L’alimentation des migrants maliens : de la campagne à la ville

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UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II - LE MIRAIL CENTRE D’ÉTUDES DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DES INDUSTRIES DE L’ALIMENTATION

MASTER ALIMENTATION Parcours « Sciences sociales appliquées à l’alimentation »

MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE

L’alimentation des migrants maliens : de la campagne à la ville Présenté par :

Julie LEPORT

Année universitaire : 2009 – 2010

Sous la direction de : Laurence Tibère


2


UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II - LE MIRAIL CENTRE D’ÉTUDES DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DES INDUSTRIES DE L’ALIMENTATION

MASTER ALIMENTATION Parcours « Sciences sociales appliquées à l’alimentation »

MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE

L’alimentation des migrants maliens : de la campagne à la ville Présenté par :

Julie LEPORT

Année universitaire : 2009 – 2010

Sous la direction de : Laurence Tibère 3


Remerciements Je tiens à remercier, en premier lieu, Laurence Tibère pour le temps consacré à l’encadrement de ce mémoire, pour son soutien et ses conseils précieux tout au long de l’année.

Je remercie également Bernard Maire et l’ensemble de l’équipe du projet ALIMI pour la confiance et le soutien qu’ils m’ont accordé dans la réalisation de ce travail.

Mes remerciements s’adressent également à Sébastien Rayssac pour ses réponses toujours rapides aux questions de méthodologie.

Merci à mes proches pour leurs relectures et leur soutien.

4


Sommaire REMERCIEMENTS

4

SOMMAIRE

5

INTRODUCTION GÉNÉRALE

6

MÉTHODOLOGIE

8

PARTIE I : LA SITUATION NUTRITIONNELLE AU MALI 1

10

LE PROJET ALIMI : LA CULTURE ALIMENTAIRE À L’ÉPREUVE DE LA MIGRATION.

CONSÉQUENCES POUR LES POLITIQUES ALIMENTAIRES

11

2

PRÉSENTATION DU MALI

14

3

LA NUTRITION AU MALI

22

PARTIE II : ALIMENTATION, NUTRITION ET MIGRATIONS

46

1

DE LA NUTRITION À L’ALIMENTATION COMME FAIT SOCIAL TOTAL

47

2

L’ESPACE SOCIAL ALIMENTAIRE POUR TRAITER DE L’ALIMENTATION DES MIGRANTS. 52

3

NOTION D’IDENTITÉ ET D’ADAPTATION EN SITUATION DE MIGRATION

54

4

VARIÉTÉ ET DIVERSITÉ EN SITUATION DE MIGRATION

58

PARTIE III : L’ALIMENTATION DES MIGRANTS MALIENS 1

61

LES MODÈLES ALIMENTAIRES MALIENS À TRAVERS L’ESPACE SOCIAL ALIMENTAIRE 62

2

INFLUENCE DE LA MODERNITÉ SUR LES MODÈLES ALIMENTAIRES MALIENS

71

3

LES DIFFÉRENCES URBAINS-RURAUX

73

CONCLUSION GÉNÉRALE

84

BIBLIOGRAPHIE

87

ANNEXES

91

ANNEXE A : QUESTIONNAIRE DE DIVERSITÉ DANS LE CADRE DU PROJET ALIMI

92

ANNEXE B : PROPOSITION DE QUESTIONNAIRE DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE ALIMI

94

TABLE DES SIGLES

112

LISTE DES FIGURES

113

TABLE DES MATIÈRES

114

5


Introduction Générale « Nourrir le Monde du XXIème siècle » tel était le thème du Sommet Mondial de l’Alimentation en 1996 à Rome. Depuis quelques années, de nombreux congrès, sommets et conférences sont dédiés à la question de l’alimentation dans le monde.

Satisfaire les besoins alimentaires d’une population mondiale toujours plus importante relève d’un défi planétaire qui suscite l’intérêt de nombreux protagonistes : chercheurs, politiques, membres d’ONG (Organisation Non Gouvernementales)… Parmi les grandes questions, celle de l’alimentation des pays en développement semble plus que jamais d’actualité avec des situations de transition nutritionnelle accélérée qui placent côté à côte des problèmes de dénutrition et des situations de maladies chroniques liées à l’excès.

La nécessité de la gestion de l’alimentation dans les pays en développement fait l’objet d’une prise de conscience de leur gouvernement. Ce problème complexe mérite une attention particulière et pluridisciplinaire afin d’obtenir des résultats prometteurs et durables. C’est le cas du Mali qui fait partie des quatre pays les plus pauvres du monde et au sein duquel l’alimentation revêt une importance cruciale face aux défis économiques, sociaux et climatiques.

L’étude des modèles alimentaires maliens est

donc une première étape

indispensable vers la prise en compte des conséquences économiques, politiques et sociales de l’alimentation.

D’un autre point de vue, cette étude permet d’améliorer la connaissance des habitudes

alimentaires

des

migrants

maliens

présents

en

France

et

en

complémentarité avec d’autres travaux, de faciliter la gestion de la société multiculturelle française d’aujourd’hui afin de permettre les échanges et l’adaptabilité de chacun. La diversité des cultures fait la richesse de notre pays. 6


Le présent travail d’analyse des modèles alimentaires de la population malienne a pour objectif d’appréhender les habitudes alimentaires au Mali afin de cerner le rôle de la migration sur l’alimentation. Il s’inscrit, en outre, dans le cadre d’un projet plus vaste d’étude des modèles alimentaires des migrants maliens en France.

Nous nous concentrerons donc sur l’alimentation des individus qui quittent leur village d’origine pour s’installer plus ou moins définitivement à la capitale Bamako ; c’est-àdire les migrants maliens au Mali. L’intérêt réside dans la mise en évidence des adaptations qu’effectuent ces individus en situation de migration dans un environnement restant relativement proche de celui d’origine.

La question de départ à laquelle ce mémoire tente de répondre est la suivante : Est-il pertinent d’envisager une différenciation sociale entre les modèles alimentaires urbains et les modèles alimentaires ruraux ?

Deux hypothèses ont guidé notre recherche : 1. La plus grande variété de produits disponibles améliore-t-elle la situation nutritionnelle des migrants maliens à leur arrivée en ville ? 2. Existe-t-il des modifications dans les habitudes alimentaires des migrants maliens ?

Afin de mener à bien ce travail nous nous intéresserons dans une première partie à la situation nutritionnelle au Mali et aux différences observées selon le lieu de résidence. Puis dans un deuxième temps nous traiterons de la question théorique de l’influence de la migration sur l’alimentation et la nutrition afin dans une troisième partie de cerner plus spécifiquement l’alimentation des migrants maliens à travers l’étude de leurs modèles alimentaires et la recherche d’aliments emblématiques du milieu urbain et du milieu rural.

7


Méthodologie 1 Recherche bibliographique Le travail présenté ici consiste en une revue de littérature. Après avoir défini un sujet de recherche, la recherche documentaire permettra d’établir un cadre théorique à la question de départ. Pour traiter de l’alimentation des migrants, nous nous placerons au carrefour de plusieurs disciplines : la sociologie de l’alimentation, la nutrition et l’économie en particulier. Cette approche pluridisciplinaire nous permettra d’appréhender les modèles alimentaires des migrants maliens dans leur globalité et d’identifier les phénomènes d’adaptation ainsi que leurs conséquences nutritionnelles.

Selon les champs, nous traiterons de points particuliers vers lesquels nous orienterons notre recherche bibliographique : -

La notion d’identité et d’adaptabilité dans le cadre de migrations

-

Les données nutritionnelles concernant le Mali et en particulier les régions de Kayes et de Bamako

-

La variété et la diversité : quel lien en situation de migration ?

-

Les modèles alimentaires maliens et leurs variations ou spécificités selon les zones urbaines ou rurales

-

La modernité alimentaire dans les villes maliennes

-

L’alimentation de rue : pourquoi ? Comment ? En quelle quantité ? Ses conséquences nutritionnelles ?

La collecte des données nutritionnelles nous amènera probablement à étudier l’aspect économique de l’alimentation puisque les études en termes de budget consacré à l’alimentation sont les plus nombreuses. Gardons à l’esprit qu’elles ne reflètent pas nécessairement la réalité de la consommation. Elles permettront, toutefois d’effectuer des comparaisons sur le long terme et d’appréhender la consommation au niveau national. 8


Après l’étude de ces documents, l’objet du travail sera d’en dégager une problématique.

2 Objectifs et suivi de la recherche Cette recherche se place dans le cadre du projet ALIMI et précède un stage que nous effectuerons au cours de l’été prochain. L’écriture de ce mémoire nous permettra de nous faire une première idée du terrain sur lequel nous évoluerons lors du stage. Son objectif est, avant tout, de faire ressortir les différences au niveau des modèles alimentaires entre les ruraux et les urbains ainsi que leurs conséquences nutritionnelles. Une fois ces différences mises en évidence, il s’agira de formuler des questionnements concernant la nutrition à intégrer dans un questionnaire global adressé aux populations de migrants maliens. La place des questions de nutrition étant restreinte au sein de ce questionnaire, il conviendra de s’assurer de la particulière pertinence des questions posées en fonction des résultats obtenus lors du travail préliminaire.

9


Partie I : La situation nutritionnelle au Mali

10


L’étude des modèles alimentaires maliens ne peut se faire sans une certaine connaissance du terrain et des conditions de vie des populations. C’est pourquoi nous commencerons par proposer une brève présentation du projet ALIMI dans le cadre duquel s’intègre ce travail de recherche ainsi que du Mali. Puis nous présenterons un état des lieux de la connaissance de la situation nutritionnelle au Mali à partir de documents consultés en France.

1 Le projet ALIMI : La culture alimentaire à l’épreuve de la migration. Conséquences pour les politiques alimentaires S’il est acquis que la gestion des migrants à l’intérieur du pays est une question politique majeure au Mali, qu’en est-il de cette même question dans les pays d’accueil et en particulier en France ? Le projet ALIMI s’inscrit dans le cadre de ce questionnement afin de tenter d’y apporter une réponse. 1.1

Composantes institutionnelles

Le projet ALIMI est un projet de l’Agence Nationale de Recherche. Il regroupe quatre partenaires en France : -

EHESS-CNRS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales – Centre National de la recherche scientifique)/Centre Edgar Morin à Paris traitant de la partie socio-ethno-anthropologique.

-

CIRAD (Centre de Coopération internationale de recherche agronomique pour le développement)/UMR Moisa à Montpellier travaillant sur l’approche socioéconomique.

-

Université de Toulouse/Certop (Centre d’Etudes et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir) à Toulouse abordant les thèmes sociologies et géographiques.

-

IRD (Institut de Recherche pour le développement)/UMR Nutripass à Montpellier responsable du traitement nutritionnel des données.

11


Dans les pays concernés, le travail se fait en collaboration avec des partenaires locaux :

1.2

-

ONG Migration and Development à Taliouine au Maroc.

-

ATTM (Association Taghbaloute de Tourisme en Montagne) à Tadla au Maroc.

-

Faculté des Sciences Ben Msik, département de santé publique à Casablanca.

-

Bureau d’études Miseli à Bamako. Justification du thème d’étude

La France comptait en 2004 près de 5 millions de migrants soit 8% de la population française. Ils représentent donc une composante socio-économique importante de la société française. En dépit de cela, les migrants sont mal connus et les études les concernant sont rares. Seules quelques informations statistiques sont disponibles. Parmi les 5 millions de migrants en France, la majorité sont originaires du Maghreb (30%), d’Afrique Sub-Saharienne (14%) et d’Asie (14%). Concernant la migration en elle-même, on note que l’âge de la migration a tendance à diminuer, les migrants arrivent de plus en plus jeunes en France mais aussi plus formés. On assiste à une féminisation de la population migrante à hauteur d’environ 50% actuellement en France. Aujourd’hui, les migrants quittent leur pays d’origine vers la France avec la volonté de s’installer à long terme et de faire leur vie en France. Concernant la « vie de migrants en France », la précarité et la fragilité sont très présentes malgré des disparités importantes liées à l’origine géographique, au sexe, à l’âge d’arrivée, etc. L’étude de ces migrants présente un grand intérêt scientifique afin de combler un « vide littéraire » sur le sujet. De plus, la connaissance de leurs modes de vie et en particulier de leurs habitudes alimentaires apparaît essentielle pour préserver l’équilibre de la société, pour maîtriser l’économie alimentaire du pays et enfin pour mieux gérer les politiques de santé et d’action sociale. En effet, l’alimentation peut être vue comme un support privilégié de dialogue, de communication et d’intégration. Par ailleurs, les habitudes alimentaires des migrants influent sur les modes de consommation de la population française en général. Leur étude permettrait de comprendre, en partie, l’évolution des styles alimentaires dans notre société. La demande d’étude émane des acteurs de l’industrie agro-alimentaire pour lesquels l’enjeu économique prime. Les résultats 12


d’une telle étude leur permettront d’adapter leur offre en fonction de la demande. C’est dans ce contexte qu’est né le projet ALIMI. 1.3

Question de départ, objectif et hypothèses

La question générale posée aux différents partenaires du projet est la suivante : « Comment la migration affecte-t-elle les styles et le bien-être alimentaires des personnes d’origine malienne et marocaine en France ? ». Plusieurs objectifs ont été fixés pour permettre de répondre à cette question : -

Étudier les reconfigurations sociales en situation de migration : lieu de vie, réseau social, cellule familiale, etc.

-

Analyser les changements dans l’espace social alimentaire, les processus d’identification et de différenciation : Comment l’environnement et les reconfigurations sociales influent-ils sur l’alimentation du migrant et sur son sentiment d’identité ?

-

Étudier les processus et agents d’acculturation.

Les hypothèses clés énoncées sont les suivantes : -

Les migrants participent à la culture alimentaire nationale : modèles alimentaires dynamiques, reconstruits dans l’interaction sociale.

-

La

migration

comme

changement

dans

le

statut

socio-économique,

l’environnement socio-culturel et matériel et le mode de vie : nouvel espace social alimentaire. 1.4

Méthodologie

Le choix des populations étudiées résulte de plusieurs facteurs : -

Les migrants en provenance du Maghreb et d’Afrique Sub-Saharienne représentent une part importante des migrants en France

-

Les migrations en provenance du Maroc sont, pour la plupart, des migrations anciennes alors que les migrations en provenance du Mali sont plus récentes. Ce choix est légitimé par la complémentarité de ces deux approches dans le cadre du sujet traité.

-

De manière très pragmatique, des relations pré existaient au projet avec des partenaires dans ces deux pays. 13


Ce projet se déroule sur 3 ans, de 2008 à 2011 et se compose d’une première phase d’étude qualitative constituée d’entretiens individuels, de récits de vie, de focus group, d’observation en situation et d’interrogation de personnes ressources. Puis la seconde phase sera quantitative avec la diffusion d’un questionnaire sur les modèles alimentaires et le bien-être alimentaire. Les premières conclusions de l’étude qualitative révèlent la mise en place, par les migrants, d’un « bricolage » vivant et non pas de rejet ni de résistance face à la culture et aux produits locaux. Un second point important semble être le fait que, malgré des situations souvent précaires, une grande attention est portée à la qualité de l’alimentation.

La comparaison des modèles alimentaires ruraux et urbains au sein d’un même pays éclaire sur les changements dus à la migration dans un environnement socio-culturel relativement fermé. L’objectif étant de mettre en évidence les modifications spécifiquement induites par un environnement socio-culturel différent.

Avant de mettre en lumière les différences entre les modèles alimentaires urbains et ruraux qui pourraient avoir des conséquences nutritionnelles, il est indispensable de s’attacher à l’étude du Mali et de sa situation nutritionnelle.

2 Présentation du Mali 2.1

Géographie

Le Mali, pays de la région du Sahel, d’une superficie de 1 241 000 km2 dont près de 60% appartient à la zone subsaharienne, est situé en Afrique de l’Ouest. C’est le plus vaste pays de la région après le Niger. Il est limité au Nord par l’Algérie, à l’Ouest par le Sénégal et la Mauritanie, au Sud par la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la Guinée et à l’Est par le Niger. Le relief est peu accidenté, le pays est constitué de plaines et de bas plateaux d’une altitude moyenne de 500 m. Le point culminant se trouve dans la partie centrale du pays, à 1155 m d’altitude (Mont Hombori). Ce vaste pays est traversé par deux fleuves : Le fleuve Sénégal et le fleuve Niger. Ces fleuves irriguent 14


principalement la partie sud du pays. Le Mali peut être séparé en 3 zones climatiques principales : -

La zone soudanaise au sud, couvrant près de 25% du territoire, sur laquelle les précipitations s’élèvent de 700 à 1500 mm/an.

-

La zone sahélienne accusant des précipitations de 200 à 500 mm/an. Le delta intérieur du Niger est une nappe d’inondation de 300 km de long sur 200 km de large au cœur de cette zone qui joue un rôle de régulateur climatique sur l’ensemble de la région.

-

La zone Saharienne avec moins de 200 mm de pluie par an. Les pluies sont particulièrement irrégulières dans cette région couvrant près de 60% du territoire national.

Les frontières du pays ont été déterminées pendant la période coloniale et ne tiennent compte ni des contraintes géographiques, ni des aires ethnoculturelles.

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Figure 1 : Carte du Mali

15


2.2

Population

En 2009, la population malienne est estimée à 13,4 millions d’habitants dont plus de 48% de moins de 15 ans. L’âge moyen est de 15,8 ans avec une espérance de vie à la naissance qui ne dépasse pas 52 ans. Le taux d’accroissement de la population est de 2,6 en 2009 avec un taux de fécondité en 2006 de 6,6 enfants par femme. En 2008, 32% de la population vivait en milieu urbain contre 23% en 1990. 99% des maliens sont sédentaires, les 1% restants étant nomades. Bamako, capitale du Mali, est la plus grande ville en terme de population. Les autres villes importantes sont Mopti, Ségou, Gao, Sikasso et Kayes. Du fait de l’urbanisation croissante des dernières décennies, la population de Bamako est passée de 700 000 habitants en 1984 à plus de 1 800 000 en 2009. Certaines projections annonce 4 000 000 d’habitants à Bamako en 2025. La langue officielle est le français mais de nombreux dialectes sont utilisés selon les ethnies. La densité moyenne est de 10 hab/km2 avec une répartition très inégale puisque 90% de la population vit sur 25% du territoire. De nombreuses ethnies cohabitent : Bambara (35%), Peuhl (12%), Touareg et Maure, Senoufo, Sarakolé, Songhaï, Malinké, Bobo, Minianka, Toucouleur, Somonono, Bozo, Dogon, etc. 2.3

Histoire et politique

La république du Mali est née le 22 septembre 1960 au terme de la période coloniale. Avant cela, sur l’actuel territoire du Mali se sont succédés trois grands empires : l’empire du Ghana du 3ème au 12ème siècle après JC, l’empire du Mali du 13ème au 15ème siècle puis l’empire de Songhaï pendant les 15ème et 16ème siècles. Au 9ème siècle, les importants échanges commerciaux entre les pays musulmans et l’empire du Ghana ont entraîné une large diffusion de l’islam à travers tout le pays. Aujourd’hui, 90% de la population malienne est musulmane. Du 16ème siècle au début du 19ème siècle, différents royaumes se sont succédés dans cette région. À chaque conflit, les frontières ont été modifiées.

16


Durant la deuxième moitié du 19ème siècle, les français ont entrepris la colonisation de la région depuis le Sénégal où ils étaient déjà installés. Ils ont ainsi opéré des découpages territoriaux leur permettant de mettre en place leur système administratif. À chaque découpage correspond un nouveau nom, ainsi le pays s’est appelé Soudan Français dès 1890 puis successivement, de 1899 à 1920, Haut Sénégal, Sénégambie-Niger et Haut Sénégal-Niger avant de redevenir Soudan Français de 1920 jusqu’à l’indépendance en 1960. Au cours de cette période coloniale, les français créèrent l’Office du Niger dont l’objectif était de « devenir le principal fournisseur de coton des industries textiles de la France coloniale, le grenier à riz de l'Afrique de l'Ouest et un lieu d'innovations techniques et sociales »1. La culture du coton a été un échec et a donc été abandonnée dès les années 70. Aujourd’hui, le gouvernement favorise le développement de la culture du riz dans un objectif d’autosuffisance du pays voire de production de denrées à destination des autres pays de la sous région. Sur le plan des échanges commerciaux, la balance du pays a été déficitaire pendant presque toute la période coloniale. Le Mali a donc hérité d’une dette importante lors de l’indépendance. La décolonisation commença en 1956 avec la victoire aux élections du parti politique Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui fit voter une loi donnant une large autonomie au Soudan Français. Puis le Sénégal et le Soudan Français créèrent en 1959 la fédération du Mali qui après négociations avec la France obtint son indépendance le 20 juin 1960. La République du Mali fut proclamée le 22 septembre 1960 après l’éclatement de la Fédération du Mali suite à des désaccords importants entre maliens et sénégalais. La première République fut marquée par la montée du socialisme dans tous les secteurs avec notamment la mise en place de champs collectifs dans le monde agricole, la création de la Société Malienne d’Importation et d’Exportation (SOMIEX) détenant le monopole des exportations et des importations et de la Régie des Transports

du Mali (RTM) responsable de l’ensemble des transports de

1

Office du Niger, Histoire de l’Office du Niger, [en ligne], consulté le 10 mars 2010, disponible sur http://www.office-du-niger.org.ml

17


marchandises du Mali. Au cours de cette période socialiste, le Mali noua de bonnes relations avec les autres pays socialistes, créa des écoles et favorisa l’éducation de sa population.

Suite à un coup d’Etat militaire, le 19 novembre 1968, la première république fut renversée. La deuxième république lui succéda avec tout d’abord la prise de pouvoir par le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) de 1968 à 1978. Cette période peut être assimilée à une dictature puisque les milices policières surveillaient étroitement tous les opposants au pouvoir. Sur le plan économique, le pays reçu l’aide de nombreux pays et en particulier de la France. Le mécontentement de la population était grandissant et la situation du pays instable sur tous les plans. C’est dans ce contexte que Moussa Traoré pris le pouvoir en 1978 et ce jusqu’en 1991. La situation ne changea guère et le pays ne survécut que grâce à l’aide extérieure. C’est seulement en 1991 que l’on assista à la chute du régime de Moussa Traoré dans un contexte sanglant. À partir de cette période, une transition s’opéra vers une démocratie multipartis sous la direction d’Amadou Toumani Touré. En 1992 Alpha Oumar Konaré fût élu président de la République du Mali : c’est le début de la 3ème république. Il restera à ce poste pour les deux mandats autorisés par la constitution soit jusqu’en 2002. À cette date, Amadou Toumani Touré lui succède. Ce dernier est réélu en 2007 et est le président actuel du Mali. 2.4

Économie

L’économie du Mali est principalement basée sur l’agriculture. Le Mali possède, en zones sahélienne et soudanaise des potentialités vivrières élevées du fait du climat. L’alternance des saisons sèches et humides présente un contexte favorable au développement du monde agricole et à la production vivrière. Cependant, cette économie agricole répond à un fragile équilibre que la moindre sécheresse ou invasion de criquets déstabilise de façon préoccupante entraînant des périodes de famine. Le secteur agricole emploie 80% de la population active du pays.

18


La situation économique du Mali est donc soumise aux variations climatiques mais également à l’état du commerce international et aux fluctuations des taux d’échanges. Le Mali n’ayant pas d’accès direct à la mer, ses exportations hors continent dépendent des ports de pays voisins.

Le fleuve Niger et le fleuve Sénégal jouent un rôle essentiel dans les transports de marchandises mais ceci de façon irrégulière en fonction des saisons. En effet, le fleuve Niger n’est navigable que six mois par an entre juillet et janvier. Il occupe une place primordiale dans le pays tant au niveau économique qu’au niveau du développement et de la répartition des terres.

De façon plus générale, le Mali dépend fortement de l’aide internationale. L’indicateur de développement humain (IDH)2 du Mali est de 0,371 (il était de 0,245 en 1975) ce qui le place au 178ème rang sur 182 pays. L’indicateur de pauvreté humain (IPH) du Mali est de 56,4%, ce qui le place en 107ème position sur 108 pays en voie de développement juste avant le Tchad. À la naissance, un enfant avait, en 2005, un risque sur 3 de mourir avant l’âge de 40 ans. 75% des personnes de 15 ans et plus sont analphabètes. La population malienne est passée de 5,4 millions à 11,6 millions entre 1975 et 2005 avec un taux d’accroissement de 2,5. Les prévisions en termes de population annoncent 15,7 millions d’habitants en 2015 d’après un taux d’accroissement de 3 entre 2005 et 2015. Le taux d’urbanisation augmente considérablement. En effet, il est passé de 16% en 1975 à 33% aujourd’hui et les prévisions pour 2015 sont de 36% de la population totale vivant en ville.

2

L’IDH prend en compte différentes dimensions : la longueur de la vie et l’état de santé (espérance de vie), les

connaissances (taux d’alphabétisation et taux d’enrôlement) et le niveau de vie (PIB par personne). L’indice de pauvreté humaine pour les pays en développement s’attache aux mêmes dimensions mais sous un autre angle. Il considère la probabilité à la naissance de ne pas survivre jusqu’à 40 ans, le taux d’alphabétisation, le pourcentage de la population sans accès à une source d’eau assainie et le pourcentage d’enfants en sous poids pour leur âge.

19


En 2004, 29% de la population malienne était sous-alimentée. En 2005, 23% des nouveaux-nés présentent une insuffisance pondérale, 33% des enfants de moins de 5 ans présentent une insuffisance pondérale pour leur âge et 43% des enfants de moins de 5 ans présentent une insuffisance de taille pour leur âge. En 2005, le taux de mortalité infantile chez les enfants de moins de 5 ans est de 218 pour 1000 contre 400 pour 1000 en 1970. Le PIB (Produit Intérieur Brut) annuel est de 392 USD par habitants en 2005 soit 1033 PPA3 (parité de pouvoir d’achat) USD par habitant en 2005. Les importations représentent 37% du PIB et les exportations 26% en 2005. Le Mali a reçu en 2005 une aide publique au développement correspondant à 51,1 USD par habitant soit 13% du PIB. 2.5

Migrations

Les flux migratoires représentent une réalité importante au Mali. Deux types de migrations sont observés : les migrations internes majoritairement des zones rurales vers les zones urbaines et les migrations externes du Mali vers d’autres pays. Les migrations internes font parties du mode d’utilisation de l’espace. En effet, le climat et son alternance de saisons sèches et de saisons humides favorisent les mouvements saisonniers de populations. Mais plus récemment, ce sont des migrations d’une autre nature qui font leur apparition : de nombreux habitants des zones rurales se déplacent vers les villes. D’après Yves MARTIN-PREVEL4, épidémiologiste et chercheur en nutrition publique à l’Institut de Recherche pour le Développement, ces migrations s’expliquent, selon les cas, de façon différente : des jeunes ayant un niveau d’éducation supérieur et venant chercher les avantages de la ville d’une part et d’autre part des personnes très défavorisées qui rejoignent la ville en dernier recours pour diminuer le nombre de bouches à nourrir et augmenter les sources de revenu dans une attitude collective. Cette dernière explication est d’autant

3

PPA (parité de pouvoir d’achat) Un taux de change qui prend en compte les différences de prix entre les pays et

permet une comparaison internationale des produits et revenus réels. Au taux de PPA en USD (utilisé dans ce rapport), 1 USD PPA correspond au même pouvoir d’achat dans l’économie nationale que 1 USD aux États-Unis. 4

MARTIN-PREVEL Yves (2010), Sociologie du développement, Enseignement suivi dans le cadre du Master 1 Alimentation, CETIA, Université de Toulouse 2, Toulouse.

20


plus représentée que les conditions climatiques sont mauvaises. La désertification, en particulier au Nord du pays, favorise ce type de migrations. Les régions d’origines sont principalement Gao, Tombouctou, Kidal et Kayes. Bamako et Ségou apparaissent

comme

les

grands

carrefours

des

migrations

internes.

Le

rapprochement familial est en passe de devenir la principale motivation des migrations tant internes qu’internationales au Mali. Les migrations internationales représentent une part importante des migrations maliennes et se font, pour 90% d’entre elles vers des pays d’Afrique et en particulier d’Afrique de l’Ouest. Concernant les 10% restant, ils se dirigent pour la majorité vers l’Europe et la France en particulier. Ces déplacements peuvent être envisagés pour une courte période, le temps de se procurer suffisamment d’argent pour aider la famille en rentrant au pays ou pour une plus longue période, une installation potentiellement définitive dans le pays d’accueil. Dans ce dernier cas, des envois d’objets, de nourriture et d’argent seront faits vers le pays d’origine. La région de Kayes est la plus touchée par l’émigration vers l’international. Selon le REMUAO (Réseau Migrations et Urbanisation en Afrique de l’Ouest), l’émigration touche 40% de la population de la zone de Kayes et en particulier les hommes de 20 à 30 ans et les femmes de 15 à 25 ans. Concernant le nord du pays, tout comme pour les migrations internes, la désertification est un motif important de migration vers l’international. Les migrants sont principalement des hommes actifs dont l’objectif premier est de trouver des sources de revenus et non pas de combler un manque de travail. De ce fait, les villages se trouvent en partie dépourvus de leur main d’œuvre. Cela entraîne de grands changements d’organisation : les femmes doivent assurer le travail effectué auparavant par les hommes alors même qu’elles n’y sont pas préparées. Les migrations internes et externes représentent donc une préoccupation majeure dans la gestion du pays en particulier en ce qui concerne la nutrition.

21


3 La nutrition au Mali Le Mali, par sa situation géographique et son histoire, a subi de nombreuses crises alimentaires. Ces crises ont été provoquées par différents facteurs. On distingue des facteurs liés à l’environnement comme la sécheresse, les invasions de criquets, les inondations, le vent, l’ensablement et le tarissement des sources d’eau ; des facteurs liés aux ressources financières : la perte d’emploi et la hausse des prix ; des facteurs de santé avec la survenance d’épidémie et la fréquence des maladies et enfin des facteurs politiques entraînant des déplacements forcés de population et un climat d’insécurité.

Sur le plan alimentaire, la sécheresse a été l’une des principales explications des crises au Mali et en particulier dans la partie Nord du pays. En 1973-74, la situation fut particulièrement catastrophique. Puis les années suivantes, l’amélioration n’a pas été suffisante pour rattraper le déficit vivrier accumulé. Ce déficit s’est encore aggravé lors d’une nouvelle sécheresse en 1983-84. Puis en 1990-91, 1995-96, 1997-98 et en 2000-2001 la faible pluviométrie et/ou les invasions de criquets frappèrent une fois de plus le pays. La crise politique en Côte d’Ivoire de 2002-2003 associée à un déficit pluviométrique sur le territoire a affecté l’économie du Mali, les habitants, en particulier les citadins, en ont subi les conséquences, notamment sur le plan alimentaire. En 2004-2005, une mauvaise campagne agricole et une invasion de criquets ont de nouveau placé le Mali dans une situation critique. On note qu’en 2005-2006 et 2008-2009, les conditions climatiques ont été favorables et ont permis aux ménages de reconstituer leurs stocks. Cependant, l’annonce d’une mauvaise récolte couplée à des prix toujours élevés laissent présager une année 2009-2010 difficile en particulier pour les ménages les plus vulnérables. 3.1

La situation nutritionnelle au Mali

3.1.1 La sécurité alimentaire Les populations maliennes se trouvent régulièrement confrontées à l’insécurité alimentaire. Ce concept renvoie à la situation de non sécurité alimentaire. La sécurité alimentaire a été définie lors du Sommet de la FAO (Food and Agriculture 22


Organization) à Rome en 1996 ainsi « lorsque tout le monde, à tout moment, a un accès physique et économique suffisant à une nourriture saine et nutritive, afin de satisfaire ses besoins quotidiens et ses préférences alimentaires pour une vie active en bonne santé ». Cette définition aborde 3 piliers de la sécurité alimentaire : •

La disponibilité alimentaire correspondant aux produits disponibles sur le marché.

L’accessibilité alimentaire c’est-à-dire la capacité d’un individu ou d’un ménage à accéder à la nourriture que ce soit par acte d’achat ou par auto-production.

L’utilisation alimentaire renvoyant à la capacité du corps à absorber les aliments et à les utiliser de manière optimale en fonction de l’état physique et psychologique de l’individu.

Face à des situations d’insécurité alimentaire, les ménages utilisent différentes stratégies et en particulier des stratégies dites alimentaires. Ainsi la diminution des quantités servies par repas apparaît comme la première mesure prise dans les foyers. La substitution d’un aliment par un autre moins onéreux et la diminution du nombre de repas sont également observées. Les résultats des Enquêtes de Base sur la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (EBSAN) I et II5, révèlent que l’insécurité alimentaire sévère touche 11% des ménages en période de soudure et 8% des ménages en période post-récolte. Cette différence s’explique par la nature même de la période de soudure. Ce terme désigne la période précédant la récolte et au cours de laquelle les céréales viennent à manquer. Selon la FAO6, l’insécurité alimentaire a diminué au Mali. Les risques ne sont plus liés à la disponibilité céréalière mais à la pauvreté profonde.

Aujourd’hui, il existe un indicateur de l’état nutritionnel des populations largement utilisé qui est le nombre de personnes sous-alimentées. Cet indicateur de la FAO est obtenu en considérant le nombre total de calories disponibles dans un pays, par exemple, c’est-à-dire les aliments disponibles convertis en calories rapporté au

5 6

République du Mali – Etude de Base de la sécurité alimentaire et de la nutrition Juillet 2007 et mars 2008, Profil nutritionnel des pays – République du Mali – 2010, FAO.

23


besoin calorique minimum total de la population considérée. On obtient ainsi une estimation du nombre de personnes susceptibles d’être sous-alimentées. Cet indicateur ne perçoit que l’aspect calorique de l’alimentation, or on sait aujourd’hui qu’au-delà d’une quantité suffisante de calories, l’organisme humain a besoin d’une alimentation de qualité, lui apportant les nutriments et micronutriments nécessaires à son maintien en bonne santé. Malgré cela, cet indicateur permet néanmoins, d’une part une comparaison des différents pays et d’autre part une prise en compte de l’évolution au cours du temps.

Ainsi, concernant le Mali, la proportion de personnes sous-alimentées était de 14% en 1990-92 puis elle a diminué progressivement pour atteindre 10% en 2004-06.

D’après l’Enquête Budget – Consommation (EBC) de 1988-89 présentée par la Direction Nationale de la statistique et de l’informatique du Mali, 16,6% des adultes présentent un indice de masse corporelle inférieur à 18,5 et sont donc en situation de maigreur. Ce chiffre est significativement plus élevé chez les femmes (19,1%) que chez les hommes (14,5%). 3.1.2 La sécurité nutritionnelle La sécurité nutritionnelle diffère de la sécurité alimentaire en cela qu’elle prend en compte de nouvelles dimensions, au-delà de la seule alimentation. Yves MARTINPREVEL, épidémiologiste à l’Institut de Recherche pour le Développement, propose la définition suivante : « La sécurité nutritionnelle implique non seulement la consommation de calories et de nutriments en quantités suffisantes mais également le savoir et les aptitudes nécessaires à l’adoption d’un régime alimentaire équilibré et de bonne qualité, notamment en ce qui concerne les besoins spéciaux des jeunes enfants et des femmes en âges de procréer, et encore l’accès aux services de santé et un environnement salubre, garantissant l’utilisation biologique effective des aliments consommés. ». Le schéma ci-dessous, issu des travaux de l’UNICEF (Fond des Nations Unies pour l’Enfance) illustre cette vision.

24


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Figure 2 : Cadre conceptuel de la malnutrition - UNICEF

La prise en considération de ces dimensions d’apparence extra-alimentaire, permet la mise en place d’actions de développement coordonnées et efficaces selon les causes identifiées. L’utilisation de ce modèle permet une approche globale de la situation nutritionnelle d’un pays sans se limiter à une approche strictement alimentaire qui serait biaisée par l’omission des aspects annexes. L’observation d’une situation de mal nutrition est un premier pas vers sa prise en charge. Cependant, traiter la malnutrition sans en connaître les causes ne permet pas de résoudre les problèmes sur le long terme. L’acceptation au niveau international de ce cadre conceptuel de la malnutrition constitue une grande avancée.

25


3.1.3 La transition nutritionnelle La transition nutritionnelle se caractérise par le passage d’une situation à forte prévalence des dénutritions à une situation de quasi disparition des famines accompagnée d’une augmentation des maladies non transmissibles liées à l’alimentation que sont principalement le surpoids, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Les changements d’habitudes alimentaires sont responsables de ce double effet de diminution des dénutritions et d’augmentation des pathologies chroniques.

Cette transition s’est faite très progressivement dans les pays industrialisés. Les pays en développement l’effectuent de façon accélérée actuellement. En effet, récemment, un changement des habitudes alimentaires et une diminution de l’activité physique ont été constatés particulièrement dans les milieux urbains. On assiste à une augmentation de la consommation de lipides, de sel et de sucres simples ainsi qu’à une diminution de la consommation de fibres. Suite à cela, le surpoids, l’obésité et toutes les pathologies associées à un excès alimentaire sont apparues. La rapidité de ces transformations provoque aujourd’hui la co-existence des dénutritions toujours très présentes et de ces nouvelles pathologies. Cette co-existence s’observe au sein du pays mais également au sein d’un même groupe d’individus voire chez un même individu. En effet, une personne obèse par excès calorique peut tout à fait se trouver en situation de carence en micronutriments. Cette double charge représente un défi dans la gestion du pays. Le contexte particulier des pays en développement explique la tournure que prend cette transition nutritionnelle. En effet, on assiste à des modifications culturelles et techniques causées par l’urbanisation rapide et l’industrialisation. L’accès à une offre alimentaire abondante est facilité. La communication commerciale, publicité et marketing, touche rapidement les populations urbaines du fait de la concentration des habitations en ville et du développement de la grande distribution. Le mode de vie tend à devenir sédentaire au sein des villes. Et enfin, l’hypothèse d’une « programmation fœtale » est avancée par certains scientifiques : les carences nutritionnelles au cours de la vie fœtale et de la petite enfance entraîneraient une 26


adaptation physiologique du corps lui permettant de vivre dans des conditions de manque mais ayant pour contre partie une plus grande propension à développer des pathologies liées aux excès alimentaires en cas de changement d’habitudes de vie. Le vieillissement de la population laisse également plus de place aux maladies liées aux excès par une plus longue exposition aux facteurs de risques. Ces modifications de l’environnement et des modes de vie s’effectuent dans un contexte où le surpoids et l’embonpoint restent valorisés et sont signes de richesse, de statut social voire de bonne santé. Une femme maigre en particulier renvoie une image négative de son mari dont on dira qu’il ne sait pas l’entretenir. 25

20

19,2 18,5 16,8

16,2

15,3 14,6

15 13,5 12,6

13,1

<18,49 : maigreur 25 à 29,99 : surpoids >ou= 30 : obésité

12,4 11,4

11,2

11,2 10,1

10

8,7

8,2

7,6

5,2 5

3,7 2

1,6

1,2 0

0 0

0 0

0 1995-96

2001 Total

2006

1995-96

2001

2006

1995-96

Urbain

2001

2006

Rural

Figure 3 : Evolution de la corpulence des femmes entre 1995 et 2006 au Mali

Selon le graphique ci-dessus, établi à partir des données des Enquêtes Démographiques et de Santé du Mali (EDSM) II – III et IV, le phénomène de transition nutritionnelle au Mali est clairement observable. Notons que ces trois enquêtes ne concernent que les femmes et que l’échantillonnage a différé d’une enquête à l’autre : en 2006, l’étude concernait les femmes en âge de procréer, en 2001, les femmes ayant eu une naissance vivante au cours des 5 dernières années et en 1995-96, les femmes ayant eu une naissance au 27


cours des trois années précédant l’enquête. De plus, l’enquête de 2006 a été conduite en partie pendant la période de soudure contrairement aux deux autres qui ont eu lieu en dehors de cette période. La mesure utilisée ici est l’indice de masse corporelle (IMC). Il est calculé à partir du poids en kg et de la taille en m : poids/(taille x taille). Cet indice permet d’avoir une photographie de la situation à un moment donné, mais il est très sensible aux variations de poids et donc varie beaucoup d’une période de l’année à l’autre. Cela peut expliquer les chiffres importants de maigreur en 2006 puisque l’enquête a été partiellement menée pendant la période de soudure. Le surpoids et l’obésité dépendent très peu des périodes de l’année. Globalement, la maigreur semble reculer contrairement au surpoids et à l’obésité dont la prévalence augmente nettement. La situation est caractéristique de la transition nutritionnelle puisque les taux de surpoids et d’obésité sont bien plus élevés en ville que dans les zones rurales. Les résultats de l’année 2006 reflètent la moindre dépendance des femmes vivant en milieu urbain face à la période de soudure. En effet, contrairement aux zones rurales, la prévalence de la maigreur est en baisse dans les zones urbaines. Un élément également à noter est le caractère récent du recensement des personnes en surpoids dans les enquêtes : en 1995-96, toute l’attention était portée aux situations de maigreur.

Bernard MAIRE et Francis DELPEUCH résument la situation ainsi : « Le défi est de fournir au plus grand nombre la possibilité d’un régime diversifié et suffisamment abondant, tout en limitant la pénibilité des tâches et tout en sachant prévenir la montée de l’obésité et des maladies chroniques. »7

7

MAIRE Bernard, DELPEUCH Francis, « La transition nutritionnelle, l’alimentation et les villes dans les pays en développement », Cahiers d’études et de recherches francophones/Agricultures, Volume 13, Numéro 1, Janvier Février 2004, pp. 23-30.

28


3.2

Nutrition maternelle et infantile

Dans les pays en développement en situation de transition nutritionnelle, cohabitent tous les types de malnutritions. 3.2.1 Les malnutritions : définitions La malnutrition correspond à l’inadaptation des apports aux besoins d’une population. Le mot malnutrition décrit n’importe quel désordre nutritionnel de carence ou d’excès. 3.2.1.1 Les malnutritions par excès On distingue deux malnutritions par excès : le surpoids et l’obésité. Selon l’OMS, un individu est en surpoids lorsque son Indice de masse corporelle (IMC) est compris entre 25 et 29,99 et il est obèse lorsque son IMC est supérieur ou égal à 30. La plupart du temps, le surpoids et l’obésité sont liés à un excès de masse grasse causé par un excès d’apport calorique. La forte augmentation de la prévalence de ces pathologies dans les pays en développement témoigne de la transition nutritionnelle. 3.2.1.2 Les malnutritions par carence Malnutritions par carence, dénutrition, sous-nutrition sont des synonymes. La dénutrition est caractérisée par un déséquilibre de la balance apports/besoins. Ce déséquilibre peut concerner la quantité de calories mais aussi la quantité de protéines ou la quantité de micronutriments. Nous nous intéresserons ici aux dénutritions des mères et de leurs enfants. Plusieurs types de dénutritions se distinguent les unes des autres : •

Chez les femmes, la dénutrition est détectable par une faible corpulence et/ou une petite taille. Cette situation entraîne, lors des grossesses, une augmentation du risque de décès de la mère lors de l’accouchement et un risque très fort de petit poids de naissance de l’enfant représentant en soi, une forme de dénutrition puisqu’il est rare et difficile pour ces enfants de rattraper le retard accusé à la naissance.

Chez les enfants, le recours aux indices de Waterloo permet de différencier la maigreur du retard de croissance. Ces définitions reposent sur une approche 29


normative, Après avoir mesuré certains paramètres, la comparaison à la médiane d’une population de référence permet de déterminer la gravité de la situation : la dénutrition est dite modérée si les résultats montrent un écart de 2 écarts types par rapport à la médiane et sévère si l’écart est de -3 écarts types.

Indices de Waterloo

P/T > -2ET

P/T < ou = -2ET

T/âge > -2ET

Dénutrition absente

Maigreur

T/âge < ou = -2ET

Retard de croissance

Maigreur et Retard de croissance

La maigreur ou émaciation, appréhendée par le rapport poids/rapport à la taille, donne une idée de la situation à un moment donné. Elle peut être due à une sous-nutrition récente ou aigue. Ainsi de grandes différences peuvent être observées selon la saison, le contexte climatique, la situation économique. Cette forme de dénutrition est particulièrement visible. Sa cause première est un déficit d’apports caloriques, mais d’après l’EBSAN II, d’autres facteurs peuvent être mis en cause comme, par exemple, la contraction par l’enfant de maladies et en particulier de diarrhées, qui augmente le risque de maigreur, ou à l’inverse l’accès à l’eau potable qui limite ce risque. Le retard de croissance est défini par la mesure de la taille par rapport à l’âge. Il reflète une dénutrition chronique caractérisée par un déficit d’apports en protéines et/ou micronutriments. Le problème est lié à un déficit de qualité de l’alimentation et non pas à un déficit de quantité. Il est peu visible, en particulier lorsqu’on ne connaît pas l’âge de l’enfant. D’après l’EBSAN II, en dehors des causes alimentaires directes, le risque de retard de croissance est diminué chez les enfants ayant une couverture vaccinale satisfaisante et/ou ayant accès à l’eau potable.

30


On observe un cycle intergénérationnel de la dénutrition : les mères dénutries enfantent d’enfants de faible poids de naissance qui deviendront, pour les filles, des jeunes femmes de petite taille et de faible corpulence qui, à leur tour, donneront naissance à des enfants dénutris. L’insuffisance pondérale mesurée par le rapport du poids par rapport à l’âge est également utilisée. Elle présente l’avantage d’être plus facilement mesurable, mais ne donne que peu d’indications sur l’état de santé des enfants et sur les actions à mener. Après un premier dépistage grâce à cette mesure, il est donc indispensable de mesurer les deux autres rapports. Les différentes dénutritions sont d’origine multifactorielle. L’alimentation joue un rôle important dans leur apparition, mais elle n’est pas la seule cause. En effet, l’état de santé plus général, les infections respiratoires, les diarrhées par exemple, influent sur la capacité du corps à utiliser les ressources qui lui sont apportées. Le niveau d’éducation des mères et l’attention portée aux enfants semblent prendre une place importante parmi les causes des dénutritions. Enfin, l’accès aux ressources de toutes sortes (financières, alimentaires, de santé, d’éducation) apparaît être un facteur primordial de l’apparition des dénutritions. Toutes malnutritions confondues, les plus malnutris sont les plus pauvres quelle que soit la disponibilité alimentaire. 3.2.1.3 Les conséquences des dénutritions Les dénutritions entraînent une augmentation du risque de mortalité et de contraction de maladies infectieuses de type diarrhéiques ou respiratoires par exemple. En outre, la dénutrition provoque un déficit intellectuel et une grande fatigue qui, chez les adultes, peuvent entraîner une baisse de la productivité et une augmentation de l’absentéisme et donc une baisse des revenus. Chez les enfants, l’apparition de maladies infectieuses dans un contexte de manque de soins de santé, diminue la capacité du corps de ces enfants à utiliser les aliments ingérés et augmente donc l’état de dénutrition. Il en résulte une baisse de l’efficacité du système immunitaire.

31


La dénutrition de la population représente un réel handicap pour le pays du fait de la baisse d’efficacité des travailleurs par fatigue physique ou par déficit intellectuel. La dénutrition influe directement sur le Produit Intérieur Brut d’un pays. De plus, rappelons que ce phénomène se perpétue d’une génération à l’autre si aucune mesure efficace n’est prise. L’état nutritionnel d’une population est donc bien à la fois une cause et une conséquence du développement d’un pays. Le coût social et économique pour le pays est colossal. Ce constat participe à l’essor des politiques visant à réduire la malnutrition dans les pays les plus touchés. Le taux de malnutrition est aujourd’hui considéré comme un bon indicateur du niveau de développement d’un pays et permet de prédire un certain nombre de problèmes de santé à venir à l’échelle du pays. 3.2.2 La situation au Mali D’après l’enquête Budget – Consommation de 1988-89 présentée par la Direction Nationale de la statistique et de l’informatique du Mali, près de 24% des enfants de 0 à 10 ans souffraient de retard de croissance. Ce taux est plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. Ces données peuvent être analysées dans leur ensemble mais présentent l’inconvénient de ne pas permettre de comparaison dans le temps. En effet, les erreurs de mesure liées à la difficulté de mesurer un enfant fausseraient les résultats. En revanche, les différentes Enquêtes Démographique et de Santé au Mali de 1987, 1995-96 et 2001 permettent une approche en termes d’évolution des données.

32


45 40 40

34

35

34 31

30 30

25

24

23

1987 1996 2001

20

15

13 11

10

5

0 Retard de croissance

Maigreur

Insuffisance pondérale

Figure 4 : Evolution des niveaux de dénutrition chez les enfants de moins de 3 ans entre 1987 et 2001

On observe une augmentation continue du nombre d’enfants atteints de retard de croissance. Les modes de calcul utilisés en 2006, différents des modes de calculs utilisés dans les enquêtes précédentes ne permettent pas d’effectuer une comparaison. Les données de l’enquête de 2001 ont été retraitées afin de permettre cette comparaison au moins entre les deux enquêtes EDSM III et IV. Ainsi, les résultats de l’EDSM IV de 2006 montrent une diminution du taux de retard de croissance qui passe de 38% en 2001 à 34% en 2006. Les données concernant la maigreur reflètent une dénutrition récente ou aigue, ainsi la comparaison dans le temps revient à comparer deux photographies sans pour autant pouvoir en déduire quoi que ce soit quant à l’évolution. En 1996, les conditions climatiques difficiles entraînant une mauvaise récolte pourraient expliquer la forte prévalence de maigreur chez les enfants de moins de trois ans. Notons, que les données de 2006 affichent également une forte prévalence de maigreur chez ces enfants pouvant être relié à la situation critique de 2005.

33


Les EBSAN I et II ont été effectuées respectivement en juillet 2007, période de soudure, et mars 2008, période post récolte. Les différences de résultats observées peuvent, en partie, être expliquées par le contexte de récupération des données.

Maigreur EBSAN I EBSAN II

9,7 6,1

Retard de croissance 25,3 25,7

Insuffisance pondérale 26,3 23,3

Figure 5 : taux de prévalence des dénutritions selon la période de l'année au Mali

On constate, une fois de plus, que l’amélioration de la disponibilité des aliments en période post-récolte entraîne une diminution significative du taux de maigreur, ou dénutrition aigue, et du taux d’insuffisance pondérale. En revanche, le taux de retard de croissance, ou dénutrition chronique reste stable. Il reflète une situation d’insécurité alimentaire permanente. Ainsi, concernant l’étude de la dénutrition et son évolution, la maigreur permet de déceler une situation d’urgence, en cas de crise par exemple, et le retard de croissance permet de suivre l’évolution dans le temps de la situation alimentaire et nutritionnelle des populations.

Concernant les mères, l’âge moyen de la première grossesse est de 17 ans. Ce constat renvoie aux problèmes liés à la petite taille et à la faible corpulence. En effet, les filles-mères n’ont, pour certaines, pas terminé leur croissance. Cet état augmente les risques de mortalité de la mère lors de l’accouchement car la taille du bassin maternel est trop étroite par rapport à la circonférence de la tête du bébé. Une fois de plus, les enfants dont la mère est dénutrie ont de forts risques d’accuser un retard de croissance, un déficit intellectuel et une moindre résistance aux maladies. 3.2.3 Prise en charge globale des enfants et dénutrition Les indices développés précédemment indiquent la prévalence de la dénutrition sur une base chiffrée. Cependant, d’autres facteurs permettent d’appréhender la dénutrition. L’observation des pratiques alimentaires des jeunes enfants, l’accès aux soins de santé ainsi que la disponibilité de la mère à s’occuper de son enfant sont autant de points cruciaux en termes de dénutrition.

34


3.2.3.1 Les pratiques alimentaires des jeunes enfants Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les pratiques alimentaires optimales pour limiter le risque de dénutrition et assurer un bon développement de l’enfant sont les suivantes : débuter l’allaitement dès la première heure après la naissance, répondre à la demande du nourrisson en terme d’allaitement, nourrir l’enfant exclusivement au sein jusqu’à l’âge de 6 mois, proposer une alimentation de complément appropriée et saine à partir de 6 mois, augmenter l’allaitement en cas de pathologies du nourrisson et poursuivre l’allaitement au delà de la deuxième année de vie.

Ces recommandations ne sont pas toujours appliquées. Au Mali, selon l’EDSM IV, en 2006, la quasi totalité des enfants sont ou ont été allaités. Cependant, seuls 45% d’entre eux ont été mis au sein dans l’heure suivant la naissance. Or, le colostrum produit par la mère immédiatement après l’accouchement est extrêmement riche en nutriments et apporte des anti-viraux et des anti-bactériens à l’enfant. Parmi les enfants allaités, 31% ont reçu un aliment autre que le lait maternel avant la première tétée. Notons, cependant, que la situation semble s’améliorer de ce point de vue puisque, selon EDSM II, en 1995-96, seuls 9,5% des enfants avaient été allaités au cours de la première heure de vie. Concernant l’alimentation des enfants de 0 à 6 mois, la pratique de l’allaitement seul augmente très nettement depuis plus de 20 ans : cette pratique concernait 10% des enfants de moins de quatre mois en 1995-96 et concerne 45% des enfants de moins de quatre mois en 2006. La grande majorité des autres enfants de moins de quatre mois reçoivent de l’eau en plus de l’allaitement maternel. À partir de l’âge de 6 mois, l’allaitement exclusif ne suffit plus à couvrir les besoins du nourrisson, il est donc nécessaire d’introduire de nouveaux aliments. Pourtant, au Mali, seuls 30% des enfants de 6 à 9 mois reçoivent ce régime alimentaire en 199596 comme en 2006. La grande majorité des autres enfants de 6 à 9 mois consomment le lait maternel et éventuellement de l’eau (14% consomment

35


uniquement du lait maternel et 47% consomment de l’eau en plus du lait maternel en 2006). La promotion de l’allaitement maternel pourrait constituer un levier dans la prévention de la dénutrition infantile. Cependant, pour cela, les mères doivent pouvoir avoir accès aux soins de santé et à l’éducation. 3.2.3.2 L’accès aux soins de santé L’accès aux soins de santé joue un rôle primordial dans l’état nutritionnel des enfants. Or, cet accès est largement déterminé par la présence ou l’absence d’un centre de santé fonctionnel dans le village. D’après l’EBSAN I, 52% des villages possèdent un centre de santé opérationnel. En admettant les propos du Programme de Développement Sanitaire et Social (PRODESS) du Mali : “Les personnes vivant dans les ménages situés à moins d’une demi-heure d’un établissement de santé ont un accès satisfaisant aux soins de santé”, 59% de la population accèdent de façon satisfaisante aux centres de santé. Ce taux varie énormément d’une région à l’autre avec près de 100% à Bamako, 71% dans la région de Kayes, qui sont les régions les mieux équipées et seulement 29% dans la région de Kidal. D’après le CFSVA (Analyse de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité), le Mali compte en moyenne 1 médecin pour 22 500 habitants ce qui le place parmi les pays les pires du monde. Au-delà de l’accès aux centres de santé, le type de toilettes disponible dénote de la situation d’hygiène des ménages. Seuls 3% des maliens, d’après l’ESBAN I, ont accès à des toilettes modernes avec chasse d’eau. La grande majorité (75%) utilisent des toilettes traditionnelles et 22% se soulagent directement dans la nature. L’accès à l’eau potable diminue les risques de maladies et de dénutritions. 75% des maliens boivent de l’eau provenant du robinet, de forage ou de puits améliorés. Cette eau est considérée comme potable avec une qualité satisfaisante.

Concernant les enfants, une bonne couverture vaccinale semble liée à un moindre risque de dénutrition, notamment de dénutrition chronique. D’après l’OMS, un enfant a une bonne couverture vaccinale lorsqu’il a reçu, avant l’âge de 1 an, le BCG, le vaccin contre la rougeole, le vaccin contre la polio (3 doses), le DTCoq (3 doses) ainsi que le vaccin contre la fièvre jaune. D’après le EDSM IV, 42% des enfants de 12 36


à 24 mois répondent à ces critères. Ces données étant basées sur le carnet de vaccination et sur les déclarations des mères lorsque le carnet n’était pas disponible. Ce chiffre est en nette progression depuis l’EDSM III puisqu’en 2001 seuls 19% des enfants de 12 à 24 mois avaient une bonne couverture vaccinale. Cette amélioration s’est faite en particulier dans les zones rurales où le taux d’enfants ayant une bonne couverture vaccinale est passé de 22% à 46%. Ce taux reste cependant inférieur au taux observé en milieu urbain (plus de 50%). La contraction de maladies influe sur la dénutrition aigue, en particulier les infections respiratoires aigues (IRA) et les diarrhées. D’après l’EDSM IV, 5,6% des enfants de moins de 5 ans ont souffert de toux dans les deux semaines précédant le passage de l’enquêteur. Notons que ce chiffre est particulièrement élevé à Bamako (8,2%). Concernant les diarrhées, 13% des enfants de moins de 5 ans ont présenté un épisode diarrhéique au cours des deux semaines précédant le passage de l’enquêteur avec une différence notable entre le milieu urbain (9%) et le milieu rural (15%).

La santé des mères joue un rôle important pour la santé de l’enfant. Les carences en micronutriments constituent des paramètres significatifs de l’état de santé de la mère. Afin d’apprécier les carences en vitamine A et en fer dans l’EBSAN I, l’évaluation clinique de la cécité crépusculaire, symptôme caractéristique d’une carence en vitamine A et la pâleur reflétant l’anémie ferriprive ont été évaluées. Les résultats montrent que 5,5% des femmes en âge de procréer souffrent de cécité crépusculaire et 20,4% de ces femmes présentent une pâleur telle que l’on en déduit une carence en fer. La carence en vitamine A de la mère peut avoir de graves conséquences : les risques de mortalité maternelle à l’accouchement et de fausse couche sont augmentés, la concentration en vitamine A du lait maternel sera faible et l’enfant souffrira donc à son tour de carence en vitamine A qui peut entraîner une cécité et un retard de croissance et qui augmente le risque d’infection puisque la vitamine A joue un rôle important dans le système immunitaire.

37


Quant à la carence en fer, elle augmente le risque de décès maternel à l’accouchement et entraîne un retard de croissance de l’enfant ainsi qu’un déficit cognitif. Tout comme la vitamine A, le fer est indispensable au bon développement du système immunitaire, une carence favorise donc les infections. La vaccination anti-tétanique des mères constitue également une mesure primordiale dans la prise en charge des femmes enceintes. Le tétanos est une cause importante de décès néonatal. D’après l’EDSM IV, 56% des femmes ayant eu un enfant dans les 5 ans précédant l’enquête, étaient protégées contre le tétanos lors de leur dernière grossesse. On remarque que ces chiffres sont plus élevés à Bamako (74%) et chez les femmes ayant un niveau d’instruction élevé (83%).

La fréquence des consultations pré et post natale est un indicateur de l’accès aux soins. Des relations ont été établies entre ces consultations et l’état nutritionnel des enfants. Selon l’EBSAN I de 2007, au niveau national, 59% des femmes enceintes ont fait au moins une consultation prénatale. Ce chiffre tombe à 36,4% selon l’ESBAN II en 2008. Cette grande différence s’explique en partie par l’époque de relevé des données : en effet, pendant la récolte, les femmes n’ont pas le temps d’aller consulter et de plus, la saison des pluies rend plus difficile les déplacements vers les centres de santé. Ces chiffres diffèrent légèrement selon les EDSM III et IV qui annoncent 57% en 2001 et

70 % en 2006 avec d’importantes différences selon le lieu de

résidence : 64% en milieu rural et 87% en milieu urbain. Quels que soient les chiffres, l’important réside dans l’ordre de grandeur et dans l’évolution. Ainsi, la proportion de femmes enceintes n’ayant fait aucune consultation prénatale reste préoccupante malgré une amélioration ces dernières années. Le contenu des consultations prénatales est aussi important que leur fréquence. Selon les femmes interrogées au cours de l’EDSM IV, seules 29% des femmes ayant reçu des soins prénatals ont été informés des signes de complications liés à la grossesse. En revanche, le poids, la taille et la tension artérielle sont mesurés de façon quasi systématique lors de ces consultations. 61% des femmes ont reçu une complémentation en fer et 62% un anti-paludéen. Les prélèvements d’urine et de 38


sang sont fréquemment effectués à Bamako (respectivement 81% et 79%) alors qu’ils sont plus rares dans la région de Kayes par exemple (34% et 26% respectivement). Au mali, la proportion de décès maternels et de décès du nouveau-né reste importante et ces décès surviennent pour la majorité dans les 48 heures suivant l’accouchement. Cela pointe l’importance des soins post-natals. Selon l’EDSM IV, seules 45% des femmes accouchent dans un établissement de santé avec de grandes disparités entre les zones rurales (33%) et les zones urbaines (78%). Parmi les femmes ayant accouché en dehors d’un établissement de santé, 70% n’ont reçu aucun soin post-natal. 3.2.3.3 Les pratiques de soins ou caring Le caring est une notion apparue dans les années 1990 afin de nommer les causes sous-jacentes de la malnutrition qui n’étaient ni directement liées à la santé physique ni à l’alimentation. Le caring est un anglicisme dont l’origine vient du mot « care » signifiant soin dans le sens de « prendre soin » contrairement au mot « treatment » que nous traduisons aussi par le mot « soin » en français mais, cette fois, dans le sens « soin médical ». Ainsi, le caring regroupe les soins psycho-affectifs, les facteurs socio-culturels et le niveau d’éducation. La relation mère-enfant se pose en arrière fond de cette notion. La qualité de cette relation dépend de la disponibilité de la mère, de son accès à l’information, aux connaissances, de son état psychosocial et nutritionnel, de son accès à la santé. Yves MARTIN-PREVEL note que « même dans un contexte défavorable de pauvreté ou de crise économique, de bonnes pratiques de

caring

peuvent

permettre

une

meilleure

croissance

et

un

meilleur

développement »8. En effet, d’après l’ESBAN I, les déterminants de la dénutrition infantile sont, non seulement, l’état de santé et le régime alimentaire de l’enfant, mais également l’état de santé et d’instruction de sa mère, le niveau de revenu de sa famille, l’accès à l’eau potable, l’âge de la mère.

8

MARTIN-PREVEL Yves et collaborateurs, « Nutrition, urbanisation et pauvreté en Afrique Subsaharienne », Médecine Tropicale, 2000, 60-2, pp.179-192.

39


Le niveau d’instruction de la mère est un critère important dans la gestion de la santé en général et plus particulièrement de la santé nutritionnelle de son enfant. Selon l’EBSAN I, 75% des mères n’ont aucune instruction. Bamako et Kayes se démarquent avec des taux plus faibles d’analphabétisme (respectivement 38 et 58%). Ce niveau d’instruction des mères influe notamment sur la bonne couverture vaccinale de l’enfant. En effet, selon l’EDSM IV de 2006, les enfants dont les mères n’ont aucune instruction sont 46% à être correctement vaccinés contre 70% des enfants dont les mères ont atteint le secondaire ou plus.

Dans une situation où les maladies infectieuses représentent un problème majeur de santé des enfants, l’hygiène des mères apparaît être un point à surveiller. Le lavage des mains reflète l’importance donnée à l’hygiène. Selon l’EBSAN I, la grande majorité des mères se lavent les mains lors des opérations clés liées à l’hygiène : préparation des repas, avant de manger, après avoir mangé, avant de faire manger l’enfant, après être allé aux toilettes et après avoir aidé l’enfant à aller aux toilettes. Mais seule une faible proportion de ces femmes utilise du savon ou un autre détergent, les autres utilisant de l’eau seule.

Les pratiques de soins dépendant de façon importante de la relation mère - enfant, il semble nécessaire de s’intéresser au statut de la femme dans la société afin d’appréhender ses marges de manœuvre concernant l’éducation de ses enfants. Le travail des femmes, aura par exemple un rôle important concernant le temps qu’elles pourront consacrer à leurs enfants. D’autre part, les femmes ont besoin d’avoir accès au budget du ménage pour accéder à la nourriture et éventuellement pouvoir emmener leurs enfants dans un centre médical si nécessaire sans pour autant devoir attendre l’autorisation du gestionnaire du budget.

40


3.3

Les différences urbain - rural : focus sur la région de Kayes et la ville de Bamako

L’importance de l’urbanisation au Mali a bouleversé le paysage démographique et économique du pays. Cependant comme le montre le graphique ci-dessous, la différence de pauvreté entre la ville et la campagne pré-existe à ce phénomène. De plus, la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en ville est à relativisé puisque l’on observe de grosses différences au sein même des villes.

90

80

70

60

50

Urbain Rural Total

40

30

20

10

0 1988

1994

2001

2005

Figure 6 : Incidence de la pauvreté monétaire au Mali entre 1988 et 2005

La forte urbanisation observée au Mali ces dernières années a entraîné d’importantes disparités entre la ville et la campagne sur le plan nutritionnel. D’après Yves MARTIN-PREVEL9, la sécurité alimentaire en terme qualitatif s’exprime par la qualité nutritionnelle et la diversité des aliments, leur qualité sanitaire et leur

9

MARTIN-PREVEL Yves et collaborateurs, « Nutrition, urbanisation et pauvreté en Afrique Subsaharienne », Médecine Tropicale, 2000, 60-2, pp.179-192.

41


acceptabilité culturelle. C’est ici que les différences entre les milieux ruraux et urbains ressortent. En milieu urbain, l’accès aux aliments est plus grand ce qui favorise une alimentation plus diversifiée : moins de céréales, plus de produits animaux, de sucres simples et de graisses. Cependant la quantité de calories consommées apparaît, selon l’enquête Budget Consommation de 1988-89, légèrement plus importante en milieu rural (2300 kcal) qu’en milieu urbain (2200). Sa répartition est, en revanche, bien différente entre la ville et la campagne comme le montre le tableau ci-dessous issu de l’EBC 88-89. Répartition de l’apport énergétique par nutriments selon le milieu de résidence En % de l’énergie totale Glucides Lipides Protéines

Urbain Rural 78,4 84,3 7 3,8 14,6 11,9

Figure 7 : Répartition de l'apport énergétique par nutriments selon le milieu de résidence

Globalement

l’alimentation

est

hyperglucidique

et

pauvre

en

lipides.

Ces

caractéristiques sont accentuées en milieu rural. L’énergie glucidique provient essentiellement de l’aliment de base c’est-à-dire des céréales. L’alimentation rurale est donc plus énergétique mais moins diversifiée. Concernant la région de Kayes et la ville de Bamako, cette tendance se confirme avec un apport calorique moyen de 2400 à Kayes et de 2100 à Bamako. L’apport protéique est satisfaisant en quantité, cependant il provient majoritairement des céréales et des légumineuses et peu de la viande, du poisson ou du lait. Or, les protéines d’origine végétale sont moins bien utilisées par l’organisme.

Outre la consommation alimentaire, des différences notoires apparaissent sur l’état de santé des populations entre le milieu urbain et le milieu rural. En termes de vaccination des enfants, on constate que seuls 29% des enfants de 12 à 24 mois ont une couverture vaccinale complète dans la région de Kayes contre

42


59% à Bamako. De manière plus globale, les taux de vaccination sont plus faibles en milieu rural qu’en milieu urbain. Selon l’EDSM IV, la prévalence de la diarrhée est de 21% dans la région de Kayes et de 8% à Bamako. Concernant la notion de caring, Yves MARTIN-PREVEL10 note qu’en milieu urbain, de nombreux facteurs pèsent sur la capacité des femmes à s’occuper de leurs enfants. En effet, en ville, les femmes sont très souvent amenées à travailler pour assurer un revenu suffisant à leur famille. Le temps qu’elles passent au travail voire dans les transports représente du temps qu’elles ne passent pas à s’occuper de leurs enfants. En revanche, il leur permet de gagner de l’argent qu’elles géreront, la plupart du temps, elles-mêmes. Or, il semble acquis maintenant que lorsque le budget est géré par les femmes, il est principalement utilisé pour l’alimentation de toute la famille. Concernant le travail des femmes, des différences d’activités professionnelles sont à noter : à Kayes, 78% des femmes ayant un emploi travaillent dans le secteur de l’agriculture, de la pêche ou de l’élevage alors qu’à Bamako 58% travaillent dans le secteur de la vente et des services. Le problème de la garde des enfants se pose de manière plus pesante en milieu urbain qu’en milieu rural où les femmes travaillent souvent avec leurs enfants sur le dos. Enfin, une des composantes majeure du caring est l’accès à l’éducation des femmes. Cet accès semble facilité en ville par rapport à la campagne. Selon l’EDSM IV, 88% des femmes n’ont reçu aucune instruction en milieu rural alors qu’elles ne sont que 59% en milieu urbain. La région de Kayes est caractéristique du milieu rural avec un taux de femmes non instruites de 86%. Quant à la ville de Bamako, elle accuse le taux le plus faible de femmes non instruites. Notons également que seules 3,3% des femmes de Kayes ont atteint le secondaire alors qu’elles sont 31% à Bamako. Ces différences observées entre le milieu urbain et le milieu rural sont à relativiser. En effet, depuis quelques années, on constate de grandes disparités au sein des

10

MARTIN-PREVEL Yves (2010), Sociologie du développement, Enseignement suivi dans le cadre du Master 1 Alimentation, CETIA, Université de Toulouse 2, Toulouse.

43


villes avec des personnes en situation d’extrême pauvreté côtoyant des personnes aux revenus importants et ce dans une même ville voire un même quartier. Il faudrait désormais parler « des » villes. Faute de données, nous n’approfondirons pas cette analyse ici.

Conclusion La situation nutritionnelle du Mali apparaît donc préoccupante et en particulier concernant les femmes et les enfants. De plus, un mauvais état nutritionnel de la population affecte le développement socio-économique du pays. Il est donc primordial d’améliorer l’état nutritionnel afin de développer le capital humain du pays. Face à ce constat, le gouvernement malien a fait de la sécurité alimentaire durable un objectif premier de sa politique. Ainsi, un volet « sécurité alimentaire durable et souveraineté alimentaire » a été inséré dans la Loi d’Orientation Agricole votée en 2006. Déjà en 2002, la stratégie nationale de sécurité alimentaire, visant à satisfaire les besoins alimentaires des populations, est apparue et s’est traduite par le Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA). Ce dernier qui intègre des objectifs directement liés à l’alimentation comme l’augmentation et la diversification de la production agricole ainsi que le développement de la transformation des produits locaux vise aussi et surtout à l’amélioration des revenus des populations ce qui renvoie aux questions d’accessibilité. Ce programme insiste sur la nécessité d’une interaction entre le secteur agricole et les autres secteurs tels que la santé, l’éducation, les transports, etc. Parallèlement, le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) a été créé en mai 2004. Il est chargé de définir, piloter et coordonner l’ensemble des actions ayant trait à la sécurité alimentaire. Il coordonne, par exemple, le Système d’Alerte Précoce (SAP). Ce SAP, mis en place depuis 1986, assure un suivi nutritionnel de la population à travers quelques sites sentinelles. Il a pour objectif de prévoir les crises alimentaires et d’améliorer leur gestion en identifiant lesdites situations de crises. Dans le même temps, le Programme de Restructuration des Marchés Céréaliers (PRMC) a été créé et joue un rôle complémentaire vis à vis du SAP puisqu’il distribue des denrées alimentaires gratuitement dans les zones identifiées en crise par le SAP. 44


Le gouvernement a également créé différentes divisions en charge de nutrition et/ou d’alimentation au sein de ses ministères : la Division du Suivi de la Situation Alimentaire et Nutritionnelle de la Cellule de Planification et de Statistiques et la Division Nutrition de la Direction Nationale de la Santé. La volonté d’agir sur la nutrition et la sécurité alimentaire est affichée et bien présente, mais la multiplication des institutions en charge de ces sujets favorise le flou et limite l’efficacité par manque de coordination notamment. Notons que l’insécurité alimentaire rurale liée aux facteurs climatiques a diminué. En revanche, une insécurité alimentaire de nature nouvelle l’a remplacée liée à la pauvreté urbaine et péri-urbaine. Cette dernière nécessite une prise en charge différente que l’on voit apparaître dans le PNSA mais il faudra probablement quelques années avant de pouvoir en constater les éventuels effets.

45


Partie II : Alimentation, nutrition et migrations

46


Concernant l’alimentation des migrants et l’évaluation de leur bien être alimentaire, la dimension socio-anthropo-ethnologique est indispensable. Mais la question de la nutrition apparaît également primordiale dans le traitement des données et la compréhension du problème posé. La question de la pluridisciplinarité pour traiter l’alimentation est une question récurrente et qui ne fait pas consensus ni dans les sciences humaines ni dans la nutrition. D’où vient ce clivage des disciplines ? Et comment les réconcilier ? Après avoir tenté de répondre à ces questions, nous présenterons les outils et concepts nécessaires à l’étude des modèles alimentaires des migrants maliens. L’espace social alimentaire permet une approche pluridisciplinaire de l’alimentation. Le contexte particulier de la migration nécessite la prise en compte spécifique du caractère identitaire de l’alimentation ainsi que de la notion d’adaptabilité face à un changement d’environnement. Enfin, il semble pertinent d’évaluer la qualité de l’alimentation en considérant la variété et la diversité du régime alimentaire considéré.

1 De la nutrition à l’alimentation comme fait social total L’articulation de la nutrition et des sciences humaines représente un défi majeur dans l’étude de l’alimentation des pays en développement. 1.1

De la nutrition …

La nutrition est, au sens commun, « la transformation et l’utilisation des aliments dans l’organisme » et au sens physiologique, « l’ensemble des processus d’assimilation et de désassimilation qui ont lieu dans un organisme vivant, lui permettant de se maintenir en bon état et lui fournissant l’énergie nécessaire. »11 Longtemps, elle a été considérée comme la seule façon de traiter de l’alimentation humaine. Les médecins avaient le monopole de son étude. Au 19ème siècle, l’alimentation apparaît au sein de la discipline économique dans les travaux d’Engel qui étudie la consommation des ménages et propose une loi concernant le lien étroit entre le niveau économique d’un foyer et la part de dépenses

11

Dictionnaire le nouveau petit robert,dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert, texte remanié et amplifié sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, 1999, éd. dictionnaire le Robert 1993.

47


destinée à l’alimentation. À ce moment, l’alimentation est un moyen d’aborder un thème économique et non pas un sujet d’étude à part entière. 1.2

… Au fait social total

En 1895, E. Durkheim porte la naissance de la sociologie en tant que champ scientifique autonome en prônant l’autonomie du social. Il définit le fait social comme suit : « Un ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux : ils consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui. Par suite, ils ne sauraient se confondre avec des phénomènes organiques, puisqu’ils consistent en représentations et en actions ; ni avec les phénomènes psychiques, lesquels n’ont d’existence que dans la conscience individuelle et par elle. »

12

Par cette définition, Durkheim exclut l’alimentation en tant que fait social car cette dernière comprend une composante biologique importante. Dans le même temps, il inclut l’étude des manières de table comme fait social. Dès lors, l’ambiguïté et la difficulté de l’étude de l’alimentation sont explicitées. En effet, l’ « autonomie du social » dont parle Durkheim ne s’applique pas à l’alimentation. L’alimentation est posée comme lieu d’indexation, d’ « exemplification » d’autres disciplines et non comme objet d’étude à part entière. La nutrition, discipline scientifique, biologique, attachée à la médecine reste donc une discipline bien distincte de la sociologie et des sciences humaines en général. M. Mauss, neveu de Durkheim et père de l’ethnologie française, s’inscrit dans le courant fonctionnaliste : les phénomènes sociaux peuvent être décrits à travers les fonctions qu’ils assurent et chaque fait social a une fonction, rien n’est laissé au hasard. Il propose un premier pas vers l’interdisciplinarité : « Les techniques du corps, le psychologique articulent le social et le biologique »13. Il faudra, cependant, attendre E. Morin, sociologue et philosophe français du 20ème siècle, pour appliquer cette pluridisciplinarité à l’étude de l’alimentation. « Comment ne voit-on pas que ce 12 13

DURKHEIM Emile, Les règles de la méthode sociologique, (1895) PUF, Paris, Quadrige, 1983, p. 5-6. MAUSS Marcel, « Les techniques du corps », Anthropologie et sociologie, PUF, Paris, 1925.

48


qui est le plus biologique - le sexe, la mort - est en même temps ce qui est le plus imbibé de symboles, de culture ! Nos activités biologiques les plus élémentaires, le manger, le boire, le déféquer, sont étroitement liées à des normes, des interdits, des valeurs, des symboles, des mythes, des rites, c’est-à-dire, à ce qu’il y a de plus spécifiquement culturel »14. Ainsi est ébauchée la sociologie de l’alimentation posant l’alimentation comme un fait bio-psycho-socio-culturel. 1.3

Le paradigme interdisciplinaire

Les enjeux d’articulation des disciplines dans l’étude de l’alimentation restent très actuels. Le clivage des disciplines universitaires représente un obstacle au développement d’un paradigme interdisciplinaire. Il convient de consolider et de faciliter les relations inter-disciplinaires notamment entre les sciences humaines et les sciences de la nutrition.

Le premier point à éclaircir afin de permettre un travail coopératif semble être la question du vocabulaire. La communication n’est possible que si les termes employés renvoient à une même définition aux yeux de chacun des acteurs impliqués. Or, on constate que pour un même terme, les définitions diffèrent selon les disciplines. Ainsi le mot « Alimentation » renvoie, pour les nutritionnistes, à la manière de satisfaire les besoins physiologiques en termes de quantité et de qualité d’aliments voire de répartition des apports. Cette notion d’alimentation est bien plus large aux yeux des sociologues. En effet, elle recouvre la façon de se procurer les aliments, la façon de les préparer, le choix de ces derniers, les règles constituées autour de la prise alimentaire, les représentations que cachent la consommation des aliments, la commensalité, etc. En bref, tout ce qui a trait, de près ou de loin, à l’acte alimentaire mis à part le calcul nutritionnel. L’alimentation, telle que nous l’emploierons dans la suite de ce mémoire, intègre ces différentes approches et recouvre 4 dimensions : hédonique, nutritionnelle, commensale et symbolique.

14

MORIN Edgar, Le paradigme du goût : la nature humaine, Le seuil, Paris, 1973.

49


1.4

Les modèles alimentaires : une notion à définir

Dans une approche pluridisciplinaire de l’alimentation, la notion de modèles alimentaires semble ressortir en particulier de la part des acteurs provenant des sciences humaines. Là encore, la définition de ce terme est indispensable. Les modèles alimentaires sont définis par Jean-Pierre Poulain15 comme un ensemble de règles socialement définies et relevant de l’allant de soi qui fixent le choix des aliments, les interactions entre acteurs de la filière, les modes de préparations culinaires, les formes de consommation et les rythmes alimentaires. On peut les considérer comme l’articulation du culturel et du naturel : la mise en scène des valeurs d’une culture et le résultat des contraintes matérielles du milieu. Ils permettent aux mangeurs d’articuler les différentes dimensions de l’alimentation évoquées ci-dessus : hédonique, nutritionnelle, commensale et symbolique et facilitent ainsi la prise de décision. Les ambivalences de l’alimentation sont nombreuses et bien connues des sociologues de l’alimentation. Claude Fischler, sociologue français, directeur de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et directeur du centre Edgar Morin, les explicite dans différents concepts16 : -

Le paradoxe de l’omnivore : l’Homme en tant qu’omnivore doit innover et expérimenter pour satisfaire ses besoins en fonction des fluctuations des ressources. Cela implique une prise de risque car les aliments inconnus sont potentiellement dangereux. L’omnivore doit donc trouver un équilibre entre le désir d’innovation (néophilie) et la peur de la nouveauté (néophobie).

-

Le principe d’incorporation : Lors de la consommation d’un aliment, le mangeur incorpore non seulement des nutriments, mais il incorpore également des symboles. Enfin, la consommation d’un aliment, incorpore l’individu au sein d’un groupe.

-

La pensée magique : Cette notion est illustrée par la phrase « Je deviens ce que je mange ». En effet, les nutriments ingérés, une fois absorbés et

15

POULAIN Jean-Pierre, Manger aujourd’hui, Attitude, normes et pratiques, Editions Privat, Paris, 2002, pp.23-38 FISCHLER Claude, Gastronomie et gastro-anomie. Sagesse du corps et crise bio-culturelle de l’alimentation moderne, revue Communications, Année 1979, Volume 31, Numéro 1, page 189 – 210 16

50


assimilés, deviennent partie intégrante du corps du mangeur. Mais ce dernier acquiert également les caractéristiques symboliques de l’aliment. Les modèles alimentaires permettent de gérer ces ambivalences en réduisant l’espace de décision du mangeur par l’établissement de règles à respecter sans même y penser et diminuent ainsi l’anxiété, caractère constant de l’alimentation humaine. Les modèles alimentaires structurent les formes de sociabilité et peuvent donc être considérés comme faisant parti de la définition d’une société. Ils permettent aux membres de cette société de se construire une identité à travers des processus d’identification et de différenciations internes ou externes à cette société. Leur construction s’effectue au gré des expériences, essais et erreurs réalisées par un groupe humain. À ce titre, les modèles alimentaires sont des objets mouvants, en perpétuelle évolution selon le contexte. Les modèles alimentaires relèvent de deux dimensions : -

Ils constituent un ensemble de connaissances techniques transmis de génération en génération permettant aux individus d’opérer des choix parmi les aliments disponibles dans leurs milieux, de les conserver, de les préparer pour en faire des plats et enfin de les consommer.

-

Ils intègrent un ensemble de symboles grâce auxquels les mangeurs se construisent une identité personnelle et collective.

La mise en évidence des modèles alimentaires se heurte au fait que la majorité des valeurs qui les constituent relèvent de « l’allant de soi » et ne sont donc pas explicitées de prime abord par les mangeurs. C’est lors de la transgression de ces règles que la prise de conscience a lieu. Ces modèles varient dans le temps et dans l'espace, d’une société à l’autre, d’où l’importance de cette approche concernant l’alimentation des migrants qui évoluent de leur société d’origine vers une société d’accueil : Que deviennent leurs modèles alimentaires ?

Une fois le vocabulaire défini, l’articulation des différents angles d’approches et points de vue permettra d’obtenir une réflexion riche voire complète d’un même fait, telle 51


que l’alimentation. Dans l’étude de l’alimentation des migrants, la prise en compte de la complémentarité de l’anthropologie, de l’histoire, de la nutrition, de la sociologie, de la géographie et de l’économie apparaît indispensable.

2 L’espace social alimentaire pour traiter de l’alimentation des migrants. L’espace social alimentaire est un outil proposé par Jean-Pierre Poulain pour permettre l’étude des modèles alimentaires. Dans l’étude de l’alimentation des migrants maliens, son usage semble pertinent afin de cerner les différentes dimensions de leur alimentation liées à la migration. C’est G. Condominas qui développa le concept d’ « espace social » en 198017, il le présentait comme « le lieu d’articulation du naturel et du culturel ». Jean-Pierre Poulain retiendra ce terme pour développer son espace social alimentaire car, selon lui, il présente trois principaux intérêts : -

La notion d’espace renvoie, d’un point de vue étymologique, non seulement à l’espace physique mais également à l’espace temporel ce qui permet d’aborder l’alimentation de façon dynamique et non pas figée.

-

Il permet d’articuler et non plus d’opposer le déterminisme culturel et le déterminisme biologique.

-

Enfin, il permet d’appréhender les relations entre l’homme et la nature.

L’espace social alimentaire est composé de six dimensions et son auteur précise luimême que d’autres dimensions pourront être ajoutées si le besoin s’en fait ressentir : •

L’espace du mangeable représente l’ensemble des produits que l’individu ou le groupe d’individu définit comme aliments c’est-à-dire qu’il considère comme mangeables. Cette inclusion dans l’espace du mangeable relève d’aspects biologiques et nutritionnels car les produits choisis comme aliments doivent satisfaire un besoin physiologique ; Mais cet espace du mangeable contient aussi et surtout des aspects culturels puisque l’aliment doit répondre à un besoin identitaire,

17

CONDOMINAS George, L’espace social à propos de l’Asie du Sud-Est, Flammarion, Paris, 1980

52


symbolique. C’est ce deuxième aspect qui explique qu’un aliment pourtant riche nutritionnellement et non nocif ne soit pas retenu comme aliment. L’exemple des insectes dans nos sociétés occidentales est parlant : ils sont extrêmement riches en protéines, vitamines et minéraux et sont pourtant non consommés par la majorité des mangeurs occidentaux. •

Le système alimentaire est défini comme l’ensemble des étapes menant l’aliment de son milieu d’origine à l’assiette du mangeur. Selon le contexte, ce chemin sera plus ou moins long, les acteurs seront plus ou moins nombreux, l’aliment sera plus ou moins transformé. Quoi qu’il en soit, à chaque étape, les dimensions économiques, technologiques et sociales seront prises en compte dans le système alimentaire.

L’espace du culinaire représente l’ensemble des actions techniques et symboliques effectuées par les individus pour participer à la construction

de

l’identité

culturelle

du

produit

et

le

rendre

consommable : organisation de la cuisine, technique culinaire, etc. •

L’espace des habitudes de consommation regroupe les règles et codes relatifs à la prise alimentaire : la position dans laquelle les individus consomment leurs aliments, la structure des prises, les manières de table.

La temporalité alimentaire fait référence aux différentes alimentations consommées au cours de la vie (alimentation enfantine, alimentation d‘adulte, alimentation de fin de vie, etc.) mais aussi aux variations alimentaires saisonnières et enfin au rythme journalier : horaires des repas, répartition des différents temps forts de la journée (travail, repos, alimentation, loisir, etc.), horaires des repas.

L’espace de différenciation sociale renvoie au concept de Bourdieu. L’alimentation d’un individu est largement déterminée par la classe sociale à laquelle il appartient et ce même individu utilise l’alimentation pour affirmer son appartenance sociale en privilégiant tel ou tel aliment à connotation sociale forte. 53


Le bien être alimentaire des migrants pourra être analysé à partir des six dimensions de l’espace social. En effet, l’espace social alimentaire permet une vision globale de l’alimentation avec non seulement ses dimensions qualitatives et quantitatives mais aussi ses dimensions sociales et culturelles. Il permet d’aborder un phénomène aussi complexe que l’alimentation des migrants dans son ensemble.

3 Notion d’identité et d’adaptation en situation de migration En situation de migration, la question de l’identité apparaît primordiale. En effet, l’ensemble des repères géographiques, affectifs, professionnels s’en trouve bouleversé.

La notion d’identité est une notion complexe. Nous retiendrons, ici, la définition proposée par Laurence Tibère18 : L’identité correspond à l’ensemble des processus par lesquels l’individu ou le groupe d’individus s’appuie sur les ressources personnelles, sociales et culturelles dont il dispose pour instaurer de l’unité et de la cohérence en son sein et pour exprimer ce qu’il est ou qu’il « pense » ou « veut » être. Ces processus s’inscrivent dans la relation à l’autre et procèdent par mouvements d’identification – distanciation.

Au regard de cette définition, l’importance que peut avoir la migration sur l’identité se dessine. L’identité est en perpétuelle redéfinition, c’est une notion dynamique (re)modelée par l’interaction. Face à un changement d’environnement, « les ressources personnelles, sociales et culturelles dont il dispose » sont modifiées. L’individu doit, donc, s’adapter à ce nouveau contexte. Le projet ALIMI a pour ambition de « mesurer » le bien-être alimentaire vécu des migrants. Pour cela, la notion d’identité est une voie d’entrée possible. Les hésitations identitaires créées par ce mouvement géographique mettent les migrants en situation instables vis-à-vis d’eux-mêmes et du groupe. Des questions aussi simples que : « de

18

TIBERE Laurence (2010), Sociologie de l’alimentation, Enseignement suivi dans le cadre du Master 1 Alimentation, CETIA, Université de Toulouse 2, Toulouse.

54


quel endroit je parle quand j’utilise l’expression « chez moi » ? » attestent du processus complexe que représente la reconstruction d’une identité dans un espace nouveau. Les migrants procèdent donc, plus ou moins consciemment, à des adaptations qui leur permettront de se reconnaître et de pouvoir ainsi s’identifier en tant qu’individu et au sein d’un groupe. Dans cette situation, Frazier distingue deux processus d’adaptation : l’assimilation de la culture d’accueil et l’acculturation. L’acculturation peut être définie comme un échange de caractéristiques culturelles entre deux cultures et non pas comme l’abandon d’une culture au profit de l’autre. Deux modèles d’acculturation peuvent être mis en évidence : -

Le pendulisme : L’individu se réfère, selon les situations, à une culture puis à l’autre.

-

Le métissage : l’émergence d’une culture par un processus de mélange des cultures de départ. La limite de cette notion réside dans l’hypothèse faite que les deux cultures de départ soient pures, clairement définies. Pour pallier cela, l’utilisation du terme intégration sera préféré.

Suite à l’étude de ces deux modèles, la question d’une troisième alternative se pose : l’innovation. Les individus se trouveraient dans la situation de créer une nouvelle culture qui leur serait propre en modulant les acquis des deux cultures d’origine. De ce point de vue, on pourrait parler d’une culture spécifique aux migrants. Notons que cette notion qui reste à définir demeure à l’état de questionnement.

L’alimentation joue un rôle important d’identité au sein d’une société, d’appartenance interne et de différenciation par rapport à l’extérieur. Ainsi, l’alimentation peut être vue comme une façon d’aborder les questions identitaires des migrants.

Du point de vue des biologistes, l’adaptation renvoie aux mutations génétiques qui s’effectuent au fils de l’évolution de l’Homme sur plusieurs générations afin de s’adapter au milieu dans lequel ce dernier évolue.

55


L’adaptation peut également être phénotypique, c’est-à-dire toucher l’expression des gènes. Dans ce cas, elle peut être physiologique lors de l’adaptation à la température par exemple ou sensorielle et n’est pas nécessairement irréversible. Enfin, le phénomène d’adaptation d’un point de vue anthropologique considère les modifications de comportements effectuées selon une pression sociale ou un apprentissage. D’un point de vue global, l’Homme n’a pas rendu son lieu de vie plus agréable puisqu’il a favorisé la pollution, la dégradation de l’environnement. On assiste donc à une mal-adaptation de l’Homme à son milieu. Selon la première définition de l’adaptation citée précédemment, la question du temps d’adaptation se pose. En effet, les changements des sociétés modernes ont été très rapides à l’échelle de l’humanité. L’hypothèse selon laquelle les mutations génétiques permettant l’adaptation à ce nouveau mode de vie n’auraient pas eu le temps de se réaliser est avancée. D’un point de vue alimentaire, l’homme n’a pas su s’adapter à la situation de pléthore auquel il fait face tant dans les pays développés que dans les villes des pays en développement renvoyant ces derniers au problème de la transition nutritionnelle évoquée précédemment suite à l’urbanisation galopante.

En termes d’adaptation, Igor De Garine pose la question de l’adaptation biologique face à l’adaptation culturelle. Il affirme que l’adaptation à l’environnement culturel n’est pas nécessairement liée aux besoins biologiques19. Il définit les besoins alimentaires des hommes comme pouvant être satisfaits par une multitude de « régimes alimentaires ». L’Homme choisit de consommer une partie des aliments que lui propose son environnement : ces aliments doivent répondre à un besoin nutritionnel et à un besoin culturel lié à la société dans laquelle il évolue. De nombreux hommes de sciences et en particulier les nutritionnistes postulent l’existence d’une autorégulation par la faim en fonction des besoins physiologiques, une écoute de son corps qui conduirait à une consommation parfaitement adaptée

19

De Garine Igor, Culture et Nutrition, Communications, Année 1979, Volume 31, Numéro 1, pp. 70-92

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aux besoins biologiques. Cette hypothèse est vivement remise en cause dès lors que l’on tente une approche objective des choix alimentaires. Le choix d’une tubercule comme aliment de base dans des régions d’Afrique de l’Ouest alors même que les céréales sont plus riches en protéines végétales ne trouve pas d’explication physiologique. C’est ailleurs que les raisons de ce choix apparaissent : la rentabilité de la culture et la facilité de stockage permettent une meilleure adaptation aux modes de vie choisis. La biologie semble, ici, dépassée par la culture. Selon Igor De Garine, l’adaptation consiste à s’affranchir des contraintes naturelles pour répondre aux contraintes culturelles. Ce dernier note également que les choix alimentaires d’une société influencent le milieu dans lequel elle vit autant que l’environnement influence les pratiques alimentaires dans un processus de réciprocité. En terme de migrations, cette approche pose la question de l’influence culturelle, et en particulier sur l’alimentation, des migrants dans la société d’accueil.

Comment les migrants ruraux arrivant en ville ressentent-ils cette question identitaire, en particulier face à la modernité alimentaire observée dans les principales villes d’Afrique de l’Ouest ? Igor De Garine note que face à l’influence d’un groupe ethnique fort (politiquement, économiquement, etc.), les peuples traditionnels tendent à adopter leurs modes de vie quitte à renoncer à des valeurs qu’ils défendaient pourtant du plus profond de leurs êtres depuis des générations. Ces adaptations peuvent avoir des conséquences dramatiques sur un peuple voire causer sa disparition biologique et culturelle. Dans le cas de l’arrivée en ville d’un individu venant de la campagne, le « groupe ethnique fort » mentionné par I. De Garine peut être représenté par la population urbaine. Cependant, il semble que, dans ce cas, les adaptations ne causent pas la disparition de l’individu. À terme, les changements opérés par les migrants pourraient entraîner, tout au plus, la disparition de certaines coutumes et la mise en place de nouveaux modèles alimentaires. En ce sens, le terme de disparition pourrait s’appliquer aux modèles alimentaires.

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La confrontation avec ce que l’on appellera la modernité alimentaire en milieu urbain peut être difficile. La modernité alimentaire est, dans nos sociétés occidentales, définie par un affaiblissement des normes sociales encadrant la prise alimentaire et ainsi une augmentation de la réflexivité des mangeurs. Certains auteurs insistent sur la situation de forte anxiété dans laquelle se trouve le mangeur alors que d’autres avancent la thèse de la construction de nouvelles normes par les mangeurs. Pour reprendre une formule de Claude Fischler : la gastro-anomie aboutirait-elle à de nouvelles gastronomies ?20. L’affaiblissement de l’appareil normatif est imputé à plusieurs phénomènes caractéristiques de la modernité : la médicalisation, la judiciarisation et la politisation de l’alimentation. Tous découlent en outre de la mondialisation. Dans le contexte des villes d’Afrique de l’Ouest, la mondialisation caractérise également la modernité alimentaire mais probablement de manière différente. Ainsi, le trait principal que l’on peut retenir est l’accès à de nombreux produits industrialisés et donc l’augmentation considérable de l’espace du mangeable. Dans un contexte où l’insécurité alimentaire, au sens de l’incertitude d’avoir accès à suffisamment d’alimentation d’un jour à l’autre, est encore présente, la gestion des « nouveaux » aliments par les migrants en ville semble un point crucial de l’étude de leurs modèles alimentaires.

4 Variété et diversité en situation de migration La disponibilité de nombreux aliments en ville implique une augmentation de la variété alimentaire pour les migrants venant du milieu rural. Cette variété entraîne t’elle une augmentation de la diversité alimentaire ?

La variété alimentaire se définit comme le nombre de produits différents consommés par un individu pendant une période donnée : chaque produit ayant la même importance dans l’analyse des résultats et ce, quelle que soit la quantité consommée.

20

FISCHLER Claude, Gastronomie et Gastro-anomie, 1979, Communication, Volume 31, N°1, pp. 189-210

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La diversité alimentaire, quant à elle, se définit comme le nombre de groupes d’aliments représentés dans la consommation d’un individu pendant une période donnée parmi une classification établie, qui peut, cependant, différer d’une étude à l’autre. La classification suivante, utilisée par Hatloy Anne. et al. en 199921, en est un exemple : féculents, légumes, huile et sucre, fruits, noix, viande, lait, poisson, feuilles, œufs. Le questionnaire de diversité proposé par la FAO contient 16 groupes : Céréales, légumes et tubercules riches en vitamine A, tubercules blancs et racines, légumes verts foncés à feuilles, autres légumes, fruits riches en vitamine A, autres fruits, abats, viandes, œufs, poissons, légumineuses-noix et graines, lait et produits laitiers, huiles et graisses, sucrerie, épices-condiments et boissons. La mesure de ces deux indicateurs sera effectuée grâce à un rappel des aliments consommés le jour ou la semaine précédant l’enquête. Ces aliments seront ensuite classés selon l’indice à calculer. Cette mesure, relativement simple, a permis à divers auteurs d’établir des corrélations entre la diversité alimentaire et l’état nutritionnel des femmes à Bamako22, entre la variété alimentaire et la pratique d’un régime alimentaire équilibré23. Le score de diversité alimentaire a également été proposé comme indicateur de l’accès des ménages à l’alimentation24. L’utilisation du questionnaire de diversité est un outil pratique et rapide pour évaluer les changements qualitatifs du régime alimentaire d’un individu ou d’un ménage.

La notion de diversité semble directement liée à la variété dans l’ensemble de ces études. Cependant, dans un contexte de migration du milieu rural vers le milieu urbain, cette relation n’apparaît plus évidente. La plus grande variété est favorisée par l’accès au marché. Qu’en est-il de la diversité ? Cette question mériterait une étude de terrain approfondie et reste, à priori, sans réponse aujourd’hui.

21

HATLOY Anne et al., « Food variety, socioeconomic status and nutritionel status in rural ans urban areas in Koutiala (Mali) », Public Health Nutrition, 3, 1999, pp. 57-65. 22 KENEDY Gina et al., « Dietary diversity as a measure of the micronutrient adequacy of women’s diets : Results from Bamako, Mali site », Food and Nutrition Technical Assistance, Washington DC., 1999. 23 TORHEIM LE. Et al., « Validation of food variety as an indicator of diet quality assessed with a food frequency questionnaire for Western Mali », European Journal of Clinical Nutrition, 2003, pp. 1283-1291. 24 SWINDALE Anne, BILINSKY Paula, Score de diversité alimentaire des ménages (SDAM) pour la mesure de l’accès alimentaire des ménages : Guide d’indicateur, Washington D.C., Projet d’Assistance technique en matière d’Alimentation et de Nutrition,l’Académie pour le Développement de l’Education, 2006.

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Conclusion La nécessité d’un traitement pluridisciplinaire de l’alimentation pour évaluer les variations de styles et de bien-être alimentaires en situation de migration apparaît évidente. L’utilisation de l’espace social alimentaire permet une étude fine et précise des modèles alimentaires maliens. Les six dimensions de cet espace couvrent des aspects divers de l’alimentation en dépassant la seule prise en compte des aliments consommés, et amène une complémentarité à l’approche nutritionnelle. Dans le contexte de notre travail, les notions d’identité et d’adaptabilité appellent une attention particulière. L’alimentation représente une façon d’affirmer son identité, et au-delà, elle façonne cette identité. Ainsi, les modifications d’environnement induites par la migration entraînent parfois la perte de certains repères identitaires et nécessitent d’opérer une adaptation plus ou moins rapide au nouveau lieu de vie afin de se reconstruire une identité propre. Pour appréhender les principales modifications alimentaires opérées par les migrants dans cette phase d’adaptation à leur nouvel environnement, l’utilisation des notions de variété et de diversité alimentaires permet une approche en terme de choix des aliments. Cette approche ne prétend pas à l’exhaustive, mais présente l’avantage d’être facilement exploitable et de présenter des résultats significatifs quant aux conséquences nutritionnelles de la migration. L’approche globale de l’alimentation des migrants maliens se fera grâce à l’utilisation de ces différents concepts.

60


PARTIE III : L’alimentation des migrants maliens

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Sur le plan mondial, la thèse de l’uniformisation des modèles alimentaires est souvent avancée. Sur le plan nutritionnel, les tendances de consommation, d’apports nutritionnels et de rations semblent en effet coïncider : la consommation de glucides tend à diminuer partout sur la planète, parallèlement, celle de lipides augmente. Cependant, la situation est tout autre sur le plan culturel. La mondialisation entraîne des modifications des différents modèles alimentaires et non pas une disparition des particularités. L’alimentation des migrants maliens est mal connue. Les différentes questions que l’on peut se poser sont les suivantes : Assiste-t-on à une assimilation de la culture urbaine ? A un métissage ou à l’intégration des deux cultures ? Ou encore à l’apparition d’une culture spécifique aux migrants ? La possibilité d’un rejet total ou d’une adoption complète de la culture urbaine est également à envisager. Afin d’appréhender les éventuelles modifications alimentaires liées à la migration, l’étude des modèles alimentaires maliens dans leur ensemble puis des modèles ruraux et des modèles urbains s’impose.

1 Les modèles alimentaires maliens à travers l’espace social alimentaire 1.1

L’alimentation malienne …

Le Mali, l’un des quatre pays les plus pauvres du monde, fait partie des pays où la faim et la peur de manquer marquent le quotidien de ses populations. Dans ce contexte, le « bien manger », pour les populations maliennes, correspond à manger beaucoup. Gérard Dumestre25 tente de comprendre comment évoluent les modèles alimentaires au Mali. Quelles sont les influences réciproques entre villes et campagnes ? Pour cela, il met en avant trois axes qui définissent, selon lui, ces modèles.

25

DUMESTRE Gérard, « De l’alimentation au Mali », Cahiers d’études africaines, 1996, n°144, pp. 689-702

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Le premier axe oppose le nécessaire au superflu

L’alimentation de base est composée d’une céréale accompagnée d’une sauce, plus ou moins garnie en légumes, viande, poisson. Cette nourriture est monotone et sa consommation est codifiée, ritualisée, familiale. Elle constitue le plat commun que l’on retrouve dans chaque famille que ce soit en ville ou à la campagne et qui est automatiquement partagé avec les gens de passage, comme un droit. Il répond à la faim « normale » et à pour vocation de satisfaire les besoins vitaux. Le goût n’est, ici, pas la priorité. À cela s’oppose l’alimentation dite superflue, les négelafen (littéralement « choses du désir ») correspondant à tout ce qui éveille le désir tant salé que sucré. Leur consommation, souvent individuelle ou entre amis, n’est pas encadrée par des règles. Elle se fait à toute heure, en tout lieu. Le plaisir est le seul but recherché. La qualité prime sur la quantité. Cette liberté individuelle entraîne toutefois une dimension fluctuante, la consommation de négelafen dépend de l’argent disponible, elle est donc très variable selon les ressources, par opposition à la stabilité du repas commun.

Gérard Dumestre avance que le nécessaire et le superflu s’opposent et se complètent : « d’un côté, la règle, la quantité, la frugalité, la gratuité ; de l’autre, l’exception, la qualité, la variété, la cherté. Ici la nécessité, là le plaisir. »

Le repas de fête constitue le lien par excellence entre le nécessaire et le superflu : Ce sont bien les femmes qui préparent le repas, mais elles sont nombreuses. Les céréales sont présentes, mais on y trouve également de la viande grillée, du gras, du sucre. C’est un repas pris en famille, mais les amis sont également présents. « Le repas de fête allie la quantité à la qualité, la contrainte à la liberté, la famille aux amis : il réconcilie pour un jour le nécessaire et le superflu ».

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Le deuxième axe oppose le « croyant » au « païen »

Au Mali, 90% de la population est de confession musulmane, ainsi le terme « croyant » renvoie à cette religion. Le « croyant » est associé à la restriction, à la pureté par opposition au « païen » qui renvoie à une consommation libre, excessive, associée au plaisir. Le consommateur « croyant » n’accorde pas d’importance à ce qu’il mange, ses choix sont restreints à des aliments « autorisés », les aliments fermentés, macérés et faisandés lui sont, par exemple, interdits, tout comme l’alcool. Le consommateur « païen », lui, recherche de la volupté dans l’acte alimentaire. L’opposition « croyant » « païen » se retrouve dans bien d’autres domaines de la vie quotidienne. Les vêtements « croyants » sont sobres, simples, uniformes, les comportements sont sans excès, mesurés, réfléchis. Du côté païen, les vêtements sont colorés, ont des formes variées et les comportements sont plus libres. •

Le troisième axe oppose le moderne au traditionnel

Gérard Dumestre évoque différentes causes de l’évolution des modèles alimentaires : -

Des améliorations pratiques considérables qu’apporte la ville : eau courante, cuisine au gaz, électricité

-

Des changements d’habitudes de vie : horaires de travail, scolarisation des enfants, transports urbains

-

Une offre de produits plus large

-

L’influence des modèles alimentaires occidentaux et orientaux.

Les nouveaux produits ne sont pas accessibles à tous mais les exemples du cube Maggi et du riz, aujourd’hui complètement intégrés dans l’alimentation quotidienne des citadins quels que soient leurs revenus démontrent que ces produits se font une place et modifient progressivement le paysage alimentaire. De même le lait en poudre semble avoir désormais remplacé le lait frais en ville. La modernité a donc une forte influence sur l’alimentation des citadins mais aussi, par répercussion, sur l’alimentation des habitants des zones rurales.

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Au sein de chacune de ces oppositions, l’une des composantes se développe au détriment de l’autre : le superflu, le païen et le moderne prennent de l’importance alors que le nécessaire, le croyant et le traditionnel en perdent. L’affaiblissement des normes et la montée de l’individualisme, liés à la monétarisation de l’économie et à la forte urbanisation, semblent associés à ces tendances. Par ailleurs, le terme d’opposition utilisé pour définir les trois axes nécessite d’être modéré. En effet, plus qu’opposés, les deux pôles des différents axes apparaissent imbriqués et complémentaires.

La description de l’alimentation malienne selon ces trois axes reste très actuelle 15 ans après le travail mené par Gérard Dumestre. Cependant, la question dune nouvelle opposition apparaît : les aliments locaux face aux aliments importés. Auparavant, les aliments importés entraient automatiquement dans la catégorie « moderne » et les aliments locaux dans la catégorie « traditionnel ». L’opposition moderne – traditionnel couvre, non seulement les différents aliments mais également la façon de les préparer. Aujourd’hui, certains aliments importés sont intégrés dans des préparations traditionnelles : dans ce cas, l’aliment est-il considéré moderne ou traditionnel ? La prise en compte du caractère importé ou local des aliments permet une appréhension plus précise de l’alimentation malienne actuelle. 1.2

… À travers l’espace social alimentaire

Afin d’appréhender l’alimentation au Mali dans sa globalité, nous utiliserons le concept d’espace social alimentaire de Jean-Pierre Poulain et ses 6 dimensions.

-

L’ordre du mangeable

Traditionnellement,

un

repas

malien

est

constitué

d’une

base

céréalière

accompagnée d’une sauce. La base céréalière peut être le mil, le sorgho ou le riz et plus rarement le fonio, le maïs, les tubercules ou les légumineuses. Le couscous est réservé à des occasions spéciales. La sauce, quant à elle, sera composée de différents aliments selon le résultat souhaité et selon la base céréalière qu’elle accompagne. Les ingrédients les plus courants des sauces sont le gombo frais ou sec, la tomate, l’oignon frais ou sec, la pâte ou l’huile d’arachide, le beurre de karité, 65


l’huile de palme, le bouillon cube, le soumbala, les feuilles d’oignons, les feuilles de baobab, les feuilles d’oseille. Selon les revenus des ménages, la viande et le poisson fumé, sec ou frais seront plus ou moins présents. La seule boisson consommée au cours du repas est l’eau. L’espace du mangeable ne se limite pas à cela puisque l’alimentation malienne est également représentée par les négelafen. Les boissons sucrées, le thé, les fruits et les brochettes de viandes représentent les principaux aliments consommés en dehors des repas, de manière individuelle. Concernant le petit-déjeuner en particulier, la consommation de bouillie de céréales reste très présente bien que le petit-déjeuner « à l’occidentale » de type café au lait et pain appelé « café complet » pris en dehors du domicile se développe notamment en ville. Notons que les choix alimentaires maliens sont souvent orientés par des interdits qu’ils soient religieux ou symboliques. L’œuf donné à l’enfant qui ne parle pas encore risquerait de le rendre muet. Ce même œuf consommé par un jeune enfant le rendrait voleur ou aveugle et ralentirait la cicatrisation d’un récent circoncis. Sa consommation fait l’objet d’un interdit chez les jeunes femmes excisées car elles risqueraient de voler des œufs à leur belle-famille après leur mariage, enfin la femme enceinte proscrira l’œuf de son alimentation au risque d’accoucher d’un enfant au crâne aussi fragile qu’une coquille d’œuf. Les exemples d’interdits alimentaires ne manquent pas, en particulier pendant la grossesse : la femme ne consommera, par exemple, pas de rat car l’enfant serait voleur, ni de citron car il aurait une peau écaillée. L’allaitement est aussi prétexte à divers interdits alimentaires, la femme ne consommera pas de citron ni de tamarin car ils feraient tourner son lait. Des aliments spécifiques revêtent des rôles symboliques comme les noix de colas utilisées pour signifier son respect au chef de village ou à un aîné ou bien pour demander la main d’une fille à son père ou encore pour présenter ses condoléances en cas de décès.

66


-

Le système alimentaire

Selon les aliments considérés, le système alimentaire sera plus ou moins simple. La part de l’autoproduction au Mali reste importante malgré l’urbanisation. Le système alimentaire se compose de la récolte puis du stockage et enfin de la préparation avant consommation. Les consommateurs connaissent bien les aliments qu’ils consomment et ont une prise directe sur l’ensemble du système. Certains produits sont achetés, au marché par exemple et le contrôle du consommateur diminue et se limite à un contrôle lors de l’acquisition du produit puis lors de sa préparation. Dans ce contexte, la relation avec le vendeur joue un rôle important. Enfin, les produits industriels échappent à tout contrôle de la part du consommateur. Le produit vient parfois de très loin et les conditions de sa production restent, la plupart du temps, inconnues du consommateur. L’anxiété du mangeur se trouve alors exacerbée par la méconnaissance du système alimentaire. En dehors de la consommation à domicile, l’alimentation extérieure suit un tout autre système alimentaire. L’aliment est vendu prêt à consommer, l’ensemble du système alimentaire échappe au consommateur. -

L’espace du culinaire

La cuisine est un acte exclusivement féminin. Un homme faisant la cuisine est considéré comme une situation anormale et s’accompagne d’un jugement négatif. Notons également que dans les familles polygames, la femme qui prépare le repas sera celle qui partage le lit du chef de famille. Chaque femme possède ses propres ustensiles de cuisine qui marquent son statut au sein du foyer. Concernant la répartition des rôles, les femmes détiennent le pouvoir de reproduction et endossent donc la responsabilité de la semence et de la récolte, elles cultivent les condiments dédiés à la préparation de la sauce dans leur parcelle de jardin. Les hommes, eux, veillent sur le bon déroulement de ces opérations et labourent et irriguent les champs afin d’assurer une bonne récolte. Ils chassent et pêchent afin d’assurer un apport protéique à leur famille. Les femmes veillent sur l’intérieur du foyer alors que les hommes assurent le lien avec l’extérieur.

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La préparation des repas se fait, la plupart du temps à l’extérieur de l’habitation. Chaque femme mariée possède un foyer constitué de trois pierres au centre duquel on place du bois ou du charbon et qui permet de cuire les différents aliments dans des marmites. Le symbolisme de ce foyer à trois pierres est fort puisque ces pierres renvoient aux trois organes sexuels que sont le clitoris et les deux petites lèvres coupés lors de l’excision de la femme. Ainsi, à travers l’excision, la femme gagne son droit à avoir un foyer dans les deux sens du terme : un foyer matériel que nous venons d’évoquer et une famille c’est-à-dire devenir épouse et mère. Elle prend alors la responsabilité de production et de reproduction au sein de la famille. -

L’espace des habitudes alimentaires

Les repas sont soumis à de nombreux rituels que chacun se doit de respecter. Les hommes et les femmes ne mangent pas ensemble. Les enfants prendront le repas selon les cas, à part, avec les femmes ou avec les hommes. Le déroulement du repas des hommes répond à certaines règles. Après l’arrivée des plats, chacun se lave les mains puis le chef de famille répartit les aliments de manière équitable devant chaque convive. C’est seulement lorsque le chef de famille commence à manger en prononçant la formule invitant à commencer que chacun peut, de la main droite, entamer le repas en se contentant de la part qui lui est réservée. Pour terminer le repas, les convives boivent au récipient commun, se lavent les mains en remerciant le chef de famille puis s’en vont. Les femmes viennent rechercher les plats lorsque tout le monde a terminé. D’autres règles d’usage s’ajoutent à ces rituels : o Ne pas parler pendant le repas o Ne pas prendre une nouvelle poignée avant d’avoir terminé la précédente o Garder les yeux rivés sur le plat, ne pas regarder les autres convives o Le plus jeune tiendra le plat de la main gauche pour éviter que ce dernier ne bouge o Ne montrer aucun signe extérieur de satisfaction ou d’insatisfaction, le plaisir n’étant pas la préoccupation du repas. 68


Concernant les habitudes alimentaires, la période de grossesse et d’allaitement renvoie à plusieurs impératifs et interdits liés à l’alimentation. En effet, pendant la grossesse, le sperme nourrit le fœtus et les rapports sexuels sont donc nécessaires. Au contraire, le sperme empoisonne le lait au point de risquer la mort de l’enfant allaité, les rapports sexuels sont donc proscrits pendant toute la durée de l’allaitement. -

La temporalité

De manière générale, les maliens consomment trois repas par jour : un repas le matin, un repas le midi et un repas le soir. Ces trois repas sont consommés à domicile et en famille la plupart du temps. En dehors de ces trois repas, la consommation hors foyer représente une part importante de l’alimentation au Mali. La prise la plus courante se fait à 10h puis parfois dans l’après-midi et enfin dans la soirée. L’alternance des saisons influe beaucoup sur l’alimentation, en particulier dans les zones rurales. En effet, en période de post récolte, les greniers sont pleins et permettent ainsi aux populations de manger à leur faim. Puis au fur et à mesure que passe l’année, les greniers se vident. La période de soudure est caractérisée par un manque alimentaire survenant au moment des travaux des champs ce qui explique l’augmentation de la dénutrition dite maigreur pendant cette période. La période de soudure dure plus ou moins longtemps selon la quantité de céréales récoltée à la saison précédente. En termes de temporalité, la religion musulmane qui concerne la grande majorité des maliens implique une période de jeun annuel : le ramadan. Enfin, la temporalité s’exprime également à travers les différentes périodes de la vie. Au Mali, dès le sevrage, les enfants consomment les mêmes aliments que les adultes. Les aliments consommés en dehors des repas diffèrent cependant selon l’âge. En effet, les enfants ont le privilège de consommer des fruits, les jeunes hommes adultes consomment davantage des brochettes de viande et du thé. Quant aux personnes âgées, la sagesse qu’ils véhiculent leur confèrent le respect de tous et certains avantages en particulier alimentaires : des aliments ou plats leurs seront

69


réservés, ils sont en droit de réclamer de la bouillie ou de la tisane par exemple à tout moment et ils conservent la fonction de répartition au sein de la famille. -

La différenciation sociale

La structure des repas reste stable quels que soient l’environnement social et le niveau socio-économique. D’après Ag Bendech et al.26, le choix de la base du repas diffère selon le niveau de revenu du ménage. Le riz est, par exemple, consommé plus fréquemment dans les familles riches contrairement au mil et au sorgho qui sont pratiquement absents de ces foyers. Le mil et le sorgho sont consommés sous forme de tô27 dans les familles pauvres lors du repas du soir. La composition de la sauce varie également selon le niveau de revenu : pour le déjeuner, la sauce est composée de 12 à 16 aliments différents dans les familles les plus aisées et de seulement 8 à 10 dans les familles les plus pauvres. La viande et le poisson en particulier sont fréquemment absents des sauces dans les foyers pauvres. La fréquence de préparation des plats au cours de la journée évolue avec le revenu du ménage. Les familles les plus riches préparent deux fois plus de plats par jour que les familles à revenu intermédiaire et pauvres. Ainsi, dans les familles pauvres, le même plat est servi au déjeuner et au dîner alors qu’il diffère le plus souvent dans les familles riches. La

prise

individuelle

du

petit-déjeuner,

notamment

du

petit-déjeuner

«à

l’occidentale », ainsi que l’utilisation de table haute et de couverts lors des repas ne s’observent que dans les familles riches. Les grandes étapes de la vie apparaissent comme une occasion de signifier sa position sociale à travers la qualité et l’abondance du repas de fête servi. Il semble que la différenciation se fasse davantage entre les ménages riches et les ménages pauvres qu’entre la ville et la campagne. Le niveau de revenu semble donc plus discriminant que le lieu de résidence.

26

AG BENDECH Mohamed et al., « Variabilité des pratiques alimentaires à domicile des familles vivant à Bamako (Mali) selon le niveau socio-économique », Cahiers Santé, 1996 ; 6, pp. 285-297.

27

Le tô est une pâte épaisse fabriquée à base de farine de mil ou de sorgho et d’eau. Du tamarin ou du citron sont parfois ajoutés. Il est servi accompagné d’une sauce.

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2 Influence de la modernité sur les modèles alimentaires maliens La modernité renvoie à la société contemporaine et au temps présent. L’étude de la modernité tente de répondre à la question : pourquoi aujourd’hui n’est plus comme hier ? Pierre Bourdieu indique que « chaque acte renvoie tout à la fois au modèle ancien, qui participait d’un système partiellement ou totalement détruit, à la situation nouvelle, et enfin, au modèle à venir qui s’annonce avec les bizarreries ou les contradictions de la conduite présente. »28 Le passage entre la tradition et la modernité est donc un processus lent et progressif et non pas le fait d’une rupture brutale. Cette définition générale de la modernité s’applique à l’alimentation. On parle alors de modernité alimentaire. L’affaiblissement de l’appareil normatif qui encadre l’alimentation, et l’augmentation de la réflexivité des mangeurs face à leur alimentation caractérisent la modernité alimentaire selon les sociologues de l’alimentation. Partant de ce constat, les interprétations varient et se complètent. Pour Claude Fischler, l’augmentation du choix de produits disponibles sur le marché couplée aux recommandations diététiques plus ou moins divergentes augmentent l’anxiété des mangeurs « l’alimentation ne structure plus le temps, c’est le temps

qui

structure

l’alimentation ». Jean-Pierre Corbeau avance que l’anomie liée à la modernité favorise d’une part le métissage et d’autre part une attitude conservatrice des mangeurs qui deviennent des « mangeurs pluriels » en jonglant entre ces différentes attitudes. Enfin, Jean-Pierre Poulain prolonge ces deux approches en soulignant que la modernité entraîne effectivement une situation d’anomie, mais qu’elle participe, dans un processus dynamique, à la recomposition de nouvelles normes.

28

Bourdieu Pierre et al., Travail et travailleurs en Algérie, 1963 cité par Fournier Tristan

71


Pour les pays en développement et plus particulièrement le Mali, la modernité alimentaire est largement liée à la mondialisation, à l’ouverture mondiale des marchés alimentaires. Ce phénomène est ressenti en premier lieu dans les grandes villes comme Bamako. Dans les pays nouvellement industrialisés, la modernité alimentaire est facilement désignée comme principale responsable de tous les maux d’apparition récente. La libéralisation des marchés et l’industrialisation mettent en péril la diversité des cultures alimentaires, la globalisation et l’occidentalisation favorisent la transition nutritionnelle caractérisée notamment par la montée de l’obésité et le développement des supermarchés entraîne une augmentation de la consommation de produits industrialisés au détriment des produits locaux. Gérard Dumestre29 évoque, parmi les conséquences de la modernité, la réduction des saveurs. Les plats, plus fades, sont moins chargés en épices. Les goûts sucrés et salés autrefois présents dans un même plat sont aujourd’hui distingués à l’image des modèles occidentaux. La distanciation entre l’Homme et la nourriture est aussi un aspect marquant de la modernité. En effet, l’apparition de divers ustensiles comme la cuillère utilisée à la place de la main augmente la distance entre l’Homme et sa nourriture. Le développement de l’usage d’assiettes individualise l’alimentation puisqu’on ne mange plus dans le plat commun. La mise en scène du repas évolue également : l’utilisation de tables basses voire de tables hautes apparaît de plus en plus courante dans les familles citadines alors que les repas se prennent traditionnellement au niveau du sol. La corrélation semble importante entre le mobilier utilisé et le degré d’urbanisation des familles : dans les zones rurales, les repas sont pris sur une natte ; dans les familles modestes citadines la table basse est couramment utilisée ; enfin dans les familles bourgeoises citadines, les repas sont pris sur une table haute.

29

DUMESTRE Gérard, « De l’alimentation au Mali », Cahiers d’études africaines, 1996, n°144, pp. 689-702

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La modernité alimentaire entraîne donc une évolution des modèles alimentaires. L’érosion des normes encadrant l’alimentation est bien présente, cependant elle permet l’apparition de nouvelles structures normatives. Les difficultés auxquelles doivent faire face les mangeurs en situation d’érosion des systèmes normatifs traduisent le caractère primordial de l’alimentation dans la construction identitaire. En l’absence de repères alimentaires, les mangeurs doutent de leur propre identité. Face à des produits inconnus ou mal-connus, et selon le concept de pensée magique de Claude Fischler : « Je deviens ce que je mange », ils ne savent plus qui ils sont.

L’Afrique Sub-saharienne a fait l’objet d’une volonté d’industrialisation, de modernisation de la société par l’importation d’aliments et de techniques venant des pays industrialisés. Ces tentatives ont, dans leur quasi-totalité, échouées. Par la suite, une autre stratégie a été adoptée : mettre en valeur le potentiel local grâce à des procédés modernes. Là encore, les retombées sont décevantes. « Pourtant on assistait à une tentative de construire une modernité alimentaire sur la base des traditions et non plus de modèles exogènes ». D’après Nicolas Bricas, l’explication de ces échecs se trouve dans le fait d’opposer les produits importés aux produits locaux. La modernité alimentaire ne se résume pas à cette opposition, elle est un phénomène bien plus complexe par lequel les individus s’approprient de nouveaux aliments en les préparant de façon traditionnelle ou bien utilisent de nouvelles techniques pour traiter des aliments traditionnels.

3 Les différences urbains-ruraux 3.1

Les particularités urbaines

L’urbanisation est caractérisée par le développement des rapports marchands et de la monétarisation, le développement du salariat et du temps de transport avec pour conséquence la diminution du temps accordé à la préparation et l’augmentation de l’alimentation à l’extérieur. Les modèles alimentaires urbains sont proches des modèles alimentaires ruraux. La tradition reste très présente. Cependant, dans le contexte particulier de la vie urbaine,

73


l’intégration des nouveaux produits, proposés en alimentation de rue notamment, est favorisée. L’alimentation de rue apparaît comme une des principales particularités de l’alimentation urbaine. 3.1.1 L’alimentation de rue L’alimentation de rue est un phénomène complexe dont plusieurs définitions ont été proposées. Nous retiendrons, ici, la définition de la FAO. Selon la FAO en 1990, le secteur informel de l’alimentation est défini par « le secteur produisant des aliments et des boissons prêts à être consommés, préparés et/ou vendus par des vendeurs et des marchands ambulants, spécialement dans les rues et dans les autres lieux publics similaires ». Cette définition correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui plus communément l’alimentation de rue. À Bamako, comme dans de nombreuses villes d’Afrique, cette alimentation de rue est de plus en plus présente. Cette pratique n’est pas récente, mais subit une forte augmentation au sein des villes. En effet, l’urbanisation rapide, l’insécurité alimentaire des ménages, les contraintes liées à l’environnement urbain que sont l’augmentation du temps de transport et le développement du travail des femmes, l’attrait pour les goûts nouveaux et le pouvoir d’achat parfois faible des ménages représentent les principales explications du développement de l’alimentation de rue dans les capitales africaines.

L’alimentation de rue comprend les plats complets que les travailleurs consomment sur place en guise de déjeuner (le riz-sauce est le plus couramment rencontré) mais également des produits de type négelafen consommés, la plupart du temps, entre les repas et souvent plus gras et plus sucrés.

À Bamako, en 1994, 65% des individus dans un quartier pauvre et 76% dans un quartier riche consommaient au moins un aliment dans la rue chaque jour. 98% des enfants fréquentant l’école recevait de l’argent de poche de leurs parents destinée à acheter des aliments dans la rue. Le rôle de cette alimentation de rue diffère selon le 74


niveau de revenus des ménages. En effet, dans les familles les plus pauvres, elle aura pour vocation de combler le déficit d’apport du plat familial alors que dans les familles les plus riches, la recherche du plaisir apparaît comme argument principal. Notons cependant, que quel que soit le niveau de revenu, l’affirmation des goûts et de la liberté individuelle ainsi que le désir de socialisation sont des arguments avancés par les individus eux-mêmes. L’alimentation à domicile doit avant tout répondre à une « utilité nutritionnelle » et favoriser la satiété alors que l’alimentation de rue peut répondre à un plaisir individuel et permet également de marquer son statut social dans le cas des populations les plus aisées.

Ce mode d’alimentation présente de nombreux avantages tant du côté des consommateurs que du côté des vendeurs. En effet, elle permet une diversification du régime alimentaire à faible coût chez les individus de familles pauvres en proposant des aliments non présents au domicile comme les fruits ou la viande. Dans des situations de grande précarité et dans les conditions de vie difficiles liées au milieu urbain, certains ménages ne possèdent pas l’espace ni le matériel nécessaire à la préparation des repas, le recours à l’alimentation de rue apparaît alors comme une bonne alternative. En outre, l’utilisation de l’alimentation de rue par les membres d’un ménage, peut permettre de réduire les pressions pesant sur la qualité des repas et donc sur la cuisinière. L’alimentation de rue représente une source de revenus parfois importante pour le ménage des vendeurs. A Bamako, le chiffre d’affaire journalier global pour l’alimentation de rue située autour des écoles est de 737 millions de FCFA soit 1,12 million d’euros. Dans ce secteur, selon la FAO, en 1996, 80% des vendeurs de rue à Bamako étaient en fait des vendeuses. Cette activité permet donc l’insertion économique des femmes dans la mesure où elle est facilement conciliable avec le rôle de mère de famille. Le capital de départ nécessaire pour démarrer une activité de vente d’alimentation de rue est faible ce qui permet à des ménages pauvres d’accéder à une source de revenus fiable. Sur un plan plus large qu’est celui du dynamisme économique de la ville, l’alimentation de rue représente un débouché important pour les produits de l’agriculture locale et dynamise donc le marché. 75


Parallèlement à ces avantages, l’alimentation de rue présente certains inconvénients voire des risques pour la santé des consommateurs. La demande en aliments de rue provient en grande partie des populations pauvres ainsi le prix à la vente doit rester raisonnable pour répondre aux attentes des clients. Pour atteindre cet objectif malgré la fluctuation des prix d’achats des matières premières, les vendeurs ont recours à différentes stratégies comme la substitution de certains ingrédients par d’autres moins coûteux ou la dilution des boissons par de l’eau dont la qualité n’est pas assurée. L’aspect informel de ce marché d’alimentation de rue implique l’absence de réglementation et de contrôle. Les vendeurs, n’ayant, pour la majorité, pas suivi de formation spécifique, ignorent les règles élémentaires d’hygiène. Les risques d’intoxication alimentaire sont donc réels. Ce caractère informel mais plus ou moins toléré favorise également la concurrence parfois brutale des vendeurs entre eux. Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, la vente d’alimentation de rue représente une source de revenus complémentaire pour les ménages les plus pauvres. Dans cette situation, les vendeurs ne possèdent, pour la plupart, pas le matériel nécessaire et adéquat à la préparation et à la conservation dans de bonnes conditions des aliments proposés. Les risques sanitaires augmentent encore de ce fait. D’après Pascale Gerbouin-Rerolle et al.30, dans certaines villes d’Afrique, le papier des sacs de ciment est recyclé en emballage pour les aliments de rue. Les conditions de préparations des aliments de rue correspondent donc aux conditions dans lesquelles les ménages les plus démunis préparent leurs propres plats ajoutées au fait que les aliments sont servis à un public plus large et que leur conservation s’étale sur un temps plus long. La multiplication de ces petits commerces sur la voie publique entraîne un encombrement des voies de circulation et une difficulté de gestion des déchets et des eaux usées qui aggrave l’organisation déjà précaire des villes d’Afrique.

30

GERBOUIN-REROLLE Pascal et al., « Alimentation de rue : situation et perspectives d’action », Cahiers santé, 1993, 3, pp.367-374.

76


L’alimentation de rue n’est pas un phénomène récent, mais actuellement, les gouvernements africains prennent conscience du caractère durable du phénomène et de son rôle sur l’économie et la consommation urbaine et tentent de réfléchir aux moyens de favoriser cette activité tout en effectuant des contrôles sanitaires notamment.

L’alimentation de rue est une caractéristique du milieu urbain. Cependant, la consommation hors repas est également présente en milieu rural par la consommation individuelle de petits animaux capturés, de fruits cueillis ou encore de thé. Les produits de type fruits ou brochettes de viande proposées en alimentation de rue en ville répondent à une habitude de consommation traditionnelle. L’alimentation hors domicile en milieu urbain est donc fortement influencée par la modernité, mais émerge du modèle rural traditionnel. 3.1.2 L’agriculture urbaine et péri-urbaine Les populations urbaines dépendent majoritairement du marché alimentaire. Cependant, certains individus ont développé une agriculture dite urbaine consistant à cultiver une petite parcelle de terre et/ou à élever quelques bêtes afin de subvenir à une partie de leurs besoins. Des parcelles plus grandes, en périphérie de la ville, accueillent également des cultures gérées par des habitants de cette ville. Cette forme d’approvisionnement permet à des ménages pauvres d’avoir accès à des ressources permanentes ou occasionnelles selon les cas. Notons, également, que ces pratiques favorisent la diversité alimentaire. Les risques que présentent cette agriculture sont bien réels : la pollution liée aux cultures et aux animaux et les problèmes d’hygiène et donc de sécurité sanitaire des aliments nécessitent une gestion et une surveillance particulière.

77


3.2

Les particularités rurales

De grandes différences apparaissent entre l’alimentation urbaine et l’alimentation rurale du fait de l’organisation même de la vie selon le lieu d’habitation. L’alternance des saisons influe de manière bien plus importante en milieu rural puisque l’accès aux aliments ne dépend que peu du marché mais dépend beaucoup des récoltes et des disponibilités alimentaires. L’autoconsommation caractérise l’organisation et les modes d’approvisionnement en zone rurale. La dépendance au marché et donc aux revenus est plus faible en milieu rural.

En milieu rural, les relations de proximité autour de l’alimentation s’expriment de plusieurs façons : la proximité d’approvisionnement par l’autoconsommation et les échanges locaux, la proximité de préparation puisque l’ensemble des opérations de transformation sont effectuées au sein du foyer dans la plupart des cas et enfin la proximité de consommation avec la concordance des lieux de travail, d’habitat et de consommation. En ville, cette proximité est remise en cause par l’accès aux aliments par le marché, l’utilisation de produits transformés et la dissociation du lieu de travail et du lieu d’habitation. Elle reste cependant importante par la persistance de l’approvisionnement à travers les réseaux familiaux notamment. Ainsi, la gestion de l’alimentation et son appréhension diffère en ville et à la campagne. L’alimentation des ménages urbains dépend fortement de leurs revenus et des fluctuations du marché alors que l’alimentation des ménages ruraux dépend en premier lieu des conditions climatiques et de l’abondance de la récolte.

Considérant ces aspects, il semble évident que les modèles alimentaires ruraux et urbains présenteront des différences notoires. Le graphique ci dessous témoigne des différences observées en terme d’aliments d’après l’Enquête Budget-Consommation de 1989. Pour des raisons de lisibilité du graphique, les céréales ne sont pas représentées ici. Leur consommation coïncide entre le milieu urbain et le milieu rural.

78


Thˇ, cafˇ, chicorˇe Boissons alcoolisˇes

Tubercules/Fˇculents 25

Lˇgumes tubercules

20

Lˇgumes

15 Boissons non alcoolisˇes

Feuilles vertes 10

5

Condiments

Fruits Rural Urbain

0 Sel

Lˇgumineuses

Pain et p‰tisserie

Viandes

Huiles et corps gras

Poissons

Sucres et produits sucrˇs

Volailles Lait et produits laitiers

Figure 8 : Postes de dépenses des ménages selon les groupes d'aliments au Mali - EBC 1989

On observe quelques différences significatives : les légumes, les tubercules, les matières grasses, le sucre et la viande sont plus consommés en milieu urbain alors que les fruits, les légumineuses, les produits laitiers et les condiments le sont davantage en milieu rural.

Peut-on pour autant parler de deux modèles alimentaires différents ? La continuité des pratiques du fait des relations permanentes entre le monde urbain et le monde rural semble bien réelle. Certains évoquent un mimétisme alimentaire des populations rurales par rapport aux populations urbaines. L’influence de la ville sur les modèles alimentaires ruraux existe, cependant elle est synchrone d’une influence de la campagne sur la ville. La notion de mimétisme apparaît dès lors restrictive et la réalité semble davantage correspondre à une influence réciproque.

79


3.3

Les migrants : un modèle alimentaire qui leur est propre ?

« La ville est bien autre chose qu’une excroissance rurale ; elle apparaît comme un espace de continuité et de mémoire des systèmes antérieurs et un lieu où naissent et se cristallisent des aspirations nouvelles. L’ensemble est modulé par un paysage urbain intégrant des contraintes économiques, des contraintes d’habitat et de nouvelles formes d’organisation sociale et psychologique liées à l’image de « soi » en ville. »31

L’urbanisation relativement récente des pays en développement a de nombreuses conséquences. Parmi celles-ci, on observe la marchandisation de l’alimentation, l’augmentation de l’offre alimentaire en terme de produits du fait du développement de l’industrie agro-alimentaire et le brassage des populations venues de tout le pays voire des pays voisins.

Lorsqu’ils sont confrontés au milieu urbain, les individus opèrent des changements alimentaires, mais les rythmes de ces changements sont différents selon les individus. Les modifications liées à l’urbanisation s’effectuent de manière plus progressive au sein des unités familiales où la tradition reste très présente. En revanche, les hommes seuls, les migrants temporaires représentent un public très réceptif aux innovations et notamment aux aliments de rue. Au-delà des produits choisis, les modes d’approvisionnement et les façons de les préparer sont autant de terrains d’expression de l’évolution alimentaire : -

L’évolution dans le choix des produits : intégration de nouveaux produits ou de nouveaux plats au sein de l’alimentation

-

L’évolution des procédés : les produits traditionnels pourront être traités grâce à des innovations techniques. Les produits frais seront, par exemple, conservés au réfrigérateur.

31

O’DEYE Michèle, BRICAS Nicolas, « A propos de l’évolution des styles alimentaires à Dakar », Etude Altersial,

Ministère des Relations extérieures, service coopération et développement, 1985.

80


-

L’évolution dans l’organisation sociale : la circulation, la transformation et la consommation des produits subissent parfois de profondes modifications : division du travail, alimentation de rue, relations ville-campagne

-

L’évolution de la matière première : Les matières premières diffèrent alors que les plats obtenus restent les mêmes. Le lait en poudre remplace, par exemple, le lait frais dans la préparation de lait caillé.

-

L’évolution par extension de débouchés : l’ensemble de la population urbaine a accès à une gamme de produits très large dont certains étaient auparavant réservés à une faible part de la population.

La recherche de produits emblématiques de l’alimentation urbaine est nécessaire, mais ne suffit pas : la manière dont ces produits sont préparés, l’organisation sociale associée à leur consommation jouent également un rôle important dans l’évolution des pratiques liées à l’urbanisation.

En termes de produits, la mondialisation apporte une offre toujours plus grande. Les populations s’approprient certains d’entre eux, parfois tels qu’ils sont proposés à la vente, parfois en les transformant à leur manière. Quelques aliments sont devenus incontournables dans les villes maliennes. Parmi eux on compte le thé, consommé entre les repas souvent en groupe, entre hommes, servi avec une grande quantité de sucre, autre produit importé. L’apparition récente du thé « Lipton », désignant ici tous les thés en sachet, marque la modernité urbaine. La mayonnaise, les sardines à l’huile et les conserves de légumes sont couramment consommées en ville. Enfin, la consommation de pain et plus largement de produits à base de blé, est intégrée aux habitudes alimentaires des urbains maliens.

Au-delà du choix des aliments, les migrants ruraux arrivant en ville sont confrontés à de nouvelles situations sociales alimentaires et à de nouvelles formes culinaires. Ainsi, les règles traditionnelles strictes de commensalité tendent à s’assouplir en ville. Dans certains cas, des femmes prennent leur repas avec des hommes. Les hommes migrants arrivant seuls en ville se regroupent parfois au sein de groupes et 81


consomment donc leur repas ensemble de façon régulière alors qu’ils n’ont pas de lien de parenté. L’accès à l’électricité modifie la gestion de l’acte culinaire et la conservation des aliments grâce aux techniques de cuissons et aux réfrigérateurs. L’eau potable accessible par le réseau public en ville améliore la qualité de l’alimentation dans les foyers reliés à ce réseau.

Conclusion L’étude des modèles alimentaires maliens représente une tâche importante qui nécessite des distinctions plus précises que celle consistant à traiter séparément les modèles urbains et les modèles ruraux. En effet, la variété des modèles observables au sein du pays est grande. Selon les zones géographiques et selon les modes de vie et les ethnies, les différences apparaissent significatives. Les Peulh, peuple d’éleveurs, consomment par exemple une quantité plus importante de lait et de viande que le reste de la population. Les modèles alimentaires soudanais diffèrent des modèles alimentaires sahéliens en raison des conditions climatiques différentes auxquelles les populations sont confrontées. Plus encore que la distinction entre le milieu rural et le milieu urbain, il semble que le niveau de revenu des ménages et le quartier de résidence au sein de la ville soient plus discriminants en ce qui concerne les habitudes alimentaires. Dans le cadre du travail présenté ici le facteur discriminant retenu est bien le type de milieu : urbain ou rural. L’objectif n’étant pas d’obtenir une description précise des modèles alimentaires mais de mettre en avant les modifications significatives d’habitudes et de choix alimentaires liées à la migration voire caractéristiques de cette migration. En ce sens, l’observation des modèles ruraux et des modèles urbains prend tout son sens. Au terme de cette étude, des éléments apparaissent tout à fait stables quel que soit le milieu de vie : la structure du repas composé d’une base céréalière accompagnée d’une sauce se retrouve dans la totalité des familles. Certaines spécificités peuvent être relevées parmi les habitudes urbaines, se différenciant des modèles ruraux : l’alimentation de rue en est un exemple parlant. Certains aliments semblent 82


caractéristiques de la ville comme la mayonnaise, le cube Maggi®, le pain, le lait en poudre ou concentré, les sardines en boîte ou les légumes en conserve, bien que leur consommation gagne les zones rurales progressivement. Les migrants semblent jouer un rôle central à la fois dans la conservation des traditions en milieu urbain et dans la diffusion de nouvelles habitudes alimentaires provenant de la ville en milieu rural lors de leurs passages plus ou moins longs et plus ou moins fréquents dans leurs villages d’origine.

83


Conclusion Générale La migration est un phénomène complexe et ses conséquences sur les individus et sur les sociétés de départ et d’accueil ne le sont pas moins. Si l’on veut prétendre à une étude exploitable des données obtenues dans le cadre d’une étude de la migration, il est nécessaire d’aborder cette question sous divers angles. À ce titre, l’alimentation apparaît comme un outil pertinent et à privilégier du fait des nombreuses possibilités d’analyse qu’elle offre sur l’étude des migrations.

L’approche nutritionnelle, qui permet une approche technique et médicale, aspire également à une approche plus globale en terme de bien être et de santé physique et psychologique des individus. La situation nutritionnelle des populations maliennes est l’une des pires du monde notamment par l’importance de la malnutrition. L’approche culturelle et sociologique de l’alimentation, par l’utilisation de l’espace social alimentaire, met en exergue les différents rôles de cette dernière dans la société et les étroites relations entre culture et alimentation. La compréhension globale d’une situation nutritionnelle préoccupante ne peut se faire sans prendre en compte l’ensemble des aspects culturels de l’alimentation.

Ainsi, si on la considère comme faisant partie intégrante du projet ALIMI, l’étude des modèles alimentaires urbains et ruraux au Mali est pertinente car elle permet d’identifier les modifications alimentaires liées à la migration.

Grâce à ce travail de recherche, une problématique se dégage et appelle un travail de terrain : La migration entraîne-t-elle une augmentation de la diversité alimentaire ? Quels sont les aliments emblématiques du modèle alimentaire urbain ? du modèle alimentaire rural ? Existe-t-il un modèle alimentaire propre aux migrants ?

84


Concernant l’approche opérationnelle de réponse à cette problématique, un questionnaire est en cours d’élaboration dans le cadre du projet ALIMI. Une partie de ce questionnaire est consacrée à un questionnaire de diversité sur l’alimentation de la semaine précédant l’enquête. Cette proposition se justifie par le fait qu’une amélioration de la diversité alimentaire est directement corrélée à une amélioration de la qualité du régime alimentaire. Ce questionnaire permet l’obtention de données relativement fiables concernant la nutrition sans pour autant procéder à un « rappel des 24 heures » quantifié32 qui nécessiterait un temps d’enquête bien trop long. Une fois la décision prise d’utiliser le questionnaire de diversité, la mise en évidence des aliments emblématiques de l’alimentation urbaine et de l’alimentation rurale permettra d’intégrer ces derniers au questionnaire afin d’obtenir des informations concernant le rôle de la migration par rapport aux modèles alimentaires. Une proposition de questionnaire de diversité adapté au cas du Mali est présentée en annexe A. Il est conçu pour être passé en face à face avec les personnes enquêtées par des enquêteurs formés et en langue locale, en l’occurrence le Bambara à Bamako. Les différentes fréquences ne leur seront pas proposées d’office, c’est à l’enquêteur de convertir les réponses en fréquence par jour ou par semaine. Ce questionnaire de diversité s’inscrit au sein d’un questionnaire plus large traitant de l’alimentation et du bien être alimentaire des enquêtés. Une ébauche du questionnaire complet, qui est en cours d’élaboration, est présentée en annexe B afin de percevoir la globalité dans laquelle s’inscrit le questionnaire de diversité. La version finale devrait permettre une passation en une heure maximum.

La finalisation du questionnaire devrait amener une première phase de test au cours des premières semaines du stage que nous effectuerons à Bamako puis la passation des premiers questionnaires pendant la suite du stage. En

parallèle,

l’approfondissement

des

recherches

concernant

la

situation

nutritionnelle au Mali se poursuivra sur place au cours du stage à venir en accédant aux ressources nationales.

32

Consiste à obtenir d’un individu des données concernant l’ensemble de ses prises alimentaires de la veille ainsi que toutes les informations liées à ces prises : heure, quantité, qualité, lieu, …

85


Par l’appréhension des modifications alimentaires liées à la migration des maliens au Mali, cette étude peut permettre d’améliorer la prise en compte des besoins nutritionnels et alimentaires des migrants maliens en France. En effet, la situation de migrants des maliens en France doit être envisagée au regard notamment de leur origine rurale ou urbaine.

86


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90


ANNEXES

91


Annexe A : Questionnaire de diversité dans le cadre du projet ALIMI Combien de fois avez-vous consommé les différents aliments suivants au cours des 7 derniers jours (hors repas de fête) ? Groupes d'aliments Fruits

Aliments

Fois/jour

Fois/semaine

0 fois

Agrumes (oranges, pamplemousse, citron…) Autres fruits (banane, pomme, papaye, melon, ananas, etc.)

Légumes frais (y Légumes verts (choux, feuilles, salade…) compris les légumes consommés dans la sauce) Légumes colorés (tomate, carotte, citrouille, betterave…) Autres légumes (navet, aubergine, courge et courgette…) Haricots gombo Tubercules

Manioc, pomme de terre, patate douce, igname, plantain

Légumineuses

Niébé, néré

Céréales

Pâtes (vermicelles, spaghetti, macaroni…) Pain Riz Mil, sorgo

Viandes

Bœuf/mouton/chèvre Volaille (poulet, canard..)

Œufs Poissons

Œufs Poisson frais Poissons en conserves (sardines) Poissons ou mollusques séchés/fumés

Lait et produits laitiers

Lait frais Lait en poudre (Nido) Lait concentré liquide Lait caillé Yaourt Mayonnaise (Calvé) Fromage fondu de type « Vache qui rit »

92


Produits sucrés et/ou riches en graisses

Bonbons, chocolat

Pâte à tartiner Glaces, sorbets Beignets sucrés ou salés Biscuits sucrés ou salés Matières grasses

Beurre, margarine Beurre de karité Huile de palme Huile d'arachide

Oléagineux Condiments

Arachides (grillés, bouillies, en pâte) Cube Maggi ou bouillon Piment Soumbala Sel

Boissons

Café/Café au lait Thé Boissins alcoolisées Boissons sucrées gazeuses (sodas) Jus de fruits Autres boissons

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Annexe B : Proposition de questionnaire dans le cadre de l’étude ALIMI Numéro de l’interviewé : Numéro de l’enquêteur : Date interview (Jour/Mois/Année) : Hier, nous étions : (à compléter par l’enquêteur) □ Lundi □ Mardi □ Mercredi □ Jeudi □ Vendredi

□ Samedi

□ Dimanche

Pour vous, hier était : □ un [lundi] comme les autres [lundi] □ un jour particulier :………………………………… Durée de l’interview ? (heure, min, secondes début/fin) Texte de présentation : je travaille pour le Centre Edgar Morin/EHESS et nous réalisons une étude sur l’alimentation. Nous souhaiterions vous poser quelques questions sur le sujet, auriez-vous 1 heure à me consacrer ? Je tiens à vous préciser qu'il ne s'agit absolument pas d'un test ou d'un examen. Au contraire, ce qui nous intéresse, ce sont vos opinions, vos idées, vos convictions, vos soucis, vos attentes par rapport à l'alimentation. Il n'y a donc pas de bonnes ou de mauvaises réponses. De plus, c’est un entretien anonyme, donc sentez-vous tout à fait libre de dire ce qui vous vient à l'esprit. INFORMATIONS PRELIMINAIRES Sexe : H/F Age : année de naissance Composition du ménage : Avec combien de personnes habitez-vous actuellement (en dehors de vous) ? - combien y a t-il d’enfants de moins de 12 ans qui habitent avec vous ? - combien y a t-il de jeunes hommes de 12 à 18 ans qui habitent avec vous ? - combien y a t-il de jeunes femmes de 12 à 18 ans qui habitent avec vous ? - combien y a-t-il de femmes adultes de plus de 18 ans qui habitent avec vous ? - combien y a-t-il d’hommes adultes plus de 18 ans qui habitent avec vous ?

94


Statut matrimonial : Vivez-vous (plusieurs réponses possibles) : - sans conjoint : précisez (célibataire/divorcé/veuf/conjoint ailleurs) - avec votre/vos conjoint(s) ici (précisez le nombre de femmes : voir avec la CNIL) - autre - NR Logement : Dans quel type de logement habitez-vous ? Type de logement Appartement, studio Maison individuelle, pavillon Foyer HLM ou autre logement social Hôtel meublé Squat Autre : précisez PRATIQUES ALIMENTAIRES Avant de parler de votre alimentation quotidienne, nous allons commencer par une question sur votre vie. Globalement, sur une échelle de 1 à 7, en considérant que 1 signifie « totalement insatisfait » et 7 « totalement satisfait », pourriez-vous noter votre niveau de satisfaction par rapport à votre vie en général (ces derniers jours) ? Dans le reste de l’enquête, le terme d’« alimentation » sera utilisé pour parler de tout ce qui se rapporte à l’alimentation au sens large, c'est-à-dire pas seulement à la consommation mais aussi à l’approvisionnement, la préparation, la dégustation seul ou à plusieurs, etc… De la même façon que vous avez répondu à la question précédente en notant votre satisfaction globale de la vie sur une échelle de 1 à 7, nous allons maintenant vous demander de noter, sur la même échelle, votre satisfaction par rapport à votre alimentation dans votre vie en général (ces derniers jours) ? APPROVISIONNEMENT Qui fait les courses pour votre foyer (QCM) ? - vous-même - votre conjoint/mari/femme - vos enfants - appartenance à une caisse de solidarité alimentaire - l’employé de maison - autre

95


Est-ce que vous ou la personne qui fait les courses vous vous rendez : Jamais Parfois Souvent

Tous les jours

au marché au supermarché/hypermarché dans un discount alimentaire (ED, Lidl, Franprix…) à la ferme, abattoir à l’épicerie de quartier aux magasins exotiques (asiatiques, africains...) au libre-service (Mali) Autre, précisez Utilisez-vous une liste pour faire vos courses ? Seriez-vous prêt à acheter ici ? O/N De l’huile d’argan du Souss Du safran du Souss De l’eau de rose Si oui, où souhaiteriez-vous pourvoir acheter ce/ces produit(s) ? Si oui, à quel prix seriez-vous prêt(s) à payer : - un litre d’huile d’argan du Souss - 1 gramme de safran du Souss Si vous faites vos courses : Quand vous faites vos courses, vous tenez compte : Classer 3 premiers Critères (O/N) Classement Des effets sur la santé Du goût Des effets sur la silhouette/ligne Des effets sur le poids Des effets sur la peau De l’origine du produit Du caractère naturel De la saisonnalité Du prix De la fraicheur De la date de péremption De la quantité De la marque De l’information sur l’emballage Autre, précisez 96


Qu’est-ce que vous recevez de votre pays/région d’origine ? (que vous demandez qu’on vous envoie/rapporte, que vous rapportez-vous lors de vos déplacements, que l’on vous envoie sans que vous le demandiez) / (ne pas énoncer) - condiments, épices - feuilles - poisson séché - viande séchée - produits laitiers - huile d’argan ou d’olive - fruits secs - autre, précisez Achetez-vous hallal ? Viande toujours chaque fois que j’en possibilité à certaines occasions jamais

ai

Autres produits (précisez)

la

Au cours de la dernière année, avez-vous pratiqué le jeûne pour des raisons religieuses (comme le Ramadan) ? O/N CUISINE Combien de fois par jour fait-on la cuisine là où vous vivez ? Combien de temps passe t-on chez vous en moyenne à la cuisine un jour de semaine ? Combien de temps passe t-on chez vous en moyenne à la cuisine un jour de weekend ? Savez-vous cuisinez français/le manger français ? noter de 0, je ne sais pas du tout, à 10, je sais parfaitement Savez-vous cuisinez le manger africain ? noter de 0, je ne sais pas du tout, à 10, je sais parfaitement

97


Journée de la veille Nous allons maintenant nous intéresser à votre journée d’hier, et plus particulièrement à tout ce que vous avez fait et expérimenté en relation avec l’alimentation et les repas (planification des repas, courses, préparation, dégustation) ainsi qu’à votre satisfaction et vos émotions à chaque moment. Pour commencer, nous allons donc vous demander de vous remémorer votre journée d’hier depuis le moment où vous vous êtes levés et jusqu’au moment où vous vous êtes couchés. Pensez à votre journée comme une suite continue d’épisodes ou de scènes de films. Appelons ces épisodes des « séquences » de votre journée. On peut considérer que la séquence est finie quand vous changez de lieu, si vous finissez une activité ou si les personnes avec qui vous interagissez changent. Nous voudrions donc que vous identifiiez les « séquences » de votre journée d’hier au cours desquelles vous avez fait une ou plusieurs activités en rapport avec l’alimentation au sens large. Horaires/Durées

Séquence (dénomination par l’enquêté)

Si on reprenait l’échelle utilisée au début pour la satisfaction (de 1 à 7), quelle note mettriez-vous pour l'alimentation ou tout ce qui a touché à l'alimentation dans votre journée d’hier plus particulièrement ?

98


Nous allons maintenant revenir au découpage de votre journée d’hier et nous allons détailler, séquence par séquence, les activités liées à l’alimentation. Pour chaque séquence alimentaire, nous allons vous demander de nous indiquer la durée de l’épisode, de décrire précisément les activités dans lesquelles vous étiez impliqués (possibilité d’activités simultanées) ainsi que les personnes avec qui vous interagissiez… Nous vous demanderons ensuite de noter, pour chaque séquence, votre niveau de bien être/plaisir/bonheur/satisfaction alimentaire sur la même échelle que celle utilisée jusqu’ici (échelle de 1 à 7) et de nous expliquer ce qui vous amène à mettre cette note. Puis, nous nous intéresserons aux moyens, selon vous, de gagner un point sur cette même échelle pour chacune des séquences. Numéro de la séquence : Description des activités : Lieu : Durée (si non relevée au moment du découpage de la journée) : Personnes avec qui vous interagissiez : □ Seul □ Avec des amis □ Avec des parents □ Autre : Nombre total de personnes : Niveau de satisfaction de la séquence (1 à 7) : Justification de la note : Moyens de gagner un point : Question : Après avoir réfléchi et découpé votre journée d’hier, pourriez vous nous dire quel a été votre niveau de satisfaction par rapport à votre alimentation en général pour la journée d’hier (toujours sur l’échelle de 1 à 7)? Question : Maintenant que vous avez bien votre journée d’hier en tête, pourriez-vous nous dire quelle a été la séquence alimentaire la plus importante pour vous dans cette journée (par rapport au découpage précédent) ?

99


CONSOMMATION ET LA COMMENSALITÉ Nous allons à présent détailler tous les repas que vous avez pris la veille. Prenez-vous…

Oui

Non

Heure de prise

Durée de la prise

Heure

min

Code

Lieu (où le prenez-vous ?)

Lieu

Avec qui le prenez-vous ?

Avec qui

Chez vous

Lieu de travail

Restaurant

Restauration rapide

Code

En famill e

Seul

Amis, Voisins

Code

Petitdéjeuner

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Collation matin

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Déjeuner

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Collation aprèsmidi

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Dîner

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Collation soir

1

2

/__/

/__//__/,/__//__/

1

2

3

4

/__/

1

2

3

/__/

Qui prépare le repas ?

Comment mangez-vous?

Dans quoi mangez-vous? Dans une assiette individuelle

autre

Code

Assis

Debout

Accroupi

Vousmême

Votre conjoint

Les deux

Les enfants

L’employé

autre

Code

Dans le plat commun

Sur une table à manger haute

autre

Code

Petitdéjeuner

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

7

/__/

Collation matin

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

Déjeuner

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

Collation après-midi

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

Dîner

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

Collation soir

1

2

3

4

5

6

/__/

1

2

3

/__/

1

2

3

4

5

6

Sur une table Au sol basse

7 7 7 7 7

/__/ /__/ /__/ /__/ /__/

Suivez-vous un régime ? O/N Vos enfants fréquentent-ils la cantine scolaire ? O/N

100


Nous allons maintenant vous demander combien de fois vous avez consommé les différents aliments suivants au cours des 7 derniers jours, hors fêtes : Groupes d'aliments Fruits

Aliments Agrumes (oranges, pamplemousse, citron…) Autres fruits (banane, pomme, papaye, melon, ananas, etc.)

Légumes frais (y Légumes verts (choux, feuilles, salade…) compris les légumes consommés dans la sauce) Légumes colorés (tomate, carotte, citrouille, betterave…) Autres légumes (navet, aubergine, courge et courgette…) Haricots gombo Tubercules

Manioc, pomme de terre, patate douce, igname, plantain

Légumineuses

Niébé, néré

Céréales

Pâtes (vermicelles, spaghetti, macaroni…) Pain Riz Mil, sorgo

Viandes

Bœuf/mouton/chèvre Volaille (poulet, canard..)

Œufs Poissons

Œufs Poisson frais Poissons en conserves (sardines) Poissons ou mollusques séchés/fumés

Lait et produits laitiers

Lait frais Lait en poudre (Nido) Lait concentré liquide Lait caillé Yaourt Mayonnaise (Calvé) Fromage fondu de type « Vache qui rit »

Produits sucrés et/ou riches en graisses

Bonbons, chocolat

Pâte à tartiner Glaces, sorbets Beignets sucrés ou salés Biscuits sucrés ou salés Matières grasses

Beurre, margarine Beurre de karité Huile de palme Huile d'arachide

Fois/jour

Fois/semaine

0 fois


Oléagineux Condiments

Arachides (grillés, bouillies, en pâte) Cube Maggi ou bouillon Piment Soumbala Sel

Boissons

Café/Café au lait Thé Boissins alcoolisées Boissons sucrées gazeuses (sodas) Jus de fruits Autres boissons

Sécurité alimentaire (questionnaire FANTA) A chacune des questions suivantes, nous allons vous demander de répondre par oui ou par non. En cas de réponse positive, nous vous reposerons la même question en vous demandant de préciser si la situation s’est produite rarement (1 ou 2 fois), parfois (3 à 10 fois) ou souvent (+ de 10 fois) au cours du mois dernier.

Lors du dernier mois…

NON Jamais

OUI -> à quelle fréquence ? Rarement Parfois Souvent

1. … étiez-vous préoccupé que votre ménage n’avait pas assez de nourriture ? 2. … est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage n’a pas pu manger les types de nourriture que vous préférez à cause d’un manque de ressources ? 3. …est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage a mangé une variété limitée d’aliments parce que les ressources étaient insuffisantes ? 4. …est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage a mangé une nourriture que vous ne souhaitiez pas manger à cause du manque de ressources pour obtenir d’autres types de nourriture ? 5. … est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage a mangé un repas plus petit que vous n’auriez souhaité parce qu’il n’y avait pas assez à manger ? 6. … est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage a mangé moins de repas par jour parce qu’il n’y avait pas assez de nourriture ? 7. … est-il arrivé que le ménage soit complètement sans nourriture parce qu’il n’y avait pas de ressources pour en acheter ? 8. … est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage est allé au lit en ayant faim parce qu’il n’y avait pas assez de nourriture ? 9. …est-ce que vous-même ou un membre de votre ménage a passé toute une journée et toute une nuit sans manger parce qu’il n’y avait pas assez de nourriture ?

102


REPRESENTATIONS Ce que bien manger veut dire (produits, conduites, ordre des choses) (post-codée) « Bien manger », pour vous, c'est quoi ? (relance « Bien manger pour vous, c'est quoi encore ? ») Pour être sûr de bien manger, où iriez-vous : (post-codée) • dans l'espace : près de chez vous ou très loin • et dans le temps : passé, présent ou futur. Pourquoi ? Et où n'iriez-vous surtout pas pour bien manger ? Pourquoi ? Manger africain » pour vous, c’est quoi ? en 3 mots « Manger français » pour vous, c’est quoi ? en 3 mots « Si vous deviez définir en une ou deux phrases le type de cuisine que vous mangez ici, que diriez-vous ? (Relance : "Quel autre type de cuisine mange-t-on encore, chez vous ?") Je vais vous citer une liste d'affirmations. Pour chacune d'elles, vous me direz si vous êtes : tout à fait d'accord, plutôt d'accord, plutôt pas d'accord ou pas du tout d'accord. Note Il est important de bien se remplir le ventre Il ne faut pas manger varié Il faut manger équilibré Il faut manger au moins 3 fois par jour Je ne fais pas attention à ce que je mange Il faut manger ce qu’on aime Il n’y a pas d’heure pour manger Je suis le seul responsable de mon alimentation, c'est à moi de faire les bons choix Il ne faut pas écouter les conseils des médecins sur l’alimentation Il n’y a pas de différences entre les aliments et les médicaments. Niveau de satisfaction avec certains aspects liés à l’alimentation et la santé Quelle note de 0 (pas du tout d’accord) à 10 (0 à 5 ?) (tout à fait d’accord) donneriezvous à : Note Je suis satisfait de ma santé Je suis satisfait de ce que je mange au quotidien Je suis satisfait de la qualité des produits alimentaires que je mange tous les jours Je suis satisfait de mon poids actuel Je me trouve trop gros(se) Je me trouve trop maigre

103


Pour vous, est-ce que XXX joue un rôle important sur la santé ? Noter de 0 (pas du tout important) à 10 (très important). Note L’alimentation Le sport et l'exercice Les régimes Le goût Le jeûne La joie de vivre Le stress, les soucis Bien dormir Manger ensemble Le travail versus le loisir ? Selon vous, est-ce que XXXXX est bon ou pas pour la santé ? notez de 0 (pas du tout) à 10 (tout à fait) Voir quali 0 à10 (sain) 0 à 10 (plaisir ?) Les produits laitiers Les fruits Les légumes Le poisson La viande (dont le poulet) Les céréales (riz, maïs, mil, blé, pain, etc) Le vin Le lait bio Les pommes de terre, les patates douces Les boissons gazeuses (sodas) Le cube Maggi Les épices, le piment L’huile Les œufs Les bonbons, biscuits, gâteaux, etc. Les fritures (beignets, frites, alocos, etc.) « Naturel », pour vous, qu’est-ce que ça veut dire ? en 3 mots

104


Information Vous sentez-vous personnellement informé sur les questions d’alimentation et de santé ? (de 0, pas du tout, à 10 parfaitement) De qui obtenez-vous des conseils sur l’alimentation ? (ne pas énoncer) citer 3 sources d’information. - la télévision - la radio - les Imams, marabouts - votre famille - vos amis - vos collègues - vos enfants - votre conjoint - votre voisinage - des agents de la santé, des PMI - des revues, magazines - des livres de recettes - etc. Parmi ces trois sources d’information, quelle est celle en laquelle vous avez le plus confiance ? Individualisme versus Commensalisme Tolérance aux particularités individuelles. Imaginez qu’il y a de la famille ou des amis qui viennent manger chez vous. L’un d’eux vous dit avant de venir : 1 qu'il ne mange pas de sel 2 qu'il est diabétique 3 qu'il n'aime pas les légumes En tenez-vous compte au moment de préparer ? O/N Etendue du choix. Vous avez envie de manger une glace ou un gâteau. Vous avez le choix entre deux marchands. Le premier offre un choix de 50 variétés différentes. Le second propose une sélection de 10 variétés. A prix égal, lequel choisiriez-vous ? 1 Celui qui propose 50 variétés différentes 2 Celui qui propose une sélection de 10 variétés. Portraits de mangeurs ou de mangeuses Je vais maintenant vous décrire le portrait de plusieurs mangeurs. Pouvez-vous me dire si vous vous sentez tout à fait, plutôt, plutôt pas ou pas du tout proche de chacun de ces mangeurs.

105


A adapter ?

Tout à fait proche

Plutôt proche

Plutôt pas proche

Pas du tout proche

Le mangeur A fait attention à ce qu’il mange et il fait du sport. Il fait attention à son poids et à sa santé. Le mangeur B préfère parfois manger seul que de manger à plusieurs personnes. Le mangeur C ne supporte pas de manger seul, il mange toujours avec d’autres personnes. Il aime la convivialité. Le mangeur D aime se faire plaisir en mangeant ; Manger est un des grands plaisirs de l'existence. Le mangeur E il fait très attention à la qualité des produits qu'il achète et mange. Il mange surtout des produits bio ou naturels. Avenir et perceptions des changements Parlons maintenant des différences entre ici et votre pays/région d’origine (ou celui de vos parents). Pouvez-vous nous dire pour chaque mot suivant, si vous considérez que c’est mieux, moins bien ou pareil par rapport au pays ? ou ce que vous avez le sentiment d’avoir gagné ou perdu ou si rien n’a changé ? MOT Gagné/Mieux Perdu/moins Pareil/Rien n'a NR / NSP bien changé Variété Goût Connaissance Temps Traditions Qualité Plaisir Hygiène Pouvoir d’achat Choix Fraicheur Confiance Santé Poids Activité physique Maladies Fatigue Moral 106


Autre, précisez PROFIL DEMOGRAPHIQUE, SOCIAL, ECONOMIQUE ET SANITAIRE (suite) Education & niveau de vie Quel est votre niveau scolaire ? (ne pas suggérer) et celui de votre conjoint ? (mettre une croix) Niveau d’éducation Personne interrogée Conjoint Jamais été scolarisé Alphabétisé A été à l’école coranique Nombre d’années de scolarisation NSP/NR Autre, précisez Si vous avez été scolarisé, quel est le diplôme le plus élevé que vous ayez obtenu ? et votre conjoint ? Quelle est votre activité actuelle ? et celle de votre conjoint ? Activité Personne interrogée Travail A la recherche d’un travail Femme/homme au foyer Retraité ou pensionné En formation, études Autre : précisez

Conjoint

Si vous travaillez, précisez quelle est votre activité ? (domaine d’activité, statut) (occupation & pénibilité du travail) De quel type de contrat s’agit-il ? Type de contrat Personne interrogée CDD CDI Interim à votre compte activité non déclarée Autre, précisez

Conjoint

Avez-vous déjà travaillé dans le domaine de la restauration ? O/N Précisez si en France ou au pays ? Au cours du dernier mois, combien de jours avez-vous travaillé en moyenne ? Au cours du dernier mois, combien d’heures avez-vous travaillé en moyenne par semaine ? Quelle est ou était la profession de votre mère ? Quelle est ou était la profession de votre père ? 107


Au cours de la dernière année, avez-vous bénéficié d’aide alimentaire : jamais/parfois/souvent De quel organisme ? De la soupe populaire Des restos du cœur De la banque alimentaire D’une épicerie solidaire D’une association Autre, précisez Au cours du dernier mois, pouvez-vous m'indiquer quels ont été vos revenus ? (ne pas énoncer) Au cours du dernier mois, pouvez-vous m'indiquer quels ont été les revenus de votre foyer (toutes sources confondues) ? (ne pas énoncer) Tranches de revenus

Revenus de la pers interrogée

Revenus du foyer

0 à <250 euros 250 à <500 euros 500 à <750 euros 750 à <1000 euros 1000 à <1500 euros 1500 à <2000 euros > 2000 euros Au cours du dernier mois, combien d’argent avez-vous envoyé à la famille au pays ? Etes-vous : Statut d’occupation Propriétaire Locataire Co-locataire Hébergement à titre gratuit Hébergement payant Autre : précisez Avez-vous investi dans un bien immobilier (maison, appartement, terrains, etc) ? O/N (accès à la propriété) Où ? Lieu France Pays/région d’origine Autre pays : précisez

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Gestion du budget et dépenses alimentaires A quel degré les membres du foyer contribuent-ils aux dépenses alimentaires ? (ne pas énoncer) Degré de contribution des membres du foyer Celui/ceux qui travaille(nt) Seulement le mari Seulement la femme Surtout le mari Surtout la femme Les deux parents Les enfants Autre, précisez Qui gère le budget alimentaire du foyer ? (ne pas énoncer) Gestion du budget alimentaire la personne interrogée son conjoint les deux parents les enfants Autre, précisez Payez-vous un « toucher » ? O/N A qui ? Toucher à la famille à une caisse de solidarité alimentaire autre, précisez Combien avez-vous dépensé pour l’alimentation de votre foyer hier ? Combien avez-vous dépensé pour l’alimentation de votre foyer la semaine dernière ? Combien avez-vous dépensé pour l’alimentation de votre foyer le mois dernier ? Combien de personnes vivent sur ce budget alimentaire ? Perception de son niveau de vie actuel(le) : mauvais, plutôt mauvais, plutôt bon, très bon

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Origines de la personne et de son conjoint Combien d’années avez-vous vécu en France au total ? (nombre d’années de résidence) De quelle(s) culture(s) vous sentez-vous le plus proche ? (question ouverte à postcoder) - soninkée/bambara/peule, malienne, berbère, marocaine, arabe - une culture française - une culture européenne - une culture de « migrants » - une culture du monde - une culture de quartier, etc. - autre D’où vous sentez-vous originaire (région/cercle/ville-village) ? D’où est originaire votre conjoint (région/cercle/ville-village) ? Pour les jeunes nés en France : D’où est originaire votre père ? votre mère ? (région/cercle/ville-village) Avez-vous la nationalité française ? Si non, quelle est votre situation juridique ? - sans papiers - régularisé - naturalisé - réfugié politique - autre Langues Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec les personnes avec qui vous habitez ? (choix multiple) O/N Français Bambara Soninké Pular Berbère Arabe Autre, à précisez Si le français n’est pas votre langue maternelle, pouvez-vous évaluer votre niveau d’aisance ou de difficulté avec la langue française par une note sur 4 (pas du tout, plutôt pas, plutôt, très à l’aise) - pour lire - pour parler - pour écrire

110


Parcours migratoire Combien de temps avez-vous vécu dans une grande ville avant de venir en France ? Avez-vous vécu dans d’autres pays que la France ? O/N Si oui, lesquels ? Si oui, combien de temps ? Vous rendez-vous dans votre pays/village d’origine : - plus de 2 fois par an - 1 à 2 fois par an - 1 fois tous les 2 ans - Moins souvent - Jamais Relations sociales Appartenez-vous à une association (hors caisse de solidarité –alimentaire- en France) : Oui/Non Si oui, de quel type d’association êtes-vous membre ? - une association de femmes - une caisse villageoise - une association de quartier - une association africaine - une association soninkée - autre, précisez Au cours de la dernière année, combien de fois avez-vous participé à des fêtes ou cérémonies (mariages, décès, naissance, journées associatives…) ? Religion : Pouvez-vous m'indiquer quelle est votre religion ou celle de votre famille ? 1 Musulmane 2 Catholique 3 Protestante 4 Juive 5 Une autre religion 6 Non-croyant / Athé 7 NR Indicateurs de santé jamais

occasionnellement

régulièrement

tous les jours

Faites-vous la prière ? Faites-vous de l’exercice physique ? Consommez-vous de l’alcool ? Fumez-vous ? Taille (cm) |__||__||__|, |__| Poids (kg) |__||__||__|, |__| Tour de taille (cm) |__||__||__|, |__|

111


Table des sigles ATTM : Association Taghbaloute de Tourisme en Montagne CERTOP : Centre d’Etudes et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir CFSVA : Analyse de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité CIRAD : Centre de Coopération internationale de recherche agronomique pour le développement CMLN : Comité Militaire de Libération Nationale CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CSA : Commissariat à la Sécurité Alimentaire EBC : Enquête Budget – Consommation EBSAN : Enquêtes de Base sur la Sécurité Alimentaire et la Nutrition EDSM : Enquêtes Démographiques et de Santé du Mali EHESS-CNRS : Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales – Centre National de la recherche scientifique FAO : Food and Agriculture Organization IDH : Indicateur de Développement Humain IMC : Indice de Masse Corporelle IPH : Indicateur de pauvreté humain IRA : Infections Respiratoires Aigues IRD : Institut de Recherche pour le développement OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non Gouvernementale PIB : Produit Intérieur Brut PNSA : Programme National de Sécurité Alimentaire PPA : Parité de Pouvoir d’Achat PRMC : Programme de Restructuration des Marchés Céréaliers PRODESS :

Programme

de

Développement

Sanitaire

et

Social

RDA :

Rassemblement Démocratique Africain REMUAO : Réseau migration et urbanisation en Afrique de l’Ouest RTM : Régie des Transports du Mali SAP : Système d’Alerte Précoce SOMIEX : Société Malienne d’Importation et d’Exportation UNICEF : Fond des Nations Unies pour l’Enfance 112


Liste des figures Figure 1 : Carte du Mali ............................................................................................ 15

Figure 2 : Cadre conceptuel de la malnutrition - UNICEF ......................................... 25

Figure 3 : Evolution de la corpulence des femmes entre 1995 et 2006 au Mali ....... 27

Figure 4 : Evolution des niveaux de dénutrition chez les enfants de moins de 3 ans entre 1987 et 2001 ................................................................................................... 33

Figure 5 : Taux de prévalence des dénutritions selon la période de l'année au Mali 34

Figure 6 : Incidence de la pauvreté monétaire au Mali entre 1988 et 2005 .............. 41

Figure 7 : Répartition de l'apport énergétique par nutriments selon le milieu de résidence .................................................................................................................. 42

Figure 8 : Postes de dépenses des ménages selon les groupes d'aliments au Mali EBC 1996 ................................................................................................................. 79

113


Table des matières REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ 4 SOMMAIRE .......................................................................................................................................................... 5 INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................................... 6 MÉTHODOLOGIE .............................................................................................................................................. 8 1

RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ........................................................................................................ 8

2

OBJECTIFS ET SUIVI DE LA RECHERCHE .......................................................................................... 9

PARTIE I : LA SITUATION NUTRITIONNELLE AU MALI ..................................................................... 10 1

LE PROJET ALIMI : LA CULTURE ALIMENTAIRE À L’ÉPREUVE DE LA MIGRATION.

CONSÉQUENCES POUR LES POLITIQUES ALIMENTAIRES ............................................................... 11

2

3

1.1

COMPOSANTES INSTITUTIONNELLES........................................................................................................ 11

1.2

JUSTIFICATION DU THÈME D’ÉTUDE......................................................................................................... 12

1.3

QUESTION DE DÉPART, OBJECTIF ET HYPOTHÈSES ................................................................................... 13

1.4

MÉTHODOLOGIE ...................................................................................................................................... 13

PRÉSENTATION DU MALI ...................................................................................................................... 14 2.1

GÉOGRAPHIE ........................................................................................................................................... 14

2.2

POPULATION............................................................................................................................................ 16

2.3

HISTOIRE ET POLITIQUE ........................................................................................................................... 16

2.4

ÉCONOMIE ............................................................................................................................................... 18

2.5

MIGRATIONS ........................................................................................................................................... 20

LA NUTRITION AU MALI ........................................................................................................................ 22 3.1

LA SITUATION NUTRITIONNELLE AU MALI .............................................................................................. 22

3.1.1

La sécurité alimentaire ................................................................................................................... 22

3.1.2

La sécurité nutritionnelle ................................................................................................................ 24

3.1.3

La transition nutritionnelle ............................................................................................................. 26

3.2

NUTRITION MATERNELLE ET INFANTILE .................................................................................................. 29

3.2.1

Les malnutritions : définitions ........................................................................................................ 29

3.2.1.1

Les malnutritions par excès ...................................................................................................................... 29

3.2.1.2

Les malnutritions par carence ................................................................................................................... 29

3.2.1.3

Les conséquences des dénutritions ........................................................................................................... 31

3.2.2

La situation au Mali........................................................................................................................ 32

3.2.3

Prise en charge globale des enfants et dénutrition ......................................................................... 34

3.2.3.1

Les pratiques alimentaires des jeunes enfants .......................................................................................... 35

3.2.3.2

L’accès aux soins de santé........................................................................................................................ 36

114


3.2.3.3

3.3

Les pratiques de soins ou caring ............................................................................................................... 39

LES DIFFÉRENCES URBAIN - RURAL : FOCUS SUR LA RÉGION DE KAYES ET LA VILLE DE BAMAKO .......... 41

PARTIE II : ALIMENTATION, NUTRITION ET MIGRATIONS ............................................................. 46 1

2

DE LA NUTRITION À L’ALIMENTATION COMME FAIT SOCIAL TOTAL ................................ 47 1.1

DE LA NUTRITION … ............................................................................................................................... 47

1.2

… AU FAIT SOCIAL TOTAL ....................................................................................................................... 48

1.3

LE PARADIGME INTERDISCIPLINAIRE ....................................................................................................... 49

1.4

LES MODÈLES ALIMENTAIRES : UNE NOTION À DÉFINIR ........................................................................... 50

L’ESPACE SOCIAL ALIMENTAIRE POUR TRAITER DE L’ALIMENTATION DES MIGRANTS. 52

3

NOTION D’IDENTITÉ ET D’ADAPTATION EN SITUATION DE MIGRATION ........................... 54

4

VARIÉTÉ ET DIVERSITÉ EN SITUATION DE MIGRATION ........................................................... 58

PARTIE III : L’ALIMENTATION DES MIGRANTS MALIENS ............................................................... 61 1

LES MODÈLES ALIMENTAIRES MALIENS À TRAVERS L’ESPACE SOCIAL ALIMENTAIRE 62 1.1

L’ALIMENTATION MALIENNE … .............................................................................................................. 62

1.2

… À TRAVERS L’ESPACE SOCIAL ALIMENTAIRE ...................................................................................... 65

2

INFLUENCE DE LA MODERNITÉ SUR LES MODÈLES ALIMENTAIRES MALIENS ............... 71

3

LES DIFFÉRENCES URBAINS-RURAUX .............................................................................................. 73 3.1

LES PARTICULARITÉS URBAINES .............................................................................................................. 73

3.1.1

L’alimentation de rue...................................................................................................................... 74

3.1.2

L’agriculture urbaine et péri-urbaine............................................................................................. 77

3.2

LES PARTICULARITÉS RURALES ............................................................................................................... 78

3.3

LES MIGRANTS : UN MODÈLE ALIMENTAIRE QUI LEUR EST PROPRE ? ....................................................... 80

CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................................ 84 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 87 ANNEXES ........................................................................................................................................................... 91 ANNEXE A : ....................................................................................................................................................... 92 QUESTIONNAIRE DE DIVERSITÉ DANS LE CADRE DU PROJET ALIMI ......................................... 92 ANNEXE B : ........................................................................................................................................................ 94 PROPOSITION DE QUESTIONNAIRE DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE ALIMI .................................. 94 TABLE DES SIGLES ....................................................................................................................................... 112 LISTE DES FIGURES ..................................................................................................................................... 113 TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................ 114

115


Titre : L’alimentation des migrants maliens : de la campagne à la ville

L’urbanisation au Mali s’explique en partie par les migrations internes des populations rurales vers les villes. En centrant l'étude de ce phénomène sur les questions alimentaires et en combinant les aspects sociologiques, culturels et nutritionnels cette étude tente de mettre en lumière les conséquences de la migration sur l'alimentation. L’alimentation urbaine influencée par la modernité reste néanmoins empreinte de tradition. Les modèles alimentaires ruraux, quant à eux, résultent d’une forte tradition confrontée aux innovations apportées par les villes. Mais qu’en est-il alors des modèles alimentaires des migrants venus de leur village à Bamako ? L’étude de leurs modèles alimentaires sert de prisme à l’analyse des changements de leur environnement de vie. La mise en évidence des aliments emblématiques de l’alimentation urbaine constitue un point de départ dans l’étude de ces variations alimentaires et nutritionnelles en situation de migration.

Mots clés : Mali, Alimentation, Nutrition, Modèles alimentaires, migration, migrant, ville, campagne.

Title: Malian migrants alimentation: from the countryside to the city

Mali's urbanisation is partly explained by intern migrations from the countryside to the city. By focusing the study of this phenomenon on the dietary questions and by combining sociological, cultural and nutritional aspects, this study intends to highlight the consequences of migration on alimentation. Urban alimentation is influenced by modernity but stays nevertheless marked with tradition. Rural dietary habits are the result of the confrontation of strong tradition and innovations coming from the cities. But what can we say about the dietary habits of the migrants coming from the countryside to Bamako? Studying their dietary habits allows analysing the changes that occur in their lifestyle. Highlighting staples and key aliments of urban alimentation is a starting point in the study of these changes in the alimentation and the diet of people in migration.

Key words: Mali, Alimentation, Nutrition, Dietary habits, Migration, Migrant, City, Countryside 116


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