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Une chambre à soi
Assignés à résidence, condamnés parfois à cohabiter et à multiplier les usages d’un même lieu, les Français se sont rués vers les magasins de mobilier et de bricolage. Pourquoi se sont-ils lancés dans le réaménagement de leur logement ? Quelques éléments de réponse.
Par Salomé Nicol, étudiante en Master à l’ENSAS
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Habiter n’est pas loger
Petit rappel : si se loger correspond à l’action de se mettre à l’abri, habiter comprend plusieurs dimensions qui en font une posture complexe. On peut évoquer la dimension philosophique, par laquelle l’habitation peut être considérée comme le rapport entre l’être et son environnement, les aspects psychologiques comme l’attachement à son lieu de résidence, et enfin le niveau sociologique avec des concepts comme l’effet d’adresse, quand le logement influence la position de l’habitant dans la société, ou l’idéal de l’accès à la propriété.
L’appropriation, c’est adopter et adapter un logement
Toutes ces dimensions se rejoignent dans le processus d’appropriation du logement, dont l’aménagement est un moyen. L’appropriation permet de faire un logement à son image, de marquer le territoire en montrant qu’il est associé à une personne ou groupe spécifique et à personne d’autre. C’est l’expression d’une propriété, qui va conduire à un contrôle sur ce lieu. Ainsi, se crée un « chez-soi ». L’habitant peut aussi gérer, par l’image du logement, l’image de soi qu’il souhaite renvoyer aux autres.
Le confinement : une habitation obligée
La première explication à ce mouvement commun de réaménagement pourrait être toute simple : le confinement a dégagé du temps pour mettre en œuvre ce que l’on voulait faire depuis longtemps. Mais surtout, un aménagement inabouti du logement, qui pouvait être tolérable auparavant, ne pouvait plus l’être : il était nécessaire de rendre le logement habitable, supportable, adapté à ses pratiques et reconnaissable comme étant sien. C’est notamment le cas pour un logement que l’on préfère d’ordinaire n’utiliser que pour dormir, qui n’est d’habitude pas pleinement investi affectivement.
Ensuite, le confinement y a apporté une concentration de nouvelles activités. Travailler, faire du sport, se divertir : il fallait le transformer le logement. À ces besoins fonctionnels s’est ajoutée la question de l’hospitalité. Le logement, plus particulièrement la chambre, représentent en général une sorte de « cocon » où se replier dans le calme, la sécurité et l’intimité. Si le confinement a pu, dans une certaine mesure, imposer, intensifier ce repli, il a aussi percé cette bulle via les télécommunications ou les nouvelles cohabitations. En effet, nombreux
Carla-Marie Alvarez, étudiante à l’ENSAS, est revenue au Pays Basque pour se confiner avec son petit frère et sa mère. En rouge, les espaces qui ont changé de fonction pendant le confinement. Relevé réalisé dans le cadre de l’enseignement de sociologie avec Irene Sartoretti.
sont ceux qui ont été confronté à l’œil de la caméra sur leur espace personnel pour des raisons scolaires, professionnelles, ou ne serait-ce que par convivialité en l’absence de regroupement à l’extérieur. Nous retrouvons aussi ce besoin d’intimité chez ceux qui ont rejoint un logement qui n’est habituellement pas le leur. Enfin, on pourrait se demander si réaménager son petit monde dans le logement n’était pas le dernier pouvoir, le dernier lieu d’une emprise sur son environnement. La possibilité de construire quelque chose, dans un contexte de chaos, d’enfermement et de vulnérabilité…