Il était une foi

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Pierre-Yves

Zwahlen

Il était x une foi...



Pierre-Yves

Zwahlen

Il était une foi... x


Éditions Prétexte Collection Récits Rte de Fenil 38 – 1806 St-Légier – Suisse info@pretexte.ch – www.editions-pretexte.ch © Éditions Prétexte, St-Légier, Suisse Tous droits réservés 1re édition 2016 ISBN : 978-2-940565-11-5 Couverture et maquette : Pierre-Yves Zwahlen Photos de couverture : Thinkstock 1re impression 2016 (1000 exemplaires) Imprimerie SEPEC, Peronnas, France —  4  —


À Amandine, pour le bonheur de ton affection

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Avant-propos Ils font partie de notre mémoire, nous les avons découverts au fil de nos lectures du texte biblique. Ils sont ces héros célèbres ou anonymes qui ont construit notre foi par leur exemple, leur fidélité… ou leur désobéissance. Dans la Bible, nous les découvrons de manière fugitive, le temps de quelques mots, de quelques lignes. Ce livre se propose d’essayer de les faire revivre, d’explorer les minutes ou les heures qui ont précédé, ou suivi, le moment où nous les découvrons dans les pages de la Bible. Il ne s’agit pas là d’un travail d’historien ni d’un théologien, mais plutôt celui d’un croyant désireux d’habiller d’humanité, et parfois d’humour, les plus belles pages de la Bible et de nous aider à tisser un lien entre ces expériences du passé et notre propre cheminement de foi. L’écriture de ces textes s’est faite au rythme mensuel des publications de la revue « Chris—  7  —


tianisme Aujourd’hui », dans laquelle ils paraissaient sous forme de chronique. Ce rythme lent m’a permis de visiter tout à mon aise des pages parfois méconnues de la Bible. Au-delà des grands champions de l’Ancien Testament, ou des acteurs souvent anonymes des évangiles, j’ai aimé retrouver des hommes et des femmes semblables à nous, sujets aux mêmes émotions, aux mêmes doutes, aux mêmes élans de foi qui les poussèrent vers des sommets insoupçonnés. J’ai aimé rejoindre David dans sa lutte improbable avec le géant, questionner son âme alors qu’il cherchait cinq pierres dans le torrent. Était-il bouillant de foi, ou en proie aux doutes et à la peur? Impossible de le savoir, car le texte biblique ne le dit pas. Ce que j’ai imaginé se nourrit souvent de ma propre expérience, de mes réactions face aux défis, ou aux situations nouvelles et imprévues. C’est une autre manière de dire que les personnages bibliques sont aussi des miroirs de nos émotions, de nos talents et de nos travers. Ne vous étonnez donc pas si parfois, à la lecture de tel ou tel texte, vous découvrez des élans d’humanité qui vous ressemblent ! Certains textes sont pétris d’humour et puisent leur inspiration à la fois dans la Bible et dans mes propres lectures. C’est le cas du tout premier texte de ce livre intitulé : « Beau—  8  —


té primordiale », qui se nourrit autant de la lecture des premières pages de la Genèse que des dessins de Gotlib ! Rassurez-vous, d’autres récits sont plus profonds, voire même poignants pour certains. La Bible nous offre un kaléidoscope d’émotions, un échantillonnage d’êtres humains différents dans leurs origines, leur destinée ou leur condition. Pour bien le faire ressortir, il m’a paru bon de varier les styles littéraires, vous emmenant parfois dans des dialogues échevelés, parfois dans des textes plus denses qui s’épanouissent en une réflexion apaisée et intime. N’hésitez pas à relire l’original ! Les références sont toujours mentionnées en fin de récit. Si ce petit livre vous incite à prendre souvent rendez-vous avec le Grand Livre, alors, j’aurai rempli ma mission ! Je vous souhaite une agréable lecture ! Pierre-Yves Zwahlen

Lausanne, décembre 2015

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Première partie —  11  —


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Beauté primordiale Il y avait longtemps que l’homme dormait près de lui, il était temps de le réveiller. Il le poussa légèrement du bout du pied. L’homme grogna, se retourna et finit par s’éveiller. – As-tu bien dormi ? – Oui, je crois… j’ai un peu mal de côté, j’ai dû faire un faux mouvement hier soir ! – Viens, je veux te montrer quelque chose ! – Tu as un cadeau pour moi ? – Oui, et je crois que ça va te faire plaisir ! – J’espère que ce n’est pas de nouveau un stupide animal ! J’ai vu assez d’animaux pour le reste de mes jours ! – Non, là c’est un peu différent. Regarde ! – Wouah… ! – Qu’est-ce que tu en penses ? – Beeelle… ! —  13  —


– Oui, ça tu peux le dire ! J’avoue que je suis assez fier de moi. Je me suis surpassé sur ce coup-là. Mais essaie de développer ta réponse. Dis-moi ce que tu en penses et ferme la bouche s’il te plaît, tu as l’air idiot comme ça ! – Beeelle… ! – Ferme la bouche ! – C’est, c’est quoi ? – On dit pas c’est quoi, on dit : c’est qui ! C’est une femme, c’est ta femme ! – Et ça sert à quoi ? – Ça « sert » pas à quelque chose ! Disons que c’est ta compagne, ton alter ego. Celle qui partagera ta vie, tes joies, tes soucis. Ensemble, vous ne ferez plus qu’un. Vous marcherez vers le soleil couchant en vous tenant par la main et en regardant dans la même direction… Dis, tu m’écoutes quand je te parle ?! – Magnifique… elle a… elle est pas comme moi ! Elle a… ça à l’air si doux ! Elle a l’air tellement délicate. – Oui, mais ne te fie pas trop aux apparences tout de même ! La beauté est parfois trompeuse ! – Elle va vivre avec moi ? Toujours ? Je pourrai la regarder encore ? —  14  —


– Oui, tu pourras même lui parler. Mais pour ça, il faudrait commencer par fermer ta bouche ! Allez, approche-toi d’elle, va lui parler ! – Non, je n’oserai jamais. Elle est trop belle, elle ne voudra pas de moi ! – Ben, disons qu’elle n’a pas tellement le choix ! Allez, Adam, courage ! Ce n’est pas la mer à boire, c’est juste un petit pas pour toi, mais un grand pas pour l’humanité !

Genèse 2.18-25

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Fraternelle jalousie De toute manière, ça n’ira pas ! Quoi que je fasse, il y a toujours quelque chose qui foire ! Ce n’est jamais bien fait, ou alors, ce n’est pas ce qu’il fallait faire ! C’est comme ça pour tout et depuis toujours ! Je devrais m’y être fait depuis le temps. Mais c’est plus fort que moi, ça me ronge ! Ça me fait mal, là, tout au fond du cœur ! C’est une souffrance que je porte en moi jour après jour. Non, c’est pas vrai, pas depuis toujours en fait. Avant, les choses étaient différentes. Mes parents étaient fiers de moi. Ils étaient heureux quand je faisais quelque chose pour eux, même si ce n’était pas parfait. Avant, ils ne comparaient pas. J’étais leur fils, celui qu’ils aimaient. Je lisais la joie et le bonheur dans leurs yeux quand ils me regardaient. Ils s’extasiaient des mille petits gestes quotidiens que j’accomplissais pour leur faire plaisir. Je me souviens avec émotion des premiers travaux agricoles avec mon père. Le champ —  17  —


qu’on avait retourné tant bien que mal, les graines qui poussaient n’importe comment et ne rapportaient pas grand-chose. C’est lui qui m’avait encouragé à chercher dans le sol la subsistance pour nourrir notre famille. Il était fier de moi à cette époque ! Même s’il ne le disait pas, je le sentais dans son regard et dans ses gestes. Avant, les choses étaient simples. J’étais seul avec eux. Mais depuis qu’il est là… Oui, tout a commencé quand mon frère est né. Il était tellement craquant, tellement mignon, tellement fragile ! J’aurais dû me méfier. Tout petit qu’il était, il a pris toute la place ! D’un coup ! Je n’ai rien vu venir ! Du jour au lendemain, je n’étais plus rien ! Finis les gestes tendres, les paroles d’encouragement, les moments de complicité. D’un instant à l’autre, j’étais devenu le gros lourdaud toujours à traîner dans les pattes. Le grand qui gêne et qui doit s’écarter pour laisser la place au petit frère tellement fragile. Je me suis vu repoussé le soir, au fond de la cabane sur une vieille pelisse tout usée, pendant que mon frère partageait la couche de mes parents. Ils m’ont envoyé aux champs, tout seul, toute la journée, pendant qu’ils veillaient sur le petit frère avec un air attendri et béat qui a le don de m’insupporter. Bien sûr, lui, il sait tout faire ! Quoi qu’il entreprenne c’est parfait, c’est génial, c’est —  18  —


extraordinaire. Comment pourrais-je régater face à un frère pareil ? Il est beau, intelligent, drôle, sensible… Je n’ai aucune chance ! En venant au monde, il m’a tout pris. L’amour de mes parents et l’estime de moi-même. Il a fait de moi un raté, un perdant, un révolté. Et c’est ainsi qu’on se souviendra de moi : Caïn, le jaloux ! En vérité, mon frère Abel m’a assassiné en venant au monde. Mais ça, nul ne le dira jamais !

Genèse 4.1-15 —  19  —


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De la flotte encore de la flotte ! Écoute fiston, c’est pas le moment de m’embêter avec tes listes. Je sais très bien que tu es un maniaque de l’ordre et que tu voudrais que tout soit tip-top en ordre, mais là, vois-tu, on est un peu dépassés. – Mais enfin papa, on doit absolument contrôler qu’on a rien oublié ! Tu imagines ce que ça voudrait dire pour l’ensemble de la création s’il nous manquait un élément ? – J’imagine ! J’imagine ! Bien sûr que j’imagine ! Mais même si on avait oublié quelque chose, comment voudrais-tu qu’on le sache ! Tu as vu le bazar là-dessous ? J’avais tout bien organisé, des enclos pour chaque couple de bêtes, de la nourriture stockée dans le faux pont, les pachydermes en bas pour donner une bonne assise à la barque. Mais va faire —  21  —


comprendre à ces bestiaux qu’il leur faut rester dans leurs cages ! Résultat : c’est l’anarchie totale. On a six degrés de gîte et dix pieds de flotte dans la sentine. J’ai bien essayé de mettre les éléphants à la pompe. Mais peine perdue ! Alors, si tu veux contrôler la cargaison... Vas-y fiston ! Ce n’est pas moi qui vais t’en empêcher ! Moi, du moment que la barque flotte et qu’il y a de l’eau sous la quille, c’est tout ce que je demande ! Le reste, je m’en tamponne ! Noé planta là son fils et grimpa le long de ce qui ressemblait vaguement à une échelle, pour rejoindre le pont supérieur. Japhet le suivit sans hésitation. Le pont était aussi encombré que l’intérieur du navire. Des animaux en tous genres se disputaient le peu d’espace disponible. Des singes grimpaient et se chamaillaient le long du tronçon de mât qui était censé servir de vigie. Partout, des oiseaux volaient. Une espèce de cabane était dressée de guingois, près de ce qui devait être la poupe. Devant la porte, une jeune femme d’une grande beauté prenait le soleil sur une minuscule chaise longue. Noé reprit : – Tu peux pas dire à ta femme de faire quelque chose ? Elle est là depuis que la pluie a cessé. Elle dit que c’est ce que font les dames sur un bateau. Moi, j’aimerais qu’elle prenne un seau et qu’elle aille traire la vache et la chamelle ! —  22  —


Franchement, je ne sais pas comment tu t’y prends avec elle, mais des fois, un minimum d’autorité, ça donne de bons résultats ! Et arrête de rester planté là à l’admirer en bavant comme un jeune chiot. – Dis, papa, ça va durer encore longtemps ce voyage ? – Comment tu veux que je le sache ? On flotte sur de la flotte depuis des semaines et je vois pas comment ça pourrait s’arrêter un jour, mais je peux te dire une chose fiston : Si on revoit un bout de terre, je pose la barque et je plante une vigne. Parce que la flotte, moi, j’en ai ma claque !

Genèse 7.1-23 —  23  —


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Question de principe – Je fais pas des histoires, je dis simplement qu’on a tous droit à la même surface ! – Si, tu fais des histoires ! C’est chaque fois la même chose avec toi. Pour une fois qu’on part en vacances, tu pourrais pas te détendre et profiter du voyage ? – Me détendre ! T’en as de bonnes, toi ! Comment veux-tu que je me détende dans cette cabine ? T’as vu la place qu’on a ? C’est à peine si je peux m’allonger ! – Tu exagères. Regarde, il reste même de la place ! – Mais t’as vu la cabine des voisins ? – La nôtre est bien assez grande ! – Je te pose la question ? T’as vu la cabine des voisins ? – Oui, je l’ai vue… – Et ? —  25  —


– D’accord, elle est plus grande, mais… – Elle est comment plus grande ? – Elle est beaucoup plus grande, d’accord, mais… – Elle est infiniment plus grande ! Et ça, c’est pas normal ! On a tous droit au même traitement. L’égalité, ça pas été inventé pour rien ! Je ne vois pas quel prétexte l’organisateur pourrait invoquer pour justifier une telle différence. J’ai beau chercher, je ne vois pas ! Mais je t’assure que ça ne va pas se passer comme ça, ils vont m’entendre, crois-moi ! On a tous droit à la même surface, un point c’est tout ! C’est une question de principe ! – Chouchou, tu n’es pas objectif ! – Je ne suis pas objectif, moi ? Mais vas-y, prends un mètre et mesure notre cabine et ensuite prends une chevillière et va mesurer celle des voisins. Tu verras si je ne suis pas objectif ! Quand je pense qu’on paye le même prix ! – Je te rappelle qu’on a été invités. Et en plus, on a de la chance, on a un hublot ! – Manquerait plus qu’on n’ait pas de hublot ! Ce serait le bouquet ! Déjà qu’on est fait comme des rats dans ce placard qui nous sert de cabine. Si en plus on n’avait pas droit à la vue, au pont-promenade et au buffet, —  26  —


je me demande bien pourquoi on aurait fait cette croisière. – Chouchou, en parlant de rats, tu as vu ce qui est marqué sur la liste des passagers ? – Quoi, qu’est-ce qui est marqué ? – Noé Croisière, Cabine 735, Madame et Monsieur Souris. Cabine 736, Madame et Monsieur Éléphant.

Genèse 7 —  27  —


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Un neveu encombrant Rouge de colère, le jeune homme agrippa la tenture de la portière d’un geste rageur. Son oncle tenta de le raisonner. – Ne t’en va pas, attends que je t’explique ! – Et que veux-tu m’expliquer ? Tu vas encore me parler de ton Dieu, cette divinité invisible et inconnue que tu dis adorer ? – Mais… – Tu vas me dire bien sûr que tu ne peux pas faire autrement, qu’il t’a ordonné de partir et de nous laisser là, en plan, abandonnés ! Mais t’es-tu posé, ne serait-ce qu’un instant, la question de savoir ce que nous allions devenir ? Ce que j’allais devenir ? – Mais tu as ton grand-père ! – Grand-père ! Grand-père ! Parlons-en ! Il est perdu dans son monde ! Depuis la mort de mon père, il est complètement absent. Quand —  29  —


il ne pleure pas, il revit les souvenirs heureux du bon vieux temps lorsque son fils était encore vivant. Il ne s’occupe que des morts ! On ne compte pas pour lui ! Je ne suis même pas certain qu’il soit conscient de ma présence. – Tu exagères. C’est vrai que la mort de ton père l’a profondément marqué, mais je suis sûr qu’il est capable de s’occuper de toi et… – Mais je ne veux pas qu’il s’occupe de moi ! Maintenant, c’est toi mon père ! Tu ne comprends pas que si tu m’abandonnes, je vivrai un deuxième deuil, plus cruel encore que le précédent ? Et Sarah, que pense-t-elle de tout ça ? Tu lui as demandé son avis ? Abram poussa un long soupir avant d’avouer dans un souffle : – Elle pense comme toi ! Elle dit qu’on ne peut pas te laisser ici, qu’on doit te prendre avec nous. Mais tu dois comprendre, Loth, que Dieu a dit que je devais quitter ma famille ! – Et Sarah, c’est pas ta famille ? – C’est pas pareil ! répondit Abram après une hésitation. Elle est mon épouse… – Et moi, je ne suis rien ! Juste un neveu encombrant, hérité d’un frère mort trop tôt. Il aurait mieux valu que je ne sois qu’un simple serviteur, tu ne m’aurais pas abandonné ! —  30  —


– Écoute, Loth, laisse-moi du temps, laissemoi réfléchir et prier. Peut-être qu’on trouvera une solution…

Genèse 12.1 —  31  —


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