l’accent moins sur la forme particulière de l’État-nation que sur les processus qui le construisent à différentes échelles (la « territorialité » : Raffestin 1995) et sur la complémentarité avec le réseau (Giraut 2008). Prenons un exemple de question pour laquelle il n’y a pour l’instant pas de réponse : les pratiques linguistiques sont un des facteurs fondamentaux de la territorialité (Raffestin 1995). Or certains cétologues assimilent le « chant » des baleines à bosse à un véritable langage ; ce phénomène est mal connu, mais il y aurait plusieurs variétés selon l’océan considéré (Lestel 2003). On peut donc 21

D’où un « sans-dessus-dessous » qui peut rappeler – simple coïncidence – celui du décollage des chauvessouris. 22

Aux dires des cétologues de Cétamada nous connaissons en fait très mal les baleines. Cela autorise une utilisation heuristique des animaux en géographie, mais d’un point de vue éthologique il importe encore fois de préciser que des vérifications demeurent nécessaires. Avec ses instituts de recherche en métropole et outremer, sa marine scientifique de haute qualité et ses terres et eaux souveraines depuis les confins des pôles jusqu’aux tropiques, la France dispose d’ailleurs d’atouts non négligeables dans ce domaine. Encore faut-il les exploiter (cf. http://www.jetdencre.ch/outre-mer-mer-profonde-et-souverainete-une-opportunite-pour-larecherche-scientifique-francaise-5141)... 23

Sur ces thèmes, des exemples intéressants sont fournis par Reeves (1998).

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aussi interroger le phénomène de sémiotisation de l’espace en territoire par ce biais-là. Rien n’indique d’avance que la réponse sera positive – mais la question mérite d’être posée. La cohabitation entre les humains et les autres animaux passe notamment par la délimitation par les premiers d’espaces où les seconds sont censés trouver un territoire sans trop de pression anthropique (Depraz 2008). Ces aires posent cependant de nombreuses questions, dont l’une porte sur la définition même de ces espaces (cf. 1.3) : ces territoires, délimités par l’être humain, ne peuvent coïncider avec les besoins spatiaux des autres espèces animales. Des réponses variées ont été apportées (corridors biologiques, espaces-tampons…), mais elles demeurent plus pensées en fonction d’enjeux politiques humains (Benhammou 2014) qu’en termes de référentiels non-humains. Les espaces protégés offrent ainsi une opportunité pour réfléchir au programme proposé par Latour (2006) de penser la participation des non-humains à la politique (Rodary & Bologna 2014). Prenons le cas des roussettes et des baleines de l’île aux Prunes. Les roussettes comme les baleines à bosse ont des comportements territoriaux qui n’ont rien à voir avec la conception normée par les Étatsnations : migrantes, les baleines n’ont que faire des frontières maritimes entre nations riveraines ; quant aux roussettes, leur territoire n’est pas réductible à l’île aux Prunes. Vouloir penser la cohabitation avec ces animaux est donc voué à l’échec si cela se fait sur le mode d’un anthropocentrisme exclusif ou d’une stricte séparation. Cet enjeu n’est pas que théorique, puisqu’en venant chaque soir sur la Grande terre, les roussettes entrent dans l’écosystème malgache dont font partie les êtres humains producteurs d’une partie de leur nourriture (fruits) mais aussi victimes de certaines de leurs proies (insectes). La cohabitation hommes/chauves-souris, pour l’instant peu conflictuelle et placée sous le signe de l’indifférence réciproque, pourrait se rapprocher de la symbiose si les pratiques territoriales des roussettes étaient mieux connues et intégrées dans nos réseaux écosystémiques. L’étude de la territorialité des animaux comme celle de la place des animaux dans notre territorialité s’enrichiraient ainsi réciproquement. Le changement d’élément de référence apporte une complexité supplémentaire : puisque nous n’habitons pas le même lieu de la même façon, en exploitant les mêmes ressources, comment partager celles-ci de manière optimale ? Ainsi, les perturbations que nous induisons dans leurs milieux par des comportements qui, pour nous, sont neutres, sont d’autant plus difficiles à appréhender que nos capacités sensorielles sont très éloignées (ainsi, les perturbations des sonars des mégaptères par les moteurs des bateaux). Cependant, cette complexité inhérente à la gestion des zones protégées peut être comprise comme une opportunité (Pinton & al. 2014) : intégrer la verticalité enrichirait la réflexion, par exemple en adjoignant au mode cartographique de représenter les territoires la coupe qui permet d’avoir un autre regard sur les mêmes lieux, chaque technique graphique ayant ses avantages et ses inconvénients (fig. 4a et b). Ainsi, la carte donne à penser que les territoires des mégaptères et des chauves-souris se croisent, alors que la coupe montre qu’ils ne sont que superposés ; en revanche, la carte permet de mettre en valeur certains éléments topographiques absents de la coupe (le fleuve). Une autre dimension de la réflexion, juridique, serait de repenser le statut des grandes profondeurs ou de l’atmosphère sur un mode moins univoque. (En revanche, rendre compte de la présence humaine est plus complexe, et nous ne l’avons pas tenté.)

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Fig. 4a : Carte schématique des territoires des baleines à bosse et des roussettes

Fig. 4b : Coupe schématique des territoires des baleines à bosse et des roussettes

Conclusion Croiser géographie et éthologie, rapprocher sciences sociales et sciences de la vie, n’a rien d’inédit : la mésologie de Berque (1990, 2009, 2014) en est peut-être la tentative la plus assise institutionnellement parlant, mais elle n’est pas la seule. Ce champ est en pleine croissance, et a

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donné naissance à des néologismes tels que « relations anthropozoologiques 24 » ou « géographie humanimale » (Carnets de géographes 2013). Sans entrer dans les nuances entre ces différents courants, nous nous rattachons à cette vaste mouvance. Certes, l’existence de ces tentatives et le relatif engouement dont elles bénéficient actuellement ne constituent en rien une confirmation de la similarité par rapport à d’autres paradigmes (similitude complète d’un côté, irréductible spécificité humaine de l’autre) ; cependant, cette effervescence témoigne à tout le moins du pouvoir heuristique de ces approches. En outre, si la verticalité humaine est un construit culturel et non une donnée de nature (bien que cette construction nécessite une « base » naturelle [Berque 2009] qui est le relief), une géographie culturelle portant sur l’espace vécu des animaux, théoriquement, épistémologiquement et méthodologiquement cohérente, indique que, chez certaines espèces au moins, cette verticalité est également construite quoique difficilement appréhendable pour nous. Confirmer la validité éthologique de cette hypothèse nécessiterait des recherches interdisciplinaires plus approfondies ; mais d’un simple point de vue géographique, cette similarité relative a un pouvoir heuristique qui nous ouvre des perspectives d’approfondissements tant conceptuels que pratiques et didactiques. Tout cela reste à approfondir : la complexité des cultures animales et les modalités de prises médiales verticales doivent bien sûr être nuancées selon les espèces, voire selon les lieux (comme pour les clans de macaques qui mêlent commensalité, anthropophilie et anthropophobie là où d’autres choisissent d’éviter l’homme). Sur le Merapi, concernant par exemple le cervidé qui se calfeutre dans la forêt par crainte de l’être humain et le sanglier qui au contraire descend et remonte selon ses besoins, nous manquons quasi-complètement de données, et des études éthologiques approfondies seraient à faire. Il paraît cependant clair que prendre en compte la similarité humainanimal et considérer l’animal comme agent semble bien être un apport considérable pour les sciences humaines ; si au contraire celles-ci restent enfermées sur le pré-carré de nos sociétés et ne considèrent les autres animaux que comme des objets de recherche et non comme des sujets acteurs, alors elles risquent de se scléroser. De même, plusieurs tentatives récentes d’appréhender la verticalité pourraient témoigner que la forclusion dont elle a été l’objet en géographie pourrait prendre fin. Ainsi, certains courants de géographie critique25 s’interrogent sur la « frontière verticale » mise en place par certains gouvernements dans une optique de séparer et cloisonner des populations indésirables ; autre exemple, plus positivement connoté : les questions de plus en plus nombreuses au sujet du bon usage de la hauteur dans la construction des villes (Berque 2009). Au final, ni panacée ni horreur, juste facteur de spatialité, la troisième dimension demande à être étudiée et pourrait enrichir notre « écriture du monde ». Bibliographie - Benhammou F., 2014, « Peut-on protéger une espèce sans protéger ses espaces ? Les difficultés de préservation de l’ours en France », in Laslaz L. & al, Les espaces protégés entre conflits et acceptation, Paris, Belin, p. 347-365. - Berque A., 1990, Médiance. De milieux en paysages, Montpellier, GIP Reclus, 163 p. 24

Titre d’un colloque organisé en juillet 2014 par le laboratoire PACTE (Université Joseph Fourier/CNRS), au cours duquel nous avons présenté nos premières tentatives d’intégrer, dans une optique mésologique, géographie culturelle et éthologie, sous le terme de « géo-éthologie ». 25

Réunis autour de réseaux comme celui des « géographes libertaires » ou de média comme le site http://visionscarto.net/.

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