Zatopek suisse 47 liseuse

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zatopekmagazine.com

Actualité des courses en Suisse

Zatopek

N°47 - trimestriel - août - septembre - octobre 2018 - Suisse - 10CHF

L e 1 er M a g a z i n e R u n n i n g & S a n t é d e S u i s s e R o m a n d e

LA MALADIE DE LYME

LA VÉRITÉ QUI

DÉRANGE Société

La course à pied est-elle une nouvelle religion ?

Entraînement

Pour ou contre le retour au calme

Histoire

Pourquoi les Arabes courent vite ?

Athlétisme

Et l’IAAF créa la femme !

L 16992 - 47 - F: 5,50 € - RD

À la découverte du swimrun


ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: ou 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Amandine Gillain amandine@zatopekmagazine. com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, Peggy Bergère, François Borel-Hänni, Pascal Boutreau, Aurore Braconnier, Louise Deldicque, Pieter Desmet, Marc Francaux, Roger Igo, Julien Legalle, Hilde Meesters, Anouk Ramaekers CREDITS PHOTOS Geoffrey Meuli:8; Alessandro Melis/ Dreamstime.com:10; Ivan Regalado:10; Vienna marathon: 16; Julien Bruhat:16; Edition François Bourin:16; Michael Simons/123rf:18; Otillo swimrun:22,25,26; Swim run New Jersey:23; Jakob Edholm:23,24,27; Camilla Rutherford:24; Alamy:29; Marocco Trail: 30; John VonHof/The Jungle Marathon:31; Edu Ferrer/Marató Pirineu:35; JF Badias/ Marathon de Strasbourg:37; Noren Films:37; ASO:38,47; Dean Karnasez:42; Nike news:43; Hagen Hopkins:44; Daniel Kerren:48; Xavier Lejeune/15km de Charleroi:49; Arcteryx:56; Marco garrincha/Dreamstime.com:59; Under our skin: The Untold Story of Lyme Disease:60; Philip Platzer/Red Bull Content Pool:61; Andy Purviance:63; Sandra Olivier:64,65,66; Dumas:10,17,20,31,32,33,56,57,58,62 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Podium Media Europe SA Mobile: 0032 (0)473 93 41 28 Tel: 0035 (0)226 90 86 69 Fax: 352 24611082 info@podium-media.biz Skype: jpodium Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 0033 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11

SOMMAIRE_

EDITORIAL L

e 22 octobre 1844 devait être le jour de la fin du monde. Des centaines de milliers de personnes en étaient persuadées. C’était écrit dans la Bible selon le décryptage savant qu’en avait fait un pasteur de New York, William Miller. Ses prédications avaient été prises tellement au sérieux que beaucoup des disciples de Miller avaient dilapidé leurs biens ou cessé de prendre soin de leur ferme et de leurs champs puisque, de toute façon, l’humanité touchait à sa fin. Le jour J, rien d’extraordinaire ne survint. Le soleil se leva. Le soleil se coucha. Nulle catastrophe à l’horizon! Après ce faux bond de l’Armageddon, on aurait logiquement dû s’attendre à un large mouvement de remise en question. Pas du tout! Les fidèles sortirent de cette épreuve confortés dans leur foi puisque, selon une nouvelle et opportune interprétation, seule la force de leurs prières avait eu raison de l’Apocalypse. Ils renommèrent l’ancien culte du Millérisme (du nom de son inventeur) en une nouvelle église, les Adventistes du Septième Jour, qui compte aujourd’hui 18 millions d’adeptes dans le monde. On donne souvent cet exemple pour démontrer l’irrationalité de la foi (lire dossier page 35). Bien sûr, on retrouve ça à tous les niveaux de croyances. Nous éprouvons d’immenses difficultés à reconnaître nos torts! Cela vaut à l’échelle des individus aussi bien qu’à celle des sociétés. Voyez dans quelle situation stupide on s’est fourré face à la pollution et, surtout, comment on s’enferre dans l’erreur

10_COURRIER DES LECTEURS

40_TEMOINS

12_ZOOM

Callum Hawkins termine dans le rail

France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56

16_CULTURE CLUB

LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@ zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com

Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef

35_INTERVIEW

Tout ce qu’il faut pour courir à la page

14_LA MUSE DU COACH

La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite

Le constat est désespérant partout où l’on regarde. Y compris dans ce numéro de Zatopek. Ainsi le réchauffement favorise l’expansion de plusieurs maladies dont la borréliose de Lyme (lire page 56). La pollution par les perturbateurs endocriniens brouille les repères sexuels (lire page 50). Et on est toujours aussi incapable de remettre les vieilles croyances en question (page 17). Allons! Que cela ne nous dissuade pas d’essayer. On a les armes! “Courir rend intelligent” explique Cécile Coulon dans son interview (page 16). Lire aussi!

04_AJOUTEZ A MON PANIER

Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306

Trimestriel Février, mars, avril 2018 N° ISSN 1783-4104

avec des solutions qui rendent la chose toujours plus compliquée. Ainsi on continue d’augmenter, année après année, notre consommation d’énergie fossile en dépit de tous les cris d’alerte des experts en environnement. Pour se sortir du marasme, on évoque l’avènement d’une société “intelligente”. Mais tout ce qu’on voit, c’est la prolifération de gadgets qui participent à la gabegie. Saviez-vous par exemple qu’en matière d’émission de gaz à effet de serre, internet vient de dépasser le transport aérien? On gaspille, on pollue. “La maison brûle et nous regardons ailleurs” disait Jacques Chirac au Sommet de la Terre à Johannesbourg en 2002. Il oubliait seulement de préciser qu’il arrivait que son avion présidentiel fasse des petits tours dans le ciel pour ne pas le déranger en atterrissant pendant la sieste!

Roger Igo répond à vos questions Courir rend plus malin. Cécile Coulon l’a dit!

18_ENTRAINEMENT

Pour ou contre le retour au calme

22_VOYAGE, VOYAGE

La course à pied est-elle une religion? Nos lecteurs parlent de Dieu

47_DANA RUN

La rencontre entre Phidippidès et le Bouddha

50_POLEMIQUE

L’IAAF redéfinit la femme

56_MALADIE DE LYME

A prendre avec des pincettes

64_RENCONTRE

Sandra, une orienteuse désorientée

A la découverte du swimrun

28_LINGUISTIQUE

Pourquoi les Arabes courent vite? 42_ZATOPEK 3


AJOUTEZ_À MON PANIER

CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

ADIDAS SOLARBOOST Bonnes nouvelles des étoiles www.adidas.com

Après avoir cherché le moyen d’économiser quelques grammes sur les gommes de la semelle, les équipementiers chassent désormais du côté du mesh (les différentes couches de tissu qui enveloppent le pied). Chez Adidas, on s’est inspiré d’une nouvelle technologie utilisée par la NASA: le TFP (“tailored fiber placement”). Il s’agit d’un mode de tissage dirigé par ordinateur pour adapter la structure aux lignes de force. On peut ainsi renforcer les zones fragiles et alléger les autres. Au total, cela permet de gagner 15 grammes sur la SolarBoost par rapport à sa devancière, l’EnergyBoost.

Le saviez-vous?

NIKE VAPORFLY ELITE FLYPRINT Combien y a-t-il de secondes dans un gramme? Chez Nike aussi, on vise la légèreté. Pas de NASA ici. Mais l’utilisation d’imprimantes 3D pro- Eliud Kipchoge, de plus en plus léger grammées pour tenir compte du mouvement naturel du pied lors de la course. Là encore, cela permet de jouer sur les épaisseurs et d’obtenir un gain total de onze grammes par chaussure par rapport au modèle précédent, celui que portait Eliud Kipchoge lors de sa tentative ratée de descendre sous les deux heures au marathon. Avec ces nouvelles chaussures, aurait-il réussi? Non! En partant du principe qu’un gramme supplémentaire au niveau du pied vaut environ 0,5 seconde sur marathon, les nouvelles VaporFly lui auraient permis d’arriver dix secondes plus tôt. Mais le débours total était de 25 secondes. Il en reste 15 à grappiller quelque part. www.nike.com

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160€

L’Adidas Parley a dépassé le cap du million de paires vendues. En 2016, l’équipementier allemand s’était associé avec Parley for the Oceans, une ONG luttant pour l’assainissement des océans. L’idée? Concevoir un modèle fabriqué à 95% en plastique récupéré. Soit l’équivalent de onze bouteilles!

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Soit, en millions de tonnes, la quantité de plastique contenue dans nos mers et océans. Si rien ne change, on s’attend à ce que cette masse augmente encore d’un tiers en 2025. A l’horizon 2050, elle sera même supérieure à celle des poissons!

Appelez-moi

Jerry

Ce cachalot est récemment venu mourir sur une plage espagnole, son tube digestif ayant été complètement obstrué par les déchets plastiques. Sa dissection a permis d’en extraire 29 kilos, dont un jerrycan qui lui fut probablement fatal.


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COURRIER_DES_LECTEURS RÉAGISSEZ SUR WWW.ZATOPEKMAGAZINE.COM OU ENVOYEZ VOTRE COURRIER Pour la France et la Suisse: Chemin Georges Brassens - 7, lotissement les Cigales - 84210 Pernes Les Fontaines Pour la Belgique: 177 rue Vanderkindere - 1180 Bruxelles

Zatopek décapé! Comme beaucoup de vos lecteurs, je suis une inconditionnelle du magazine. Mais il y a un truc qui me chiffonne à chaque fois. Votre façon d’utiliser le signe “+/-” pour signifier qu’une valeur est approximative. Dans ces cas-là, il vaut mieux choisir la vaguelette. Ainsi dans l’article du précédent numéro sur la longévité dans lequel on promettait aux coureurs quinquagénaires une espérance de survie de “+/- 33 ans”, il aurait mieux valu écrire “~ 33 ans”. Notez que vous n’êtes pas les seuls à commettre l’erreur. Je remarque la même chose pour la peinture. On achète un pot qui permet de couvrir “+/- 5m²”. Alors si on tombe sur +5 mètres carrés, on a de la chance. Et si c’est -5 mètres carrés, c’est sans doute qu’on a acheté un pot de décapant! Isabelle Ferry

De battre mon cœur est reparti 1/ Dans l’article “Au secours, mon smartphone!” du précédent numéro, un petit encadré décrit l’utilisation d’un défibrillateur et sa lecture laisse penser que l’usage de cet appareil rend le massage cardiaque superfétatoire. Et c’est ce que je croyais aussi avant de suivre une formation de secouriste. Or ce n’est pas le cas! Les deux sont nécessaires. Nathalie Voutier 2/ Dans l’encadré sur le DAE (défibrillateur automatisé externe), vous oubliez de dire que son utilisation doit être couplée à une réanimation cardio-pulmonaire (bouche-à-bouche et massage cardiaque) et ce, même après le choc. En effet, l’appareil peut stopper une fibrillation. Mais si les organes (cœur, cerveau) ne sont pas correctement oxygénés par la suite, la survie de la victime reste menacée. Je profite de cette réaction pour passer un petit coup de gueule! A quand une formation obligatoire pour tous sur les gestes qui sauvent? Mettre à disposition des appareils, c’est très bien. Mais la base serait quand même de mettre en place un apprentissage très large des gestes qui sauvent. Nicolas Le Vern

Notre réponse

Ces lecteurs ont tout à fait raison. Face à une personne qui ne respire plus, on doit appeler le 112 et masser en toute priorité. Après bien des débats, un consensus s’est établi pour alterner trente compressions (en quinze secondes) et deux insufflations (bouche-à-bouche). Pendant ce temps, une autre personne se mettra en quête d’un défibrillateur. En cas de succès, on branchera la machine et on suivra les instructions. Après le choc, il arrive que la victime se remette spontanément à respirer et son cœur à battre. Parfois même elle reprendra conscience. On la couche alors sur le côté en PLS (position latérale de sécurité) tout en laissant les électrodes branchées pour que le DAE puisse continuer son travail de monitoring et alerter en cas de nouvelle défaillance. Cette situation est très rare. Dans l’immense majorité des cas, la victime reste inerte après la décharge et ne respire toujours pas. On poursuit alors le massage cardiaque tout en laissant le branchement en place. L’appareil procédera alors à de nouvelles analyses à échéances régulières, quitte à répéter l’administration de chocs électriques après un délai de deux minutes. Dans ce cas, elle avertira évidemment les intervenants pour qu’ils s’écartent du corps. En clair, retenez que le DAE analyse et donne en direct les instructions. Il suffit de les suivre à la lettre.

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La plume et le camion Je voudrais réagir au lien que vous faites souvent en associant l’accélération en descente à la masse d’un objet. Un lien un peu trop rapide à mon sens dans la mesure où la masse n’a aucune influence sur l’accélération d’un solide, que ce soit dans le vide ou dans n’importe quel autre fluide. Seul compte le volume et donc la surface de contact à l’origine de la résistance. On peut en faire la démonstration avec une simple plume: lâchez-la tige vers le bas, elle tombera vite. Faitesla tomber à plat, elle flottera plus longtemps dans les airs avant de toucher le sol. Même masse, même volume mais surface de contact différente. Samuel Merlet

Notre réponse

Objection! La masse compte aussi dans la vitesse de la chute d’un mobile (sauf dans le vide). Elle intervient en effet dans le calcul de la force (mg.sin α) qui s’oppose aux forces de résistance (1/2ρSCx.V²). Raison pour laquelle un camion lourd ira toujours plus vite en descente qu’un camion léger. Pour les humains, le calcul est un peu plus difficile dans la mesure où la masse et le volume augmentent à l’unisson. Plus on est lourd, plus on est large et plus on oppose de résistance au vent. Les plus corpulents conservent néanmoins l’avantage. Et c’est logique. La résistance dépend d’une surface et donc d’une mesure au carré. L’énergie cinétique dépend d’un volume et donc d’une mesure au cube. La valeur d’un cube étant supérieure à celle d’un carré… Avantage aux lourds!


ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, IL ARRIVE QU’ON DÉCOUVRE UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT D’UN TOUT AUTRE PROFIL. CELLE-CI DATE DU MARATHON DES DERNIERS JEUX DU COMMONWEALTH ORGANISÉS À GOLD COAST EN AUSTRALIE.

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e tracé de la course était particulièrement inintéressant. Les coureurs devaient faire un aller-retour en bord de mer avec un départ et une arrivée depuis le lagon de Broadwater. Il faut comprendre que cette fameuse Gold Coast australienne n’est pas une ville à proprement parler mais un chapelet de cités balnéaires sur la côte Pacifique. Dans le lointain, on devine d’ailleurs les gratte-ciels de Surfers Paradise, une ville-champignon dédiée au sport.

_COMMONWEALTH 2018

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a course des hommes est partie à 8 heures et quart. Il sera bientôt 10 heures et demie. En réalité, c’est plus! Deux semaines plus tôt, l’Australie était passée à l’heure d’hiver, ce qui explique que le soleil soit proche du zénith comme on le voit aussi aux ombres presque à l’aplomb des personnes.

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a réaction du public et des accompagnateurs fut très critiquée. Certaines personnes filmaient la scène ou prenaient des photos. D’autres applaudissaient et encourageaient le coureur à se remettre sur pied ce dont il était objectivement incapable. Même les secouristes mirent longtemps à lui venir en aide. Certes, le premier geste de soin entérine sa disqualification. Mais il était évident qu’il n’allait pas pouvoir terminer la course dans cet état.

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et athlète s’appelle Callum Hawkins. Il est Ecossais. Il avait 25 ans au moment des faits et comptait parmi les favoris puisque, dans la liste des engagés, on ne retrouvait aucun des habituels cadors de la discipline. Pas même dans l’équipe kényane. Or Hawkins avait déjà parcouru la distance en 2 heures et 10 minutes au Marathon des Championnats du monde de Londres l’année passée (huitième à l’arrivée). Il a pris la tête avant la mi-course et comptait près de deux minutes d’avance sur ses poursuivants lorsqu’il s’est effondré à deux kilomètres du but, perdant totalement connaissance. Après l’arrivé, il aurait demandé à ses proches s’il avait gagné: «Devant leur silence, j’ai compris que ce n’était pas le cas.»

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LA MUSE_DU COACH ENVOYEZ-NOUS VOS QUESTIONS ET NOTRE ENTRAÎNEUR ROGER PRENDRA SA PLUS BELLE PLUME POUR VOUS RÉPONDRE.

IGO

Le courrier doit être adressé à la rédaction: info@zatopekmagazine.com ou directement via notre site www.zatopekmagazine.com. Vous pouvez y poster directement vos questions en cliquant d’abord sur l’onglet "vos réactions" et puis sur "exprimez-vous". Face à l’abondance de courriers, seuls les abonnés auront désormais le privilège d’une réponse longue et personnalisée. Il suffit de mentionner vos noms et prénoms. L’ancien sous-officier d’élite Roger Igo exerce le métier d’entraîneur depuis plus de trente ans. Fort de ses nombreux titres et distinctions en cross, sur route et en montagne, il vous apportera ses réponses.

LA MEILLEURE FAÇON DE MARCHER

Pour le mois d’août, je me suis inscrit à la “Dodentocht” de Bornem qui consiste à marcher 100 kilomètres en moins de 24 heures. Cela fait donc quelque mois que j’ai troqué ma tenue de coureur contre celle de marcheur. Mais j’avoue ne pas trop savoir comment m’y prendre pour aborder cette course sereinement. Geoffrey Notre réponse On ne vous donnera pas la traduction de “Dodentocht” en néerlandais. On précisera seulement qu’il est usurpé puisqu’on ne recense en définitive qu’un seul décès en 48 éditions. En revanche, c’est vrai. Il s’agit d’une épreuve exigeante qui nécessite d’être en bonne forme et bien préparé. Bref, il ne faut pas se laisser abuser par le nombre de participants (13.000 en 2017) qui pourrait faire croire à une promenade facile, tout comme la promesse de boire à l’œil lors des escales dans les différentes brasseries situées sur le parcours. Comment s’y préparer? C’est difficile parce qu’il y a peu d’épreuves semblables où se faire les dents. Si! Il y a les quatre jours de Nimègue (*) au mois de juillet qui peuvent servir de première expérience. Pour l’entraînement, on conseille de suivre un programme hebdomadaire à base de quatre séances peu intenses mais suffisamment longues (minimum deux heures) en variant et en enchaînant les efforts: marche, course, natation, vélo. L’important sera d’habituer votre organisme à fonctionner dans la durée. Avant l’événement, il faudra aussi se tester sur une ou deux sorties longues (minimum 50 kilomètres). Songez enfin que, dans ce genre d’épreuve, on ne réussit pas toujours du premier coup et que l’expérience d’un échec sert parfois les tentatives ultérieures.

Ampoules à longue durée 14 ZATOPEK_47

(*) Il faut couvrir une distance comprise entre 30 et 50 kilomètres pendant quatre jours consécutifs. Cet événement attire plus de 45.000 marcheurs!

Parcourez aussi notre grande bibliothèque de questions et de réponses. Vous y trouverez peut-être votre bonheur!

»»www.zatopekmagazine.com

TOUT VA BIEN ET POURTANT, NON

Agé de 58 ans, je pratique la course à pied depuis de nombreuses années. Depuis un an sont apparus des symptômes qui jusque là m’étaient inconnus: l’impression de ne plus pouvoir respirer normalement, parfois même des sensations douloureuses au niveau du thorax; tout cela accompagné d’une fatigue telle que je dois impérativement lever le pied ou même me mettre à marcher. Un test d’effort chez le cardiologue (avec échographie cardiaque) ainsi qu’une radio des poumons n’ont rien révélé d’anormal. Et pourtant, je continue de courir au ralenti. Quelle pourrait être l’explication? Pierre Notre réponse La fatigue profonde que vous décrivez fait penser aux symptômes d’un surmenage par effondrement du système nerveux orthosympathique. Cela survient parfois chez des personnes qui s’entraînent intensivement en endurance depuis de longues années. Contrairement aux idées reçues, le surentraînement ne résulte pas toujours d’une augmentation brutale de la charge. Il peut venir aussi d’une baisse temporaire de ses capacités d’adaptation en raison d’une maladie, d’un trop plein de soucis ou d’un manque de sommeil. En vieillissant aussi, un même programme peut se révéler progressivement trop lourd à supporter. Cette situation n’est pas rare chez les vétérans actifs car, trop souvent, ils veulent garder le même rythme sans tenir compte du fait que leur potentiel s’érode. Que faire? Ne pas gamberger. Ne pas s’obstiner. Adapter ses séances en fonction de la forme du moment. Varier les efforts. Et surtout se fixer des objectifs différents plutôt que de faire et de refaire les mêmes courses et de déprimer à chaque fois en assistant au déclin de ses performances.


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CULTURE_CLUB

SHAKESPEARE ET LE GLYCOGÈNE

BEAUCOUP D’ÉCRIVAINS SONT ÉGALEMENT COUREURS À PIED. EN REVANCHE, ILS NE SONT PAS TELLEMENT NOMBREUX À AVOIR ÉCRIT SUR CETTE PASSION. IL Y AVAIT HARUKI MURAKAMI AVEC SON AUTOPORTRAIT DE L’AUTEUR EN COUREUR DE FOND. VOICI LE LIVRE DE CÉCILE COULON, PETIT ÉLOGE DU RUNNING (ED. FRANÇOIS BOURIN). QU’EST-CE QUI VOUS A DONNÉ L’ENVIE DE PUBLIER CE PETIT ÉLOGE?

En 2015, j’avais écrit un roman qui s’intitulait Le Cœur du pélican et qui racontait l’histoire d’un jeune prodige du 800 mètres dont la vie bascule à la suite d’une sale blessure au talon d’Achille. A la suite de quoi, j’ai été contactée par les éditions François Bourin pour rédiger un ouvrage sur la course à pied dans leur collection des Petits éloges (*).

POURQUOI AVEZ-VOUS UTILISÉ LE MOT «RUNNING» DANS LE TITRE, PLUTÔT QUE «COURSE À PIED»?

TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN

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Parce que c’est un mot d’aujourd’hui. C’est amusant d’ailleurs de voir l’évolution lexicale autour de cette activité. Au départ, on parlait de course à pied comme d’un sport qui se pratiquait essentiellement dans les stades. Puis ce fut le jogging. Dans les années 70, la génération post-hippie s’est emparée de ce sport comme d’un autre moyen pour «planer». La course s’inscrivait alors dans un mouvement plus large de révolte contre les carcans sociaux au même titre que le féminisme ou l’écologie naissante. Ensuite, on a parlé de footing, qui comprenait

Cécile Coulon a commencé sa carrière d’écrivaine à 16 ans avec un premier roman intitulé Le Voleur de vie, paru en 2007. Une dizaine d’autres ont suivi dont Trois saisons d’orage qui a obtenu le Prix des Libraires l’année passée.

une notion de santé, de bien-être et un rejet de la compétition. DEPUIS DIX ANS, LE TERME «RUNNING» A TOUT ÉCRASÉ…

Il est plus tendance, c’est vrai. Je pense également qu’il a été poussé par le marketing. Il porte aussi en lui l’illusion que l’équipement va permettre d’améliorer ses performances. Ce qui est un leurre évidemment!

POURQUOI DÉDIEZ-VOUS VOTRE LIVRE À «CELLES ET CEUX QUI COURENT SANS RAISON»?

J’aurais pu écrire à «celles et ceux qui courent pour rien». Ils n’espèrent rien en retour: pas de performance, pas de perte de poids. Rien! Seul compte le plaisir! Personnellement, je suis dans cet état d’esprit. Cela me vient de ma famille, j’imagine. Mon père était pongiste. Ma mère faisait de l’athlétisme. Mes frères jouaient au foot. Il arrivait souvent qu’on coure ensemble. Pour moi, ces sorties sont devenues aussi naturelles que d’aller boire un verre avec des amis, de marcher, de lire, d’aller au cinéma. Elles font partie de ma vie (**).


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ENTRAÎNEMENT_

CALMONS-NOUS! TOUS LES ENTRAÎNEURS LE DISENT. IL NE FAUT JAMAIS ARRÊTER UN EFFORT DE FAÇON ABRUPTE MAIS DIMINUER LENTEMENT SON INTENSITÉ. C’EST LE FAMEUX «RETOUR AU CALME» AUQUEL TOUT LE MONDE OU PRESQUE SACRIFIE. POURQUOI?

«E

n théorie, il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique. En pratique, il y en a énormément!» Cette expression magnifique, on la doit à un bonhomme qui s’appelait Yogi Berra (19252015), ex-joueur et entraîneur américain de baseball, connu surtout

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pour ses nombreux aphorismes (lire encadré). Ici, Yogi Berra tape dans le mille. Et on va le démontrer avec un rituel que connaissent bien tous les sportifs: celui du «retour au calme». Cette expression désigne évidemment les quelques minutes ou dizaines de minutes d’activité légère par lesquelles on se doit de terminer n’importe quel gros effort produit en

compétition ou à l’entraînement. On parle aussi de «décrassage». De façon imagée, il s’agit en effet d’accélérer le recyclage des déchets métaboliques et se prémunir ainsi contre la survenue de courbatures. Aux Etats-Unis, les sondages montrent que 89% des entraîneurs le recommandent et 53% d’entre eux privilégient la course à pied (1). Voilà pour la théorie. Et en pratique? Pour les besoins de cet article, nous avons repris les conclusions de quelques-unes des études les plus intéressantes sur la question pour tirer des enseignements que nous ne dévoilerons pas tout de suite. Contentons-nous de dire que Yogi Berra n’aurait pas été déçu!


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VOYAGE_VOYAGE

TAIS-TOI

ET NAGE! «-DIS PAPA, C’EST LOIN L’AMÉRIQUE? -TAIS-TOI ET NAGE!» CETTE BLAGUE ÉCULÉE NOUS SERT D’INTRODUCTION POUR PRÉSENTER UN NOUVEAU SPORT QUI IMPLIQUE LUI AUSSI DE FAIRE PREUVE DE BEAUCOUP DE PERSÉVÉRANCE. «-LEQUEL? -TAIS-TOI ET LIS!»

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D

ans cet article, on parle du swimrun. Sur le principe, on ne doit pas s’étendre. Tout est dit dans le nom. Il s’agit en effet de parcourir une distance donnée en alternant la pratique de la natation («swim») avec celle de la course à pied («run»). L’effort rappelle vaguement un sport qui existait autrefois sous le nom «steeplechase aquatique». Tout le monde l’a oublié évidemment. Mais la discipline figurait au programme des Jeux olympiques de Paris en 1900. Les participants nageaient dans la Seine et devaient régulièrement s’extraire de l’eau pour contourner des obstacles ou escalader des barques. Il fallait donc courir et nager. On retrouve là l’essence du swimrun. Sans qu’il soit possible cependant d’établir de filiation entre ces deux sports. Et pour cause! Il y a presque un siècle entre la date de disparition de l’un et celle d’apparition de l’autre. En creusant un peu, on peut trouver d’autres similarités au swimrun, notamment avec le pentathlon moderne que le baron Pierre de Coubertin inventa en 1912 en prévision des Jeux de Stockholm. Là encore, il s’agit d’associer des épreuves de course à pied et de natation, mais pas seulement. Le pentathlon comprend aussi l’escrime, le tir au pistolet et l’équitation. Toutes des disciplines militaires. Pour convaincre ses interlocuteurs du génie de son idée, le baron de Coubertin racontait toujours la même histoire: celle d’un valeureux soldat qui aurait été fait prisonnier Jesper Svensson et Daniel Hansson, l'union fait la Försvarsmakten

A DEUX, C'EST MIEUX!

par l’ennemi puis se serait évadé après s’être vaillamment battu à l’épée et au revolver. Il s’était alors emparé d’un cheval et aurait galopé jusqu’à la rivière pour la traverser à la nage avant de rejoindre les siens au pas de course. Voilà l’idée qui prévalait à la création du pentathlon. Ce sport existe toujours aujourd’hui et rencontre un succès mitigé. Il faut dire que les compétitions sont difficiles à organiser tant elles nécessitent d’infrastructures: piscine, manège, salle d’armes, stand de tir et piste d’athlétisme. Aussi lui a-ton trouvé des variantes moins coûteuses comme le triathlon (nage,

vélo et course à pied) ou le duathlon (course à pied, vélo et course à pied à nouveau). Attention aussi à ne pas confondre avec le biathlon (ski de fond et tir à la carabine), le «ride and tie» (équitation et course à pied) ou encore le «bike and run» (vélo et course pied) (*). Des sports combinés, il en existe pour tous les goûts et dans tous les styles! Revenons au swimrun et à son épreuve vedette qui a lieu chaque premier lundi de septembre dans l’archipel de Stockholm au cœur de la mer Baltique: l’«Otillö» (en un mot). Ce qui est bien trouvé puisque l’expression «ö till ö» signifie «d’île en île» en suédois.

Une épreuve née dans l’aquavit L’histoire du swimrun et de l’Otillö (les deux se confondent) est récente. Elle commence au début des années 2000, dans un bistrot sur l’île d’Utö au large de Stockholm. Ce soir-là, on a beaucoup bu, semble-t-il. On s’est beaucoup vanté aussi. Et on s’est lancé des défis sportifs à la tête avec cette assurance que procure l’alcool et qu’on regrette souvent le lendemain. C’est amusant parce que la genèse de l’épreuve ressemble très fort à celle qui marque la naissance du triathlon d’Hawaii (**).

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LINGUISTIQUE_ET PERFORMANCE

A L’ORIGINE

Taoufik Makhloufi, le seul Algérien à avoir décroché trois médailles aux Jeux olympiques.

DES RAZZIAS SI LES MEILLEURS MARATHONIENS PROVIENNENT PLUS SOUVENT D’AFRIQUE DE L’EST, LES AUTRES DISTANCES DE FOND SONT L’APANAGE DES COUREURS NORD-AFRICAINS. DU MAROC À LA SOMALIE, ILS TRUSTENT LES HONNEURS. QUEL EST LEUR SECRET?

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«E

n Syrie, un honnête homme ne court jamais. Pour lui, ce serait comme perdre la face.» Drôle de précepte! Il figurait pourtant dans un manuel intitulé Savoirvivre international et paru en 1951. Un dessin illustrait ce dicton en montrant un Syrien restant impavide devant un chien menaçant, tandis que son compagnon (visiblement européen) prenait ses jambes à son cou. S’ensuivait une description idyllique de la vie, si «facile» dans cet ancien protectorat français que toute précipitation y était de ce fait déplacée. D’où cette exhortation à ne pas courir! On en déduira deux choses qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Primo. Les temps ont bien changé!


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ENTRETIEN_

A L’ÉCOLE DES HOMMES LIBRES INSCRIT DANS LE GUINNESS BOOK DES RECORDS COMME L’HOMME LE PLUS RAPIDE À TRAVERSER LE DÉSERT, LE MAROCAIN MOHAMAD AHANSAL S’EST RECONVERTI DANS L’ORGANISATION DE TRAILS: UN NOUVEAU MÉTIER QUI L’AMÈNE À PARLER TOUTES LES LANGUES. OU PRESQUE. COMBIEN DE LANGUES PARLEZ-VOUS?

Ma langue maternelle est le tamazight (NB: littéralement, «le langage des hommes libres»). C’est la langue des Berbères qui habitent le sud du Maroc. Elle n’a rien à voir avec l’arabe. L’alphabet n’est pas le même. La grammaire non plus. Par exemple, le tamazight s’écrit de gauche à droite. L’arabe dans l’autre sens. Ensuite, j’ai appris l’arabe à l’école. A l’époque, c’était la seule langue autorisée dans l’enseignement. Cela a changé en 2001 avec un arrêté royal qui autorise les cours en tamazight. Le français est venu plus tard, lors de mes études supérieures. Comme j’ai vécu plusieurs années à Munich, je parle aussi correctement l’allemand. Je me débrouille en anglais et en espagnol.

ET LA LANGUE DE SIGNES? (NB: LORS DE LA DERNIÈRE ÉDITION DU TRANS ATLAS MARATHON, UN PARTICIPANT ALLEMAND PRÉSENTAIT LA PARTICULARITÉ D’ÊTRE SOURD ET MUET. MOHAMAD AHANSAL ET SON ÉQUIPE SEMBLAIENT N’ÉPROUVER AUCUNE DIFFICULTÉ POUR DIALOGUER AVEC LUI. BLUFFANT!)

(Il sourit). Non, je ne parle pas la langue des sourds. J’improvise! Quand on veut dialoguer avec un étranger, on trouve toujours un moyen, non?

NON, JE VOUS ASSURE QUE, DANS CETTE PARTIE DU MONDE, LES GENS SONT PARTICULIÈREMENT DOUÉS POUR L’APPRENTISSAGE DES LANGUES.

On est un peu forcés aussi. Cela fait une grande différence avec les

Européens ou les Américains qui peuvent se permettre de voyager dans le monde en ne parlant que leur langue maternelle. Avec le tamazight, non, ce n’est pas possible. DANS L’ARTICLE, ON FAIT LE LIEN ENTRE LE NOMADISME, LE DON POUR LES LANGUES ET L’APTITUDE À LA COURSE À PIED. QU’EN PENSEZ-VOUS?

Les nomades faisaient du commerce. Ils devaient échanger avec toutes sortes de populations, distantes les unes des autres de plusieurs centaines de kilomètres et donc parler différentes langues. De plus, ils avaient l’habitude de vivre dans la nature et trouvaient le moyen de s’acclimater à tout. Dans le trail, c’est important! J’ai passé des jours entiers de mon enfance à chasser les chèvres et les moutons et à parcourir de longues distances pour aller à l’école. A côté de cette vie à la dure, une épreuve comme le Marathon des Sables ne me semblait pas insurmontable.

VOUS VOUS ÊTES DÉCOUVERT UN TALENT DE COUREUR PRESQUE PAR HASARD. PENSEZ-VOUS QUE D’AUTRES SOIENT COMME VOUS DÉPOSITAIRES DE DONS ATHLÉTIQUES QU’ILS IGNORENT?

J’en suis sûr! C’est pourquoi l’un de mes objectifs en tant qu’organisateur est de leur donner une chance de se faire un nom dans la discipline. Chaque année, j’offre la participation au Trans Atlas Marathon à dix athlètes du coin. Cela a permis de lancer les carrières d’Abdelaziz Bachazza (4 victoires) ou d’Aziza Raji (5 victoires). L’année prochaine, ils s’aligneront aussi sur le Marathon des Sables. On va en entendre parler, c’est sûr! Propos recueillis par Aurore Braconnier

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CAH I E R TECH N IQU E

SOMMAIRE

1 Edito 2 A vos agendas

- Gondo Marathon - VCV - Tour du Pays de Vaud - La Foulée de Bussigny - SwissPeaks Trail - Brugger Laufwochenende - Les KM de Chando - Le Lion - La Chavannaise - Night Run Morges - Lausanne Marathon - Trophée de la Vallée du Flon - Corrida bulloise - Foulées Automnales de Meyrin

12 Ça a eu lieu

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- 20KM de Lausanne - Urban Trail des Singes - Trail des Reculées

La Loco du moment

Celine van Till: D'un parcours hippique à un parcours épique

15 Actualités science 22 Images science

Edito Le corps est un voyant L’automne dernier, nous* avons mené une étude scientifique d’envergure auprès de 110 coureurs réguliers. Nous avons mesuré leurs foulées sous toutes les coutures (mouvements en 3D, consommation d’oxygène, plateformes de force, accéléromètres, électromyogrammes…), en conditions réelles (sur le stade plutôt qu’en laboratoire). Et pour la première fois depuis que nous menons de telles études, une part notable des coureurs (environ 40 %) s’est inventée "des foulées avec la tête". Et la tête actuelle est aérienne. Nous avons ainsi assisté à un jeu qui aurait pu s’appeler "le plus aérien a gagné". Les terriens tentaient la plante de pied et le rebond sans même savoir que leurs bras continuaient de déployer un mouvement typique des terriens. Certains aériens se donnaient des coups de talon aux fesses comme soucieux de retirer aussi vite que possible leur pied du sol. "On m’a dit qu’il était préférable d’être court à l’appui"! Bref, nous avons vu un florilège d’inventions qu’une tête entêtée engendre dans un concert de techniciens qui ne touche plus terre. Cet "appel d’air" donnait autant de motricités plaquées et souvent (mais pas toujours) inefficaces. Sans compter les blessures induites par les bascules sur l’avant. Nous en collectons des centaines depuis quelques années. Avant d’obliger notre foulée selon les diktats de la mode du moment, respectons notre nature. Si elle n’en peut plus, alors acceptons le changement pour aller davantage sur l’arrière ou sur l’avant. Mais ne courons pas sans nous. Sans intelligence intrinsèque, nos corps ne nous auraient pas emmenés où nous sommes. Vivants. Il est un maitre dans la capacité à s’équilibrer, s’orienter et s’économiser. Moult expériences actuelles en neurosciences montrent combien notre corps sait plus que nous nous savons. Écoutons-le, il a tant à nous dire.

Le corps sait des choses Comme s’il voyait tout bas Oui le corps sait des choses Qui trahissent tout de moi ** Cyrille Gindre - Volodalen

* L’équipe Volodalen / ** Paroles de la chanteuse Daphné

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AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE 2018 LOCOMOTIVE

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LA LOCOMOTIVE CAHIER CENTRAL ACTUS COURSES & ACTUS SCIENCE 24 PAGES


INTERVIEW_

LA COURSE À PIED EST-ELLE UNE RELIGION?

AUTREFOIS, ON ALLAIT À LA MESSE LE DIMANCHE. PAS TOUT LE MONDE, CERTES. MAIS BEAUCOUP DE GENS TOUT DE MÊME. AUJOURD’HUI, ON VA COURIR. MÊME REMARQUE QUE PRÉCÉDEMMENT. CELA JUSTIFIE-T-IL QU’ON ÉTABLISSE UN PONT ENTRE LE SPORT ET LA RELIGION? VOUS AVEZ BEAUCOUP ÉCRIT SUR LES RITES ET LA RELIGION. DANS UN DE VOS OUVRAGES, VOUS AVEZ TENTÉ DE COMPRENDRE L’ÉNORME SUCCÈS DE LA COURSE À PIED DANS LE MONDE. Y AURAIT-IL UNE ANALOGIE ENTRE CES DEUX ACTIVITÉS?

Professeure émérite de l’Université Paris-Nanterre, l’ethnologue Martine Segalen (77 ans) est célèbre pour ses travaux sur la famille et les comportements rituels. Elle était donc la personne idéale pour évoquer le lien entre les croyances religieuses et la pratique de la course à pied, puisque elle-même court depuis de nombreuses années.

La course à pied est ainsi faite qu’elle fixe facilement des habitudes. On fait souvent les mêmes parcours d’entraînement. On sort les mêmes jours, aux mêmes heures avec les mêmes personnes. En ce sens, oui, cela rappelle des rites religieux. Dans les années 60-70, je faisais partie d’un groupe de coureurs qui se donnaient rendez-vous tous les jours au bois de Saint-Cloud

à l’ouest de Paris. Il fallait être là à 13 heures précises. Un horaire fixe, comme pour la messe. Eh bien, il n’y avait pas besoin de rameuter les troupes. Personne n’était en retard, quelles que soient la météo ou les difficultés de circulation. J’en déduis que nous trouvions «quelque chose» derrière le caractère forcément un peu pénible de l’effort physique. QUELQUE CHOSE DE COMPARABLE À UN RITE?

Peut-être. Le sociologue Emile Durkheim décrit le rite comme une transformation de soi. Il peut s’agir d’une communion, d’une fête, d’une célébration, d’une épreuve physique.

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INTERVIEW_ 5 PAGES


TÉMOINS_

DIEU

EST PARTOUT

«SI DIEU EST PARTOUT, IL EST AUSSI DANS CETTE BOÎTE À CHAPEAU», S’AMUSAIT L’ARTISTE BEN EN 1962. DANS CE DOSSIER, ON REPREND L’IDÉE: «SI DIEU EST PARTOUT, IL EST Dossier réalisé par Olivier Beaufays AUSSI DANS MES JOGGINGS». KAJ INVESTIGATION KAJ ARNÖ, PAR AILLEURS PROFESSEUR DE TECHNOLOGIE À L’UNIVERSITÉ D’HELSINKI (PAS COMPLÈTEMENT BARJOT, DONC).

«En 2009, j’ai créé une nouvelle religion mondiale qui s’appelle ‘  le runnisme’. Comment la résumer? Disons qu’on se sert de la course à pied pour accéder au divin.»

HISTOIRES DE CULTES OLIVIER CABRERA AUTEUR EN 2017 DE COURIR EN DÉCALÉ DE A À Z À 360° (DISPONIBLE SUR AMAZON)

«Dans mon livre, je me suis amusé à relever les nombreuses analogies entre la religion et la course à pied.» La religion, c’est sacré! Courir aussi, c’est sacré! Il suffit de voir la réaction des adeptes quand cette pratique est critiquée… Un blasphème! La religion repose sur des dogmes. Courir fait maigrir. Courir rend plus heureux. Courir nous protège des maladies. La religion implique l’existence d’un Dieu. Le chronomètre! Il faut des prêtres pour organiser le culte. Coach, préparateur mental, diététicien, kiné. La religion impose certaines pratiques. Pasta party, étirements, récupération. Et des objets rituels. Coupes, médailles, dossards et autres fétiches. 40 ZATOPEK_47

LA VIE DE RYAN Jusqu’à un passé récent, Ryan Hall faisait partie des meilleurs coureurs de fond des Etats-Unis. Il est toujours détenteur des meilleures performances nationales sur marathon (2h04’58 à Boston en 2011) et sur semi-marathon (59’43 à Houston en 2007). L’histoire de sa vie est vraiment très étrange et en prise directe avec ses convictions religieuses. Tout commence par une grande lassitude qu’il ressent à l’approche du marathon de Chicago à l’automne 2010. On lui diagnostiquera une hypothyroïdie. Mais il ne le sait pas encore et il se confie à son entraîneur, Terrence Mahon. «Au lieu de m’aider, il a suggéré que c’était de ma faute», se souvient Ryan Hall. «Que je n’avais plus envie de me faire aussi mal qu’auparavant.» Déçu par cette réaction, il décide alors de rompre les ponts et de s’entraîner seul! Enfin, pas tout à fait. Il compte beaucoup sur l’aide de Dieu. «J’étais un coureur qui se trouvait être chrétien. Je suis devenu un chrétien qui se trouve être coureur.» Toutes ses habitudes sont désormais passées au crible de sa foi. A l’image de Dieu qui s’était accordé un repos au septième jour de sa construction du monde, il coupe sa préparation une fois par semaine. Dans la Bible, il découvre aussi un passage qui encourage les fermiers à laisser leurs champs en jachère tous les sept ans (psaume 23,11). Il décide d’appliquer cette règle à lui-même. Toutes les sept semaines, il passe de deux séances hebdomadaires à une seule. Pour le travail en côte, il se leste d’un gilet de plusieurs kilos en s’inspirant de l’histoire de Samson hissant sur ses épaules les portes de Gaza pour les porter au sommet de la colline faisant face à Hébron. Parfois ses inspirations lui jouent des tours. A l’instar des troupes israéliennes du roi Saul avant leur victoire contre les Philistins, il se met à jeûner avant les compétitions. «J’avais oublié que cette diète les avaient considérablement affaiblis», explique-t-il. Avec le recul, il reconnaît avoir commis d’autres erreurs. Dieu serait-il un mauvais entraîneur? «Non! L’erreur ne vient jamais de lui» s’offusque-t-il. «C’est plutôt moi qui ai mal interprété ses messages.» Le tandem a fonctionné pendant quatre ans jusqu’à ce que Hall raccroche, victime de blessures récurrentes aux ischio-jambiers. Sans amertume particulière. «Cela fait partie de la vie», commente-t-il. «On prend des risques et on voit ce qui se passe». C’est dans la Bible?


TÉMOINS_ 7 PAGES


A LA DÉCOUVERTE

DU DANA RUN DÉCIDÉMENT, ON MET LA COURSE À PIED À TOUTES LES SAUCES. EN ISRAËL, IL EXISTE MÊME UNE ÉCOLE QUI PRÔNE DE S’EN SERVIR POUR FAIRE DE VOUS UNE MEILLEURE PERSONNE. TOUT SIMPLEMENT. ELLE S’APPELLE «DANA RUN».

N

ous sommes en 1957. Les Soviétiques ont lancé dans l’espace la petite chienne Laïka (sans espoir de retour) et Jacques Anquetil vient de remporter son deuxième Tour de France. Cette année-là, un autre Jacques,

surnommé le «Grand Jacques», sortait un album intitulé Quand on a que l’amour qui allait marquer l’histoire de la chanson française. Brel y mettait ses tourments en paroles et en musique. Dans la deuxième chanson, il s’interrogeait: «Qu’avons-nous fait bonnes gens de la bonté du monde?

On l’aurait cachée au fond d’un bois, que ça ne m’étonnerait guère, on l’aurait enfouie dix pieds sous terre, que ça ne m’étonnerait pas». Dans ce titre pas très connu, il oppose l’individualisme de son temps aux solidarités d’autrefois. «C’est dommage, de ne plus voir, à chaque soir, chaque matin, sur les routes, sur les trottoirs, une foule de petits Saint-Martin.» La référence porte évidemment sur l’histoire de cette grande figure de la chrétienté qui a partagé son manteau avec un nécessiteux. Cela se passait au IVe siècle de notre ère. On en parle encore!

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PHILOSOPHIE_ 3 PAGES


POLÉMIQUE_

LE CASSE-TÊTE

SEMENYA CERTAINS PROBLÈMES N’ONT PAS DE SOLUTION. DANS LE MONDE DE L’ATHLÉTISME, IL SEMBLE QUE CE SOIT LE CAS DE CELUI POSÉ PAR LA SUD-AFRICAINE CASTER SEMENYA.

S

i vous connaissez déjà l’histoire de Caster Semenya, vous avez l’autorisation de passer directement au paragraphe suivant. Sinon, voici quelques données qui la résument. Caster Semenya est sudafricaine. Elle a 27 ans. Elle est la meilleure du monde dans sa discipline, le 800 mètres, où elle a décroché deux titres olympiques et trois victoires aux championnats du monde. Série en cours. Ses débuts

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dans le sport de haut niveau datent d’il y a dix ans tout juste. C’était à l’occasion des championnats du monde juniors de Bydgoszcz, en Pologne. A l’époque, sa voix grave et son corps musculeux avaient frappé les esprits. Mais comme ses performances restaient encore relativement modestes, Semenya ne faisait pas l’objet de beaucoup d’attention ni de grandes remises en question de l’arsenal législatif. Tout a changé lorsque l’année suivante, en 2009,

elle a remporté son premier titre mondial à Berlin et qu’au cours des saisons suivantes, elle s’est débarrassée de la concurrence en accompagnant ses victoires de ce geste curieux aux arrivées et qui consistait à se balayer les épaules du bout des doigts comme si elle assimilait ses adversaires à des pellicules qu’on époussette négligemment. De ce fait, elle n’était pas très aimée de ses rivales qui lui reprochaient son look trop masculin. Elle leur rétorquait


POLÉMIQUE_ 6 PAGES


MALADIE_DE LYME

A LIRE

ABSOLUMENT!

LA MALADIE DE LYME EST COMME TOUTES LES MALADIES: ON S’EN FICHE TANT QU’ELLE NOUS LAISSE TRANQUILLE. ET ON S’EN VEUT TERRIBLEMENT D’AUTANT D’IGNORANCE DÈS LORS QU’ELLE VOUS EMPRISONNE DANS SES GRIFFES. PARDONNEZ-NOUS D’ÊTRE AUSSI SOLENNELS. MAIS CET ARTICLE DOIT ÊTRE LU ABSOLUMENT PAR TOUS LES AMOUREUX DE LA NATURE: COUREURS, PROMENEURS, TRAILEURS. SURTOUT LES TRAILEURS!

A

u début, on ne remarque rien. Celle qui vient d’entrer dans votre vie est si discrète, si menue, qu’elle passe souvent inaperçue. Perchée en haut d’une herbe, la tique patiente depuis des heures, des jours voire des semaines, le nez en l’air dans l’attente de cette douce odeur de beurre rance que

AVANT APRÈS 56 ZATOPEK_47

dégagent de nombreux mammifères et qui l’excite follement (NB: il s’agit en réalité de l’odeur de l’acide butanoïque produit par le microbiote intestinal). Une fois le signal olfactif repéré, le minuscule acarien sort de sa léthargie et si d’aventure la proie se hasarde à portée de ses pinces, elle lui tombe dessus et s’y accroche solidement, trop heureuse d’avoir enfin trouvé son prochain repas (*). Etape suivante? Elle parcourt le corps de son hôte à la recherche d’un emplacement douillet, se faufilant dans le moindre bâillement de chemise ou de pantalon s’il s’agit d’un humain. Rien ne l’arrête! Puis, lorsqu’elle a trouvé le bon endroit, elle plante son rostre (toute sa tête en réalité) dans la chair et aspire le sang dont elle a besoin. Un repas gargantuesque!

Une femelle peut atteindre un poids 624 fois supérieur à celui qu’elle avait avant le début de son festin (1). Si l’on transpose cette prouesse à l’échelle humaine, il faut imaginer un être humain passant de 60 kilogrammes à 37 tonnes après quatre ou cinq jours passés uniquement à manger! Une fois repue, la tique se laissera tomber sur le sol. Hôte et parasite poursuivront leur chemin, chacun de leur côté. Et à moins qu’on ne surprenne l’insecte en flagrant délit, ce détournement de quelques gouttes de sang passera inaperçu. Car dans la salive de la tique se trouve une substance anesthésiante très puissante qui rend sa morsure complètement indolore. Après quoi, chacun reprend tranquillement le (1) Biology of ticks, par Daniel E. Sonenshine, Oxford University Press, 1991


MALADIE_DE LYME 8 PAGES


RENCONTRE_

UNE ORIENTEUSE DÉBOUSSOLÉE EN 2013, SANDRA OLIVIER VIENT D’ÊTRE SACRÉE CHAMPIONNE DU MONDE VÉTÉRANE DE COURSE D’ORIENTATION QUAND SA SANTÉ SE DÉTÉRIORE GRAVEMENT. LE DIAGNOSTIC TOMBE: LA MALADIE DE LYME. APRÈS CINQ ANNÉES DE LUTTE ACHARNÉE, ELLE RACONTE COMMENT ELLE S’EST SORTIE DE CET ENFER. VOTRE PARCOURS DANS LA COURSE D’ORIENTATION EST ASSEZ ATYPIQUE. EXPLIQUEZ-NOUS!

J’ai découvert la course d’orientation assez tardivement. J’avais 27 ans (NB: elle en a 50 aujourd’hui). C’était lors d’une formation professionnelle. J’ai trouvé ça tellement fabuleux que c’est vite devenu une passion. J’ai progressé jusqu’à obtenir des titres de championne de France. Puis j’ai pensé «tiens, il y a

OÙ COURIR? OÙ NE PAS COURIR?

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des championnats du monde vétérans. Et si j’y allais?» En 2008, j’ai fait une médaille au Portugal lors de ma première participation. L’année suivante, cela se passait en Australie. Je décroche encore l’argent et le bronze. Mais toujours pas d’or! Finalement, la victoire est tombée en 2013. En tout, cela fait cinq médailles mondiales en vétérans. J’en suis fière même si, bon, il faut relativiser! C’est un sport où on

n’est pas très nombreux. Surtout chez les femmes. QUAND AVEZ-VOUS ATTRAPÉ LA MALADIE DE LYME?

C’était en 2012, soit un an avant mon premier sacre mondial. J’avais été piquée par un insecte. Une tache rouge s’était développée au niveau du mollet. Je savais que c’était un symptôme de la maladie de Lyme. Je suis allée voir mon


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