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Lou : rap et politique
from Zut Strasbourg n°46
by Zut Magazine
La Cité—Musiques Lou, rappeur strasbourgeois, est pudique mais franc-tireur. Se raconter, mais pas trop, pour parler universel. Foutre un coup de pied dans la fourmilière cisgenre hétéro et dans les c… de la masculinité toxique. Mais ne pas verser dans le rap conscient. Et danser. Par Cécile Becker / Photo Julie Iltis
Sortie du premier clip Jean-Cis Dude et de Freestilz (disponible sur toutes les plateformes d’écoute) mi-juillet
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Premier EP attendu en mars 2022 Playlist pour Zut disponible sur notre site tippingpointproduction.com Meinau. Plein soleil. La terrasse de Lou et de ses colocataires sent l’été : des litres d’eau et une playlist quadripolaire hésitant entre la pop, le hip-hop, le R’n’B et l’électronique. Lou se raconte à tâtons. Il ressemble à ses freestyles : quelques mots de ce qu’il vit, mais beaucoup plus de place à l’expérience commune. Quand on parle de soi, l’autre s’y retrouve toujours un peu. L’intime est politique. « Mon existence est politique. Le fait d’être queer, c’est politique. Après, je n’aime pas l’étiquette « rap conscient », ça ne me ressemble pas. Parler de ma vérité inclut des choses profondes et légères. J’aime faire la fête et ma priorité c’est de faire du bon son. » Lou, à l’image d’une nouvelle génération d’artistes qui n’hésite plus à se livrer tout cru, rappe la sensation amère, le monde qui ne regarde plus rien sinon le bout de son nez. Quelque chose d’une fête qui se termine avec tout ce que ça suppose de regrets : une gueule de bois générale (son titre C’est la fin du monde). Il raconte autant les désirs d’ivresse que les difficultés à se (re)construire quand l’individualisme et les extrêmes dégueulent à tous les coins de rue. Que ce soit des histoires de Mercure qui rétrograde (il se dit carrément « astro-friendly »), d’envies de danse et de boom boom, de mecs pleurant sur l’autel de leurs privilèges, en creux, ce qu’il dit, bordel, c’est qu’on a toutes et tous besoin d’amour. Le tout avec malice. Mais quand il en parle, d’amour en l’occurrence, il passe en anglais : « Tout ce qui me concerne personnellement reste compliqué. L’anglais, c’était créer un filtre pour que ce soit moins difficile de gérer la pudeur. » Quand même. Depuis son précédent projet, le groupe La Bergerie, Lou y va plus franchement : « En solo, mes textes sont moins cryptés, je me sens plus libre. Et puis, depuis, j’ai fait mon coming out, c’est aussi lié au fait d’être mieux dans mes baskets. » En toile de fond, on entend la remise en question de la norme et précisément du poids et du « regard hétéro cis patriarcal qui représente cette norme » parce que « si on veut en sortir, il faut en parler ». Et puis s’il peut « encourager les bébés queer et les personnes sexisées et minorisées », tant mieux. Mais son truc, c’est le son, le groove en fait, qui l’entoure partout où il passe, du matin au soir : écouter de la musique, faire des playlists, écrire, produire, attendre de la scène une espèce de spectacle total (il a fait du théâtre de ses 4 à 18 ans) et du public, une énergie qu’il transforme. Lou, c’est brut, c’est vrai, y’a tout qui dépasse. Indispensable et fucking rafraîchissant.