4 minute read
Culture – Tiers-lieux
from Zut Lorraine #26
by Zut Magazine
Sens non interdit
Ils ont ceci en commun d’offrir un autre point de vue sur le monde : Le MEMÔ et La Benne Idée font partie de ces tiers-lieux pour qui partage, transmission et insertion font résonner le faire et le vivre ensemble. Petite présentation.
Advertisement
Le Memô
Lieu de fabrique artistique
« C’est une énorme boîte à outils qui nous sert collectivement à monter des projets qui font sens pour nous. » C’est avec ces mots qu’Eva Piotrkowski résume le Memô… Son nom vous dit quelque chose ? C’est normal, vous avez sûrement dû déjà la croiser à Michtô, temps fort du cirque dans le Grand Est – un festival qu’elle a mis en place avec son collectif il y a plus de 10 ans maintenant. Désormais, la demoiselle et ses acolytes font également vivre cette structure hors norme, hors cadre, sans cahier des charges, portée par l’énergie des gens qui l’utilise. « C’est un espace de liberté en développement perpétuel, qui ne rentre dans aucune case, où l’on fait ce qui nous semble important et nécessaire au moment où on le fait. Ce n’est pas facile tous les jours, c’est sûr, mais c’est notre ciment... » À l’origine évidemment, il y a le cirque et le spectacle vivant. La majorité des projets construits et assemblés ici ont trait à l’art – mais pas que, au grand bonheur d’Eva : « Il y a aussi tout un panel de personnes qui viennent chercher du brassage, de la co-construction, de la mixité, des gens qui font de la cuisine, des architectes, des enseignants… » Un lieu de fabrique que l’on peut faire évoluer, transformer, modeler au gré des envies, auquel participent des vieux de la vieille et des toutes jeunes recrues, des gens du coin et des compagnies de passage, pour un mois ou pour 10 ans. « Aussi étonnant que ça puisse paraître, on a toujours réussi à prendre nos décisions en collectif, s’amuse encore Eva. Chacun fait confiance à l’autre dans son domaine de prédilection. » De là est née l’envie de proposer, en plus du festival annuel, une programmation de saison qui évolue au fil de l’eau, des concerts, des performances, des sorties de résidence, des animations, des ateliers, là encore sans obligation ni contrainte de régularités. Sans oublier l’ouverture en septembre dernier d’une école de cirque pour enfants-ados-adultes, dont le succès est tel qu’elle fait déjà partie des incontournables du site. « C’est intéressant de constater ce qu’une nouvelle activité peut engendrer comme nouveaux brassages, comme nouvelles énergies Surtout pour nous qui croyons énormément à l’intelligence collective. Finalement le plus compliqué, c’est de faire comprendre aux institutions et collectivités ce que l’on fait. » On ne peut que vous conseiller d’aller sur place pour le découvrir par vous-même…
Le Memô Rue des Solidarités, à Maxéville le-memo.com
La Benne Idée
Une recyclerie créative
Ouvrir une recyclerie dans un monde gangrené par la surconsommation, c’est le pari fou de trois passionnés avides de changement façon tsunami – changement de vie, de travail, de sens. Deux ingénieurs agronomes et géologues, Chloé Geiss et Antoine Plantier, et un ébéniste-menuisier spécialisé dans le luxe, Thomas Henry, ont en effet quitté le secteur privé pour s’engager dans un projet non lucratif en phase avec leurs valeurs. « Nous avions besoin de vent frais, explique Antoine Plantier. D’oublier les notions de profit qui dirigeaient nos jobs jusqu’alors, de faire un projet nous-mêmes, où aller travailler aurait une autre saveur, quelque chose d’hors cadre, de social, de solidaire, en lien avec la transition écologique et le zéro déchet. L’idée de la recyclerie s’est imposée d’ellemême. » Ainsi, à La Benne Idée, on collecte les objets home & déco dont les gens ne veulent plus, on les nettoie, on les retape, et parfois même on les détourne de manière artistique pour les revendre à des prix défiants toute concurrence. « Pourquoi choisir de faire du design d’objet ? Pour que ce soit plus fun ! répond-il le sourire dans la voix. Et prouver, s’il le fallait encore, qu’une chose considérée comme un déchet pour les uns peut faire le bonheur des autres, avec un peu de talent et beaucoup d’huile de coude (ou inversement). Et que tout le monde, a droit à une seconde chance. « Un projet comme La Benne Idée, c’est évidemment très long à monter, puisque pas du tout rentable – en termes de moyens financiers comme humains, ça coûte 10 fois moins cher de produire à la chaîne un meuble chez Ikea que de passer du temps à donner une seconde vie à du mobilier. Mais on y est (presque) arrivés. » Un gigantesque local trouvé du côté de Jarville, un partenariat avec l’école de design de Nancy, un agrément pour employer des personnes en réinsertion, le trio a quasiment tout en poche pour espérer un véritable lancement d’activité d’ici la fin de l’année – même si, au final, l’aventure a déjà bel et bien commencé depuis quelques mois côté collecte et home staging. « Nous n’en avions pas spécialement conscience quand nous bossions dans le privé, mais il y a plein de gens qui sont d’accord avec l’idée de se contenter du nécessaire, et de mettre leur argent et leur énergie dans leur projet. Dans ces moments-là, je me dis que ça vaut le coup. Cette entraide entre les structures, ça fait vraiment au chaud au cœur. » Dès l’ouverture du site, le trio prévoit également d’organiser des ateliers autour du réemploi et de la rénovation, mais également des cours de sensibilisation au développement durable et à l’économie circulaire. Parce qu’il n’y a pas de Planète B, ni de petites actions, comme on dit.