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Le portrait From El Paso with Love
from Zut Strasbourg n°50
by Zut Magazine
La Table—Le portrait Depuis quelques semaines, Aida se passe de bouches en oreilles comme le dernier trésor à partager. Discrètement, Daniel Fierro, son patron mais surtout son chef, fait son nid, place Saint-Nicolas aux Ondes et convainc par ses assiettes à la fois délicates, étonnantes et truculentes. Le restaurant qu’on attendait à Strasbourg. Par Cécile Becker / Photos Christophe Urbain
From El Paso with Love
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Un restaurant purement et véritablement mexicain à Strasbourg peut paraître étonnant, autant que la décision du patron et chef, Daniel Fierro, de s’installer ici à Strasbourg vu son solide parcours entamé à l’Institut Le Cordon Bleu à Ottawa et consolidé à Paris. Pour faire court (difficile tant sa cuisine est éloquente), Daniel a grandi à El Paso au Texas, ville bordant la frontière mexicaine, et a fortement été imprégné par la cuisine de sa tante mexicaine qui tenait un petit restaurant à tacos et burritos à Juárez. Avant que la certitude de devenir cuisinier ne le rattrape, il a été ingénieur du son pour les rich kids de Los Angeles. Boring. Là-bas, il passe trois ans dans un restaurant chic, puis, son amoureuse française l’embarque dans ses bagages : direction Paris. Il cuisine sur une péniche à touristes et débarque au restaurant gastronomique Verjus où il découvre ce que signifie travailler avec les saisons – disons qu’à Los Angeles, tout est disponible... tout le temps. Influencée par le restaurant Au Passage, une institution qui propose de petites assiettes à partager façon tapas (on se demandait d’ailleurs quand le phénomène allait arriver à Strasbourg), l’équipe du Verjus ouvre Ellsworth et Daniel Fierro devient le
bras droit du chef. « Je mettais en forme ses idées, parfois les plus folles, il me poussait à faire des recherches... » Ses heures de pause, il les passe à décortiquer bouquins et tutos pour acquérir la moindre technique pour débiter viandes et poissons. Une maîtrise parfaite qui lui vaudra le surnom de « Butcher Danni » (son pseudo sur Instagram) et qui lui ouvrira les portes de belles adresses, notamment Martin – Boire & Manger héritier de la cuisine « simple et excentrique » à la St John. De cette période, il gardera une belle amitié avec Guillaume Verdin, éleveur à la Ferme de Clavisy selon les règles ancestrales, qui le livrait alors et que Daniel rêve d’attirer de temps en temps jusqu’à Strasbourg...
Un resto à soi
Il aura passé son temps à trouver des solutions, des tips, des trucs et astuces pour fabriquer des recettes, notamment d’inspiration mexicaine, pour le compte d’autres chefs. Une expérience soldée par un désastre le persuade enfin. Il cherche à Paris, le Covid arrive et Strasbourg s’impose : les difficultés, le prix... Ici, il prend le temps de faire connaissance avec l’autochtone, de découvrir la flore et la faune locales et est impatient de mettre le grappin sur des producteurs aussi exigeants que lui. Parce que les assiettes où se voit, se sent, se goûte le travail du chef, ça pète. Une douzaine d’assiettes à partager qui changent très régulièrement selon les arrivages et les envies du chef, largement tirées de la cuisine mexicaine. Tacos, quesadillas, gorditas... des pliages et farces différents basés sur les tortillas qu’il fait lui-même : du maïs préparé pendant 12 heures dont il enlève la peau avant de transformer les grains en masa et de les façonner, à la main, en crêpe. Il attend d’ailleurs impatiemment la livraison d’une machine qui lui permettrait de sortir 400 tortillas à l’heure et d’ouvrir le midi pour proposer des repas sur le pouce.
En attendant, le soir et à la carte, des associations mêlant Mexique, cuisine moderne et produits de saison : quesadillas de petits pois et fèves, sardines melon et mezcal (l’alcool mexicain à base d’agave qui rend fou...), encornet et riz noir... et des plats qu’on oserait d’ordinaire à peine toucher comme ces oreilles de porc finement coupées et enrobées de sauce texane : un délice... Les desserts (la glace à l’horchata accompagnée d’un nuage de crème au café...) et les vins natures (la carte est signée Au fil du vin libre) parfont le tout. Ne reste plus qu’à s’enquiller quelques mezcal pour auréoler repas flanqué de tant d’enthousiasmes, d’une touche final d’euphorie.