UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II - LE MIRAIL CENTRE D’ÉTUDES DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DES INDUSTRIES DE L’ALIMENTATION
MASTER ALIMENTATION Parcours « Management et ingénierie de la restauration collective » Parcours « Sciences sociales appliquées à l’alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE
Le rayon halal, quel avenir dans la grande distribution ? Présenté par :
MBOUP SALIMATA
Année universitaire 2009-2010
Sous la direction de : Geneviève CAZES-VALETTE
A ma très chère mère AMINATA NGOM
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Remerciements Je tiens à remercier Madame Geneviève Cases-Valettes, pour son suivi et ses conseils professionnels, L’équipe du centre de recherche Edgard Morin de Paris et particulièrement Évelyne RIBERT pour sa sympathie, sa disponibilité, et son soutien. Mes remerciements vont également aux consommateurs et chefs de rayon qui ont répondu oui à mes enquêtes et à toutes les personnes qui ont participé à la réalisation de ce mémoire. Je dis enfin un grand merci à ma très chère famille pour son implication.
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Sommaire Introduction
Chapitre 1 : Démarches méthodologiques 1. Entrée en matière 2. Recueil de données Chapitre 2 : Approches religieuses 1. La religion, approche générale 2. Rapport entre le fait alimentaire et la religion 3. Le cas de l’Islam 4. Le halal, un principe islamique Chapitre 3 : Le marché des produits halal en France 1. Les produits halal 2. Le boom des produits halal 3. Représentations et pratiques des consommateurs 4. La juridiction Chapitre 4 : Le futur du rayon halal dans la grande distribution 1. Entrée des produits halal dans la grande distribution 2. Situation de crainte 3. Stratégies des grandes surfaces Conclusion
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Introduction Le marché des produits halal est en plein essor en France. Réservé auparavant aux commerces traditionnels à savoir les boucheries, ce marché attire aujourd’hui les plus grandes enseignes de la distribution. Du coup, l’offre sur le marché est élargie à d’autres produits alimentaires. Autrement dit, les produits halal ne se limitent plus à la viande et à la charcuterie mais, on note une ouverture vers les produits de l’agro-alimentaire. Ces derniers correspondant et répondant aux modes de vie de la société moderne. Cette entrée de la grande distribution sur le marché du halal est liée à plusieurs raisons. La première et principale raison est l’augmentation de la population musulmane consécutive aux immigrations maghrébine, subsaharienne et turque. Mais, cet accroissement de la population musulmane est aussi lié à des faits sociaux tels que la polygamie, la fécondité, les mariages mixtes et des faits économiques tels l’élargissement de l’offre etc.… La grande distribution tente de répondre aux attentes de cette population, qui compteraient à ce jour a entre 4 et 5 millions de personnes (Zemmour, 2008) en France. Cette population a entre autres des pratiques et représentations religieuses la conduisant à consommer halal. Par ailleurs, la consommation de produit halal n’est pas seulement réservée à la clientèle musulmane. Le profil du consommateur étant pluriel, le motif de consommation halal n’est pas uniquement religieux. Si les consommateurs demandent des produits halal et ont des attentes sur ceux-ci ils sont aussi très méfiants vis-à-vis de ceux-ci. Cette méfiance est liée à l’absence d’organisation du marché halal et donc de « référentiel halal », qui favorise une multiplicité de définitions et par conséquent de « marques ». A chaque organisme de certification, sa définition et à chaque consommateur son produit halal. A côté de cette frilosité du consommateur, les produits halal ne sont pas acceptés par tous : ils font l’objet de débats politiques et médiatiques, étant associés à une consommation religieuse et communautaire. Nous allons voir comment dans ces conditions, la grande distribution compte s’y prendre pour développer la vente de ces produits? Après avoir présenté la méthodologie, nous tenterons de définir, à travers les interdits alimentaires, ce qu’est le halal pour l’islam. Puis nous étudierons le marché du halal en France, afin de connaitre ses contours, c’est-à-dire les consommateurs, leurs pratiques et leurs représentations. Enfin, nous nous centrerons sur la grande distribution et analyserons ses stratégies pour augmenter ses ventes dans ce domaine. 5
Chapitre I DĂŠmarches MĂŠthodologiques
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1.Entrée en matière 1.1 Choix du sujet Le commerce des produits halal crée aujourd’hui un engouement dans la grande distribution. En effet, il y a encore deux décennies, le marché du halal était pratiquement inconnu du domaine de la grande distribution. Celui-ci était l’apanage des commerces les plus spécialisés et traditionnels, à savoir les boucheries musulmanes. Cet enthousiasme de la grande distribution pour le halal n’échappe pas à la presse qui en a fait un grand sujet de discussion et d’actualité, en lien avec des questions d’ordres religieux, politiques, économiques et sociologiques, dans le cadre notamment du débat sur l’immigration, l’identité nationale, la burqa etc… En outre, après lecture des commentaires dans les forums de discussion sur les produits halal, on remarque beaucoup plus de réactions négatives que positives. Bon nombre d’internautes sont en désaccord avec le fait qu’un rayon spécial puisse être consacré aux produits halal dans la grande distribution. Ils considèrent ce marché comme une incitation au communautarisme ou y voient ce que Florence Bergeaud-Blackler appelle une « islamisation » de la grande distribution. Activité qui donc est considérée par certains comme motivée par une religion, l’islam en l’occurrence. Religion qui n’est pas tout à fait, ni totalement acceptée par tout le monde et qui suscite des débats et des polémiques. Toutes ces questions nous poussent à nous interroger sur l’avenir du rayon halal dans la grande distribution.
1.2 Problématique La prolifération des produits halal sur le marché et dans la restauration suscite des débats auprès des consommateurs, médias et acteurs politiques. Ces derniers ne cessent de se poser des questions sur le halal, les uns étant pour et les autres contre. Dans cette situation, comment est ce que les consommateurs en général et plus particulièrement ceux des produits halal perçoivent le rayon halal dans la grande distribution ? Quelles peuvent être leurs attentes et suggestions? En parallèle, quelles stratégies adoptent les professionnels de la grande distribution pour faire perdurer le rayon halal ? Autrement dit, comment pensent-ils s’y prendre afin de répondre aux besoins du client et de le fidéliser ? Quels peuvent, être dans ces situations, leurs critères de sélection des produits, des labels halal (fournisseurs, certification) etc.…
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1.3 Questions de départ Quel peut être l’avenir des produits halal dans la grande distribution ? Les stratégies commerciales mises en place par la grande distribution correspondent-elles aux attentes des consommateurs de halal ? Et comment composent-elles avec le débat public sur ce type de produits ? Celui-ci est-il susceptible d’entraver le développement de ces produits ?
2.Méthode de recueil de données Pour mener à bien notre étude, nous avons établi une méthode de travail que nous allons détailler.
2.2 Recherche bibliographique Tout d’abord, on a effectué une recherche bibliographique sur tous les axes de notre sujet :
religion et alimentation : pour mieux appréhender le rapport entre les deux et avoir un aperçu sur les interdits alimentaires en Islam dans le but de bien définir le halal.
Socio-économie : pour étudier les contours du marché du halal en France afin de connaitre le consommateur halal, ses pratiques et ses représentations. Mais aussi et surtout pour déterminer les raisons de l’essor de ce marché en France.
Juridique : pour connaître le fonctionnement du marché du halal en matière de qualité du produit (sécurité sanitaire des aliments, certification, label etc…). Autrement dit, pour savoir comment sont définis les produits halal.
Ainsi, nous nous sommes servis d’ouvrages, de revues, d’articles électroniques, de données statistiques, d’articles de presse, de résultats d’enquêtes etc….
2.3 Entretiens de recherche Afin d’avoir de plus amples données et de compléter notre recherche bibliographique, nous avons également mené une enquête de terrain. On a ainsi réalisé des entretiens semi-directifs auprès d’une population spécifique avec un guide d’entretien établi au préalable. Notre échantillon est le suivant
Consommateurs halal (allant du strict au souple) : un consommateur strict c’est quelqu’un qui ne consomme que halal, tandis qu’un consommateur souple peut adapter son alimentation en fonction des circonstances. -
1 consommateur strict : origine sénégalaise, 29 ans, présent en France depuis 9ans, résidant à Nice. 8
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3 consommateurs souples dont : 1 d’origine sénégalaise, 25 ans résidant en France depuis 5 ans, célibataire, Toulouse 1 d’origine sénégalaise, 33 ans résident en France depuis 1an, Toulouse 1 français d’origine éthiopienne, 24 ans Toulouse
Non-consommateurs halal : 1 un homme d’origine française, 24 ans, Bordeaux
Chefs de rayons dans des enseignes qui font du halal : 2 de chez Casino, Paris
Bouchers non halal : 1
Pour les consommateurs, nous n’avons pas défini au préalable d’âge, de genre, de milieu social ou d’origine. De même, pour les chefs de rayon, on n’a pas limité notre choix à des enseignes bien déterminées, on a seulement choisi des enseignes qui font du halal en France.
2.4 Internet : facebook, forums, commentaires On s’est également beaucoup servi de l’outil internet notamment des forums de discussion et de facebook, pour connaitre les points de vue des consommateurs et non consommateurs sur le halal. Ainsi, à côté des questions qu’on a nous même posées sur les forums et sur facebook, on a trouvé des discussions portant particulièrement sur le halal dans les grandes surfaces. Les commentaires par les internautes d’articles de presse, de vidéos qui parlent de halal, sur internet nous ont également beaucoup aidés.
2.5 Observation directe On s’est également rendu dans une grande surface (Casino) qui fait du halal pour répertorier les produits halal, les organismes de certifications, les labels etc….
3.Limites Notre travail présente toutefois des limites. Il n’a en effet pas été possible de réaliser notre objectif de départ, à savoir faire beaucoup plus d’entretiens auprès de notre échantillon, mais aussi, auprès de chefs de rayons qui ne font pas de produits halal pour connaitre leurs points de vue. Savoir également si ce marché les intéresse, pourquoi ils ne font pas de halal et s’ils envisagent d’en faire ? Ceci, pour des contraintes de temps, mais aussi et surtout en raison d’un réseau social qui n’est pas riche. Du coup, l’ensemble des entretiens avec les consommateurs s’est fait dans notre entourage ce qui peut altérer la représentativité de l’échantillon. 9
En plus, ce sujet étant sensible, on a eu du mal à aborder certaines questions dans le dossier de peur des conséquences que cela pourrait entrainer. Une anecdote : Quand on a posé la question sur Facebook: Est-ce que quelqu’un sait pourquoi le porc est interdit par l’Islam1 ? Le lendemain, une proche qui se trouve à l’étranger m’a envoyé des messages sur mon téléphone : « on m’a dit que tu posais des questions sur la religion, qu’est-ce qui te prends ? Tu veux te faire tuer ? Tu risques d’être vilipendée !! ». Et tout de suite, un autre message de la même personne : « on m’a dit que tu demandais pourquoi les musulmans ne mangeaient pas de porc !! Si tu le sais, tu le gardes pour toi et occupes toi de tes études». Je lui ai répondu : « Cela fait partie de mes études, c’est une enquête que je fais dans le cadre de mon mémoire ». Et après je l’ai appelée pour lui expliquer. Et là elle m’a suggérée d’appeler quelqu’un au village pour avoir les réponses dont j’ai besoin, « mais ne te fais pas tuer !!! » ajoute-t-elle. Cet exemple montre la sensibilité du sujet, qui reste tabou et tu par tout le monde. En outre, j’ai du faire preuve de sélectivité pour éviter de caricaturer et de choquer certains surtout sur les forums de discussions où l’on trouve des arguments sur la religion qui, en tant que musulmane sont durs à avaler. Ce qui introduit également la question de la distance que j’ai eu du mal à prendre par rapport au sujet et que je suis en train de construire.
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A chaque fois que l’on demande à un musulman pourquoi vous ne mangez pas de porc, la réponse qui revient le plus est « parque c’est interdit par la religion ». Mais, beaucoup ne savent pas le pourquoi de cette interdiction. Raison pour laquelle cette question a été posée.
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Chapitre II Approches religieuses
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1.Alimentation et religions 1.2 La religion : approche générale Essayer de trouver une « bonne » et unique définition de la religion est à éviter selon Jean François Dortier (2005) fondateur du magazine Sciences Humaines, car, c’est un point où les chercheurs ne parviennent pas à trouver un accord. Pour lui, il existe deux conceptions fondamentales qui s’affrontent autour de la religion. La première nous dit-il, est l’essence unique de la religion. Par essence unique, il entend, une unité de la religion qui est représentée par l’idée de « l’homo religiosus ». Dans cette première approche de la religion, l’unité religieuse s’exprimerait à travers « la croyance en l’existence d’un monde invisible, transcendant et sacré, peuplé d’esprits ou de dieux auxquels les hommes vouent depuis toujours un même type de culte ». Autrement dit, toutes les croyances ne seraient que des manifestations différentes de la même « posture mentale2 » et leur expression se fait à travers un même schéma de représentation. Dans cette perspective, toutes les religions ont un point commun qui est celui de croire à quelque chose qui est au-delà du réel, et du concret. A l’opposé, nombre d’auteurs sont contre le fait de rassembler des phénomènes très différents en une réalité unique. Pour ces auteurs en particulier des historiens, « il n’existe pas une religion, mais des religions ». Par ailleurs, la critique qui a été faite à ces auteurs est le fait que ceux-ci tendent à distinguer et à particulariser leur objet d’étude. C’est pourquoi, nous dit Daniel Dubuisson dans « L’occident et la religion, Mythes, sciences et idéologie » le terme de religion même est une notion récente de la pensée occidentale et qu’il permet d’isoler le domaine du religieux du reste de la société pour en faire un monde à part. D’autant plus que, tout ce qui compose une religion à savoir mythes, rites, culte des idoles, quête de transcendance etc…se retrouvent ailleurs (cinéma, sport, musique…). Cependant, tout le monde reconnait que ce que l’on nomme religion est un « arsenal » qui recouvre une réalité complexe et hétérogène. C’est pour cette raison que G.Van Der Leeuw historien et philosophe de la religion pensait qu’il fallait étudier la religion sous ses différentes constituants, à savoir croyances, pratiques, rites … Ainsi, Emile Durkheim, voit dans la religion un phénomène social fondamental d’où dérivent tous les autres, un « système solidaire de croyances et de pratiques (rites) relatives à des choses sacrées c’est-a-dire séparées, interdites ».
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Editions Sciences Humaines, La religion, unité et diversité, PUF 2005 p.8
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Du point de vue de l’indéniable, on reconnait que la religion est « un système de croyances avec son panthéon de divinités, sa cosmologie, et ses mythes d’origine ; une morale avec ses interdits et ses prescriptions, ses valeurs et ses tabous; des rituels et des cérémonies, avec ses prières et ses objets de culte; des personnages spécialisés dans la médiation avec les esprits ». C’est dans cette perspective que Claude Rivière nous parle de la religion en tant que champ particulier avec
des objets: les puissances (dieux, génies, démons, fétiches, ancêtres, ..), les milieux sacrés (pierre arbre, feu, eau, animaux etc.)
des sujets : l’homme sacré (roi, prêtre, saint, magicien), la communauté culturelle (clan, Eglise, secte, confrérie) les éléments spirituels de l’homme (âmes, doubles, esprits)
des expressions : théoriques (croyances, mythes, doctrines), pratiques (cultes, rites, fêtes, actes magiques) sociologiques (les types de liens sociaux autour d’une organisation religieuse), culturelles (variables selon les aires et les formes d’économies dominantes : religion du guerrier, du marchand), historiques (la vie religieuse change à travers les époques).
Et des fonctions
explicatives : pallie un savoir empirique défaillant
organisatrices : à travers l’ordre qu’il vise à sauvegarder
sécurisantes : la peur et les tensions psychiques deviennent supportables par le biais de la foi et de l’espérance d’une justice
intégratives : agit comme un mécanisme de contrôle social, liée à une morale du respect et de la sanction, crée une communion des croyants
Cette conception de la religion permet de la voir sous tous ses angles. Autrement dit, la religion est un champ très large et complexe qui implique plusieurs phénomènes liés entres autres aux croyances, aux cultures, aux époques. On voit apparaitre dans ces définitions des notions fétiches qui sont communes à toutes ou pratiquement toutes les religions à savoir le sacré, le tabou, les mythes, les rites etc. Ainsi, la religion instaure des lois, des règles et des interdits dans tous les domaines de la vie sociale (alimentation, sexualité…) que tout croyant doit respecter. Nous allons voir dans la partie qui suit le rapport entre la religion et l’alimentation.
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1.3 Rapport entre le fait alimentaire et la religion L’alimentation et la religion ont toujours été, en tout cas depuis l’apparition des sociétés néolithiques avec l’invention de la domestication du blé et des animaux, en parfaite harmonie. On ne peut parler de l’une sans parler de l’autre. C’est pourquoi, Jacques Goody nous rappelle dés sa première phrase au colloque de l’AFSR « A croire et à manger, Alimentation et religion », que «qui dit religion, dit alimentation ». Dans les religions les plus primitives, c’est à dire celles où on adorait des « dieux », l’alimentation occupait une place importante. Les « dieux » étaient nourris avec les mêmes aliments que les hommes. Ces aliments étaient en réalité des offrandes qui par la suite sont consommés par les habitants. Ce système de nourriture via l’offrande passe d’abord par le sacrifice3. Celui-ci étant considéré comme relativement présent dans toutes les religions. Dans les religions d’Afrique noire par exemple, le sacrifice est un composant primordial des rituels, un moment important, symbolique chargé de pouvoir, un acte qui doit permettre à ceux qui l’exécutent de se faire entendre des pouvoirs pour l’état d’ordre ou de chaos dans le monde du cosmos (Masquelier, 1994). D’une manière générale, le sacrifice renvoie à la viande. Dans certains cas, l’offrande est un animal égorgé qui est soit distribué à la tribu soit jeté, ou utilisé à d’autres fins selon les religions. Dans d’autres cas, l’offrande peut être autre que de la viande. Lors des funérailles religieuses en Afrique, ce sont des céréales qui sont cuisinées en forme de bouillie et distribuées pour l’esprit du mort. Au Sénégal, cela peut être soit sous forme de riz (« nakk ») soit de mil (le « laakh »), qui sont les principaux aliments partagés lors des fêtes religieuses ou juste pour les sacrifices au quotidien. Cet aspect de fête est très important, car dans les « religions du Livre », les fêtes correspondent à des moments importants de vie des prophètes, raisons pour laquelle, Jacques Goody nous parle de moment de jeûne ou de festin. Dans les premiers nous dit Goody, on se prive de certains aliments tandis que dans les seconds, on se gorge de denrées spéciales ou, ce sont par exemple les fameux gâteaux de noëls, les pâtisseries pascales etc… Ces moments permettent de distinguer les aliments de consommation quotidienne et les aliments qui sont réservées à des occasions importantes et spéciales. Par ailleurs, il est nécessaire de signaler que la religion a élaboré des systèmes d’interdits et de rites liés à l’alimentation. Les interdits, concernent entres autres certains aliments, ou la quantité d’aliments que l’on doit consommer. Dans le cas des rites, la religion a mis en place des lois ou des principes qu’il faut appliquer pour consommer un aliment, sans quoi, celui-ci
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Terme qui regroupe plusieurs sens selon les disciplines, théologie, anthropologie, Histoire des religions (Turner, 1997)
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reste inconsommable. Ce système permet à un groupe d’individus qui partage des valeurs ou croyances communes de délimiter leur espace du mangeable. Celui-ci étant l’ensemble des aliments qu’un groupe ne doit pas, doit, ou peut manger selon son biotope, ses ressources, ses croyances, ses valeurs, ses cultures, ses interdits, ses tabous etc… En effet, dans les religions du Livre, l’alimentation fait partie des plaisirs terrestres dont on ne doit pas abuser, et qui nécessite une consommation modérée. Ceci parce que, pour entrer en communication avec Dieu, il est souvent nécessaire de jeûner ou de renoncer au luxe et l’abondance4. Ce qui sans doute a poussé l’historien Ibn Khaldoun à établir une comparaison entre le niveau de croyance et le lieu géographique où l’on habite. Il considère que les habitants du désert, endroit où il y a pas d’abondance alimentaire, sont plus pieux que les gens de la ville où au contraire existe luxe et abondance.
Pour cet historien, le degré de religiosité est fortement lié au lieu
d’habitation. Raison pour laquelle, « l’existence des ascètes et des pieux se limitent au désert où les gens mangent frugalement ». Ceci est en outre lié au fait que les urbains consomment énormément de viande, d’assaisonnements et de blés raffinés qui les rendent têtus et négligents. Dans cette même optique, Audrey Richard nous explique que l’acte de renoncer à un aliment est aussi important que de renoncer à la sexualité. En général, dans certaines croyances, notamment dans les sociétés les plus complexes, l’aliment auquel on renonce est souvent lié à son propre clan, ou à un lieu sacré dans ce cas, on parle de totémisme. Le sacré relève des croyances mystérieuses, divines et taboues des groupes sociaux. L’alimentation est en elle-même un fait très complexe, qui touche plusieurs domaines, plusieurs faits, dont le domaine de la religion. Chaque aliment a une signification, une signification qui est différente selon les groupes sociaux, leurs croyances, leurs valeurs. Ainsi, des règles sont établies, des prohibitions, des rites des représentations et des pratiques. A chaque religion, son système alimentaire, son espace du mangeable, ses interdits, bref ses normes. Nous allons voir ce qu’il en est des interdits alimentaires en islam.
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Goody Jacques Colloque « À croire et à manger. Religions et alimentation », AFSR – 6 et 7 février 2006
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1.4 Le cas de l’islam 1.4.1 Qu’est ce que l’islam ? Définir, l’islam n’est pas chose facile, car, c’est un terme polysémique qui selon les nations, les histoires, les cultures, les politiques, les idées etc… a été interprété et par conséquent défini différemment. Etymologiquement, le mot islam vient du verbe « aslama5 » qui signifie « s’en remettre, s’abandonner ». Ainsi, on peut en déduire que le terme islam signifie dans le contexte religieux et voulu par Dieu le fait de « répondre à la volonté ou à la loi de Dieu ». C’est une religion monothéiste fondé par le prophète Mahomet en Arabie au VII siècle.
Mahomet Fondateur de l’Islam, Mahomet est un chef religieux, politique né à la Mecque en 570 et mort à Médine en 632. Son père est un marchand du nom d'Abdallah. Ce dernier meurt en voyage deux mois avant que n'accouche sa femme, Amina. Mahomet devient orphelin de mère à l’âge de six ans. Il sera élevé par son grand-père, puis par son grand-oncle Abou Talib. A l’âge de 25ans, il épousa Khadija avec qui il aura quatre filles. C’est à l’âge de 40ans qu’il déclare avoir reçu les paroles de Dieu par l’ange Gabriel et se présente dés lors comme son envoyé. Ainsi, sa principale mission sera de répandre les paroles de Dieu. Cette mission va durer des années avant que l’Islam ne sera accepté et reconnu comme religion. L’ensemble de ses paroles, dires actes etc... va constituer la sunna.
Le Coran est le livre sacré de l’islam. Il est supposé regrouper les paroles de Dieu qui ont été révélées à Mahomet. En plus du Coran, les musulmans se réfèrent aux Hadith, qui sont des actes et paroles de Mahomet considérés comme des principes de gouvernance personnelle et collective. L’islam se répartit en plusieurs courants. Nous avons, particulièrement le sunnisme et le chiisme. Le sunnisme est dérivé de sunna qui signifie que pour ses adeptes la ligne de conduite de Mahomet, ses actes ont une valeur juridique. Ce courant fait particulièrement référence au Coran, et à la sunna et se subdivise en quatre écoles. Il regroupe 85% des musulmans.
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http://islamfrance.free.fr/introduction.html
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Regroupant environ 15% des musulmans, le chiisme est un courant dont les adeptes ont foi en la succession de Mohamed par des imams. Pour les fidèles du chiisme, ces imams devraient interpréter le coran que Mohamed n’a fait que révéler et leur a transmis la signification. Parmi eux, son neveu Ali ibn Abi Talib, qui est le premier homme à adhérer à l’islam après Khadija selon la tradition chiite. Existe une loi en islam qui est constituée par la charia, (chemin pour respecter la loi de Dieu) qui est un ensemble de conduites applicables aux musulmans. D’une manière plus large, elle englobe trois dimensions : la soumission (islam), la foi (iman) et faire ce qui est beau (ishan). Elle est considérée par les musulmans comme l’émanation de la volonté divine. Le niveau, l’intensité d’application de la charia varie dans le temps et selon les milieux géographiques. L’islam se base sur des principes appelées les cinq piliers : ce sont des devoirs incontournables que tout musulman doit appliquer. Il est de l’obligation de tout musulman
de témoigner que nul autre que Dieu ne peut être adoré et que Mahomet est le prophète de Dieu
d’effectuer les cinq prières du quotidien
de jeûner pendant le mois de ramadan
de payer la zakatt (aumône)
d’effectuer le Hajj (pèlerinage à la Mecque) si ses moyens le lui permettent
Dans son livre, Islam et les interdits alimentaires, Mohamed Hocine Benkheira définit l’islam comme étant « un système religieux, articulé de croyances, de mythes, (ou légendes), de rituels et de normes ». C’est dans ce cadre, qu’il a été élaboré des interdits alimentaires en islam que nous allons voir dans la partie qui suit.
1.4.2 Les interdits alimentaires en Islam 1.4.2.1
Les fondements
Pour comprendre la logique qui sous-tend ces interdits en islam, il faut selon Benkheira rappeler qu’en tant que religion, l’islam se caractérise par trois traits distinctifs essentiels : le théocentrisme, le ritualisme, la sotériologie. Le théocentrisme C’est le fait de refuser de comparer Dieu aux êtres et aux choses créées. C’est le postulat d’un Dieu transcendant, c’est-à-dire « autre », l’idée selon laquelle, Dieu est unique et a-sexué, « il n’est pas engendré et n’engendre pas ». Dieu reste dans ce sens inaccessible à l’esprit humain et les normes qu’il a édictées sont par conséquent la seule façon de se le représenter et il convient de s’y soumettre parce que Dieu permet l’émergence de l’universel et la restauration 17
du lien social par la garantie de l’échange. Ainsi, la question de la loi dans les sociétés islamisées doit être considérée dans cette perspective. Car, elle occupe une place structurale, la négliger c’est porter atteinte aux fondements du lien social.
Le ritualisme Pour compléter cette question, il faut prendre en compte celle de la foi et de la croyance. Croire est un acte qui se fait dans le cœur et qui par conséquent reste invisible et invérifiable. En islam, c’est la présomption de foi : on est présumé musulman dès lors qu’on naît de parents musulmans. Raison pour laquelle, l’islam accorde beaucoup d’importance aux apparences et encourage le conformisme rapporte Hocine Benkheira. Ainsi, pour lui « être musulman suppose que l’on exprime par des signes visibles cette adhésion et cette appartenance ». Il justifie son idée sur le fait que l’accent, à partir de là doit être mis sur une interprétation de la religion comme étant un ensemble d’actes matériels ou physiques que l’on est tenu d’accomplir. Ces actes font appel au corps (prier, donner l’aumône, le jeûne, la chasteté), au cultuel (ablutions, prières), au social (porter le voile, laisser pousser la barbe). Par conséquent, la religion musulmane fait appel à des obligations, qui sont particulièrement en relation avec le corps dont les interdits alimentaires. Pour comprendre ces dernières, il est nécessaire de le mettre en rapport avec le troisième qui est la sotériologie. La sotériologie Les interdits alimentaires (à côté du jeûne…) occupent une place importante car, c’est une condition de salut pour le fidèle qui les observe. Le fidèle en quête de salut est appelé à défier, à contrôler ses appétits physiques et ses passions. Parce que, avoir le salut suppose la fin de la mécréance, état dans lequel le corps prend le dessus sur l’esprit. Ainsi, observer les interdits alimentaires, signifie s’abstenir des plaisirs mondains dans le but d’obtenir le salut. Bref, c’est une sorte de maîtrise de soi. Ces trois dimensions du fondement des interdits alimentaires s’articulent, et s’influencent mutuellement. Cependant, il faut noter que les interdits alimentaires sont liés à la religion et à la culture. Autrement dit, il y a deux sortes d’interdits, ceux qui se basent sur des règles traditionnelles locales et qui sont en articulation avec la religion et d’autres qui sont rédigés sur les textes coraniques. C’est ce que nous allons voir dans les parties qui suivent.
1.4.2.2
Les interdits religio-culturels
Les interdits alimentaires dans une religion semblent aller de soi. Cependant, il faut signaler que dans une société donnée, celles-ci constituent un « réseau serré, voire confus de lignes et 18
de mouvements […] ». C’est pour cette raison, que Benkheira nous suggère de faire la différence entre les interdits liés à l’Islam et ceux liés aux cultures avec lesquelles l’Islam est articulé. Les interdits alimentaires en islam sont ceux qui sont énoncés dans le corpus des textes reçus par les musulmans c’est-à-dire le Coran, les hadîths6, (ceux des imams pour les chiites), les traités de fiqh7 des écoles, tandis que les interdits liés au culturel différent d’un groupe à un autre, d’une société à une autre et se basent plus ou moins sur la culture savante ou sur la littérature religieuse. Par contre, il faut bien les distinguer. Les définitions que la loi islamique a élaborées sont celles des espèces prohibées, des nourritures interdites, du protocole de l’abattage rituel, de la chasse et du sacrifice. Par ailleurs, dans les collections de traditions, existent des formulations de normes sur l’alimentation et les animaux qui ne doivent pas être négligées. Cela signifie que, les « règles alimentaires » forment un seul ensemble (abattage, cuisine, distinction liciteillicite, savoir vivre etc.) qui par le biais des règles traditionnelles locales sont en relation avec le système religieux mais n’en font pas partie. Benkheira parle d’interdits qui sont « islamisés à postériori » qui sont hiérarchiquement établis et dont le degré d’importance varie d’une société à l’autre. C’est la raison pour laquelle il a fait une typologie de catégories d’interdits selon l’autorité fondatrice ou de référence qui sont les suivantes : Les interdits scripturaires: fondés sur des textes, ils apparaissent comme un critère d’identification du fidèle et du non musulman. Leur non respect est moins critique s’il s’agit de la sunna, que du coran. Par exemple, la cynophagie c’est-a-dire la consommation de viande de chien, qui est fait par un hadith est pratiqué par certains groupes culturels musulmans. Les interdits quasi scripturaires : ce sont des interdits diététiques. Ils sont confirmés par la tradition religieuse savante. Quand on les transgresse on n’a pas besoin de se repentir, et ils ne sont pas punis par la loi religieuse. Par exemple, l’association d’un aliment lacté avec du poisson. La sanction supposée est la maladie. Les interdits coutumiers ou locaux : comme leur nom l’indique, ce sont des interdits liés à la culture locale préislamique par exemple jadis les oiseaux en Afrique du Nord. Leur particularité réside dans le fait qu’ils frappent des aliments licites auprès de la loi religieuse, par exemple la viande de chèvre ou de chameau. 6
Tout ce qui est rapporté du Prophète comme paroles, actions, acquiescements, ou caractéristiques (physiques, traits de
caractères etc.) 7
Le fiqh (arabe : fiqh: dérive du verbe signifiant comprendre) ce qui est relative aux avis juridiques pris par les juristes de l'islam sur les limites à ne pas dépasser par les musulmans. C’est donc l’ensemble des connaissances acquises au moyen de l’exégèse du Coran et de la Sunna et destinées à préciser les règles et les modalités pratiques concernant les cultes (l’adoration), les droits et les devoirs, les relations et les activités humaines dans le cadre de la religion..
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Les interdits sociologiques : ce sont des interdits qui expriment les règles du bon goût ou du bon usage dans le domaine culinaire.
1.4.2.3
Les interdits alimentaires coraniques
On distingue trois groupes de versets dans le Coran qui évoquent les interdits alimentaires. Le premier fait une définition des aliments prohibés : « Dieu vous a seulement interdît la bête morte, le sang, la viande de porc, et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu » (2-173). Le deuxième verset fait référence à la réglementation de la pratique de la chasse : « le gibier de la mer et la nourriture de qui s’y trouve vous sont permis[…], le gibier de la terre vous est interdit aussi longtemps que vous êtes en sacralisation[….] » (5-96). Le troisième verset concerne les gens du Livre : c’est-à-dire les juifs et les chrétiens : « aujourd’hui les bonnes choses vous sont permises. La nourriture de ceux auxquels le Livre a été donné vous est permise et votre nourriture leur est permise ». (5-5) D’après ces versets, on voit bien que le coran interdit quatre nourritures qui sont d’origines animales: la viande de porc, le sang, les cadavres d’animaux, et les victimes de sacrifices païens.
1.5 Le halal, un principe islamique Tout d’abord, il faut signaler que le halal ou le licite n’est pas clairement défini. Il est caractérisé par tout ce qui est autorisé par la loi musulmane en prenant référence à ce qui ne l’est pas, c'est-à-dire à ce qui est haram. Entre les deux il y a le reprouvé (makhrouh) qui vient dans le degré de gravité après l’interdit. Le licite concerne plusieurs domaines en Islam et ne se limite pas seulement à la nourriture. Autrement dit, « la distinction du licite et de l’illicite s’opère à travers toutes les composantes de la vie quotidienne des musulmans comme par exemple le comportement avec son entourage, les relations commerciales, ou la sauvegarde de la nature » selon Zemmour Samir, dans Le marché de la viande halal : évolutions, enjeux et perspectives. Dans le cadre de notre travail, nous allons nous en tenir au domaine de l’alimentation. Ainsi, il existe une liste des aliments qui sont licites et des aliments qui sont illicites. Ainsi, dans son Livre du licite et de l’illicite, AL-Gazali distingue les aliments mangeables ou pas mangeables dans les trois catégories suivantes :
20
Les minéraux : ce sont des éléments de la terre. Sont dits licites dans le sens où ils ne sont pas nuisibles à la personne qui en mange. Il est interdit de consommer ces aliments s’ils agissent comme un poison.
Les végétaux : sont considérés comme licites ceux qui ne font pas perdre la raison, la vie ou la santé. Parmi ceux qui font perdre la raison, nous avons, le vin, la jusquiame8, les autres liqueurs enivrantes. Ceux qui font perdre la vie sont les poisons, et ceux qui font perdre la santé sont les médicaments pris en dehors des temps prescrits. Ces aliments « sont tous quelque peu dangereux » à l’exception du vin ou des substances enivrantes qui toutefois restent illicites à cause de leur caractère capiteux.
Les animaux : Existe une opposition terre/mer en ce qui concerne les animaux. Cette opposition coïncide à l’opposition chasse/pêche, rituel de mise à mort/absence de rituel de mise à mort. Seuls les animaux marins sont licites sans rituels de mise à mort. Par ailleurs nous avons les bêtes répugnantes comme par exemple les mouches, les cafards, les scorpions, il est « blâmable » de les manger. Ce qui les rend blâmable n’est pas leur caractère « d’impureté ».
Toutefois, il est important de signaler que la définition de ce qui est halal a connu une évolution dans le temps. On est passé d’une conception du halal où l’acte d’égorgement revêt d’une importance particulière à une conception où le halal est synonyme de pureté. Nous distinguons ainsi, une définition rituelle et une définition moderne.
1.5.1 Définition rituelle ou limitée Selon le Larousse, le halal se dit de la viande d'un animal tué selon les rites de l’islam, et qui peut être consommée par les musulmans. D’après cette définition, on voit bien que c’est le caractère rituel qui est mis en avant. Ceci fait référence à un acte qui est celui de l’égorgement d’un animal. En effet, comme il a été expliqué plus haut, il est interdit en Islam, un animal sur lequel on a invoqué un autre nom que celui de Dieu. Pour que la viande d’un animal soit consommable, il faut pendant l’égorgement, évoquer les noms d’Allah. Par ailleurs, il existe tout un ensemble de règles sur l’acte d’égorgement :
L’animal doit être égorgé avec un objet tranchant pour faire couler le sang et bien trancher l’artère carotide
C’est la gorge (ou la naissance de la poitrine) qui doit être tranchée afin que mort s’en suive
8
Plante qui a des effets toxiques
21
Aucun autre nom que celui d’Allah ne doit être mentionné :
Le nom d’Allah doit être mentionné en faisant références aux textes : Bismillâh
Au Nom de Dieu Le Tout Clément Le Tout Miséricordieux Toutefois, il faut signaler qu’il n’existe pas de textes explicites sur l’acte d’abattage d’où les divergences des juristes musulmans sur notamment les deux premières principes. Ceci est beaucoup plus accentué par le fait que l’abattage est un acte coutumier et que chaque groupe a ses propres exigences9. La seule règle qui fait l’unanimité est celle qui fait référence au nom d’Allah10. En prononçant le nom d’Allah au moment de l’abattage, le fidèle exprime à Dieu qu’il ne tue pas l’animal gratuitement ou par cruauté, mais parce qu’il a besoin de se nourrir. Il obtient ainsi pour ce faire, la permission de celui qui a crée humains et animaux et donné place sur la planète. Aucun autre nom que celui d’Allah ne doit être prononcé, parce que, dans l’Arabie préislamique, les gens faisaient des offrandes aux divinités et sacrifiaient des animaux en mentionnant leur nom au moment de l’abattage. Ainsi, cette conception du halal concerne les animaux pour lesquels, il est obligatoire de passer
pendant l’abattage par un rituel
pour les rendre consommables. Sauf que,
actuellement le caractère de ce qui est halal s’est étendu à d’autres critères que nous allons voir dans la partie qui suit.
1.5.2 Définition étendue ou moderne La conception du halal a connu une évolution dans le temps. Le halal, qui était en général considéré dans le vocabulaire quotidien comme un rituel d’égorgement des animaux revêt aujourd’hui d’autres critères. Florence Bergeaud-Blacker dans un article intitulé, Du halal au halal food : comment le halal s’est développé en France nous montre bien cette évolution de la définition du halal. Pour elle, on assiste aujourd’hui à une représentation où l’acte d’égorgement n’est plus le processus primordial pour définir la licéité. Cette idée implique que, la notion du halal peut s’appliquer à tous les secteurs de l’alimentation et même dans
9
http://www.islamophile.org/spip/Les-exigences-de-l-abattage-rituel.html Il faut noter cependant qu’il y a des divergences sur le moment où le nom d’Allah doit être prononcé. Ainsi, certains juristes disent qu’on doit le faire juste avant de manger l’aliment. 10
22
des produits non alimentaires et ne concerne plus seulement la viande. Ainsi, parmi les critères les plus retenus, nous avons «l’état » de pureté du produit. Cet état de pureté fait allusion à l’absence de substance haram, en l’occurrence le porc et ses dérivés, l’alcool, dans le produit en question. En outre, ce dernier ne doit pas être en contact avec des produits nonhalal11. Ces conditions à remplir pour qu’un aliment soit halal font dire à Florence BergeaudBlacker que l’aliment peut « redevenir, impur, corrompu par contamination volontaire ou involontaire ». Ce qui selon elle entraine une logique de séparation des filières et des produits sur le marché. Par ailleurs, cette définition aboutit à une augmentation et un élargissement de l’offre des produits halal sur le marché. Offre qui concerne toutes les catégories d’aliments, tous les rayons alimentaires de la distribution : le frais, le snack, le surgelé, le sec… d’où l’expression « halal food » de Florence Bergeaud-Blacker. Cependant cette définition est à remettre en question car les autres critères de licéité dont elle nous parle ne sont pas nouveaux, ils sont inclus dans les interdits alimentaires coraniques que nous avons évoqué plus haut. Ainsi, selon Bergeaud-blackler, la conception du halal n’est pas restée stable dans les représentations et les pratiques. En plus de l’acte d’égorgement qui rendait halal la viande, on voit émerger aujourd’hui d’autres critères susceptibles de rendre licite un produit alimentaire. Par conséquent, la licéité ne concerne plus que la viande. Désormais tous les produits peuvent être halal dés l’instant qu’ils remplissent les conditions de « pureté ». Cette évolution permet une prolifération des produits halal sur le marché et est en partie à l’origine du « halal food » en France. Dans la partie qui suit, nous allons traiter du marché des produits halal.
11
Dans le Codex Alimentarius
23
Chapitre III Le marchĂŠ des produits halal en France
24
1.Les produits halal Depuis une décennie, le marché des produits halal en France a connu un essor, avec notamment l’entrée du secteur agro-alimentaire. Ce qui fait que la viande n’y occupe plus la première place. On retrouve du tout, des aliments qui vont du frais au sec en passant par les snacks.
1.2 Répertoire des produits halal Les produits bouchers ou frais
Viande : elle occupe une place importante sur le marché des produits halal. Nous avons toutes les viandes qui sont autorisées par l’islam. Existent la viande de veau, de mouton, de vache, de chèvre, d’agneau de bœuf, volaille (dinde, poulet), abats.
Produits surgelés : steak haché, nuggets, lasagnes, hachis parmentier, cordon bleu, quiche, cheese burger, boulette de bœuf12,
Charcuterie13 : « jambon » de dinde, saucisson (et sec), salami, chorizo de dinde, campagnard, buchette, hot dog, terrine (de dinde, de canard), rillette (de dinde, de canard), paté de campagne, mousse de foie, foie gras de canard, toast, roulade, rôti, blanc de poulet, veau séché, bœuf fumé, chicken apritos, bacon (de dindonneau).
Les produits « fast food » Dans la catégorie des produits « fast food » nous avons tous les produits du secteur agro-alimentaire. C’est-à-dire les produits transformés qui sont prêts à manger.
Snacks: y compris des recettes maghrébines
Conserves : bolognaise, ravioli, ratatouille, lentilles, choucroutes, chorba, haricots.
pizza, hamburger, crêpes,14
Les produits secs
Céréales : Riz, Pates
Friandises
Epices
12
http://www.elbenna-halal.com/surgeles-halal-SURG.htm http://www.elbenna-halal.com/charcuterie-halal-CHARC.htm 14 Proposés par Toupargel Groupe 13
25
Les boissons
Imazighen cola
Salam naturel
Ifri
Mirinda
Victoria
Condiments
Huile, moutarde
Vinaigre
Pénétration des produits halal (source Solis, 2009) -Viande…………………….99.3% -Charcuterie ……………….70.0% -Plats cuisinés…………….. .22.9% -Bouillon cube……………...16.1% -Soupes………………….....12.7% -Bonbons ………………….10.9% -Sauces à base de tomate……9.4% -Petits pots bébé……………..3.0% -Autre…………………….....0.8%
1.3 Répartition des produits sur le marché Le marché des produits halal représentent un chiffre d’affaire de prés de 4 milliards d’euros et progresse de plus de 10% par an. Le marché est partagé par différents acteurs. En ce qui concerne la viande, nous avons trois circuits (Zemmour, 2008):
Le circuit « artisanal-marchand »: ce sont les boucheries qui occupent 80% du marché de la viande et de charcuterie
Le circuit « industriel » : constitué de grandes et moyennes surfaces, occupe 10% du marché
Le circuit « clandestin » ou « domestique élargi » : pour s’assurer de la qualité halal, les consommateurs ont recours à des achats en vif auprès de négociants ou éleveurs d’animaux qu’ils tueront par eux même en dehors des abattoirs.
Selon Xerfi, le marché des produits halal est partagé par différents groupes d’acteurs. L’étude distingue :
Les acteurs historiques à savoir les boucheries 26
Les opérateurs « conventionnels » -
Les grands groupes de l’alimentaire Nestlé (avec ses marques Herta et Maggi), Fleury Michon, Bigard, Doux, Duc, etc…. Ils développent leur propre gamme de produits halal.
-
Les spécialistes du halal : Zaphir (Isla Délice), Corico (Médina halal), HCD (Amine) etc.... Ce sont les pionniers du marché et sont souvent des PME.
-
Les enseignes de la Grande distribution : Casino, Auchan, Carrefour, Intermarché, etc. Ils sont présents sur le marché depuis quelques années. Ils ont tendance à élargir l’offre en magasin.
2.Le boom des produits halal Suite à ce répertoire, on voit nettement que, les produits halal concernent tous les rayons, tous les aliments. Cette explosion de produits halal sur le marché n’est pas sans des causes spécifiques. Nous allons voir, les raisons qui ont favorisés le développement du marché halal en France.
2.2 Les causes démographiques : accroissement de la population musulmane en France La population musulmane de France est un groupe hétérogène qui présente des difficultés notamment de quantification. Ce groupe est confronté à plusieurs obstacles qui expliquent une variabilité des statistiques. Ce phénomène est dû au fait que la France, contrairement à d’autres pays, n’autorise pas la production de statistiques sur les groupes religieux. Dans ce sens, le haut
conseil à l’intégration (HCI) explique dans un rapport, que « tout
dénombrement indiquant l’appartenance confessionnelle, qu’elle repose sur une déclaration de l’intéressé ou sur une estimation des pouvoirs publics » est interdit en France. Ainsi, le seul recours statistique pour appréhender la population musulmane de France reste les travaux des sociologues, des historiens et des démographes. Par ailleurs, cette population est confrontée à des mouvements tels que : la non stabilité du groupe avec les conversions, le désengagement, le retour vers la foi. Cette situation fait dire à Samir Zemmour qu’il faut être prudent et il faut « étudier avec précaution les réalités extrêmement diverses que recouvre le sentiment religieux, expérience individuelle se traduisant par une grande variété d’attitudes en matière de foi et de pratique ». Autrement dit, l’effectif varie en fonction des pratiques et de la culture. 27
Des pratiques qui sont elles aussi multiples. Toutefois, on peut estimer en 2008 le nombre de musulmans vivant en France à plus ou moins 4 millions15 si on se base sur la culture musulmane et en ignorant le degré de pratique. Ainsi, l’Islam est la deuxième religion en France après le catholicisme. On peut noter aussi que, la population musulmane de France n’est pas restée stable au fil du temps. Nous allons voir les faits qui sont à l’origine de l’augmentation de ce groupe en France.
2.2.1
Le contexte socio-historique
L’histoire de l’accroissement de la population musulmane en France est indissociable de celle de son passé, en l’occurrence la colonisation. Cette dernière est un processus d’expansion démographique et de domination politique, culturelle et économique pratiqués par certains Etats sur d’autres Etats ou peuples, alors obligés d’accepter des liens plus ou moins étroits de dépendance16. Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter à des décennies. La colonisation française a eu entre autres objectifs, de civiliser les peuples indigènes. Ainsi, vers la fin du 19eme siècle, les républicains Ferry et Gambetta voient en la colonisation une mission et une œuvre civilisatrice dont la France doit tenir auprès des peuples « barbares ». Cette œuvre civilisatrice considérée comme l’œuvre quotidienne d’une grande nation « consiste à relever l’indigène, à lui tendre la main, à le civiliser ». C’est ainsi, que la France a occupé des Etats en Afrique de l’Ouest, du Nord et d’Asie. Après la seconde guerre mondiale, la France se retrouve avec une importante perte démographique. Celle-ci s’accompagne d’un besoin immédiat de reconstruction avec non seulement la destruction de plusieurs villes et infrastructures mais aussi des ressources financières et industrielles pillées. En quelques mots, l’économie française est menacée l’état d’urgence est proclamé. C’est ainsi qu’elle fait appel à une main d’œuvre internationale pour la reconstruction du pays. La France s’adresse notamment à ses colonies pour lui venir en aide. Par ailleurs, on assiste aussi aux deux révolutions, celle des industries et celle des transports qui selon Marie-Claude Blanc-Chaléard crée des mouvements de masse et attirent respectivement des populations vers des emplois, des lieux nouveaux et leur donnent des moyens de bouger. C’est dans ces contextes que commence l’immigration entre autres musulmane, du moins de masse que nous allons détailler dans la partie qui suit.
15 16
Zemmour Samir, le marché de la viande halal, évolution enjeux et perspectives http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonisation
28
2.2.2 L’immigration musulmane L’immigration est définie par le Haut Conseil à l’Intégration (HCI) comme des mouvements de populations d’un territoire vers un autre. En prenant en considération cette définition, l’immigration musulmane vers la France est un mouvement particulièrement des pays d’Afrique de l’ouest et du Maghreb. Quitter son pays pour aller vers un autre, peut résulter de différents motifs :
Asile : c’est la protection qu'accorde un Etat d'accueil à un étranger qui ne peut, contre la persécution, bénéficier de celle des autorités de son pays d'origine. S'il n'est pas nécessaire que des persécutions, des violations des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales aient été déjà subies, ni qu'elles soient le fait des autorités mêmes, il importe qu'elles puissent être avec raison personnellement redoutées en cas de retour dans le pays d'origine17.
Immigration pour travail, études
Immigration pour regroupement familial : c’est une forme d’immigration induite par les migrations de travail antérieures.
Immigration nuptiale
Immigration clandestine : celle-ci est une voie d’entrée illégale qui peut avoir divers motifs. Elle est difficilement quantifiable. Les immigrés clandestins sont soit des immigrés entrés légalement sur le territoire de leur pays et dont la durée du visa a expiré, soit des immigrés ayant franchi la frontière de manière irrégulière, soit encore des immigrés déboutés du droit d’asile.
L’immigration musulmane de masse est liée à plusieurs facteurs : rétablissement de l’économie, redressement démographique…. En effet, on distingue plusieurs vagues d’immigrants, qui sont venus à des époques différentes, des motifs différents, et proviennent de pays différents. Nous avons :
2.2.2.1
L’immigration maghrébine dont algérienne
L’immigration algérienne a commencé vers le début du 20e siècle. En effet, dés 1914, les entreprises se tournent vers la main d’œuvre coloniale. Les migrants sont évalués à l’époque à 3300 dont 2000 résident dans les Bouches du Rhône. A cette époque, ils sont employés comme manœuvres dans les chantiers de construction, les mines, les ports, les huileries du Midi. Ce recours à la main d’œuvre sera accentué par la première guerre avec 225000 17
Définition de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides)
29
migrants dont la majorité provient de l’Afrique du Nord. Recrutés au départ sur la base du volontariat, ils seront par la suite réquisitionnés parfois par la force18. Ces travailleurs coloniaux seront soumis au régime militaire et seront regroupés dans des baraquements par « race » et par « ethnies ». Ces immigrés étaient sous contrôleurs-interprètes, ce qui les empêchait notamment d’être en contact avec la population française. Ils sont recrutés pour une durée provisoire (durant la période de guerre) et seront renvoyés chez eux quand la paix sera revenue. Vers les années 1920, avec le « boom de la reconstruction » l’immigration algérienne reprend. On compte alors en 1930, plus de 100 000 algériens auxquels il faut ajouter 15000 marocains. Cette immigration s’accompagne d’un début d’intégration avec notamment une proportion importante de « mariages mixtes ». Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’immigration algérienne refait surface. Cette fois-ci, la citoyenneté leur sera accordée grâce au rôle qu’ils ont joué pour la libération de la France. Ainsi ils seront des citoyens « Français Musulmans d’Algérie » (FMA). A ce titre, ils ne seront plus ni des immigrants étrangers, ni des immigrants coloniaux mais des immigrants régionaux au même rang que les Corses et les Bretons. Ils obtiennent ainsi le droit de vote et les mêmes devoirs que les autres citoyens. Il faut noter à cette époque que, l’immigration algérienne était considérée comme un facteur important pour la gestion des relations entre la France et l’Algérie. Par conséquent, des politiques « d’adaptation » des algériens ont été mises en place par crainte que les problèmes rencontrés par les émigrants algériens en métropole n’alimentent le nationalisme en Algérie. La guerre d’Algérie va transformer la situation de l’immigration algérienne en France. Avec le traitement qu’ils subissaient (surexploitation, humiliation etc…) les travailleurs algériens soutiennent la lutte pour l’indépendance de leur pays qui représente pour eux un moyen de défendre leur dignité. Avec le début de la confrontation armée en Algérie et les violences en métropole, sera établie une « véritable administration coloniale » pour contrôler l’immigration algérienne qui selon Noiriel est une reprise des pratiques d’encadrement de l’avant guerre. Dés lors, les algériens symbolisent « l’ennemi de l’intérieur ». En 1962, avec la signature d’Evian, la catégorie des FAM disparait des nomenclatures et le mot « immigré19 » qui n’était jamais utilisé pour désigner cette population devient courant dans le vocabulaire des français. 18
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2734 Un immigré est défini par le HCI comme suit : une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restants étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par 19
30
Entre 1962 et 1965, les flux migratoires accélèrent et la France connait le taux d’immigrés le plus important qu’elle n’a jamais connu. Cet accroissement est dû aux conséquences de la guerre d’Algérie résultant des violences commises par l’armée française en Algérie et les déplacements forcés de la population vers la France. Entre 1962 et 1982, la population algérienne vivant en France passe de 350 000 à plus de 800 000. Ces chiffres s’expliquent en partie par le fait que, en 1975 le système de regroupement familial est mis en place, signifiant que les épouses, mères, enfants, et sœurs viennent rejoindre les hommes déjà sur place. Ensuite, à partir des années 90-95, on assiste à l’immigration nuptiale20. En effet, ayant atteint l’âge de se marier les immigrés de la seconde génération vont chercher des épouses dans le pays d’origine de leurs parents et les amènent par la suite en France. L’immigration algérienne en France est marquée par une augmentation de l’effectif dans le temps, des changements de statuts au sein de la métropole et des motifs divers. Mais le point le plus important dans cette histoire, est que, cette immigration a débuté sur une demande de main d’œuvre de la France auprès de la population algérienne. Donc, une immigration sur demande, temporaire, basée sur le volontariat et même sur la force.
2.2.2.2
L’immigration noire africaine
Contrairement à l’immigration maghrébine, l’immigration noire africaine reste un peu à l’écart de la documentation. On note par contre une forte accélération de cette immigration. Entre 1994 et 2004 le pourcentage de population d’immigrés subsahariens est passé de 10 à 17%21. Depuis 1960, le nombre s’est multiplié par 5022. Dans son rapport de 2006, la direction de la population et des migrations explique cette accélération notamment par voie légale : études, migration familiale, statut de refugié etc… Dans le cadre du droit d’asile, l’Office Français pour la Protection des Refugiés et Apatrides (OFPRA) en 2007 a enregistré 7075 demandes si on prend seulement en compte les principaux pays à savoir Mauritanie, Soudan, Guinée Conakry, Nigéria, Angola, Côte d’Ivoire et les deux républiques du Congo. L’asile est demandé de plus en plus par les femmes. Ce phénomène entres autres fait de l’immigration noire africaine une immigration qui se féminise. Ce fait est d’autant plus acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.cf : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/immigre.htm 20
http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-s-amplifie_a721.html Il faut tout de même rester prudent à l’égard des chiffres car ceux-ci ne reflètent pas toujours la réalité. Car ils ne prennent pas en compte les clandestins, la deuxième génération immigrée née en France et binationale, ignorent aussi la troisième génération. 22 http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-s-amplifie_a721.html 21
31
accentué par le système du regroupement familial et de l’immigration nuptiale. La féminisation devrait se poursuivre si on applique cette phrase du président de la République Nicolas Sarkozy : « A chaque femme martyrisée dans le monde, je veux que la France offre sa protection en lui donnant la possibilité de devenir française ». Par ailleurs, la population noire africaine, participe au développement de l’islam. Même si tous les Africains noirs ne sont pas musulmans (certains étant animistes, d’autres chrétiens, parfois catholiques, de plus en plus souvent baptistes), l’immigration africaine noire est l’une des causes du développement en France de l’islam des banlieues à en croire Jean-Yves Le Gallou chercheur à l’institut géopolitique des populations. Cette féminisation de l’immigration qui est aussi présente chez les immigrés maghrébins n’est pas sans conséquences sur la démographie du pays. Nous allons voir les faits qui peuvent favoriser la hausse de la population musulmane en France.
2.2.3 La fécondité La féminisation des flux migratoires participe à l’accroissement de la population musulmane de France. Les femmes immigrées sont principalement des jeunes en âge de procréation, avec un taux de fécondité élevé. Ce dernier varie selon que la femme est originaire de pays européens ou de pays africains (notamment maghrébins). Dans le premier cas, on observe un taux de fécondité proche de celui des françaises à l’exception des portugaises avec un taux de 3.6 enfants. Quant au second, le taux de fécondité est de l’ordre de 6 enfants par femme pendant la durée de l’union23. Ce qui pousse Desplanques Guy, chercheur au service de la Démographie du département « population-ménages » de l’INSEE à dire que, « prés de deux familles algériennes ou marocaines sur trois ont au moins six enfants, moins d’une sur dix en a deux ou trois et les enfants uniques constituent l’exception ». Il faut signaler tout de même que les couples où les deux conjoints sont étrangers ont plus d’enfants que les couples mixtes. Dans cette dernière catégorie, les couples français-étrangère ont plus d’enfants que les couples étranger-française. Pour confirmer cette idée, nous avons l’exemple du nombre de naissances enregistré en 1982 qui montre que 11% était de mère étrangère soit 86.000 sur 800 000. Ce qui représente plus du double par rapport aux années 60 (5%). On voit en même temps que les étrangères étaient beaucoup plus nombreuses que 20 ans auparavant. Parmi celles-ci, on dénombrait une part importante de maghrébines étant en âge de forte fécondité c’est-à-dire entre 20 et 30 ans.
23
Concerne les femmes nées entre 1917 et 1936
32
Ainsi, la majorité des naissances en 1982 étaient de mères portugaises et maghrébines. Ces dernières en ont assuré prés de la moitié, soit 46000 enfants dont 25% pour les algériennes, 20% pour les marocaines et 9% pour les tunisiennes. C’est pourquoi remarque Desplanques Guy que « si l’enfant était de rang égal ou supérieur à quatre il avait plus de deux chances sur trois de ne pas rester le dernier, […] un peu plus d’un enfant de mère algérienne sur trois a un petit frère ou une petite sœur dans les deux ans ». Cependant la fécondité n’est pas le seul facteur. Nous allons voir dans la partie qui suit que, la polygamie participe également à ce phénomène.
2.2.4 La polygamie La polygamie est décrite par Sawadogo Alfred Yambanga dans son livre La polygamie en question comme le fait pour un homme d’être marié simultanément à plusieurs femmes. Par opposition à la polyandrie (le fait qu’une femme ait plusieurs maris), la polygamie est un phénomène social qui est connu dans une cinquantaine de pays musulmans. En France, cette pratique n’est pas reconnue. En effet, l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui a été modifiée par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 et qui traite des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France interdit la polygamie en ces termes : « Par dérogation aux dispositions des articles 14 et 15, la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d’un tel ressortissant. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée ». Cette prohibition n’empêche pas la pratique de la polygamie en France. Cette pratique concerne plus les immigrés d’Afrique Noire que les maghrébins24, phénomène qui pour ces derniers reste « marginal et ancien ». Ce fait a crû en France depuis le début des années 90 avec l’augmentation de la population immigrée africaine. La polygamie pose plusieurs questions notamment celle de la concurrence entre les épouses. Cette situation de concurrence peut favoriser une course à la naissance où « chaque femme tient à faire le maximum d’enfants25» d’autant plus que « les familles polygames ignorent le principe de la planification familiale » révèle Sawadogo. En outre, on dit que les africains « sont en tête pour les naissances gémellaires ». Bref, le principe de la concurrence entre co-épouses est une sorte de stratégie dont use chaque femme pour « cuisiner » son mari afin d’être le plus confortablement installée. Pour cela, faire des enfants est l’une des meilleures solutions car c’est un gain du point de vue entre autres de l’héritage.
24 25
Xin, La polygamie est-elle interdite en France ? Sawadogo Alfred Yambangba, La polygamie en question, Etudes africaines, 2006
33
Nous allons voir également que les mariages mixtes ont participé à l’augmentation de la population musulmane en France.
2.2.5 Les mariages mixtes La représentation de la famille et du mariage, et la position de la femme dans les civilisations musulmanes maintiennent une distance considérable entre ces populations et les non musulmans ce qui limite les mariages mixtes. Cependant, depuis quelques années le phénomène a changé. Le nombre de mariage musulmans-non musulmans ne cesse de croître. On voit également de plus en plus de femmes musulmanes à qui la loi coranique a interdit un mariage avec un non-musulman épouser des hommes français non-musulmans. Cette pratique de l’exogamie religieuse prend de plus en plus d’importance au détriment de l’endogamie qui voit progressivement sa proportion baisser (43% en 1980 contre 29,5% en 199126). Les mariages mixtes favorisent l’augmentation de la population musulmane en France au sens où l’union aboutit à un foyer où un des conjoints s’est converti à la religion musulmane. Toutefois, il faut établir une distinction car dans un couple où c’est la femme qui s’est convertie, l’implication dans la religion et par conséquent la pratique (y compris la consommation de produits halal) est beaucoup plus importante que dans un couple où c’est l’homme qui s’est converti à l’Islam.
2.3 Les causes économiques L’augmentation des produis halal sur le marché n’est pas seulement causée par l’accroissement de la population musulmane. Nous avons entre autres des raisons économiques qui ont joué un rôle sur ce phénomène. 2.3.1 L’augmentation de la demande La demande de produit halal va de pair avec l’accroissement de la population musulmane en France. L’enquête réalisée par le cabinet de marketing SOLIS confirme une forte demande sur les produits halal, qui porte particulièrement sur l’offre de produits élaborés (charcuterie, plats cuisinés, petits pots de bébés), la largeur des gammes (allégées en matières grasses, bio…) ainsi que sur la qualité des produits. Cette demande est en hausse car les produits sont loin d’intéresser les seuls originaires du Maghreb achetant halal à plus de 90 % selon le
26
Neyrand Gérard, M’sili Marine, Mariages mixtes et nationalité française, Harmattan p.134
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directeur du cabinet d’études ethniques SOLIS Abbas Bendali. Il poursuit : 55 % des personnes d’origine africaine consomment également halal (dont des non-musulmans), de même que des Français de souche, par intérêt économique. Donc on note que l’offre de produits halals s’adresse à une population diversifiée, ce qui participe à l’augmentation de la demande de produits halal sur le marché. Selon Florence Bergeaud-Blacker, cette montée de la demande est liée à l’interdiction de l’abattage privé par lequel les musulmans avaient la possibilité d’égorger leurs bêtes euxmêmes pour une consommation personnelle. Mais aussi poursuit-elle, cet accroissement est influencé par les courants ritualistes, et fondamentalistes des Frères musulmans prônant une pratique religieuse plus rigoureuse. Il faut noter par ailleurs qu’il y a une préférence affective pour ces produits qui est beaucoup plus forte chez les jeunes générations que chez leurs parents. C’est un attachement au halal des générations issues de l’immigration se traduisant par des conduites dictées par des habitudes alimentaires modernes (pizza, hamburger, plats cuisinés, ….) (Bergeaud-Blacker, 2006). Pour ces jeunes, le halal renvoie à des notions de respect, de justice, de droiture, mais aussi à une valeur positive où le vivre ou le manger halal doit être accepté comme un acte public (Bergeaud-Blacker, 2006). Cette demande varie en fonction des saisons et des événements. Par exemple, explique un responsable du centre E. Leclerc de Dreux, « l’augmentation de la demande
est
régulière, mais celle-ci est plus conséquente en hiver». En parallèle, pendant le mois de ramadan, on note de plus en plus de demandes de produits halal. La demande de viande halal est plus forte à l’approche de la fête de l’Aïd el kebir (ces moments de consommation seront plus développés dans les parties à venir). Il faut signaler aussi que la demande des produits halal touche également la restauration collective. Celle-ci est de plus en plus confrontée à des revendications de repas halal. Dans les cantines scolaires par exemple, certains élèves ne se contentent plus des repas sans porc et refusent toute viande non abattue selon le rituel musulman (Brisebarre, 2007). Ces revendications sont justifiées par les élèves avec des discours sur la logique du plus grand nombre27. Cet effet de nombre est repris par certaines restaurations rapides. Ainsi, à Marseille « tous les snacks sont presque tous halal » rapporte un adolescent, on note même un concurrent de KFC, HFC ou Halal Fried Chicken (Cahiers de l’OCHA, 2007). Toutefois, il est important de souligner que l’augmentation de la demande des produits sur le marché et la restauration est sujette à des débats politiques et des polémiques (nous
27
Les cahiers de l’OCHA n°14, Alimentations adolescente en France, 2007 p.40
35
reviendrons sur ce point dans les parties qui suivent). Nous allons voir à présent que l’augmentation des produits halal sur le marché est également liée à la nature même de ce secteur.
2.3.2 Marché de dégagement ? Le développement du marché de la viande halal dans les années 1990 a fortement participé à l’essor du halal. En effet cette hausse de la viande halal est due à plusieurs faits. Nous avons en plus des animaux de réformes28, l’amélioration de la productivité et les politiques de qualité qui ont entraîné une production d’animaux qui ne peuvent plus être certifiés en raison de leur âge, sexe, leur conformation, (Bergeaud-Blacker, 2005). Cette situation a conduit à une surproduction d’animaux dont la vente aux collectivités publiques ne suffit plus à les consommer. Ainsi, les boucheries musulmanes ont pu s’approvisionner en viande bovine à des coûts moindres. A cela vient s’ajouter la crise de la vache folle. Celle-ci est une crise sanitaire survenue en 1996 et a entraîné l’effondrement de la consommation de viande bovine. Cette baisse de la consommation est due à une inquiétude de la population à attraper l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) via l’ingestion de la viande bovine. Cette situation de crise favorise un surnombre de bovins sur le marché intérieur, ce qui a permis aux boucheries islamiques de les acheter à des prix peu élevés. Ainsi, ce qui ne part plus à l’exportation entre dans les circuits halal intérieurs (BergeaudBlacker, 2005). Par ailleurs, les maghrébins consommateurs de viande halal pour leur « cuisine bouillie » se satisfaisaient de viande médiocre, à prix moyen. Ils consommeraient de la viande de brebis âgées, de carcasse de bovins boudées par la clientèle française de souche selon Anne Marie Brisebarre. Ainsi, dans de nombreuses régions, l’industrie d’abattage et le négoce misent sur ce marché halal comme marché de dégagement pour requalifier une marchandise en surproduction, ou de bas de gamme (Brisebarre, 1995; Bergeaud 1999).
28
Animaux qui ne sont plus destinés à ce pourquoi ils ont été produits en priorité
36
3.Représentations et pratiques des consommateurs Les pratiques et les représentations des consommateurs de produits halal varient en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, des moments de consommation etc…
3.2 Le profil des consommateurs D’une manière générale, il n’existe pas un profil unique de consommateurs de halal. Celui-ci part
du consommateur strict qui concerne les trois quarts de la population jusqu’au
consommateur souple qui peut adapter son alimentation en fonction des circonstances.29 D’une manière particulière, le profil des consommateurs de produits halal varie selon plusieurs critères. Parmi ces derniers, nous avons l’âge. Dans le cadre d’une enquête Horizons, le cabinet d’études SOLIS a révélé une « prise de pouvoir » des jeunes consommateurs musulmans. Ces jeunes30 représentent 56,3% des consommateurs et sont très attentifs au caractère halal de ce qu’ils achètent. Cette attention est beaucoup plus notée chez la troisième génération issue de l'immigration qui a une « approche des produits plus experte, pouvant aller jusqu'au décodage de la composition des produits ». Il faut signaler cependant que le profil est également en corrélation avec le type de produit. Ces jeunes sont plus attirés par les produits fast-food, les snacks, les plats cuisinés etc. Ainsi, l’enquête de l’IFOP montre que la consommation de viande halal concerne plus la première génération que la troisième. Pour cet achat, l’IFOP dans son enquête a décrit trois types de consommateurs :
Les consommateurs identitaires : ceux qui achètent non pas seulement pour des raisons religieuses mais aussi identitaires
Les consommateurs non-intentionnels
Les consommateurs de proximité : ceux qui achètent ces produits par commodité sans motivation religieuse ni identitaire.
Cependant, l’enquête a omis de citer la catégorie de consommateurs pratiquants.
29
Enquête SOLIS
30
Tendance est confirmée et même accentuée chez les moins de trente ans et chez les jeunes nés en France ou arrivés en France avant 15 ans (Bergeaud-Blacker, 2005)
37
Il est tout de même nécessaire de signaler que « manger halal n’est pas le seul fait des musulmans pratiquants ». C’est une croyance religieuse à laquelle on se soumet que l’on soit croyant, pratiquant occasionnel ou assidu (Bergeau-Blacker, Bonne, 2005). Le budget joue également un rôle important sur la consommation de produits halal. Etant aujourd’hui relativement chers, les produits halal ne sont pas à la portée de tout le monde. Ce qui ne veut pas dire que les pauvres ne consomment pas halal, mais le poids du porte monnaie est déterminant sur la consommation de produits halal. Un étudiant confirme : « j’aimerais bien acheter tous les jours de la viande halal mais j’en ai pas les moyens, du coup je me satisfais de la viande non-halal. Cependant je regardes les étiquettes pour vérifier s’il y a pas de porc ou de substances illicites avant de consommer n’importe quoi». Un célibataire appuie cette idée en nous disant : « les produits halal sont trop chers pour que j’en consomme régulièrement, j’achète de la viande halal, mais juste occasionnellement [….], par contre quand j’aurai une famille et une situation financière adaptée, je ne mangerai que halal ». On voit d’après ces réponses que le budget et la taille du foyer sont déterminants sur la consommation des produits halal. Nous pouvons conclure que la consommation halal est liée à plusieurs facteurs. Ces derniers font que l’individu s’adapte à la situation tout en tenant compte de ses moyens et de ses exigences ou critères. Par conséquent, il n’est pas facile d’établir un profil unique du consommateur halal. Toutefois, on va voir que les consommateurs de produits halal sont motivés par diverses raisons.
3.3 Consommation de produits halal 3.3.1 Les motifs de consommation Les consommateurs de produits halal sont motivés par diverses raisons. La principale raison de consommation de produits halal est la religion. Dans ce sens, manger halal s’inscrit dans le cadre de l’obligation comme les cinq piliers de l’islam pour les consommateurs (BergeaudBlackler ; Bonne 2005). « Oui, je ne consomme que de la viande halal car c’est une prescription de la religion musulmane », affirme, Aliou, 29 ans. Cependant, il faut dissocier la religion de la consommation halal car « les musulmans ne mangent pas tous halal, et la viande halal ne vas pas seulement aux musulmans ». C’est pour cela que Geneviève Cazes-Valette nous suggère de faire attention aux amalgames. Ainsi, nous avons des non musulmans qui consomment du halal pour des raisons politiques ou militants
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nous dit-elle31. Dans cette même optique de consommation, nous avons les motifs qui sont liés à la proximité du lieu d’approvisionnement. Cette proximité peut faire l’objet d’une consommation halal via la « boucherie du quartier ». Si les prix affichés sont plus abordables que ceux des autres commerces comme les grandes surfaces, la consommation peut être importante. Elle peut également être liée à des motifs sociaux, familiaux, amicaux, de solidarité envers le boucher. Dans leur enquête sur La consommation halal aujourd’hui en France, Florence BergeaudBlackler et Karine Bonne nous révèlent des motifs de consommation halal tels que la qualité gustative supérieure de la viande, ses qualités sanitaires supérieures, ses effets sur la santé et le procédé d’abattage sans douleur pour l’animal. En outre, l’égorgement est un motif de consommation car « seule la viande halal provient d’un animal égorgé » pour certains consommateurs. Ces derniers motifs sont subjectifs et ne sont pas partagés par tout le monde. Ainsi dans le cadre de nos enquêtes un boucher non musulman crie haut et fort la pénibilité de ce mode d’abattage en ces mots : « Il suffit de voir les yeux de l'animal avant la mort... C'est atroce! Pour avoir vu les différentes méthodes d'abattage, l'animal paraît beaucoup plus stressé et apeuré que lorsqu'il s'agit d'un abattage « normal » (électrocuté puis saigné). Je m'étonne que Madame Brigitte Bardot ne s'insurge pas plus de ces méthodes d'abattage! ». Dans ce même raisonnement, on voit que l’idée selon laquelle la viande halal est meilleure pour la santé est beaucoup plus partagée par les personnes socialisées au Maghreb que celles socialisées en France (Bergeaud-Blackler; Bonne, 2005). Ce qui nous pousse à confirmer que le lieu de socialisation est déterminant sur la représentation du halal, et par conséquent sur la consommation de produits halal.
3.3.2
Qui fait les courses ?
La séparation entre l’espace public et l’espace privé est déterminante dans les pratiques d’achats des musulmans. Cela fait référence à un ensemble de conduites, de codes et de règles principalement hérités du pays d’origine, où culture et tradition contribuent à leur respect. Dans les pays maghrébins, ce sont les hommes qui s’approprient l’espace public. Ainsi, l’attitude la plus traditionnelle conduit l’homme à être le seul à sortir pour faire les achats (Raulin, 1992). En France, cette réalité tend plus au moins à s’adapter aux lieux d’approvisionnement. Ces derniers sont déterminants pour la division des tâches d’achats. Ainsi, la femme peut aller faire ses courses en grandes surfaces car celles-ci sont caractérisées 31
Chez la « Boucherie de la Paix », plusieurs clients affichaient par ce choix leur non racisme, leur désir de participer à l’intégration de la communauté musulmane
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par « l’anonymat et où le nivellement des pratiques devient une zone franche sans enjeu social ni sexuel que les femmes peuvent fréquenter librement » nous dévoile l’enquête de Migration Etudes sur la synthèse des travaux sur l’immigration et la présence étrangère en France. A l’opposé, l’enquête nous indique que les femmes maghrébines apparaissent exclues du marché de Barbès assimilé au souk32 et lieu masculin par excellence.
3.3.3 Les critères de licéité Les consommateurs de produits halal ont des critères leur permettant de choisir les produits qu’ils jugent licites pour la consommation. Ces critères varient selon les individus et leur conception du halal. Ces critères font également référence à une « expertise » qui consiste à identifier un à un les composantes d’un produit sur le marché. Cette expertise est une façon pour le consommateur de s’assurer de la licéité du produit. Autrement dit, c’est une vérification pour savoir si le produit contient une substance illicite comme du porc, des dérivés de porc (gélatine), de l’alcool etc.… Selon l’enquête de l’IFOP, 45% des personnes interrogées déclarent regarder systématiquement la composition des produits alimentaires. Cette enquête lie cette pratique à la religiosité et à l’ancienneté en France. Ainsi cette vigilance systématique sur la composition des produits « est de mise pour 72% des personnes allant à la mosquée au moins une fois par semaine, elle est beaucoup moins présente parmi ceux qui n’y vont qu’une ou quelques fois dans l’année (41%) et largement minoritaire (32%) chez ceux qui ne fréquentent jamais les mosquées ». De même cette vigilance est deux fois plus fréquente chez la première génération que la troisième. Dans cette même lancée, nous avons également des critères de licéité qui portent sur le choix des produits. La couleur de la viande bovine en particulier est une preuve de licéité pour certains consommateurs. Pour eux la viande halal doit être de couleur claire car l’animal étant égorgé a été vidé de son sang. Ce qui induit en erreur les consommateurs puisque ce n’est pas l’égorgement qui rend la viande claire ou foncée. Cette différence de couleur dépend du type d’animal, et de la durée de maturation de la viande en boucherie. Par ailleurs il existe d’autres critères qui sont censés déterminer la licéité d’un produit. Nous avons entre autre, la « marque » ou le tampon halal sur le produit. Ces indications nous poussent à nous poser la question de la confiance sur les produits halal. Ce point sera traité plus tard dans le texte.
32
En arabe, un souk est un marché forain éphémère, généralement hebdomadaire, un lieu de transactions commerciales. Il est presque toujours en plein air.
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Ce schéma démontre que l’attention portée à la composition des produits est systématique chez la première génération. Chez la troisième génération, la vérification de la composition des produits se fait de temps en temps. La deuxième génération quand à elle se trouve entre les deux.
3.3.4 Le contexte de consommation ? Consommer halal dans tous les milieux, dans toutes les situations n’est pas chose facile. Ainsi, manger halal selon un contexte « inadapté » pose un problème. A la question : un musulman doit-il manger halal tout le temps, dans toutes les situations, dans quel cas y a-t-il une exception, la réponse de certains imams est que, un musulman devrait s’approvisionner en halal (Bergeaud-Blacker, 2001). Ce qui pose d’ores et déjà une condition. C’est pour cette raison, qu’elle suscite un désaccord auprès des fidèles. Selon « L.T Breze, Président de l’Union des Organisations Islamiques de France, l’opinion émise par le président du CEFR (Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche) signifie qu’en France, pays de « tradition chrétienne », acheter et manger de la viande telle qu’on la trouve dans les boucheries ou les supermarchés est une activité licite pour tout Musulman ». Par conséquent, les musulmans adoptent plusieurs conduites sur le devoir de manger halal, ce qui conduit à une pluralité de pratiques selon les situations. Nous avons ainsi comme on la évoqué plus haut des profils de consommateurs allant du plus strict (qui ne consomme que du halal) au plus souple (s’adapte en fonction des situations). Toutefois, il faut noter qu’il existe des grands moments de consommations de produits halal qu’on va voir dans la partie suivante.
41
3.3.5 Les grands moments de consommation Existent dans l’année des périodes où les musulmans consomment d’avantage de produits halal. Ce sont des moments qui « obligent » certains fidèles à observer certaines prescriptions de la religion musulmane particulièrement le manger halal. Nous avons le mois de ramadan et la fête de l’Aid el kebir.
3.3.5.1
Le mois de ramadan
Le mois de ramadan ou ramazan en arabe correspond au neuvième mois du calendrier musulman. C’est un mois « saint » où le Coran a été révélé à Mahomet pour la première fois, au courant de la nuit du 27e jour appelé la « nuit du destin ». Pendant ce mois, le musulman doit s’abstenir à plusieurs plaisirs notamment celui de manger. Au cours de celui-ci, le fidèle ne doit pas boire, ne doit pas manger, ne doit pas entretenir de relations sexuelles depuis l’aube jusqu’au crépuscule c'est-à-dire du lever au coucher du soleil. Le jeûne pendant ce mois fait partie des cinq piliers de l’Islam, et est une obligation pour tout musulman. Sont toutefois exemptés de cette pratique les malades, les femmes enceintes ou qui allaitent, les femmes étant dans leur période menstruelle, les enfants en bas âge, les personnes âgées ou toutes personnes à qui le jeûne pourrait mettre sa santé en péril. Les personnes âgées pour remplacer leur jeûne manqué doivent nourrir des pauvres. Sinon les autres, à l’exception des enfants en bas âge doivent rattraper ultérieurement leurs jours manqués. C’est un mois « d’entrainement » qui est censé permettre au fidèle de se rapprocher de Dieu en respectant les actes de piété comme la charité, la prière, les invocations, en évitant le mensonge, la tricherie, le vol, l’usurpation etc. Le croyant est tenu pendant cette période :
d’effectuer ses cinq prières obligatoires et s'efforce de les faire à l'heure, communiquant directement avec le Seigneur et se rapprochant ainsi de lui
de faire la Zakat-al-Fitr (Aumône de fin de Ramadân), lui rappelant qu'il doit s'acquitter de sa Zakat annuelle,
d’effectuer la Salat al-Tarawih, après celle de Al-'Isha, rappelant au musulman qu'il peut aussi effectuer, au courant de l'année, des prières supplémentaires, augmentant ainsi sa foi et son rapprochement vers Dieu,
d’arrêter les vices, tels que le tabac, l'alcool... et penser à sa santé et à celle des autres,
42
de réprimer ses passions qui détournent du chemin de Dieu et trouver une juste mesure, un juste milieu à toute chose33
L’un des avantages du jeûne est qu’il permet à l’individu de penser à ceux qui souffrent de malnutrition, dans la mesure où le croyant ressent la même chose que celui qui a faim. Il a ainsi conscience de la valeur des biens que Dieu lui offre tels que la nourriture et évite ainsi le gaspillage. Pour obéir à Dieu et respecter les règles, les croyants évitent au minimum de faire quelque chose de haram. C’est pourquoi à la question : est ce que vos consommations halal sont liées à des moments particuliers ? Un musulman répond : « je ne mange halal que pendant le mois de ramadan car c’est la moindre des choses pour que Dieu me pardonne de mes pêchés de l’année». On voit dans cette réponse que manger halal pendant le mois de ramadan est une voie de rédemption et reste le minimum qu’un fidèle peut faire pour espérer le pardon de son Dieu. C’est sans doute ce que les grandes enseignes et entreprises ont compris et n’hésitent pas à se mettre sur ce que Huê Trinh Nguyên appelle le « marché ramadanesque »34en faisant pendant le mois de ramadan des promotions, des réductions sur les produits halal ou en proposant certains produits de base pour la cuisine maghrébine : semoule de blé, fruits secs, sodas, feuilles de brick, sans omettre les indétrônables dattes. A côté de ces produits, nous avons les plats cuisinés qui connaissent un succès pendant le mois de ramadan. Nous avons par exemple les plats cuisinés individuels micro-ondables (Hachis parmentier, paella royale, Lasagnes etc.) de l’entreprise Zakia Halal35 qui durant le Ramadan 2008, 18 tonnes de cette marque avaient été distribuées, soit presque la moitié des volumes sur une année selon les informations de SALAMNEW n°10. De même, Samir Baziz, le directeur d’Isla Mondial, une entreprise de charcuterie halal affirme que « les steaks hachés, les cordons bleus, les nuggets marchent bien pendant le mois de ramadan » car, « ce sont des produits très pratiques pour la mère de famille qui ne fait pas la cuisine le midi ». Le mois de ramadan est paradoxalement un mois où on est censé manger moins, mais c’est le mois où on cuisine le plus, car la convivialité invite à la consommation. En effet à la tombée de la nuit, les croyants se retrouvent plus souvent en famille, entre amis et la fête aiguise les appétits dans ces moments36. C’est cette volonté de se faire plaisir en achetant de tout. Ce qui
33
34
35 36
http://islamfrance.free.fr/ramadan.html SALAMNEWS N° 10 / août 2009
Entreprise crée en Algérie vers les années 1950 et qui depuis 2008 est sous la houlette de Panzani http://www.lejdd.fr/Societe/Religion/Actualite/Le-business-discret-du-ramadan-127828/
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fait dire à une cliente de chez ED, que le ramadan « c’est un peu comme Noël…et cela dure trente jours ! ». Ainsi le mois de ramadan constitue une période d’opportunité pour les entreprises alimentaires, la grande distribution et les boucheries, car, la consommation halal est en hausse pendant celui-ci. D’un autre côté, la fête de l’Aïd est aussi un moment de consommation de produits halal.
3.3.5.2
La fête de l’Aïd el Kabîr
L’Aïd el Kabîr est l’une des fêtes les plus importantes en Islam. En France on l’appelle fréquemment la fête du mouton. C’est une grande fête au centre de laquelle a lieu le sacrifice d’un animal. Cet animal est dans la majeure partie du temps un agneau qui est égorgé dans le but de commémorer du sacrifice d’Ibrahim (Brisebarre, 1998). Dans les pays musulmans, elle est désignée sous plusieurs noms en fonction des pays. On parle d’Ayd al-kabir ou Ayd alAdha dans les pays arabes et au Maghreb en particulier, de Tabaski en Afrique dans les pays subsahariens ….Elle se déroule le 10 du dernier mois de l’année islamique. Le sacrifice en lui-même constitue un rituel individuel accompli au sein de la famille de préférence par le chef de famille qui est à la fois sacrifiant (celui qui offre le sacrifice) et sacrificateur (celui qui opère l’égorgement rituel). Le mouton est l’animal le plus généralement sacrifié, mais, d’autres animaux peuvent être sacrifiés lors de cette journée Cette fête englobe une multiplicité de dimensions : sociales, économiques, culturelles symboliques. Elle est définie comme la fête du pardon car c’est une occasion pour le musulman de se réconcilier avec ses proches. Elle est aussi la fête du souvenir, un moment où le fidèle peut se rendre aux cimetières des défunts de la famille et de déposer des offrandes sur leurs tombes. En outre, c’est une fête « de l’ouverture vers les autres, de l’échange et du partage », permettant aux nécessiteux qui n’ont pas pu sacrifier de fêter l’Aïd et de faire un repas car les familles qui ont pu acheter de la viande doivent en partager la chair. En situation d’immigration, cette cérémonie a une dimension identitaire permettant aux étrangers de se souvenir des moments de fête passés au pays. Cependant la célébration du rituel pose problème aux familles résidant en France surtout dans les milieux urbains. Ceci est dû au fait que l’abattage rituel fait par le chef de famille et en dehors d’un abattoir est interdit par la loi française. A cela vient s’ajouter l’isolement des abattoirs dans les milieux ruraux. Cette question du rituel d’égorgement a connu des tensions en France. Nous avons l’exemple des abattages clandestins, qui a fait la une de la presse des années 80 avec ce fameux « mouton égorgé dans la baignoire ». Vu cette situation des solutions ont été apportées par les municipalités avec la mise à disposition de sites municipaux de sacrifice, 44
relayés dans les années 90 par les « sites dérogatoires de sacrifices ». Sauf que le sacrificateur ne sera plus le chef de famille mais un professionnel du sacrifice. En 1999 ces « sites » seront dénoncés par le bureau vétérinaire de l’Union Européenne, accusant la France d’avoir « organisé l’illégalité ». La France menacée d’amendes avec un délai était obligée de trouver des solutions. Ainsi, au cours de l’Aïd 2000, les moutons ont été égorgés sous la surveillance du bureau vétérinaire européen et la DSV (Direction de Service vétérinaire) et des associations de protection des animaux. En 2001, un arrêt du Conseil d’Etat français interdit toute dérogation et relègue le sacrifice musulman aux seuls abattoirs. Cette situation a favorisé le retour à la clandestinité ou à l’achat de carcasses auprès des bouchers et des grandes surfaces (Brisebarre, 2007). Dans son article, Sacrifier pour l’Aïd el kebir en France, Brisebarre nous explique que l’achat de la viande halal auprès de la grande distribution est une alternative au sacrifice. Ce qui a poussé des enseignes à proposer des moutons à l’occasion de la fête. Ce marché est lucratif « surtout si des membres des grandes associations représentées au sein des CFCM (Conseil Français du culte musulman) et CRCM (Conseil Régional du Culte Musulman) acceptent de donner leur caution et de faire de la publicité dans les semaines qui précédent la fête et en particulier dans les mosquées ». A côté de la consommation de la viande, il y a également la consommation de produits halal pour la cuisine de l’Aïd el Kabîr. Ces deux grands moments de consommation nous renseignent sur les pratiques, les rituels des musulmans, et introduisent en même temps la question de l’approvisionnement en produits halal que nous allons voir maintenant
3.4 L’approvisionnement en produits halal L’approvisionnement en produits halal pose la question de la détermination du lieu, de la fréquence et le mode de fourniture qui sont des éléments importants et décisifs sur les pratiques alimentaires des consommateurs. Elle désigne l’achat de produits sur le marché mais aussi la fréquentation des restaurants. Le ravitaillement en produits halal varie selon les produits. Dans le cadre de l’enquête réalisée par Migration Etudes auprès de la population maghrébine vivant en Seine-Saint-Denis, l’approvisionnement en viande se fait auprès des boucheries pour le caractère rituel de l’abattage et pour la vente par morceaux, en vrac. L’étude réalisée par Chantal Crenn sur les pratiques des populations d’origine maghrébine dans le grand Libournais démontre que les musulmans les plus âgés habitant cet endroit connaissent tous l’implantation des différentes
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boucheries dans la région et sont prêts à faire 15 à 20km pour s’approvisionner en viande halal même si c’est en effectuant du covoiturage. Pour les produits de base comme les céréales, semoules et les pates, qui s’inscrivent dans une consommation familiale et sur une longue durée, le ravitaillement se fait auprès de grossistes. Concernant les autres produits, les maghrébins s’approvisionnent dans les marchés et supermarchés. Cette fréquentation est plus régulière si la personne a un moyen de transport comme la voiture (Crenn, 2005). D’un autre côté, les familles ramènent également de leurs vacances au pays des aliments que l’on ne trouve pas sur le marché français ou qui sont rares et chers comme les pâtisseries maghrébines. On voit par ailleurs une fréquentation des restaurants ou des pâtisseries, surtout par les hommes vivants seuls, « qui ne trouvent rien à manger chez eux ou qui ne peuvent donner à manger à la maison ». Ainsi, l’approvisionnement en halal dépend du produit et du contexte de consommation. Nous allons voir dans la partie qui suit ce qu’il en est de la juridiction sur les produits halal sur le marché.
4.La juridiction 4.2 Le codex alimentarius Créé en 1961 par la FAO (l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) le Codex Alimentarius, mot latin signifiant le « code alimentaire » est un ensemble de normes, directives et codes d'usages alimentaires qui en tant que référence, est adopté à l'échelle internationale. Ses objectifs sont de protéger le consommateur contre tout risque lié à l’alimentation. Il suit le principe selon lequel, les consommateurs ont le droit de s’attendre à ce que les aliments soient sains, de bonne qualité et propres à la consommation. En ce sens, il accorde une importance particulière à la sécurité sanitaire et à la qualité des aliments. Il a également pour but de protéger le consommateur des fraudes. C’est la raison pour laquelle, il travaille sur l’étiquetage des denrées alimentaires en fournissant des informations pour aider le consommateur sur le choix de ses aliments. Ainsi, en 1997, conformément aux directives générales pour l’utilisation du terme halal, le codex a établi la définition suivante : On entend par aliment «halal» tout aliment autorisé par la loi islamique, qui répond aux conditions ci-après:
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il ne doit ni constituer ni contenir quoi que ce soit jugé illégal conformément à la loi islamique;
il ne doit pas avoir été préparé, transformé, transporté ou entreposé à l’aide d’instruments ou d’installations non conformes à la loi islamique;
au cours de sa préparation, de sa transformation, de son transport ou de son entreposage, il ne doit pas avoir été en contact direct avec des aliments ne répondant pas aux dispositions des alinéas ci-dessus.
Cependant,
un aliment halal peut être préparé, transformé ou entreposé dans une section ou chaîne différente dans le même local servant à la préparation d’un aliment non halal, pourvu que des mesures appropriées soient prises pour prévenir tout contact entre les deux;
un aliment halal peut être préparé, transformé, transporté ou entreposé à l’aide d’installations qui ont déjà servi à la préparation, à la transformation, au transport ou à l’entreposage d’un aliment non halal, pourvu que des techniques appropriées de nettoyage, conformes à la loi islamique, aient été suivies.
Concernant le processus d’abattage halal, il a été prévu dans le codex que : Tous les animaux terrestres dont la consommation est autorisée par la loi musulmane, devraient être abattus selon les règles suivantes :
la personne chargée de l’abattage doit être un musulman sain d’esprit qui connait bien les méthodes d’abattage de l’Islam;
l’animal à abattre doit être autorisé par la loi islamique;
l’animal doit être vivant ou réputé vivant au moment de l’abattage
l’invocation Bismillah (au nom d’Allah) doit être prononcée immédiatement avant l’abattage de chaque animal;
l’instrument utilisé doit être tranchant et doit rester enfoncé dans l’animal pendant l’abattage;
l’abattage doit consister à couper la trachée, l’œsophage et les principales artères et veines situées dans la région du cou
Par rapport aux critères d’utilisation du terme halal, le codex se réfère à la liste des aliments prévus par la loi islamique. Pour l’étiquetage, le codex prend les mesures suivantes :
Quand une allégation est faite qu’un aliment est «halal», le mot halal doit figurer sur l’étiquette ou tout terme équivalent. 47
Conformément au texte révisé des Directives générales du Codex sur les allégations, la mention halal ne doit pas être utilisée de façon à susciter des doutes sur la sécurité d’emploi de l’aliment ou de donner à entendre que les aliments halal ont une valeur nutritionnelle supérieure ou sont meilleurs pour la santé que d’autres aliments.
Ces directives sont des références internationales et la commission du codex souligne que celles-ci peuvent avoir des divergences selon les différentes écoles islamiques. Ainsi, il laisse une marge d’interprétation aux autorités compétentes des pays importateurs dans l’application de celles-ci. Il précise, Toutefois, les certificats accordés par les autorités religieuses du pays exportateur devraient être acceptés en principe par le pays importateur, sauf lorsque ce dernier est en mesure de justifier d’autres conditions spécifiques. Cette précision sur l’interprétation de ces directives fait dire à Florence Bergeaud-Blacker que « le codex affirme sa souveraineté en englobant de façon imprécise et sans hiérarchie tous les cas possibles dans l’unique but d’optimiser la liberté de circulation des produits halal et sans égard au discrédit ainsi jeté sur le travail religieux. Les autorités religieuses et leurs longues discussions sur les limites et les raisons de ces prohibitions ne sont plus convoquées». Ce qui selon elle va favoriser le début d’une « bataille économique du halal business » car le joug religieux est libéré. Ce manque de contrôle que dénonce cet auteure nous permet de nous poser des questions sur la certification des produits halal que nous allons voir maintenant.
4.3 La certification ? La certification est une reconnaissance, par un organisme indépendant du fabricant ou du prestataire de service, de la conformité d'un produit, service, organisation ou personnel à des exigences fixées dans un référentiel selon la définition de l’Association Française de Normalisation (AFNOR). La certification atteste qu’une denrée alimentaire est conforme à des caractéristiques spécifiques ou à des règles préalablement fixées qui portent selon le cas sur la fabrication, la transformation, le conditionnement. Les caractéristiques spécifiques des produits reposent sur des critères objectifs, mesurables, traçables et significatifs consignés dans un cahier des charges. Elle sert à identifier un produit et à permettre au consommateur de se rassurer, de connaitre l’origine, les composants du produit qu’il achète. Concernant les produits halal, en 1995, Charles Pasqua, alors ministre chargé des cultes, tente d’organiser avec le ministre de l’intérieur un monopole de la certification halal. Ainsi, avec le ministère de l’agriculture, la Fédération Nationale des Exploitants d’Abattoirs Prestataires de
48
Service
(FNEAPS), le recteur de la mosquée de Paris, sera signée une convention de
certification halal qui ne sera jamais appliquée (Bergeaud-Blackler, 2005). Cependant elle permettra selon Florence Bergeaud-Blacker aux acteurs économiques de miser sur un marché halal lucratif et d’investir « dans de coûteux box de contention pour abattage rituel, et dans l’emploi de sacrificateurs habilités ». Ce plan a également permis en 1994 par arrêté ministériel la désignation de la mosquée de Paris comme le seul organisme agréé pour habiliter des sacrificateurs. En 1996, ce privilège sera accordé à la grande mosquée de Lyon, la mosquée d’Evry, et la mosquée historique qui seront les principaux organismes pour habiliter des sacrificateurs. Ce sont ces mosquées qui en leur sein créent chacune des associations (dédiées à l’émission d’attestions et de moyens de contrôle) et les organismes privés de certification comme AVS (A votre Service) qui attribuent les certificats halal et des cartes de sacrificateurs à 150-200 euros la pièce37 en fonction de leur propre perception du caractère halal (Zemmour, 2008). Par conséquent la définition de ce qui est halal n’est pas précise, ni inscrite dans un cahier des charges, ce qui favorise les fraudes. Ce marché échappe à tout contrôle, au détriment parfois de la confiance du consommateur. Le halal français devient un business très concurrentiel, voire anarchique, où tous les coups sont permis. Ainsi, on note une perte de confiance de la part des membres de la communauté musulmane de France (Zemmour, 2008) en la licéité des produits (que nous détaillerons plus tard dans l’étude). Les consommateurs sont en « demande d’information » sur les produits halal et s’attendent à « une offre d’information ». Cette quête de données est liée à l’augmentation de la consommation de masse qui accroit le besoin d’indentification des produits particulièrement sur l’origine, la composition et le processus d’abattage rituel. C’est dans cette perspective qu’il a été crée en 2003 le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui représente les musulmans de France et intervient dans les relations avec les pouvoirs politiques sur plusieurs domaines38. Ainsi, ce conseil a crée en 2004 une commission de halal dans le but de « trouver très rapidement une réponse viable à la question de la mise en place d’un référentiel de qualité halal intégré dans le système des Signes officiels d’identification de la qualité ». Une tâche qui est lourde car, le conseil devra garantir le caractère halal de la viande et des produits dérivés pour rassurer le consommateur. Dès lors son principal enjeu sera d’apporter des éléments précis sur ce qui caractérise ou non un produit halal pour qu’un
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http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html Le CFCM intervient dans la construction des mosquées, dans le marché des aliments halal, dans la formation de certains imams et dans le développement de représentations musulmanes dans les prisons et dans l'armée française. Il fixe également les dates du mois du ramadan en France et, à travers le Conseil européen de la recherche et de la fatwa, décrète des fatwas ayant pour vocation d'être appliquées en France 38
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cahier des charges précis (licéité, mode de fabrication, de distribution, sous le contrôle d’un organisme certificateur à tous les niveaux) soit respecté par tous les acteurs de la filière (Zemmour, 2005). Cette commission, avec à sa tête Abdelkader Arbi, a rapidement été discréditée et le rapport qu’elle avait remis fut classé sans suite. « C’est le statu quo. Il faudrait que le CFCM garantisse la certification de la viande halal et assure le contrôle final. Si le CFCM ne peut résoudre des dossiers comme ceux du pèlerinage ou du halal, à quoi sertil ? », déplore un responsable de l’instance39. Ainsi, la certification des produits halal est attribuée à différentes mosquées. Celles-ci peuvent avoir des conceptions différentes du caractère halal car elles ne se référent pas à un cahier des charges unique qui définit le halal. D’où la nécessité d’un « référentiel halal ». Par conséquent, on distingue plusieurs marques halal que nous allons voir maintenant.
4.4 Le Label ? Un label est une marque collective qui se matérialise par des signes distinctifs et qui peut être utilisée par les différentes marques se conformant au cahier des charges du label. Se référant au codex, qui autorise l’utilisation du mot halal ainsi que tout mot « équivalent », en se libérant du « joug religieux », et en profitant « du flou juridique », les marques halal prolifèrent et se multiplient sur le marché. Nous avons
une offre halal des grandes marques comme : Duc, Fleury Michon, Herta, Knorr, Labeyrie, Liebig, Maggi
des marques historiques : Wassila halal, Dounia, Isla Délice, Isla Mondial, Médina halal, Saada, Jumbo, Zakia
Selon le cabinet d’études Solis, la notoriété des marques est différente selon que celles-ci soient historiques, nationales etc…
Marques nationales déclinant une offre halal……...48%
Marques halal historiques…………………………...82%
Autres marques………………………………………36,1%
4.5 Etudes de cas : la filière de la viande halal Dans son livre Vers une certification de qualité halal Eric Zemmour, dévoile que même si la demande de viande halal est plus ou moins satisfaite par les différents circuits de production 39
http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html
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et de distribution, l’offre du marché n’est pas à l’abri des fraudes et des tromperies. Ce qui le pousse à parler de la « nécessité d’organisation de la filière de la viande halal ». Il appuie ainsi son idée en révélant d’une part « que les responsables de la communauté musulmane peuvent aller jusqu’à affirmer que 90 à 95% des viandes vendues sur le marché ne sont pas véritablement halal », et d’autre part « que la DGRCCF Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes a mis en évidence la multiplication des tromperies et falsifications. Pour confirmer cet argument,
Florence
Bergeaud-Blacker décrit la filière de la viande depuis l’élevage à la distribution en passant par les transports et la transformation avec tous les risques de tromperies que cela peut contenir.
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Elevage
Abattagespécialisation halal Abattage,
Transport
Transformation Boucheries,
Secteur du détail :
Supermarchés
Boucheries halal,
Discounts
épiceries, supermarchés
Schéma simplifié des principales étapes de la production L’exemple du bœuf Avec l’absence de système de contrôle et de vérification, le caractère de la viande halal peut susciter des doutes dans toutes les étapes de la production de viande. En effet, l’attribution du caractère halal à la viande se fait à partir de l’abattage. Ce dernier ne peut se faire que dans un établissement surveillé par l’Etat. Dans le cadre de son enquête réalisé en Aquitaine, la production halal se fait sur des chaines d’abattages ordinaires. Ainsi, la seule différence avec l’abattage ordinaire se trouve dans les outils utilisés. Dans les deux cas l’animal est tué par égorgement et retrait de son sang. La seule différence est que dans la production halal, l’animal est tué par un sacrificateur habilité par l’une des mosquées citées plus haut. Sacrificateur qui selon elle n’a aucune formation ni qualification. Par ailleurs, avant la saignée, l’animal ne doit pas être étourdi. Sauf que dans les abattoirs et selon la réglementation, une exemption à l’étourdissement avant la saignée peut être accordée 52
mais celle-ci n’est pas obligatoire. Ce qui nous pousse à nous interroger sur le caractère licite de la viande. Cette question ne s’arrête pas là car, enfin d’abattage, les carcasses sont tamponnées par deux cachets, « le tampon légal obligatoire pour toute viande abattue en abattoir, et le tampon halal ». A ce stade, il est possible qu’il se produise des erreurs de marquage. Après, ces carcasses seront transportées. Ce moment est propice pour une confusion de carcasse halal et non halal. Car, ces dernières peuvent involontairement être introduites dans des sacs destinées aux carcasses halal. C’est lorsqu’elle franchit le seuil de la boucherie « halal » que la carcasse acquiert définitivement son caractère licite. Avant cela, le statut de la viande reste relativement incertain en raison de la mobilité et les contacts des carcasses avec des espaces non musulmans (Bergeaud-Blacker, 2005). L’autre phénomène qui peut relever de l’incertitude de la qualité halal est que les chaines d’abattage halal produisent une quantité plus importante de carcasses que les boucheries ne peuvent absorber. Du coup, cet excès de production sera remis dans le circuit normal. C’est pour cette raison « qu’ils minimisent la visibilité du tampon halal ».
Ainsi, dés que la
carcasse franchit le seuil de la boucherie, elle devient halal, qu’elle soit marquée ou non. Car l’absence de tampon halal sur la carcasse peut être interprétée par le boucher par des éléments autres40 que le processus d’abattage. Cependant, si le boucher est honnête il peut en ce moment ne pas prendre une carcasse sans marque halal. Le marché des produits halal est en plein essor. On voit de plus en plus de produits sur l’offre. Ce qui favorise l’émergence du boom halal. Ce boom est lié à l’augmentation de la population musulmane en France. Cet accroissement de la population est dû à plusieurs faits sociaux dont l’immigration maghrébine et noire africaine. Par ailleurs, l’augmentation de la demande sur le marché est aussi l’une des raisons du développement des produits halal. Nous avons en outre les pratiques des populations musulmanes liées à la religion comme le ramadan et la fête de l’Aïd qui sont des moments importants où l’offre de produits halal accélère. Cependant, ce marché qui soit disant prometteur (maintiendra un rythme de croissance de 10% par an jusqu’à 201241) est mal « organisé ». Malgré cette estimation, les produits suscitent des doutes sur leur qualité halal à cause de l’absence de transparence du système de production. Absence de transparence qui est liée à une manque de référentiel halal et qui conduit par conséquent à une multiplicité d’interprétations du halal, d’organismes et de marques halal. 40
41
Marquage mal fait, effacé, ou apposé sur un autre morceau de la carcasse Cabinet d’études Solis
53
Avec ce manque de confiance des consommateurs se pose déjà la question de l’avenir du rayon halal dans la grande distribution que nous allons traiter dans la partie qui suit.
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Chapitre IV Le futur du rayon halal dans la grande distribution
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1.L’entrée des produits halal dans la grande distribution 1.2 Le contexte Le marché des produits halal est en pleine expansion partout dans le monde. Actuellement, ce marché se trouve être porteur et prometteur. En effet, il était pendant longtemps réservé aux commerces traditionnels en l’occurrence les boucheries. Celles-ci avaient l’apanage de tous les produits halal la viande bien sûr mais pas seulement. Depuis les années 1990, on voit la grande distribution investir sur le halal. Au début, cette offre était restée confidentielle et « réservée » à certains magasins dans quelques zones à forte concentration musulmane. Puis est arrivée une nouvelle génération de consommateurs, à la demande de laquelle, la grande distribution n’a pas hésité à répondre. Ces consommateurs appartiennent aux troisième et deuxième générations issues de l’immigration, et ont une autre conception du halal que leur parent. Cette « diversity baby-boomers », selon le terme du directeur du cabinet d’études marketing SOLIS, parvenus à l'âge adulte (généralement nés en France dans les années 1980 et 1990), ont des attentes spécifiques envers ces produits. Toutefois il faut noter que la grande distribution a eu du mal à se positionner sur un marché considéré comme ethnique et sensible (nous le verrons plus loin).
1.3 Les raisons Comme nous l’avons souligné plus haut, la grande distribution en France a misé tardivement sur le marché du halal. Son entrée sur ce marché est liée à plusieurs raisons. 1.3.1 Elargissement de l’offre La grande distribution a intégré le marché du halal d’abord pour des raisons économiques et de marketing. Autrement dit, c’est pour élargir son offre et toucher plus de clients que les grandes surfaces ont proposé des produits halal. L’offre, qui se limitait à la viande fraiche a vu son volume augmenter. Elle s’est aussi élargie à d’autres produits, notamment des céréales (riz, couscous…), des sucreries (bonbons, biscuits…), du produits frais (yaourt et produits laitiers…), surgelé (cordons bleus, steak haché etc), des plats cuisinés, et aliments minutes (pizza, hamburger, lasagnes, crêpes…) etc. Le magasin Auchan par exemple à Martigues a 56
décidé de réaménager le rayon halal pour élargir cette offre: « Les produits halal sont devenus incontournables", explique le chef de rayon boucherie. « Petit à petit, on a introduit de nouveaux produits. Prochainement, on souhaite pouvoir proposer une gamme complète de viande halal. Cette année, on a déjà essayé le foie gras halal, ça a été un véritable succès. Pourquoi pas un jour tenter la choucroute?" conclut-il42. Dans un autre magasin Auchan, un des responsables de l’achat des produits assure : « On compte dans notre magasin 80 références en charcuterie, une quarantaine de surgelés et une trentaine de produits traiteur destinés à nos clients musulmans, 98% de nos magasins proposent ces articles». Dans cette même optique, nous avons la marque Haribo qui a récemment enlevé de ses bonbons la gélatine animale pour en faire du halal et les commercialise dans les grandes surfaces. Cette entrée des produits de l’agro-alimentaire est liée à une demande de la population musulmane qui « souhaiterait manger comme les français, c’est-à-dire moderne ».
1.3.2 Répondre à une demande liée à la modernité alimentaire En investissant sur le marché du halal, l’objectif premier de la grande distribution est de satisfaire une demande de la clientèle musulmane, celle-ci ayant des revendications spécifiques sur des produits particuliers qui sont plus ou moins liés à la modernité alimentaire. Ce qui caractérise la modernité alimentaire est un changement des pratiques alimentaires : de la composition des repas, des horaires et lieux de prises etc... Dans la modernité alimentaire, « l’alimentation ne structure plus le temps, mais c’est le temps qui structure l’alimentation » (Fischler, 1990). Dans ces conditions, le « repas structuré » où l’individu prend le temps de manger et de bien savourer est de moins en moins fréquent. On assiste à une perte de légitimité de l’appareil normatif qui encadre les pratiques alimentaires (Poulain, 2002) tandis qu’apparaissent des pratiques individuelles comme le fait de manger seul, dehors…Cette absence de normes est due à l’accroissement de la pression économique, aux transformations du marché de l’emploi, aux conditions et horaires de travail (Grignon, 1993) ainsi qu’à l’individualisation croissante. Dans ces conditions, il s’avère indispensable d’avoir des produits permettant de manger vite et de s’adapter aux rythmes et modes de vie, sans compter que la clientèle musulmane a envie de manger les mêmes produits que tout le monde. Ainsi, la distribution de masse répond à l’évolution du comportement d’achat et du style de vie du nouveau consommateur halal, ce dernier étant à la « recherche de produits plus occidentalisés tel que les pizzas, lasagnes, nems, produits transformés comme les aliments-minutes, les Junk
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http://www.laprovence.com/article/region/les-produits-halal-sont-devenus-incontournables
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et Fast-food….mais certifiés halal». « Petit à petit » explique cette mère de famille « on trouve plus facilement ce type de produits. Pour la viande, ça n'a jamais été un problème car il y a de très bonnes boucheries halal en ville. Par contre, ce qui me dérange vraiment, c'est quand on a envie de sortir manger à l'extérieur. On est obligé de prendre du poisson ou des pâtes sans viande ». Ce n’est seulement réservé à l’alimentation hors domicile. Cette jeune femme active d’origine algérienne, qui a les mêmes contraintes et préoccupations que n’importe quelle autre jeune femme française veut par exemple des plats cuisinés halal qu’elle peut préparer rapidement, en rentrant de sa journée de travail…On voit également que cette demande est aussi forte chez les jeunes de moins de 25 ans qui sont plus attirés par ces produits. Ces jeunes réclament des plats modernes et ont envie de varier leur alimentation tout en respectant la tradition. Ainsi, en faisant valoir que les produits sont halal, certaines jeunes filles âgées de 15 à 18 ans essayent d’introduire de nouveaux aliments, plats ou manières de cuisiner à la française : « des plats de chez nous avec du mouton on en a ras-le-bol, et puis c’est lourd, c’est des plats de fêtes. Alors, quand je peux faire les courses avec ma mère, j’essaie de lui faire acheter des produits français, des plats déjà préparés par exemple, tout en lui garantissant que ce qu’on va manger est bien halal »43. Ainsi, pour répondre à la demande de la clientèle, les grandes surfaces proposent des produits industriels. Si ce marché est prometteur, il reste toutefois sensible en France. Cette sensibilité lui confère une situation de crainte dont nous allons voir les causes dans la partie qui suit.
2.Situation de crainte en France Les craintes résultent entre autres du manque de confiance des consommateurs en les produits dits halal, de la peur de la grande distribution des réactions de ses autres clients si elle affiche clairement qu’elle vend du halal, le comportement des anti-halals etc…. Toutes ces questions nous poussent à nous interroger sur le futur du rayon halal dans la grande distribution.
2.2 Le manque de confiance des consommateurs La crédibilité du halal dans la grande distribution n’est pas chose évidente ! Malgré l’effort des distributeurs, nombre de consommateurs ne font pas confiance aux produits halal dans les grandes surfaces : ils ne sont pas sûrs qu’ils soient vraiment halal. La majorité des
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Lioré Julie, Rodier Christine, les adolescents musulmans et le halal, Les Cahier de l’OCHA, 2009
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consommateurs s’approvisionnent dans les boucheries car ils font plus confiance au « boucher du quartier » qui est souvent une connaissance (Crenn, 2005). Selon le journal L’express, les marques traditionnelles comme Zakia Halal et Isla Mondial inspirent plus confiance que les marques nationales ou les marques de distributeur. Par ailleurs, l’absence de référentiel de certification halal, qui favorise une pluralité de définitions, une absence de traçabilité, et la « variation qualitative non maitrisée », participe fortement au manque de confiance des consommateurs sur les produits halal. « Je ne sais si les produits estampillés halal sont vraiment halal, je n’ai aucune garantie à propos de leur origine » remarque un consommateur lors de notre enquête. A cela s’ajoutent les doutes que les consommateurs ont sur le contrôle de ce marché. Ce qui fait dire à Florence BergeaudBlackler que « les marchés halal n’ont pas bonne réputation parce que les consommateurs ont le sentiment qu’ils ne sont pas contrôlés ». Cette faible confiance des consommateurs est accentuée par l’existence avérée de fraudes et de tromperies. La Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi lancé des poursuites et des avertissements ces dernières années à l’encontre des distributeurs (Zemmour, 2008). Il faut tout de même signaler que ce manque de confiance n’épargne pas les boucheries. En effet, depuis l’état des lieux réalisé à Rungis44, les boucheries sont « de plus en plus discréditées » et les consommateurs frileux envers les produits halal (Zemmour, 2008). L’association de sensibilisation, d’information et de défense du consommateur musulman (ASIDCOM) dans son enquête sur la certification des produits halal, a lancé un appel aux consommateurs pour boycotter les produits auxquels ils ne font pas confiance. Le directeur de cette association affirme que c’est au consommateur de faire la différence entre la certification et l’autocertification. Un produit certifié, selon lui, se voit apposer un logo. Mais, quand il est simplement écrit « abattu selon le rite musulman », ce produit est autocertifié et l’association demande aux consommateurs musulmans de le boycotter. Le consommateur est la première victime dans « cette guerre de définition », « c’est l’acteur oublié ». Ces programmes de sensibilisation ont largement participé à cette méfiance du consommateur envers les produits halal. Ce manque de confiance des consommateurs, transparait dans les discussions sur des forums. Thème : Produits halal dans les grandes surfaces
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D’après l’enquête menée par le Ministère de l’intérieur, 50% des viandes vendues sur ce marché sont destinés au circuit artisanal-marchand alors que peu de grossiste halal sont sur ce marché.
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- « je n’ai jamais acheté des produits halal dans les grandes surfaces et en plus je ne fais pas confiance alors je préfère aller chez un arabe c'est mieux » - « Maintenant ils développent de plus en plus les rayons halal mais moi je ne suis pas trop tentée pour acheter, je ne sais pas s'il faut vraiment leur faire confiance? Même si c'est écrit halal, je me méfie. Ou alors vous achetez sans vous poser de questions? » - « je n'en ai acheté qu'une seule fois à Auchan, c'était des steaks hachés surgelés, et je les ai trouvés très bons mais j'avoue que je n'étais pas très à l'aise quand je les mangeais! Ils sont bons mais c'est psychologique, c'est juste le fait qu'ils sont vendus par des non musulmans! » - « en général, en grande surface, j'achète du poulet, par contre les saucissons, façon chorizo et les terrines, ou foie gras, je zappe là par contre ça m'écœure, excusez-moi, mais ça me rappelle ceux du porc ». - «entre doute et malbouffe, les grandes surfaces me font perdre mon latin j'avoue, ça ne m'inspire guère confiance et j'ai tellement l'habitude d'acheter toutes mes viandes à la boucherie le dimanche tranquille au marché, que je ne calcule même pas ces produits soi disant halal en grande surface » - « personnellement, je ne fais absolument pas confiance à ces enseignes qui feraient n'importe quoi pour se faire du chiffre, ils ont remarqué que le petit arabe consomme énormément d'autant plus quand c'est écrit halal ». On pourrait multiplier les exemples.
2.3 La peur de la grande distribution des réactions des autres clients La grande distribution avance prudemment sur ce marché. En effet, la sensibilité la question de l’Islam, la pousse à ne pas « trop se montrer » sur ce marché. Ce qui incite par exemple M. Chétochine, consultant en marketing à dire que « dans un pays dit laïque comme la France, il ne faut pas choquer la clientèle non-musulmane ». C’est pour cela que les grandes surfaces ont tendance à utiliser des termes neutres comme «Saveurs d’Orient », « Sur la route des épices » etc…. Pendant le mois de ramadan par exemple, c’est encore plus net. Ainsi, Fateh Kimouche, fondateur du site internet Al-Kanz (un portail musulman de consommation) dénonce les distributeurs qui « ont tendance à rester dans les clichés, et convoquer l'Orient et Les Mille et Une Nuits pour éviter de parler directement du ramadan ». Dans cette même optique, Jean Christophe Depres, directeur associé de Sopi, agence française en communication multiculturelle déplore : « Les principales enseignes rivalisent de métaphores orientalisantes pour éviter d'appeler un chat un chat et d'associer son image à une religion.»
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De même, Cedomir Nestorovic, professeur à l’ESSEC et auteur de Marketing en environnement islamique pense que cette situation est due au fait que la grande distribution a peur de créer un « effet boomerang45 ». Les rayons Halal restent donc globalement invisibles, au point que les populations concernées préfèrent parfois les produits cashers (lorsqu’un produit est casher, il est forcément Halal) selon l’étude de Agro-jonction n°41 intitulée Les produits halal, futur Eldorado. De même, lors de nos enquêtes, les consommateurs regrettent le fait que le rayon halal soit petit et « introduit dans un petit espace de 1à 3 mètres carrés ». Ce qui fait suggérer à un consommateur de mettre des indications devant le rayon pour éviter de faire tourner les gens dans tout le magasin : « je ne vois pas le rayon halal dans les grandes surfaces, il faudrait mettre des indications sur les tableaux comme ils le font avec les autres produits », Omar 25 ans Toulouse. « Le rayon halal devrait être plus visible car dans la plupart des grandes surfaces, on a beaucoup de mal à le trouver », Aly 30ans, Nice. « On devrait faire de sorte que les produits halal soient bien visibles et séparés des autres produits » suggère Amadou, 33 ans Toulouse. Ainsi, la grande distribution a du mal à « s’afficher halal » et reste frileuse en termes de communication.
2.4 L’image des produits Halal en France « Il est interdit d’égorger le mouton dans le bâtiment, attendez d’être au bled pour faire couler le sang des agneaux », (la réclusion solitaire, Paris 1976) se plaint le héros de Tahar Ben Jelloun. En France, les produits halal sont tout de suite associés à des produits religieux, à destination des musulmans : « je vois beaucoup de boucheries halal se créer, je le rapporte à la religion musulmane » affirme un boucher non halal lors de nos enquêtes. A la question : est-ce que ce marché pourrait vous tenter dans le futur ?, le même boucher répond : « cela ne me dit rien, je ne comprends pas que l’on puisse mélanger religion et nutrition ». Cette association des produits halal à la religion est expliquée par la méthode d’abattage rituelle musulmane. Par conséquent, le manger halal est relié en quelque sorte à une revendication identitaire et communautaire. Par ailleurs le halal est pour certains consommateurs musulmans « une étiquette commerciale » permettant aux acteurs de la grande distribution de faire vendre leurs produits. L’enquête menée sur Facebook, et les réponses relevées sur les forums, permettent de 45
C’est un effet négatif produit par un message publicitaire lorsqu’il est considéré comme non crédible, non légitime, dérangeant ou irritant par les consommateurs
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confirmer cette idée. Nombre de musulmans ne sont pas prêts à accepter les produits halal autres que la viande ou qui n’ont aucun dérivé de viande. Certains trouvent que c’est « du n’importe quoi de faire des produits halal qui ne contiennent pas de viande ni de dérivés de viande ». « J’ai trouvé du Tiakry46 halal l’autre jour dans une boutique pakistanaise à Paris : non mais j’hallucine ! Comment font-ils pour définir le halal, je me le demande ? » s’exclame et s’interroge lors de notre étude, Aicha 30 ans mère d’un enfant. Cette interrogation est revenue à chaque fois que l’on disait à un musulman que l’on travaillait sur le halal. « Les acteurs de la distribution se foutent des musulmans » affirme Ousmane 25 ans, étudiant à Montpellier, « cela ne sert à rien du tout ce n’est que du blabla pour faire vendre mais je ne crois pas que cela tienne la route » souligne Amy, 23 ans sur Facebook, et sur un forum de discussion musulman, un internaute écrit « ce label Halal ce n’est que du Marketing pour vendre des trucs qui serait difficiles à vendre, on en voit de toutes les couleurs, œuf halal, yaourt halal, bonbons halal47…. ». Un autre affirme : « le cola ou même des produits comme le savon halal, c'est exagéré ». L’incrédulité est perceptible aussi aux réponses obtenues quand on a posé la question : que pensez-vous des bonbons, yaourts, biscuits, céréales et cosmétiques halal ? La première question qu’on a reçu c’est : - Cosmétique halal, ah bon à quoi cela ressemble ? - C’est sans alcool ma belle !!! - Ah oui donc ça existe vraiment ? Tu peux me donner un nom de cosmétique ? Parce-que là j’avoue que ça me sidère carrément !!! -Vas sur ce site miss : www.cosmelal.com
2.5 Les anti-halal : Le marché des produits halal n’est pas apprécié par tous. Il existe des adeptes de ce marché, notamment les musulmans, mais on voit également de plus en plus des gens qui sont contre. Parmi ceux-ci, des acteurs politiques, des consommateurs etc… Ces gens n’hésitent pas, à travers des actes et comportements, à montrer leur opposition. Ainsi, certains nonconsommateurs de produits halal sont prêts à tout pour faire régresser le marché. Dans les forums de discussion, on trouve: « détruire le halal dans les supermarchés ! Le plus facile et le plus discret c’est de percer les barquettes de viandes en cellophane (en faisant semblant de vouloir en acheter). Une simple pression du pouce sur les coins de la barquette et ça pète
46 47
Le tiakry est à base de couscous de mil et de lait caillé, c’est sénégalais ! http://www.yabiladi.com/forum/produits-halal-dans-grandes-surfaces-1-2475317-page=2.html
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facilement… Dernièrement j’en ai flingué une dizaine48 ! ». Réagissant à l’article « La viande que vous mangez est peu être halal et vous l’ignorez », paru sur le Figaro, une femme suggère : « Quand vous allez faire vos courses, n’hésitez pas a glisser quelques tranches de jambons dans les rayons halal ! ». D’ailleurs, ils qualifient la religion musulmane de « mafia », « de secte financée par le halal »49 et invitent les gens à boycotter les enseignes qui vendent ce genre de produits. Par ailleurs, l’exemple de Quick qui propose du « tout halal » dans 8 de ces 350 restaurants français n’a pas enchanté tout le monde. Ce test a fait la une de l’actualité et a suscité des débats et une polémique notamment au sein du monde politique. Certains acteurs politiques n’ont pas hésité à montrer leur désaccord sur cette initiative. Ainsi, Marine Le Pen, vice présidente du Front National affirme : « tous ceux qui viendront acheter dans ce Quick paieront en réalité une taxe aux organismes islamiques de certification (...) Je trouve cela inadmissible »50. Le maire de Roubaix a porté plainte pour « discrimination » contre la chaine de restauration Quick. Sur Facebook, un groupe qui s’appelle contre le quick chez halal s’est construit et compte à ce jour 420 membres. Le 07 mars51 2010 un groupe de mécontents de 70 personnes s’est
déguisé en cochon et a envahi le Quick de Villeurbanne avec comme
slogans : « Quick halal non merci, l’islamisation ça suffit », « première, deuxième, troisième générations, nous sommes tous des mangeurs de cochon » en poursuivant sur « On est chez nous, On est chez nous ». Ils dénoncent en ces mots ce qu’ils appellent une « exclusion et une ségrégation des Français dans leur propre pays » et une « souffrance des animaux inadmissible lors de l’égorgement ». Certains n’admettent pas qu’un fast-food qu’il caractérise de laïc propose du halal : « Les magasins qui annoncent la couleur telles les boucheries halal ou les boutiques casher, là on sait où l'on va ….Mais dans un fast-food à vocation laïc, ne laissons pas entrer les religions !!!!!!! », « Est-ce que nous on leur impose de manger que du porc ? »
52
. Pour ces anti-halal, il revient à la population musulmane de
s’adapter et non le contraire : « je trouve que ce n'est pas notre pays ainsi que nos restaurants qui doivent s'adapter à leurs besoins, mais bien l'inverse, si ça ne plait pas53…. ». Le « halal passe mal » auprès d’une partie de la population dont on ignore toutefois l’importance.
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http://www.bivouac-id.com/2009/09/04/pourquoi-il-faut-boycotter-les-enseignes-qui-vendent-halal/ http://www.bivouac-id.com/2009/09/23/scandaleux-la-viande-que-vous-mangez-est-peut-etre-halal-et-vous-lignorez/ 50 http://www.liberation.fr/societe/0101619507-marine-le-pen-denonce-les-hamburgers-halal-de-quick 51 Vous trouverez la vidéo non censurée sur : http://www.dailymotion.com/video/xcjdya_rebeyne-vs-quick-halal_news 52 Commentaire de la vidéo sur facebook 53 http://www.facebook.com/pages/CONTRE-LE-HALAL-AU-QUICK/311742525442 49
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Il est victime de l’image assez négative de l’islam en France, qui est souvent assimilé à l’intégrisme voire au terrorisme. Différents événements, très médiatisés, ont contribué à cette vision négative : l’affaire du voile d’abord dans les années 90, les attentats islamistes à Paris en 95, le 11 septembre, l’affaire de la burqa etc. Très souvent évoqué par les politiciens, très présents dans les médias, l’islam est souvent présenté comme une menace pour les valeurs républicaines, pour l’égalité entre les hommes et les femmes comme pour la laïcité. Les musulmans sont implicitement accusés de ne pas vouloir s’intégrer. En outre, l’islam pourrait conduire au terrorisme, d’où la crainte de toute forme de prosélytisme. Ces représentations, qui peuvent être en partie liées au statut d’anciens colonisés d’une grande partie de la population musulmane en France, ainsi qu’au regard porté sur les jeunes de banlieue issus de l’immigration, ont également été attisées par certains partis et hommes politiques. Le récent débat sur l’identité nationale, qui a, en fait, beaucoup tourné autour de l’islam, a quant à lui entretenu les confusions et accrédité l’idée que l’islam mettrait à mal l’identité de la France. Une « nouvelle islamophobie » a vu le jour, analyse Vincent Geisser. Tout ceci assimile le musulman au danger. Celui-ci est décrit comme étant « rétrograde, sectaire, voire intégriste menaçant la sécurité intérieure, à l’exemple des organisations terroristes agissant sur la scène internationale ». Face à cette situation, la grande distribution se doit de proposer des solutions ou de trouver des alternatives pour satisfaire la clientèle, répondre à leurs attentes s’il veut être le leader du halal. Nous allons voir dans la partie qui suit quelles peuvent être ces solutions.
3.Les stratégies des grandes surfaces La grande distribution adopte actuellement une stratégie pour répondre aux attentes des clients.
3.1 Recours au marketing Faire du marketing, c’est avant tout « connaître et satisfaire un marché ». Dans ce cadre, les chefs de rayons comptent adapter leur offre : « En fonction de notre zone de chalandise, de notre type de clientèle et de la taille du magasin, un assortiment est défini et celui-ci évolue ou pas en fonction de la demande et du chiffre d’affaires ». Pour ceci, le groupe marketing étudie en permanence les opportunités et les « offres avenir ». Ces dernières dépendent des magasins. Certains utilisent « un assortiment dans une multiplicité de
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références » et d’autres « un assortiment médium ». Le premier correspond à un nombre réduit de produits et le second à un nombre plus important. Les deux assortiments dépendent du type de clientèle et des attentes qu’ils ont en vers les produits. La mise en avant du produit fait partie des stratégies marketing de la grande distribution. Les « offres découvertes » qui sont une manière de faire connaitre le produit au client reste un moyen pour la grande distribution d’attirer celui-ci. Quant aux promotions, elles constituent un moyen de répondre aux attentes du consommateur et de le fidéliser. Toutefois, celles-ci ne peuvent pas uniquement porter sur les produits halal car ces derniers ne constituent pas une large gamme dans les grandes surfaces54. « On ne peut pas faire de promotion pour avoir le produit en main » affirme un chef de rayon. « Nous », poursuit-il, « notre linéaire n’est pas développé sur le halal en plus ce sont des produits qui viennent d’entrer dans les supermarchés et les hyper ». Donc, pour le halal ça sera plutôt une « promotion de découverte » pour faire connaitre aux gens qu’il y a du halal dans le magasin mais pas « une promotion commerciale proprement dite ».
3.2 Répondre aux attentes des consommateurs Par ailleurs, le client reste prioritaire et il est nécessaire de l’écouter pour pouvoir répondre à ses besoins. Pour cela, la grande distribution prône la diversité de l’offre et la qualité, les suggestions des clients étant les bienvenues. Ainsi, lors de nos enquêtes, un manager de Casino affirme: « Le Groupe Casino reste à l’écoute de ses clients, la diversité des offres et la qualité de celles-ci font partie des priorités du groupe dans le domaine du marché Halal ». Pour cette écoute, ils mettent à la disposition du client un cahier de réclamation pour lui permettre de faire des demandes, des revendications, suggestions et autres etc.
Ecoute,
diversité et qualité sont pour les chefs de rayons les éléments indispensables pour pouvoir répondre aux attentes des clients. C’est pour cela que la qualité de l’offre est prioritaire car, elle reste « une distinction et un réel avantage ». Répondre aux attentes, c’est également avoir le produit au bon moment pour ne pas faire chercher ou patienter le consommateur. « Le client s’il ne trouve pas le produit dont il a besoin, il ira le chercher ailleurs » affirme un manager de rayon. Pour éviter cela, on « essaie d’avoir toujours le produit en permanence et en quantité suffisante ». Donc, c’est surtout la disponibilité et la qualité du produit qui, d’après les managers, comptent pour le client, ce qui n’est nullement spécifique au halal.
54
Dans le magasin Casino, qu’on a interrogé
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Cependant, la question de l’invisibilité du rayon et de sa petitesse, pose aujourd’hui des contraintes d’espaces et nécessite un réaménagement des rayons etc.
3.3 L’attitude par rapport aux autres clients En ce qui concerne les réticences de certains par rapport au halal, les managers de rayon considèrent que c’est une question politique et qu’ils n’ont pas à en tenir compte tant qu’il y aura la demande ! Cette question n’est pas « pour l’instant une problématique de mon magasin », répond un manager de Casino. Sans doute fait-il cette réponse parce que les produits halal sont peu nombreux : « ce ne sont pas que les produits halal qui font marcher le magasin, même si ça marche bien en ce moment », explique-t-il. Globalement, les grandes surfaces s’appuient sur ces stratégies pour faire face à leurs concurrents directs, c’est-à-dire d’un côté les autres grandes surfaces qui vendent les mêmes produits industriels, d’un autre
les boucheries musulmanes. Ces dernières ne sont pas
redoutées, ni considérées comme des concurrents, car ce ne serait pas la même clientèle. En outre, il n’existe pas de boucherie à côté du casino dont j’ai interrogé le chef de rayon, donc il n’a pas de craintes à avoir. En résumé, les acteurs de la grande distribution restent optimistes quand à l’avenir du rayon halal. « Le rayon halal a un avenir dans la grande distribution ça c’est sûr ». Ils pensent plutôt à une augmentation du chiffre d’affaire qu’à une baisse. Pour cela, ils sont entrain de réfléchir sur les moyens d’avoir plus de clients et faire plus de chiffre « on est là pour ça » répond le manager de rayon. Par rapport à la question des labels et certification, la grande distribution ne s’en occupe pas. Cette tâche est réservée au fournisseur : « nous notre boulot c’est de vendre et ce sont aux fournisseurs de s’occuper de la certification et du cahier des charges ». Toutefois, ils choisissent leurs fournisseurs.
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Conclusion Le rayon halal en France connait un boom ! On trouve du tout : pizza, hamburgers, lazagnes, steaks hachés, poulets, bonbons, biscuits, crêpes, cordons bleus etc… Bref, l’offre de produits halal répond à la demande de la clientèle. Cette demande touche tous les domaines de l’alimentaire. Ce que n’a pas hésité a mentionné ce chef de rayon de chez Casino: «on nous demande du halal dans tous les produits ». Le halal se trouve ainsi dans tous les rayons de la grande surface. Toutefois, les consommateurs ont manifestement des attentes spécifiques par rapport à ces rayons. Certains regrettent son invisibilité et d’autres sa petitesse. En plus de cela, ils sont réticents par rapport à la qualité halal des produits, ce qui peut expliquer une certaine attente sur la transparence de ce marché. Cependant, le halal est au cœur des conflits qu’ils soient politiques ou médiatiques. Nombres d’actes et de commentaires dans les forums de discussion et sur facebook, montrent cette aversion envers les produits halal. Cette situation n’empêche pas son succès au sein de la grande distribution. Cette dernière s’est mise sur ce marché depuis peu, et ne craint pas d’inconvénients sur la vente de produits par rapport à la polémique sur le halal. Elle adopte une stratégie de marketing à par entière, ce qui lui confère sans
doute sa force pour faire face à ses
« concurrents ». En conséquence, elle reste optimiste quand à l’avenir de ses rayons halal. Par ailleurs, cette vision est aussi partagée par les consommateurs qui voient dans le marché du halal un avenir prometteur lié surtout à l’augmentation de la population musulmane en France. A la question : le rayon halal, quel avenir dans la grande distribution ? On peut oser répondre que, le rayon n’est qu’à ses débuts, et vu la demande et la taille de la population musulmane, celui-ci peut espérer vivre encore longtemps au sein de la grande distribution en France. Mais, à quand une certification de qualité halal?
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Table des annexes Annexe 1 : Guides d’entretiens Guide d’entretien pour chef de rayon En tant que chef de rayons, est-ce que vous pouvez me parlez un peu du rayon halal (ou des produits halal)
Depuis quand existe le rayon halal chez vous ?
Quelles sont les raisons pour les quelles vous vous êtes mis sur ce marché ?
Est-il est attrayant ?
Comment évolue le marché en termes de chiffre ? Que constatez-vous en termes de fréquentation ?
Augmentation ou baisse ?
Comment évolue l’offre ? Que proposez-vous comme produits ?
Sur quelles critères vous basez-vous pour établir votre offre ?
Et du côté de la demande ? Pourriez-vous me faire une petite description de la clientèle halal ? Peut-on dire que c’est une clientèle homogène (religion) ?
Si oui : comment expliquez-vous cela ? Est-il du à l’offre ?
Si non, est-ce une clientèle plutôt masculine ou féminine ?
Plutôt jeune ou vielle ?
Quelles sont vos stratégies marketing actuellement pour les produits halal ? Quelles méthodes utilisez-vous pour attirer plus de clients vers vos produits halal ?
Baisse des prix
Promotion
Ou sur la qualité (label, marque ….)
Pensez-vous que cela suffit pour fidéliser le client ? Quels sont vos principaux concurrents sur ces produits ? Comment faites-vous pour y faire face ?
Les redoutez-vous ?
Que pensez vous des débats, de la polémique sur le halal ?
Cela ne vous fait pas peur ?
Avez-vous déjà pensé à un probable baisse du chiffre d’affaire halal ? Dans de telles situations quelles peuvent être vos réactions ? 68
Guide d’entretiens consommateurs Pour commencer je vais vous demander de vous présenter. Si je vous dis « halal », à quoi cela vous fait penser ? Êtes-vous consommateur de produits halal ?
(D’accord !! vous ne consommez pas de produits halal, pourquoi ? ….)
Que pensez-vous du rayon halal dans les grandes surfaces ? Est-ce qu’un rayon halal a une place chez Carrefour, Auchan, Casino ou autres grandes surfaces ?
Si oui pourquoi ?
Si non pourquoi ?
Que pensez-vous de l’emplacement du rayon halal ? Y a-t-il quelque chose à changer ?
Si oui, que suggérez-vous aux professionnels de la grande distribution ?
D’après les rumeurs, les produits halal sont de meilleure qualité que les autres produits ? Qu’en pensez-vous ? Avez-vous une idée de l’avenir du rayon halal dans la grande distribution ?
Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
Si réponse négative, si je comprends bien vous voulez dire que les chances sont moindres.
Si réponse positive, si je vous suis bien vous voulez dire qu’il est prometteur?
Pensez-vous que les autres enseignes comme vont elles aussi se mettre au rayon halal ? (Vous imaginez-vous consommez un produit halal un jour ?) Où vous approvisionnez vous en produits halal ?
Si grande distribution, quels produits achetez vous là-bas ?
Si non où et pourquoi (pas)?
Combien de fois par semaine ? Est-ce liée à des événements particuliers ?
Les produits halal dans les grandes surfaces répondent-ils à vos besoins du quotidien ?
Si oui comment les trouvez-vous ?
Si non que suggérez-vous ?
Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses restaurants, que pensez-vous de cette initiative ? Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les musulmans ? Si oui, pourquoi ? Si non pourquoi ? 69
Guide d’entretien bouchers Si je vous dis halal, à quoi cela vous fait penser ? Comment percevez-vous les produits halal ? Connaissez-vous les principes d’abattage pour la viande halal ?
Si oui pourriez-vous m’en citer quelques uns?
En tant que commerçant de produits frais, êtes-vous d’avis que l’abattage musulman fait moins souffrir l’animal ?
Si oui, qu’est ce qui vous faire dire cela ?
Si non pourquoi ?
Est-ce que sur votre offre de produit, vous proposez du halal ?
Si non pour quelles raisons ? (économiques, éthiques, religieuses ou autres)
Avez-vous déjà pensé à une offre de produits halal ? Vu l’augmentation des produits halal, est ce que ce marché pourrez-vous tenter dans le futur ?
Si non, cela ne vous dit rien ? Cela ne serait peut être pas rentable pour vous?
Si oui pourquoi et quels produits privilégieriez-vous ?
Avez-vous déjà eu des demandes de produits halal ?
Si oui - Est-ce des demandes fréquentes ? - Qu’est-ce que c’étaient comme produits ?
Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les musulmans ?
Si oui, pourquoi ?
Si non pourquoi ?
Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses restaurants, que pensez-vous de cette initiative ? Quel avenir voyez-vous pour le marché du halal ? Identité de l’entreprise Localité Taille Statut Etc….
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Annexe 2 : transcription d’un entretien avec un homme 25 ans, Toulouse
S.M : Si je vous dis « halal », à quoi cela vous fait penser ?
O.D : A la religion musulmane SM : C’est-à-dire ? A quoi exactement?
OD : Imagine, moi en tant que musulman, si tu me parles de halal, je pense forcément à la manière dont sont égorgés les moutons. C'est-à-dire l’égorgement en disant le bismilah Alahou Akbar (nom de Dieu) sinon ça ne marche pas. Ça me fait directement penser à la religion.
SM : Seulement à la façon dont est égorgé le mouton ?
OD : Oui justement ça !!!!
SM : Êtes-vous consommateur de produits halal ?
OD : Oui.
SM : Pouvez-vous me dire quels produits consommez-vous ? OD : Les produits ? Bon quand je vais à « Arnaud Bernard » pour acheter de la viande, c’est de la viande halal que j’achète. Je n’achète pas de viande chez Carrefour. Je n’achète que du poulet là-bas et du steak et parfois ce n’est pas halal. SM : Donc tu ne consommes pas uniquement halal, c’est une consommation partielle ? OD : Uniquement halal, je ne consomme pas uniquement halal !! Parce qu’ici en France franchement, dés fois tu n’as pas les moins d’acheter de la viande halal et quand tu vas dans les grandes surfaces tu prends leurs poulets qui ne sont pas chers et pas halal car tu n’as pas le choix. 71
SM : Vous ne les achetez que dans les grandes surfaces les poulets?
OD : Quoi ? halal ?
SM : Oui halal ou pas halal ? OD : Le halal je ne l’achète qu’à « Arnaud Bernard » !!
SM : Oui je parle des poulets qui ne sont pas halal que vous achetez ? Vous ne les achetez que dans les grandes surfaces ? OD : Oui que dans les grandes surfaces !! SM : Que pensez-vous du rayon halal dans les grandes surfaces ? OD : Je pense que c’est une très bonne chose car les musulmans pratiquants pourront enfin consommer du halal.
SM : Pourquoi musulmans pratiquants ? OD : Si je te dis musulmans pratiquants c’est parce que, quelqu’un qui ne pratique pas, ce n’est pas un musulman. Ici en France y a des gens qui te disent « weah je suis musulman mais pas pratiquants ». Les musulmans qui ne sont pas pratiquants se foutent que le produit soit halal ou pas, ils mangent tous du porc.
SM : Ah bon ?
OD : Non mais ils se disent musulmans, se cachent derrière ce nom mais ils ne le sont pas. SM : Est-ce qu’un rayon halal a une place chez Carrefour, Auchan, Casino ou autres grandes surfaces ?
OD : Oui car il ya des musulmans pratiquants en France qui font leur course dans ces grandes surfaces et vont évidement consommer que des produits halal, je dis bien des musulmans pratiquants. 72
SM : Qu’est ce vous entendez par pratiquants alors? OD : Y’en a qui se disent musulmans et n’empêche qu’ils font tout ce que la religion a interdit. Ils boivent, ils mangent du porc etc. En plus ils ne prient pas, ils ne vont pas à la mosquée et ils se disent musulmans. Donc ils se cachent derrière ce nom mais ce ne sont pas de vrais musulmans. Par exemple, si tu prends un musulman pratiquant et un autre non pratiquant, le que tu amènes dans une grande surface qui fait du halal, musulman pratiquant va essayer de voir s’il ya des produits halal, tandis qu’un musulman non pratiquant ne se soucie pas de ce qu’il achète, il se fou complètement qu’il soit halal ou pas. SM : Mais ce n’est pas tous les musulmans pratiquants qui consomment du halal. OD : Oui suis d’accord, moi par exemple, je prie et je jeûne et dés fois je ne consomme du non halal. Tu sais pourquoi ? Parce que parfois je me retrouve dans des contraintes et je n’ai pas le choix. Je peux aller à Carrefour c’est à 5 mn de chez moi, mais je n’ai pas le choix d’acheter du halal, je n’en vois même pas. SM : Mais y’a des produits halal chez Carrefour ! OD : Oui que des saucissons ou poulets fumés !!! En plus de cela c’est cher, c’es pas donné. SM : Que pensez-vous de l’emplacement du rayon halal ? OD : Ce n’est pas important pour moi !!
SM : Pourquoi ?
OD : Parce que, quand je veux acheter halal je vais à la boucherie. En, générale je ne consomme halal qu’en viande. Quand je veux de la viande je vais à la boucherie et j’achète 2 à 3 kilos !!! SM : D’après les rumeurs, les produits halal sont de meilleure qualité que les autres produits ? Qu’en pensez-vous ? 73
OD : Pour moi, il n’y a pas de différence. Ce n’est que la méthode d’abattage qui les différencie, par ailleurs c’est pareil que les autres viandes. Quand on égorge un mouton on dit bismilah pour qu’il soit halal. Tandis-que, la viande non halal, on ne dit pas bismilah et c’est des machines qui égorgent. Ce n’est que du côté de la religion, mais c’est la même saveur. SM : Avez-vous une idée de l’avenir du rayon halal dans la grande distribution ? OD : C’est un rayon qui a tendance à se développer et s’élargir ! Actuellement, les musulmans sont de plus en plus nombreux et les gens ont tendance à parler sur le halal, il suscite beaucoup de débats. En économie, si tu en as fait, si la demande augmente, l’offre augmente. SM : Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
OD : Car il ya de plus en plus de musulmans ce qui augmente la demande et par conséquent l’offre augmente.
SM : Combien de fois par semaine vous approvisionnez-vous en produits halal?
OD : Plusieurs fois
SM : 1, 2, 3, 4 fois ?
OD : En fait, cela dépend !! Des fois je finis le boulot et je passe vite fait à la boucherie acheter de la viande. Des fois aussi, je peux acheter 2 à 3 kilos pour la semaine.
SM : Les produits halal dans les grandes surfaces répondent-ils à vos besoins du quotidien ? OD : Je ne dirai pas à 100% SM : Pourquoi vous dites cela ? Est-ce que c’est lié à des attentes non satisfaites ? OD : Par exemple si j’ai besoin de poulet halal, je rentre dans le magasin, je trouve vite fait le produit, dans ce cas je pourrai dire qu’elle répond à nos besoins. Je ne vois pas le rayon halal dans les grandes surfaces. 74
SM : Qu’attendez-vous alors de la grande distribution ? OD : Je souhaiterai qu’elle augmente le rayon et qu’il fasse de sorte qu’on ne serait pas là à chercher le rayon. SM : Qu’ils l’indiquent vous voulez dire ? OD : Voilà, qu’ils l’indiquent !!! Comme ça dés que je rentre je n’aurai pas à chercher de gauche à droite ! SM : A ce jour, qu’est-ce-que vous attendez de la grande distribution par rapport à son offre ? OD: Qu’elle indique d’abord le rayon halal. Tu vois comme ils le font avec les conserves et autres, c’est ça que je veux !! Et qu’elle agrandisse le rayon en mettant plus de produits. SM : Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses restaurants, que pensez-vous de cette initiative ? OD : C’est une très bonne chose car permettant d’abord un large choix et une diversité de client.
SM : Un large choix sur quoi et pour qui ?
OD : Parce que, quand je vais au Quick, je ne prends pas de porc, je viens je dis que je prends tel menus à base de bœuf, de poulet ou autre. Mais, si c’était des menus de bœuf halal, bœuf non halal ou autre, l’offre sur le halal ne serait pas diversifié. Si je dis diversité, c’est par rapport à ça.
SM : Cela satisfait le musulman et répond à ses attentes vous voulez dire ? OD : Oui c’est ça.
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SM : Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les musulmans ? OD : Oui parce que les non musulmans quand ils viennent faire leur course, ils n’ont pas à se soucier de ce qui est halal ou pas. Ce n’est pas leur problème, ils viennent et ils prennent leurs produits et puis c’est tout. Ils ont beaucoup plus de chance sur leur choix. SM : Merci d’avoir répondu à mes questions
OD : Pas de quoi ! SM : Est-ce possible de vous recontacter si j’ai des précisions à vous demander ?
OD: Je reste à ta disposition.
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Annexes 3 : Produits halal
Sur cette photo la marque traditionnelle Isla dĂŠlice avec le tampon AVS (A votre Service) comme organisme de certification.
Sur cette photo, Fleury Michon, et Isla dĂŠlice
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Produits, marques et organismes recensés lors de notre observation
Rayons
Frais
Surgelé
Boucherie
Produits
Marques
Certifications
Bacon de volaille Saucisson Chorizo Délice de poulet Blanc de dinde Bœuf fumé Lardon de poulet Knacki Terrine de volaille Mousse de foie de volaille
Isla Délice Médina Halal Herta Fleury Michon Reghalal Wassila
AVS SFCVH Contrôle Mosquée d’Evry
Cordon Bleu Kebab Boulette Steack haché Viande hachée Humberger Pizza Hachis Cheese burger Crêpes
Isla Délice Wassila Pizza halal Hachis halal
AVS SFCVH Contrôle strict grande mosquée de Lyon Contrôle mosquée d’Evry Courcouronne
Poulet Dinde Merguez Steack Boulette
Wassila Reghalal Royal halal
ARGML Mosquée d’Evry
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Sec
Plats cuisinés
Haricots blanc/rouge Lentille Pois chiche Couscous Biscuit Brick bonbon Ravioli Lasagnes Haricots
Samia Dari Samia bonbon
SFCVH
Zakia Halal Dounia Halal
SFCVH MCI
AVS : A Votre Service ARGML : Association Rituelle de la Grande Mosquée de Lyon SFCVH : Société Française de Contrôle de Viande et Produits élaborés Halal MCI : Muslim Conseil International Les produits halal se trouvent dans plusieurs rayons. Comme sur le tableau, ils concernent plusieurs produits : le frais, le sec, le surgelé, les plats cuisinés, la boucherie etc.… On voit également plusieurs marques qui ne sont pas spécifiques à des produits : par exemple, Isla Délice, on le retrouve dans le rayon frais et surgelé, de même que Wassila qui est une marque de distributeur du groupe Casino. Ceci est valable pour les organismes certificateurs qui sont nombreux avec chacun son cahier des charges.
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Bibliographie Ouvrages AL-GAZALI, Le livre du licite et de l’illicite, Al-Qalam, 2000 AYMARD M, GRIGNON C et SABBAN F, Le temps de manger : alimentation, emploi du temps et rythmes sociaux, MSH-INRA, 1993 BENHEIRA Muhammed H, La nourriture carnée comme frontière rituelle, 1995, p 67 à 88. BLANC-CHALEARD Marie-Claude, Histoire de l’immigration, La Découverte, 2001, 327p BRISEBARRE Anne Marie, La fête du mouton, un sacrifice musulman dans l’espace urbain, CNRS Editions, 1998 CESARI Jocelyne, L’islam à l’épreuve de l’occident, La Découverte, 2004, 291p DIANTEILL Erwan, Sociologies et religions, approches dissidentes, PUF, 2005 DIASION Nicoletta, HUBERT Annie, PARDO Véronique, Alimentations, Adolescentes en France, Les cahiers de l’OCHA n°14, 2009 DORTIER Jean François, TESTOT Laurent, La religion, unité et diversité, Editions sciences humaines, PUF, 2005 DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, 1912 GEISSER Vincent, La nouvelle islamophobie, La découverte, 2003, 122p HAENNI Pratick, L’islam de marché, l’autre révolution conservatrice, Seuil, 2005, KAKPO Nathalie, L’islam, un recours pour les jeunes, Sciences Po, Les Presses, 2007, 197p KRIEGER-KRYNICKI Annie, Les musulmans en France, Maisonneuve et Larose, 1985, 142p MAIRE Bernard, MEJEAN Caroline, Que savons-nous de l’alimentation des populations migrantes ?, UR106, IRD, 2009 NEUSCH Marcel, Le sacrifice dans les religions, Gallimard, 1994, 310p NEYRAND Gérard, M’SILI Marine, Mariages mixtes et nationalité française, Harmattan, collections Logiques Sociales, 1995 NOIRIEL Gérard, Le creuset français, histoire de l’immigration 19e -20e siècle, Seuil, 1988, 448p PERRIN Evelyne, Jeunes maghrébins de France, la place refusée, Harmattan, 2008 POULAIN Jean Pierre, Sociologies de l’alimentation, les mangeurs et l’espace social alimentaire, PUF, 2002. RIVIERE Claude, Socio-anthropologie des religions, Armand Colin, 2008 80
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BRISEBARRE Anne-Marie, Sacrifier pour l’aïd el-kebir en France, Laboratoire d’Anthropologie social, 2007 CAZES-VALETTE Geneviève, Le rapport à la viande chez le mangeur français contemporain, 2007 CRENN Chantal, La fabrique du lien social entre pratiques alimentaires et sanitaires, le cas d’immigrés marocains et de leurs enfants dits « arabes » dans le grand libournais, XVIIème congrès de l’AISLF, CR 17 « Sociologie et anthropologie de l’alimentation», juillet 2004 GAINES Elisabeth, Les femmes maghrébines en France: identités et obstacles à l’indépendance, Mai 2007 GIRARD Alain, L’alimentation des populations migrantes et l’espace social alimentaire urbain, 7e édition du Colloque de la relève : Réalités et transformations des milieux urbains, 2010 GOODY Jack, Alimentation et religion, Colloque, 2006 POULAIN Jean Pierre, L’homme, le mangeur, l’animal : qui nourrit l’autre ? Colloque Ocha, 2006 ZENDJEBIL Mohammed, Pratiques et modes d’habiter en territoire de grands ensembles à Toulouse. La population d’origine maghrébine dans un contexte d’accession à la propriété en maison individuelle : l’espace public comme révélateur de pratiques spécifiques, « Penser la ville – approches comparatives », 2008 Articles de presses et autres La grande distribution a l'appétit halal, LE FIGARO, Septembre 2009 L’actualité en question, produits halals, médias, téléphonies et cosmétiques, ce que consomment nos émigrés en France, LIBERTE, Juillet 2009 Focus spécial Ramadan, ramadan business, SALAMNEWn°10, Août 2009 La grande distribution française prend ses marques sur le halal, L’EXPRESS, Août 2009 Le halal-food portée par les jeunes, LA TENDANCE CONSO n°2120 | 21 janvier 2010 Dossier : produits halal, AGRO-JONCTION 41, Mars 2007 Pratiques et jugements de la population d’origine musulmane sur les produits halal, IFOP, Janvier 2010 Le marché d la viande halal réalisera un chiffre d’affaire de 5.5 Milliards en 2010, Communiqué de presse, SOLIS, Janvier 2010 Le marché des produits halal à l’horizon 2012, Panorama des marchés et opportunité de croissance paysage concurrentiel et force en présence, XERFI, Octobre 2009
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Directives générales pour l’utilisation du terme «halal», CODEX ALIMENTARIUS CAC/GL 24, 1997 L’Islam dans la République, HAUT CONSEIL A L’INTEGRATION, Novembre 2000 CALVO Emmanuel, Toujours africains, déjà français??? Les Français et l’empire colonial : 1875-1914 Une immigration choisie, une intégration réussie
Documents électroniques http://oumma.com/Le-sunnisme-et-le-chiisme http://fr.wikipedia.org/wiki/Islam http://www.islam-sunnite.com/article-10245881.html http://muslim.xooit.com/t13292-Le-Fiqh-definition-role-et-rapport-avec-la-cha-ia.htm http://www.islamophile.org/spip/Les-exigences-de-l-abattage-rituel.html http://www.al-wassat.com/index.php?option=com_content&view=article&id=148:salimenteren-islam-de-labattage-rituel&catid=15:fatawa&Itemid=14&lang=es http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-samplifie_a721.html http://www.ofpra.gouv.fr/index.html?dtd_id=11 http://www.islamenfrance.fr/regions/a-7-350-Centre-Le_Marche_du_Halal http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html http://www.legrandjournal.com.mx/culture-people/le-ramadan-un-nouveau-marche-pour-lagrande-distribution
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TABLE DES MATIERES Remerciements ........................................................................................................................................ 3 Sommaire ................................................................................................................................................ 4 Introduction ............................................................................................................................................. 5 Chapitre I ............................................................................................................................................... 6 Démarches Méthodologiques................................................................................................................ 6 1.
Entrée en matière ........................................................................................................................ 7 1.1
Choix du sujet ........................................................................................................................ 7
1.2
Problématique ........................................................................................................................ 7
1.3
Questions de départ ................................................................................................................ 8
2.
Méthode de recueil de données ................................................................................................. 8 2.2
Recherche bibliographique .................................................................................................... 8
2.3
Entretiens de recherche .......................................................................................................... 8
2.4
Internet : facebook, forums, commentaires ............................................................................ 9
2.5
Observation directe ................................................................................................................ 9
3.
Limites........................................................................................................................................ 9
Chapitre II ........................................................................................................................................... 11 Approches religieuses .......................................................................................................................... 11 1.
Alimentation et religions .......................................................................................................... 12 1.2
La religion : approche générale ........................................................................................... 12
1.3
Rapport entre le fait alimentaire et la religion ..................................................................... 14
1.4
Le cas de l’islam .................................................................................................................. 16 1.4.1
Qu’est ce que l’islam ? .............................................................................................. 16
1.4.2
Les interdits alimentaires en Islam ............................................................................ 17
1.4.2.1 1.5
Les fondements .................................................................................................... 17
Le halal, un principe islamique............................................................................................ 20 1.5.1
Définition rituelle ou limitée ..................................................................................... 21
1.5.2
Définition étendue ou moderne ................................................................................. 22
Chapitre III .......................................................................................................................................... 24 Le marché des produits halal en France ........................................................................................... 24 1.
Les produits halal ..................................................................................................................... 25 1.2
Répertoire des produits halal ............................................................................................... 25
1.3
Répartition des produits sur le marché ................................................................................. 26
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2.
Le boom des produits halal ...................................................................................................... 27 2.2
2.3
3.
Les causes démographiques : accroissement de la population musulmane en France ......... 27 2.2.1
Le contexte socio-historique...................................................................................... 28
2.2.2
L’immigration musulmane ........................................................................................ 29
2.2.2.1
L’immigration maghrébine dont algérienne......................................................... 29
2.2.2.2
L’immigration noire africaine .............................................................................. 31
2.2.3
La fécondité ............................................................................................................... 32
2.2.4
La polygamie ............................................................................................................. 33
2.2.5
Les mariages mixtes .................................................................................................. 34
Les causes économiques ...................................................................................................... 34 2.3.1
L’augmentation de la demande.................................................................................. 34
2.3.2
Marché de dégagement ? ........................................................................................... 36
Représentations et pratiques des consommateurs..................................................................... 37 3.2
Le profil des consommateurs ............................................................................................... 37
3.3
Consommation de produits halal ......................................................................................... 38
3.4 4.
3.3.1
Les motifs de consommation ..................................................................................... 38
3.3.2
Qui fait les courses ?.................................................................................................. 39
3.3.3
Les critères de licéité ................................................................................................. 40
3.3.4
Le contexte de consommation ? ................................................................................ 41
3.3.5
Les grands moments de consommation ..................................................................... 42
3.3.5.1
Le mois de ramadan ............................................................................................. 42
3.3.5.2
La fête de l’Aïd el Kabîr ...................................................................................... 44
L’approvisionnement en produits halal ............................................................................... 45 La juridiction ............................................................................................................................ 46
4.2
Le codex alimentarius .......................................................................................................... 46
4.3
La certification ? .................................................................................................................. 48
4.4
Le Label ? ............................................................................................................................ 50
4.5
Etudes de cas : la filière de la viande halal .......................................................................... 50
Chapitre IV .......................................................................................................................................... 55 Le futur du rayon halal dans la grande distribution........................................................................ 55 L’entrée des produits halal dans la grande distribution ........................................................... 56
1. 1.2
Le contexte ........................................................................................................................... 56
85
1.3
2.
Les raisons ........................................................................................................................... 56 1.3.1
Elargissement de l’offre ............................................................................................ 56
1.3.2
Répondre à une demande liée à la modernité alimentaire ......................................... 57
Situation de crainte en France .................................................................................................. 58 2.2
Le manque de confiance des consommateurs ...................................................................... 58
2.3
La peur de la grande distribution des réactions des autres clients ....................................... 60
2.4
L’image des produits Halal en France ................................................................................. 61
2.5
Les anti-halal : ..................................................................................................................... 62
3.
Les stratégies des grandes surfaces .......................................................................................... 64 3.1
Recours au marketing........................................................................................................... 64
3.2
Répondre aux attentes des consommateurs .......................................................................... 65
3.3
L’attitude par rapport aux autres clients............................................................................... 66
Conclusion ............................................................................................................................................. 67 Table des annexes.................................................................................................................................. 68 Bibliographie ......................................................................................................................................... 80 TABLE DES MATIERES..................................................................................................................... 84
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