ZATOPEK_SUISSE_53_LISEUSE

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zatopekmagazine.com

Agenda

des courses en Suisse

Zatopek

N°53 - trimestriel - février - mars - avril 2020 - Suisse - 10CHF

Le Magazine Running & Santé de référence en Suisse

Nutrition

L’éloge du jus de cornichon

Nike

Enquête sur des chaussures déloyales

Entraînement A la découverte de la méthode Pantel

Lessive

On a inventé le test du poney

NEUROSTEER L’APPAREIL QUI LIT DANS

LA TÊTE DES MARATHONIENS L 16992 - 53 - F: 5,50 € - RD

LA PERSONNALITÉ DU COUREUR

DÉCORTIQUÉE PAR VOLODALEN



ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Julien Aucouturier, Olivier Beaufays, François Borel-Hänni, Aurore Braconnier, Louise Deldicque, Marc Francaux, Adrien Jacquot, Julien Legalle, Hilde Meesters, Anouk Ramaekers CREDITS PHOTOS Agence Dumas: 10,16,17,23,24,29,32,33,34, 40,41,42,44,45,49,50,51,53,54,55,56,57,58 ,59; L’Equipe: 12; Pierre Denève: 14; iStock: 16; Billat Training: 18; Neurosteer: 20,21,23; Alamy stock photo: 21; Steven Laureys: 25; Université de Wisconsin: 25; Jeb Wallace-Brodeur:26; Lauren Petersen: 26; Belga image: 27; Skirt sport: 28; Depositphotos: 28; Twitter:29; Pixabay: 30; ITU media:31; Compex:33; Bentley historical library:36; National Library of Ireland on The Commons:36; Libre de droits: 37,41; Thomas Lovelock/INEOS 1:59 Challenge:38; Nike New:39,42,44; Afghanistan trust: 46; David Gonthier/Maxi-Race:52 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56 Trimestriel Février, mars, avril 2020 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@ zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com

SOMMAIRE_

EDITORIAL A

la fin de la série Game of Thrones, le Roi de la Nuit veut absolument tuer Brandon Stack, cet adolescent paraplégique qui possède le pouvoir de tout connaître du passé des habitants de Westeros, même leurs secrets les plus inavouables. S’il se débarrasse du garçon, il lui deviendra très facile d’imposer son règne et de massacrer les habitants pour qu’ils viennent ensuite grossir son armée des morts. Sans mémoire, le monde est à la merci des tyrans. C’est la morale de cette longue, très longue histoire: 75 heures de meurtres, de sexe, de trahisons et d’humiliations pour un constat aussi élémentaire? La prochaine fois, je prendrai un roman. Tiens, pourquoi pas La Niche de la honte, de l’auteur albanais Ismail Kadare? Là encore, il y est démontré que, pour asservir une population, rien n’est aussi efficace qu’anéantir sa culture et sa langue. Mauvaise nouvelle! C’est un peu le phénomène auquel nous sommes en train d’assister avec le recul de la lecture et l’appauvrissement du vocabulaire, caractérisé par l’apparition de nouveaux mots généralement issus de l’anglais alors que l’on dispose de tout ce qu’il faut en français. Prenez le néologisme «chiller» (de «to chill», qui signifie aussi bien «refroidir» que «se laisser aller»), dont on se sert pour remplacer se divertir, se détendre, lambiner, glandouiller, traînasser, flemmarder, musarder, etc. Pour déjouer cette tendance, oui, on doit chercher encore et toujours l’information rare, joyeuse, déstabilisante. Dans ce magazine, vous verrez, on a exhumé un des tous premiers livres de l’histoire consacré à l’entraînement en course à pied. Il a été écrit il y a plus de cent ans mais

on reste étonné par sa modernité («Cent ans de sollicitude», page 35). Même chose pour la carrière d’Abebe Bikila («Sous le règne de Bikila Ier», page 60). Elle résonne avec une acuité particulière à l’heure où l’on explose les records en marathon («Peut-on doper ses chaussures?», page 38). Avec le professeur Steven Laureys, on s’intéressera en revanche au fonctionnement de notre boîte à pensées («Un cerveau sur écoute», page 20). Qu’il s’agisse de nouveau matériel, de nouvelles méthodes d’entraînement ou de nouvelles recommandations diététiques, nous nous efforçons à chaque fois d’éclairer le temps présent à la lumière du passé. Parfois, cela nous oblige à réviser d’anciennes certitudes. Un exemple? Plus haut, on regrettait le phénomène de régression cognitive qu’on attribuait à la superficialité du numérique. Sans se renier, on remarque cependant que des craintes similaires ont été formulées bien avant l’apparition du premier écran. Au XIXe siècle, on incriminait l’école: «la plus grande cause d’affaiblissement, de décadence de notre société moderne», écrit Guy de Maupassant dans une tribune qu’il tenait dans le journal Gil Blas (*). «Les lycées, collèges, pensions ne sont en réalité que des établissements publics d’étiolement où on courbature l’âme trop jeune en surmenant ses organes en formation, où on comprime la sève humaine en violentant la nature, en imposant à l’être qui grandit un esclavage stérile et épuisant.» Bref, l’avenir était déjà désespérant… en 1885! Gilles Goetghebuer (photo de droite) (*) Le texte complet est disponible sur le site (payant) retronews.fr, qui a archivé les articles issus de 300 journaux parus entre 1631 à 1945. Une véritable mine d’or!

04_AJOUTEZ A MON PANIER

30_DIETETIQUE

10_COURRIER DES LECTEURS

35_HISTOIRE

12_ZOOM

38_TECHNIQUE ET INNOVATION

14_CULTURE CLUB

45_LE MONDE SELON KANT

Tout ce qu’il faut pour courir à la page Lettre au lecteur disparu

Etes-vous bien Igor Kashkarov? L’histoire véridique du diplôme du Manneken-Pis Les plus beaux trails du monde Gloire aux rebelles

16_ENTRAINEMENT

A la découverte de la méthode Pantel

20_CERVEAU

Que se passe-t-il lors d’un marathon?

26_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT Le secret des vigoureux microbiotes

Du vinaigre contre les crampes: est-ce que cela marche? On a retrouvé un très vieux manuel de course à pied Peut-on doper ses chaussures? La planète est «lessivée»

49_ENQUETE

Une très sale affaire

52_TEMOINS

Rites, magie et superstitions

60_HISTOIRE VRAIE

Abebe Bikila, le patriote aux pieds nus

65_RENCONTRE

Sylvain Coher raconte la prise de Rome 53_ZATOPEK 3


AJOUTEZ_À MON PANIER

CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

AFTERSHOKZ Sauvez-vous les oreilles!

SCIENCE

www.aftershokz.com Aftershokz a développé un casque audio à conduction osseuse. Contrairement aux écouteurs classiques, le son y à partir de 79,95€ est transmis au cerveau par des vibrations qui atteignent directement la cochlée, et par l’activation des osselets de l’oreille moyenne (marteau, enclume et étrier). Ainsi, on évite de trop solliciter le tympan. Ce système est doublement bénéfique pour la santé. Primo, il réduit le risque de dégrader son ouïe par l’exposition prolongée à des sons trop puissants directement diffusés dans le canal auditif. Secundo, il ne coupe pas l’usager de son environnement sonore, ce qui est très utile par exemple lorsqu’on court en ville.

C’est quand le bonheur?

Surprise! Le tube Happy de Pharrell Williams ne figure pas dans le top 10 des chansons qui rendent heureux. Pas plus que la chanson C’est quand le bonheur? de Cali, qui nous sert de titre. C’est du moins ce qui ressort d’une étude menée par Jacob Jolij. Ce docteur en neurosciences de l’Université de Groningue aux Pays-Bas a passé tous les standards de la musique pop dans un algorithme tenant à la fois compte du tempo (minimum 150 battements par minute), de l’utilisation ou non d’une tonalité majeure, et de l’optimisme des paroles. Il en a tiré le classement de ce qu’il a appelé les «feel good songs». On retrouve dans l’ordre: 1. Don’t Stop Me Now de Queen 2. Dancing Queen d’ABBA 3. Good Vibrations des Beach Boys 4. Uptown Girl de Billie Joel 5. Eye of the Tiger de Survivor 6. I’m a Believer de The Monkees 7. Girls Just Wanna Have Fun de Cyndi Lauper 8. Livin’ on a Prayer de Bon Jovi 9. I Will Survive de Gloria Gaynor 10. Walking on Sunshine de Katrina & The Waves

Queen, numéro un

74%

Soit, selon une étude américaine, le pourcentage de piétons décédés qui portaient leurs écouteurs au moment de l’accident. Dans un tiers des cas, la victime avait même été alertée du danger imminent par un signal sonore.

IL L’A DIT!

La musique, c’est du bruit qui pense..

Victor Hugo, écrivain (1802-1885)

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Le saviez-vous? Une exposition de plus de deux heures à 90 décibels risque d’endommager définitivement l’oreille. Dix décibels plus haut, le laps de temps à ne pas dépasser descend à un quart d’heure seulement. Il faut savoir que l’échelle du bruit est logarithmique, ce qui explique qu’à partir d’un certain seuil, quelques décibels de plus ou de moins font une énorme différence.


AJOUTEZ_À MON PANIER 6 pages


COURRIER_DES_LECTEURS RÉAGISSEZ SUR WWW.ZATOPEKMAGAZINE.COM OU ENVOYEZ VOTRE COURRIER Pour la France et la Suisse: Chemin Georges Brassens - 7, lotissement les Cigales - 84210 Pernes Les Fontaines Pour la Belgique: 177 rue Vanderkindere - 1180 Bruxelles

Sans animaux svp

Comme je souffre moi-même d’arthrose, je me suis empressé de lire votre numéro 52 dont la couverture annonçait qu’on me proposerait «enfin une solution efficace». L’article en question était moins catégorique. Il en ressortait tout de même que les compléments à base de collagène prescrits pour régénérer le cartilage présentent une certaine efficacité. En même temps, vous évoquiez le coût environnemental de ces produits puisqu’il est issu de carcasses récupérées des abattoirs. J’ai été particulièrement frappé par cette légende de photo: «les requins, premières victimes de l’arthrose». N’existe-t-il pas des formules plus éthiques et donc non-extractives qui permettent de se soigner sans faire souffrir les animaux? Nicolas Descours

Zut, on a perdu un lecteur Lecteur fidèle de Zatopek depuis de nombreuses années, quelle ne fut pas ma surprise et ma déception de découvrir, dans votre article sur la course Morat-Fribourg, la petite ville de Morat décrite avec des «rues bordées de luxueux véhicules» et, quelques lignes plus loin, la Suisse composée de «26 cantons et autant de régimes fiscaux avantageux». Ces allégations sont dégradantes et n’ont rien à faire dans un magazine de running. J’ai donc décidé d’arrêter de vous lire et rien ne pourra me faire changer d’avis. Lionel

Notre réponse

Dommage. Lionel ne pourra donc pas lire cette réponse où nous préciserons toutefois que nous ne nous attendions pas à voir autant de voitures de luxe stationner à Morat, un constat qui traduit à sa manière l’opulence de l’endroit. Quant aux régimes fiscaux avantageux, oui, la Suisse en proposait effectivement aux multinationales dont l’essentiel voire l’intégralité des activités sont installées à l’étranger. Ces sociétés offshore étaient taxées à un taux relativement bas (entre 8 et 12%), variable selon les cantons. Ce système condamné par l’Europe et l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a été abrogé par référendum en mai dernier. On avait trouvé amusant d’y faire une petite allusion même si, effectivement, cela n’a rien à voir avec la course à pied. Dernière précision: l’auteur du papier, François Borel-Hänni, est comme son nom l’indique d’origine suisse. Plus précisément originaire… de Morat! Souvenir de Morat

Notre réponse

Pour l’acide hyaluronique ainsi que pour les sulfates de chondroïtine et de glucosamine, si. On peut en produire par fermentation. D’ailleurs, le marché propose même une série de traitements contre l’arthrose labellisés «vegan», ce qui est abusif quand ces compléments sont issus de protéines de lait. Au sein de ces laboratoires, un débat existe pour savoir si l’efficacité des substances de synthèse égale celle des extraits naturels. A notre connaissance, il n’existe en revanche aucune alternative de synthèse au collagène. Certes, on trouve parfois mention d’un «collagène végétal» au rayon des cosmétiques «bio», vendu par des marques qui s’interdisent l’utilisation de produits animaux. Mais cette appellation est fausse, elle aussi. Elle désigne des protéines végétales (blé, soja) dont la structure est seulement proche du collagène animal, sans le copier vraiment. Bref, c’est une arnaque.

Où est passée la cinquième semaine? J’ai remarqué une erreur dans votre tableau d’entraînement pour le trail en huit semaines. En effet, on passe de J-6 semaines à J-4 semaines. Où est passé J-5? Hilde

Notre réponse

Toutes les séances sont là et le plan dure effectivement 8 semaines. L’erreur réside seulement dans les intitulés de la marge. En fait, J-4 semaines aurait dû s’appeler J-5 semaines. De ce fait, tout est décalé: J-3 = J-4, J-2 = J-3, J-1 = J-2. On arrive alors à la dernière semaine (J-1) pour laquelle nous proposions une approche différenciée en fonction du type de course.

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La règle des sept secondes Tout d’abord, je vous remercie pour la qualité de votre revue, notamment la variété de vos articles. Que du bonheur! Le même que l’on ressent lorsqu’on court en forêt. Je vous écris aussi pour partager avec vos lecteurs une réflexion qui m’est venue après une épreuve où il avait fait étonnamment chaud pour un mois d’octobre, soit 20 degrés environ. Malgré une bonne préparation, je me suis senti incapable de tenir ma modeste moyenne habituelle (4 minutes 20 au kilomètre). Je n’étais manifestement pas le seul. Après l’épreuve, je me suis livré à toutes sortes de petits calculs dont je vous épargne le détail, pour constater qu’un tel ralentissement concernait aussi les coureurs arrivés aux percentiles 10, 20 et 30. A chaque fois, ils perdaient environ sept secondes au kilomètre. Comment expliquer cette régression? Olivier Bodart

Notre réponse

Les sportifs se focalisent souvent sur la température extérieure. Mais l’hygrométrie est tout aussi importante. A 20 degrés et près de 85% d’humidité relative, soit les conditions de cette course, la sueur s’évapore mal et donc la menace de surchauffe fait qu’on lève le pied. C’est normal.


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ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON PEUT DÉCOUVRIR UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN TOUT AUTRE PROFIL. CETTE PHOTO DATE DE 1957. A L’ÉPOQUE, ELLE AVAIT SUSCITÉ PAS MAL DE POLÉMIQUES, PROCHES DE CELLES QUI DIVISENT AUJOURD’HUI LE MONDE DE L’ATHLÉTISME. VOUS ALLEZ COMPRENDRE. K PAR GILLES GOETGHEBUER, AVEC L’AIDE TRÈS PRÉCIEUSE DE FRANÇOIS-RÉGIS MOUCHET

C

ette photo d’assez médiocre qualité est parue le 21 août 1957 dans le journal L’Equipe. On ne sait pas grand-chose à son propos. A qui la doit-on? Où a-t-elle été prise? Dans quelles circonstances? Même l’identité de l’athlète reste incertaine. Serait-ce le sauteur soviétique Youri Stepanov, alors récent recordman du monde? Plus vraisemblablement, il s’agit de son compatriote Igor Kashkarov, un étudiant moscovite qui, l’année précédente, avait décroché la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Melbourne.

_KASHKAROV

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n fait, c’est cette chaussure qui a retenu toute l’attention. On voit clairement que la semelle a été rehaussée de quelques centimètres à l’avant du pied ce qui procure un double avantage, semble-t-il. D’abord, on part de plus haut. En compétition, ce gain de quelques centimètres peut évidemment faire toute la différence. En outre, cette position du pied étire imperceptiblement le tendon d’Achille, ce qui augmente sa force de contraction. Certains observateurs plus soupçonneux avaient même imaginé que cette épaisse semelle recelait des ressorts. Une hypothèse que les Soviétiques nièrent farouchement mais sans apporter la preuve de leur bonne foi puisqu’en pleine Guerre froide, aucune collaboration n’était possible entre les deux blocs. Le débat a duré plusieurs mois jusqu’à ce que l’IAAF (devenue depuis lors World Athletics) prenne la décision de fixer la hauteur maximale des semelles de chaussures de saut en hauteur à 12 millimètres. Une règle toujours en vigueur aujourd’hui qui pourrait facilement être étendue aux autres disciplines (lire l’article «Peut-on doper ses chaussures?», page 38).

D

ès son origine, le saut en hauteur a fait l’objet de sévères codifications. Une loi toujours d’application aujourd’hui impose que la battue soit toujours prise sur un pied. Autrefois, il était aussi interdit de franchir la barre la tête la première. Il semble que le législateur ait eu peur que des acrobates ne débarquent sur les sautoirs et enchaînent rondades et flips avant d’effectuer un salto arrière qui leur aurait permis de s’élever très haut dans les airs. Dans un

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article de L’Equipe paru le 17 août 1957, le journaliste Gaston Meyer écrit qu’avec cette technique, on pourrait aisément franchir des hauteurs de 2,40 mètres et plus. Puis il ajoute «le cirque l’a prouvé» avec une assurance qui surprend un peu puisqu’à notre connaissance, aucun gymnaste n’a jamais commis un tel exploit. Cette deuxième règle a été abrogée en 1938. A partir de là, entraîneurs et athlètes mirent au point différentes techniques de franchissement sur le côté, sur le ventre ou sur le dos.


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CULTURE_CLUB

RELLE U T L U C É IT L A U T C TOUTE L’A PIED À E S R U O C A L SUR

ULTRA-TRAILS DE LÉGENDE Par Ian Corless éd. Glénat, 2019

ANNIVERSAIRE

Le 26 décembre s’est déroulée la dixième édition de la Manneken-Pis Corrida. Cette course (4 et 8 kilomètres) sillonne les plus belles rues du centre de Bruxelles. Elle emprunte de ce fait la rue de l’Etuve et passe devant la plus célèbre statue de Belgique qui, comme chacun sait, représente un petit garçon en train de faire pipi. Avec ses 55 centimètres de haut, ce bronze ne paie pas de mine. Beaucoup de touristes sont déçus en le découvrant. En même temps, il reflète bien l’esprit de «zwanze» («déconnade») qui caractérise le folklore bruxellois, où l’on traite les sujets les plus futiles avec le plus grand sérieux. Saviez-vous par exemple qu’il existe un «Ordre des amis de Manneken-Pis», chargé d’organiser toutes les cérémonies incluant la statue, notamment toutes celles où il s’agit de lui faire essayer un nouveau costume? Depuis l’époque de Louis XV, une coutume veut effectivement qu’on lui offre des habits en gage d’amitié. En près de cinq siècles, le Manneken-Pis a donc constitué une garde-robe de 1039 costumes, le dernier étant celui qu’on lui a remis en grandes pompes le 26 décembre dernier, justement à l’occasion de la MannekenPis Corrida: un costume de coureur évidemment, et plus précisément une réplique exacte de la tenue que portait Emil Zatopek lors des Jeux d’Helsinki en 1952. Une sorte d’hommage rendu au magazine homonyme. La couturière attitrée du Manneken-Pis n’avait né14 ZATOPEK_53

gligé aucun détail. Le numéro de dossard (903) est celui que portait Zatopek lors de son fameux triplé olympique: 5000, 10.000 mètres et marathon. Le plus difficile fut pour elle de confectionner le blason de la Tchécoslovaquie qui en ornait le torse puisque, depuis la scission du pays en 1992, ce blason a été retiré des emblèmes officiels. Heureusement, le personnel de l’ambassade de République tchèque à Bruxelles s’est démené pour retrouver le modèle original. Mission accomplie! Il ne pouvait en être autrement puisque Sandra Miholova, consul de République tchèque à Bruxelles, était présente lors de la cérémonie. Emue et un peu étonnée aussi! GG

Pourquoi pratiquez-vous le trail? La réponse la plus couramment donnée par les fondus de cette discipline est le sentiment de liberté. Fort bien. Mais alors, pourquoi s’engager dans des compétitions justement aussi contraignantes? Kilian Jornet, qui signe la préface de cet ouvrage, avoue avoir été longtemps tiraillé par cette question. «J’aime l’adrénaline de la course et la satisfaction personnelle du résultat», dit-il. «Puis chaque course possède sa propre ambiance.» C’est aussi le credo d’Ian Corless. Traileur et photographe, Corless a parcouru le monde pendant quatre ans pour proposer cette sélection des 35 courses qu’il considère comme les plus belles du monde: le Marathon des Sables, l’Ultra-trail du Mont-Blanc, le Comrades Marathon. A chaque fois, les photos sont accompagnées d’un petit texte explicatif, de citations de participants et de graphiques qui reprennent toutes les informations essentielles: la distance, le terrain, les dénivelés, le record et le point culminant. AB

SPOTS DE TRAIL, SPOTS DE RÊVE Par Marie-Hélène Paturel éd. Glénat, 2019 Ce livre ressemble beaucoup au précédent, notamment par la grâce des images qui donne inévitablement l’envie de courir en montagne. Une différence cependant, il se concentre sur les épreuves organisées en France et dans les pays limitrophes. Puis son auteure, MarieHélène Paturel, a participé à chacune de ses courses ce qui l’autorise à orner chaque photo d’un témoignage très intime et très juste. AB


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PERFORMANCE_

LA MÉTHODE

PANTEL A L’ATTENTION DE TOUS CEUX QUI VEULENT DIVERSIFIER LEUR ENTRAÎNEMENT, ON PROPOSE RÉGULIÈREMENT DES SÉANCES QUI SORTENT DE L’ORDINAIRE. VOICI LA MÉTHODE PANTEL. Thierry Pantel remporte le 10.000 mètres de la Coupe d'Europe à Rome en 1993. 16 ZATOPEK_53

C’

était en octobre dernier pendant l’épreuve du 10.000 mètres des Mondiaux d’athlétisme de Doha. Lors du dernier tour, l’Ougandais Joshua Cheptegei impose un train d’enfer avec des pointes à plus de 26 kilomètres à l’heure! Seul l’Ethiopien Yomif Kejelcha réussit à rester dans son sillage. Dans le dernier virage, il revient même à sa hauteur et s’engage alors ce que nous croyons être le tout premier duel Ethiopie-Ouganda de l’histoire de l’athlétisme. Tout le monde s’attend à ce que Kejelcha saute Cheptegei sur la ligne. C’est généralement ce qui se passe dans un tel scénario de course. Pourtant, à la surprise générale, l’Ethiopien cale dans les derniers hectomètres, laissant le jeune Ougandais (23 ans) filer vers le premier titre important de sa carrière.


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NEUROSCIENCES_

UN CERVEAU SUR ÉCOUTE QU’EST-CE QUI SE PASSE EXACTEMENT DANS LE CERVEAU LORSQU’ON COURT? LES NEUROLOGUES RÊVAIENT DE LE SAVOIR. LES SPORTIFS AUSSI. ENCORE FALLAIT-IL INVENTER UN APPAREIL QUI PERMETTE D’ENREGISTRER CETTE ACTIVITÉ CÉRÉBRALE PENDANT L’EFFORT. C’EST FAIT! EXPLIQUEZ-NOUS CETTE IMAGE.

Là, vous me voyez avec mon fils, Hugo, lors du dernier marathon de New York. Il a 18 ans. J’en ai 50. Mais nous avons couru ensemble dans un temps très modeste de 5 heures et 9 minutes (NB: en réalité 4 heures 30 si l’on décompte les arrêts techniques liés à l’enregistrement électroencéphalographique). De toutes façons, notre but n’était pas de réaliser un temps record mais de mener à bien une expérience scientifique. Regardez sur nos fronts. On porte l’un et l’autre une pastille autocollante qui permet d’enregistrer l’activité électrique du cerveau pendant l’effort. Cette technologie a été développée par Neurosteer, une start-up israélienne.

PEUT-ON DIRE QU’IL S’AGIT D’UN ÉLECTRO-ENCÉPHALOGRAMME (EEG) PORTABLE?

L

e professeur Steven Laureys est un neurologue mondialement connu pour ses travaux sur les différents niveaux de conscience chez les patients atteints de traumatismes cérébraux graves (*). Il dirige notamment le «Coma Science Group» et le Centre de recherche du Cyclotron au CHU de Liège. A ce titre, il accueille chaque année des patients de plusieurs pays dans le cadre du programme «Human Brain Project» largement subsidié par l’Union européenne. Le but? Trouver enfin le moyen de soigner un grand nombre de pathologies nerveuses face auxquelles la médecine actuelle reste très démunie. Rien à voir avec ce qui précède mais Steven Laureys est aussi un coureur assidu. Lors du dernier marathon de New York, il portait sur le front un étrange autocollant qui le différenciait des 50.000 autres participants.

(*) Il est aussi l’auteur de deux livres de vulgarisation scientifique: Un si brillant cerveau (2015) et La Méditation, c’est bon pour le cerveau (2019), tous les deux édités chez Odile Jacob. 20 ZATOPEK_53

Pas exactement. Disons que le but est le même: enregistrer l’activité électrique du cerveau. Mais lorsqu’on passe un test d’EEG, on place en général sur le crâne 21 électrodes de façon à repérer précisément les ondes cérébrales que l’on classe ensuite en différentes catégories selon leur fréquence qui porte chacune le nom d’une lettre grecque: delta, thêta, alpha, bêta, gamma. Ici, l’appareillage était plus rudimentaire, il ne comportait que trois électrodes, ce qui a permis de monitorer une activité électrique cérébrale globale, sans entrer dans le détail.


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DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT

UN MICROBIOTE DE CHAMPION IL ARRIVE QU’ON DISE À PROPOS D’UN SPORTIF CÉLÈBRE: «CELUI-LÀ, IL A UNE BELLE TÊTE DE CHAMPION!». SI ON CONNAISSAIT MIEUX LA RÉALITÉ INTESTINALE, ON TOURNERAIT PROBABLEMENT SA PHRASE AUTREMENT: «CELUI-LÀ, IL A UN BEAU MICROBIOTE DE CHAMPION!».

A

utrefois, on parlait de «flore intestinale». Aujourd’hui, le terme «microbiote» s’est imposé. C’est moins poétique mais plus révélateur quant à la nature exacte de tous les microorganismes qui peuplent nos intestins et dont le nombre estimé (autour de 100.000 milliards) dépasserait celui de nos propres cellules. Souvent, on dit aussi que le poids de ce microbiote (entre un et cinq kilos) ferait de lui notre organe le plus lourd. A condition évidemment de lui reconnaître ce statut, ce sur quoi s’accordent de plus en plus de scientifiques. Et pour attirer l’attention des sportifs sur ce fameux microbiote, on peut aussi évoquer de l’incroyable histoire arrivée à la microbiologiste

américaine Lauren Petersen (34 ans), qui habite Farmington dans le Connecticut. Touchée à 11 ans par la maladie de Lyme, elle a vu son état de santé se dégrader considérablement au fil des années. Ne sachant plus quoi faire, elle a donc opté pour un traitement de transplantation fécale (lire encadré). Cette méthode consiste à extraire les bactéries présentes dans les selles d’une personne en bonne santé pour réensemencer le microbiote d’un patient mis à mal par la maladie et/ou par les médicaments. Or il se trouve que le «donneur» de bactéries était un excellent coureur cycliste. Ce détail n’aurait eu aucune importance si, quelques semaines plus tard, Lauren Petersen, elle-même ancienne cycliste, ne s’était sentie beaucoup mieux et surtout si elle n’avait éprouvé l’envie de remonter sur son vélo après des années de régime sans selle, et même de participer à de petites épreuves VTT dans sa région. Certaines bactéries intestinales nous encourageraient-elles à faire du sport? Cette question fait l’objet de recherches très sérieuses dans quelques-uns des meilleurs laboratoires de microbiologie de la planète.

La reconnaissance du ventre

Lauren Petersen se remet en selle.

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Après des décennies d’indifférence, le microbiote retient désormais toutes les attentions. Deux découvertes majeures expliquent ce revirement. 1/ Par décryptage génomique, on a découvert qu’il se composait d’environ 160 phyla (familles de bactéries) et que ceux-ci étaient plus ou moins bien représentés selon les individus. 2/ Ces variations bactériennes sont corrélées à un tas de pathologies: obésité, diabète, autisme, démence, dépression, déficit de l’attention (1). Rares sont aujourd’hui les maladies


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INCROYABLE_MAIS VRAI

LE PLUS BIZARRE DE TOUS LES CONSEILS

DIÉTÉTIQUES LE VINAIGRE EST-IL UNE BONNE BOISSON DE L’EFFORT? JUSQU’IL Y A PEU, LA QUESTION AURAIT FAIT SOURIRE N’IMPORTE QUEL SPÉCIALISTE DE DIÉTÉTIQUE SPORTIVE. PLUS AUJOURD’HUI!

D

ans le sport européen, le recours au vinaigre ne constitue pas encore une pratique très répandue. Aux Etats-Unis, si. Lors d’une enquête conduite il y a douze ans par Kevin Miller (Université du Dakota du Nord), un tiers des entraîneurs interrogés recommandaient d’en boire avant un gros effort pour se prémunir de possibles crampes. Si celles-ci survenaient tout de même,

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une lampée de vinaigre devait aussi aider à les faire disparaître plus vite (1). En réalité, plutôt que du vinaigre, ces entraîneurs recommandaient de boire du jus de cornichon, autrement dit de l’acide acétique dilué à environ 5%, avec en outre un gros apport de sel de cuisine (NaCl). Du jus de cornichon contre les crampes? Ces témoignages intriguèrent forcément les scientifiques qui entreprirent de vérifier la chose. Pour cela, il

fallait réunir un groupe de sportifs et leur prescrire un exercice susceptible de déclencher des crampes. Déjà, cela n’a rien de facile. La plupart du temps, les crampes naissent de façon imprévisible et touchent des groupes musculaires qui diffèrent beaucoup selon les individus. Miller et ses collègues optèrent donc pour une seule méthode, l’électrostimulation, et pour un seul muscle, celui impliqué dans le mouvement de flexion du gros orteil. Dans cette étude, les sujets devaient boire du jus de cornichon dès les premières douleurs. Les résultats furent impressionnants. Avec le jus de cornichon, la crampe durait en moyenne 84 secondes, contre 133 pour ceux qui ne buvaient que de l’eau.


INCROYABLE_MAIS VRAI 5 pages


CAH I E R TECH N IQU E

Edito

SOMMAIRE

1 Edito 2 Ça a eu lieu 3 A vos agendas 10 Actualités Science Photo: Scenic Trail

Avez-vous remarqué combien certains coureurs aiment gagner des places quand d’autres préfèrent suivre leur plaisir ? Bien sûr, ces deux traits de caractère ne s’excluent pas. Disons qu’ils vivent en chacun de nous à des degrés plus ou moins marqués. Leur prévalence définit une part de notre personnalité. Des tests psychologiques variés prétendent repérer d’autres dimensions majeures de notre caractère comme l’ouverture d’esprit, l’extraversion, la conscience professionnelle, l’agréabilité ou encore la stabilité émotionnelle. On comprend à la lecture de ces cinq grands traits qu’il est préférable d’être noté positivement dans chacun d’entre eux. Il est sans doute plus valorisant d’être ouvert, loquace, méthodique, sympathique et stable plutôt que renfermé, timide, menteur, désagréable et instable. Si l’on se réfère à cette lecture, il existerait un idéal décrit par la science, auquel il serait plus intéressant de se conformer. Plus rarement, les tests psychologiques décrivent des polarités comme l’introversion et l’extraversion, l’organisation et l’adaptation, la rationalité et le feeling, toutes aussi positives les unes que les autres. L’absence de jugement en soi permet de comprendre dans quelles mesures (à quels moments, dans quelles situations…), un trait de personnalité présente des avantages ou des inconvénients. Il permet surtout de comprendre des processus d’optimisation qui émergent des rencontres entre de multiples acteurs dotés de compétences variées. Ce faisant, on entre dans le monde passionnant de la systémique qui tente de comprendre les relations qui participent d’un équilibre global. Quand un déséquilibre opère, on tente de saisir quelle polarité à l’œuvre il convient de renforcer ou de réduire. On entre dès lors dans un monde relatif fort éloigné d’une vision plus causale et simple qui aurait compris une fois pour toutes ce qui distingue le bien du mal. Vous cherchez un rapport avec la course à pied ? N’avez-vous jamais lu d’articles qui affirment que la foulée "avantpied" est meilleure que "l’appui qui roule", que l’entraînement "polarisé" prévaut sur les séances "au seuil", que la cadence 180 est tellement bien, que les antioxydants c’est géant et que bouger c’est la santé ? Si vous croyez encore à ces idées, comment expliquezvous qu’il existe des fourmis paresseuses et des abeilles asociales ? N’auraient-elles rien compris ? Ou n’aurions-nous rien compris ? Cyrille Gindre

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FÉVRIER MARS AVRIL 2020 LOCOMOTIVE

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LA LOCOMOTIVE 16 pages


HISTOIRE_DU SPORT

CENT ANS

DE SOLLICITUDE DES LIVRES SUR LA COURSE À PIED, IL EN EXISTE DES MILLIERS SUR TERRE. MAIS CELUI-LÀ EST PARTICULIER. IL DATE DE 1910! La rénovation des Jeux olympiques en 1896 eut de nombreuses répercussions dans la société de l’époque, notamment celle d’attiser l’intérêt pour un mode de déplacement plutôt déconsidéré jusqu’alors, la course à pied. L’enthousiasme fut tel que sortirent bientôt les premiers manuels d’entraînement. En furetant aux puces, nous avons retrouvé celui-ci: Les Sports pédestres, par Jean Lhermit, édition 1910. Il fourmille de conseils. Un siècle plus tard, certains paraissent totalement désuets. D’autres étonnent au contraire par leur modernité! Au fil de la lecture, on tombe aussi sous le charme d’une écriture forcément surannée et parfois très drôle, comme cette métaphore proposée dans la préface. «La forme physique est comme les gazons d’Oxford»,

écrit l’auteur. «Elle ne pousse pas en une nuit.» Puis le gazon cède la place aux beaux-arts. «Je ne doute pas que, si le lecteur veut suivre les bons conseils dont ce petit livre est tout plein, il en retirera, avec une meilleure santé physique, une sorte de satisfaction intellectuelle comme un sculpteur qui aurait remodelé une statue aux proportions d’abord peu satisfaisantes.» On aime aussi cette définition du sport proposée dans les premières pages de l’ouvrage. «Qu’est-ce que le sport? C’est la recherche de la bonne santé par des exercices raisonnés. C’est là du moins sa vraie signification, son but réel; les grandes compétitions, les courses, les records, n’étant que des broderies destinées à égayer une étoffe au dessin un peu sévère.» Certes,

nous ne dirions plus les choses de la même manière. Mais l’idée demeure, la compétition n’étant en fait qu’un avatar nécessaire à la motivation des uns et parfaitement superflu pour les autres. Plus loin, on tombe sur un autre passage qui démontre l’importance d’avoir une activité physique régulière dans une vie déjà trépidante. «Les conditions actuelles de la vie qui impriment sur le cerveau de l’être humain l’obsession constante du pain à gagner et du terme à payer rendent plus nécessaire encore la pratique d’un autre genre d’occupation, destinée à contrebalancer la première, à faire oublier ses difficultés en créant un autre courant d’idées: le sport constitue donc un repos mental indispensable.»

Les Jeux olympiques d'Athènes en 1896 lance véritablement la mode de la course à pied!

Qui ne court pas, n'est pas moderne!

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HISTOIRE_DU SPORT 3 pages


SCIENCE_ET RÈGLES

PEUT-ON DOPER SES CHAUSSURES? LES RECORDS DE COURSE DE FOND SONT TOMBÉS COMME DES DOMINOS EN 2019, ET CE N’EST PROBABLEMENT PAS FINI. DOPAGE? «NON, CHAUSSURES!», RÉPONDENT LES INGÉNIEURS DE NIKE. BIEN QU’À LA FIN, CELA PUISSE REVENIR AU MÊME.

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n corps parfait se compose de 60% d’eau, de 35% de muscles et de quelques grammes de Speedo.» Cette publicité de 1998 pour une marque de maillots de bain avait fait fureur en son temps. Moins par la justesse scientifique de son slogan (et la graisse alors?) que par son efficacité marketing. Si Nike n’avait pas peur d’ajouter un procès pour plagiat à ses autres difficultés du moment (voir

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encadré), elle pourrait se réapproprier la formule: «un corps parfait se compose de 60% d’eau, de 35% de muscles et de quelques grammes d’AlphaFly». AlphaFly? C’est le nom du modèle de chaussures que portait le Kényan Eliud Kipchoge quand il courut son marathon en moins de deux heures, le 12 octobre dernier à Vienne en Autriche (*). Ses lièvres, eux, étaient tous équipés de VaporFly, grandes sœurs de l’AlphaFly au sein de la gamme Brigid Kosgei, inconnue au bataillon


SCIENCE_ET RÈGLES 7 pages


LE MONDE_SELON KANT

L’AMOUR À LA MACHINE EN MOYENNE, UN FOYER EUROPÉEN FAIT TOURNER CINQ MACHINES PAR SEMAINE. LES FAMILLES DE COUREURS ENCORE PLUS! QUELLES CONSÉQUENCES CES NOMBREUX LAVAGES ONTILS SUR L’ENVIRONNEMENT?

D

ans le précédent numéro, nous nous demandions s’il était possible de s’habiller sans polluer la planète. Nous avions mentionné ces t-shirts «techniques» pour sportifs, fabriqués avec des fibres synthétiques issues notamment des filières de recyclage du plastique. Une fausse bonne idée, disait-on. Car ces maillots perdent un peu de leur matière à chaque lavage. Des fibres se détachent de la trame et comme

elles sont trop petites pour être retenues par les différents systèmes de filtrage, elles finissent dans les eaux usées: les égouts, les rivières, les fleuves et finalement les océans en sont envahis. Nous avions cherché des moyens de prévenir cet effilochage qui, multiplié par les milliards de lavages que nous faisons chaque année, est devenu depuis peu une menace écologique de grande ampleur. Alors pour compléter cette première approche, il était nécessaire

d’ouvrir le volet du lavage à proprement parler, ainsi que celui de notre usage intensif des lessives et détergents, malgré la récente envolée de leurs prix. En dix ans, ceux-ci ont augmenté de 44% en moyenne, soit dix fois plus que n’importe quel autre produit d’usage courant. La lessive est donc plus chère. Pourtant, cela ne calme pas nos ardeurs. Ainsi on estime qu’en France, un foyer fait environ cinq lessives par semaine. Presque une par jour! A l’échelle du pays, cela représente environ vingt millions de machines quotidiennes et 7,3 milliards par an. Encore quelques chiffres? L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) affirme que chaque année en Europe, un foyer 53_ZATOPEK 45


LE MONDE_SELON KANT 6 pages


TÉMOINS_

LE 13 EST AU DÉPART BEAUCOUP DE COUREURS PRATIQUENT UN PETIT RITUEL MAGIQUE AVANT CHAQUE ÉPREUVE. ON PEUT RIRE DE CETTE SUPERSTITION. MAIS EST-CE SI RIDICULE QUE CELA?  Propos recueillis par Olivier Beaufays.

TÊTE D’ŒUF MO FARAH

«Comme rituel d’avant-course, j’ai pris l’habitude de me raser la tête. J’aime sentir le contact de l’air frais sur mon cuir chevelu et l’eau froide m’éclabousser s’il pleut.»

LE CONTRAIRE DE MO ANNE-LAURE

«Avant une compétition, il ne me viendrait pas à l’esprit de quitter la maison sans un bonnet ou un bandana sur la tête. Sans couvre-chef, je me sentirais toute nue. En plus, cela m’empêcherait de m’enfermer dans ma bulle et de me projeter dans ma course.» 52 ZATOPEK_53

80,3%

Soit le pourcentage d’athlètes professionnels qui pratiquent au moins un rituel superstitieux avant chaque compétition. Parfois, ils sont beaucoup plus nombreux. La moyenne se situerait à 2,6. C’est-à-dire qu’on choisit à la fois de se lever du pied droit, d’écouter toujours la même chanson et de mettre des petits cailloux dans sa poche. Référence: The Psychological Benefits of Superstitious Rituals in Top Sport: A Study Among Top Sportspersons, dans Journal of Applied Social Psychology, octobre 2006

L’avis d’une pro «Le rituel est un moyen comme un autre de se donner confiance. C’est finalement une sorte de signal qui intime au sportif l’ordre de quitter sa vie de tous les jours pour se concentrer sur la compétition.» Gaëlle Collomb, psychologue du sport


TÉMOINS_ 8 pages


UN JOUR_UN DESTIN

SOUS LE RÈGNE ER DE BIKILA I L’HISTOIRE D’ABEBE BIKILA NOUS FAIT UN PEU L’EFFET DE CES LIVRES DE NOTRE ENFANCE QUE L’ON CONNAÎT PAR CŒUR MAIS QU’ON NE SE LASSE PAS DE LIRE ET RELIRE ENCORE. ON Y TROUVE TOUJOURS DES DÉTAILS PRÉCÉDEMMENT PASSÉS INAPERÇUS.

L

e 7 août 1932, l’Argentin Juan Carlos Zabala remportait à 20 ans le marathon olympique de Los Angeles en 2 heures, 31 minutes et 36 secondes. Sa performance a marqué l’histoire puisque, aujourd’hui encore, Zabala reste le plus jeune vainqueur de cette épreuve aux Jeux. Le même jour, à l’autre bout de la Terre, se produisait un autre événement qui allait lui aussi marquer l’histoire du sport: la naissance en Ethiopie du petit Abebe Bikila. Vingt-huit ans plus tard, il deviendra le premier athlète africain à remporter une

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médaille d’or olympique (*). Mais n’allons pas trop vite en besogne. Abebe est né le 7 août 1932 à Jato, un village niché sur les hauts plateaux éthiopiens, à 130 kilomètres au nord d’Addis-Abeba. On ne sait pas grand-chose de son enfance si ce n’est qu’il est issu d’une famille pauvre. Son père était fermier le jour et arbegnoch la nuit, un mot qui signifie «patriote» en langue amharique. Le soir venu, l’humble paysan se muait en résistant au sein des troupes qui luttaient contre l’occupation italienne (lire encadré). Il était farouchement patriote. Abebe

Zabala, le plus jeune de tous les temps

suivra son exemple. A 17 ans, le jeune homme quitte sa condition de berger pour s’engager dans l’armée de l’empereur Haïlé Sélassié. Rapidement repéré pour ses qualités athlétiques, Abebe Bikila intègre


UN JOUR_UN DESTIN 5 pages


RENCONTRE_

L’ÉCRIVAIN ET LE

VA-NU-PIEDS SYLVAIN COHER EST ROMANCIER, IL A DÉJÀ PUBLIÉ HUIT ROMANS ET REMPORTÉ DE NOMBREUX PRIX LITTÉRAIRES. SON DERNIER LIVRE S’INTITULE VAINCRE À ROME ET A ÉTÉ PUBLIÉ EN 2019 CHEZ ACTES SUD. IL RACONTE LA VIE D’ABEBE BIKILA. VOUS AVEZ DÉCOUVERT ABEBE BIKILA PAR HASARD?

Je ne connaissais ni Bikila, ni sa performance, avant de le découvrir en 2004 dans un documentaire télévisé sur «Les légendes du sport», l’un de ces programmes que l’on regarde d’un œil en attendant le sommeil. Je découvre ce jeune homme qui court pieds nus aux Jeux de Rome. J’ai noté son nom dans un coin de carnet car je le trouvais fascinant. J’ai commencé à faire des recherches. Plus j’avançais, plus je le trouvais intéressant, à la fois pour sa performance mais aussi pour sa personnalité et le contexte historique. Notamment le fait que sa victoire a lieu en 1960, en pleine période de décolonisation africaine. En 2005-2006, je suis parti pendant un an en résidence à la Villa Médicis à Rome avec le projet d’écrire sur cette course. Je ne voulais pas faire une biographie ou un livre d’histoire, mais me focaliser sur le moment de la course. J’ai refait plusieurs fois le parcours, compilé 500 pages de notes, et réalisé des entretiens avec des marathoniens.

donc mis le mien de côté pendant plusieurs années. J’ai eu un déclic lors d’une rencontre dans une médiathèque. Je présentais mon livre Carénage (ndlr: publié en 2011 chez Actes Sud), qui porte sur la vitesse et la moto, et j’en suis venu à parler de ce projet autour de

Bikila. Je voyais des étincelles dans les yeux des spectateurs lorsque je leur ai parlé de cet athlète. A ce moment-là, je me suis dit que je n’en avais pas totalement fini avec ce personnage. J’ai repris mes notes et je me suis remis au travail en 2017.

BIKILA, LE MONDE À SES PIEDS

POURQUOI AVEZ-VOUS ATTENDU QUINZE ANS AVANT DE PUBLIER CE TEXTE?

Lorsque je suis rentré en 2006 en France, Jean Echenoz publiait Courir, un récit de la vie d’Emil Zatopek. Cela m’a coupé l’herbe sous le pied. A quoi bon faire un énième livre sur le marathon? J’ai 53_ZATOPEK 65


RENCONTRE_ 2 pages


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