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Sus au virus
Le monde bout dans sa maison. Par la faute d’un simple virus, un milliard d’humains sont cloîtrés chez eux. Les informations anxiogènes de médias fébriles nous disent de faire confi ance aux professionnels de la santé. Dans certains pays, les blouses blanches sont débordées. On a fait appel aux militaires. Et chez nous ?
Vous avez peut-être vu ces camions de l’armée italienne transporter des dizaines de cercueils. Dans la région de Mulhouse, en France, l’Armée de Terre a déployé des moyens sanitaires afi n d’accueillir des malades touchés par le Covid-19. En France toujours, certains hôpitaux sont dépassés par l’affl ux de personnes contaminées et l’Armée de l’Air évacue des malades vers des structures hospitalières là où le Covid-19 n’a pas « trop » frappé. Un A400M allemand a même pris en charge des patients gravement atteints à Strasbourg pour les déposer à Stuttgart.
En Belgique, au moment d’écrire cet article, les hôpitaux ne sont pas submergés et les effets du confinement se font ressentir, avec une stabilisation des hospitalisations. En attendant la décrue, les organisateurs de trajets des soins ont partagé les entrées en deux circuits (admissions normales et admissions coronavirus) ; d’autres réaménagent des blocs opératoires en salles de soins intensifs. Dehors, la Croix-Rouge a monté des structures d’accueil et de tri. Le ministre de la Défense annonce : « La Composante Médicale est prête à fournir six équipes composées chacune d’un médecin, un infi rmier, dix ambulanciers et deux ambulances ».
Volontaires
Si l’un ou l’autre parti politique a déjà réclamé l’emploi des militaires, les autorités disent que ce n’est pas encore nécessaire. La Composante Médicale peut assister le secteur civil tout en gardant assez de matériel pour son propre fonctionnement. Le gouvernement fédéral maintient la Défense en « réserve stratégique », sans pour autant la laisser inactive. L’Hôpital militaire Reine Astrid met trois ambulances à disposition d’hôpitaux civils. Comme un seul véhicule effectue entre 15 et 20 transports par cycle de 24h (avec une désinfection entre chaque mission), on imagine que cette aide soit bien appréciée. En accueillant dans son Centre des Grands Brûlés des blessés soignés dans les hôpitaux civils, l’HMRA permet aussi de dégager de l’espace, des moyens techniques et du personnel pour les victimes du Covid-19. Ailleurs, des infi rmiers et des brancardiers militaires prêtent main forte au personnel de maisons de repos débordées.
Le concept de « réserve stratégique » doit être compris comme un dernier recours, lorsque les capacités civiles sont saturées. Les réserves sont donc préparées pour agir au moment opportun. Car si l’on active prématurément cette réserve, nous pourrions être confrontés à des situations diffi ciles, dont une certaine confusion dans une machine qui tourne assez bien. Ensuite, sans plus aucune capacité à côté, que ferions-nous ? Appeler à la solidarité européenne ? Nos voisins ont aussi ce virus à fouetter. Enfi n, si nos militaires sont tous employés dans cette crise, quid des (rota
tions dans les) opérations s’ils attrapent le Covid-19 ? L’exemple de la frégate Léopold I est flagrant : pour un marin déclaré positif, c’était la fin de la mission d’escorte au porte-avions Charles De Gaulle. Le navire a dû rentrer à Zeebruges, une partie de l'équipage est en quarantaine et nous perdons momentanément une frégate.
Dans le ciel, la Composante Air a ramené des Belges et des Européens, de Las Palmas, du Maroc, du Mali, du Rwanda ou d’ailleurs. À la fin mars, il restait encore quelque 20.000 Belges à rapatrier. Les millions de masques arrivés à Bierset ont été répartis à Peutie, par nos logisticiens et la Protection civile pour être acheminés vers les hôpitaux en besoin.
Une bonne partie du personnel de la Défense reste en stand-by à domicile. Sur le territoire national, si environ 500 collègues opèrent encore pour OVG, la plupart des quartiers militaires travaillent en service minimum, avec le homeworking comme priorité. Plusieurs exercices et entraînements (inter)nationaux
ont été écourtés, reportés ou simplement annulés. Nombre de (ex-) militaires souhaitent aider et l’ont fait savoir haut et fort, soit auprès de leur hiérarchie, soit sur les réseaux sociaux.
À NOH, nos infirmiers militaires sont sur le pied de guerre. Leur tenue de combat n’est peutêtre pas bariolée, leurs armes ne crachent pas de feu et leurs gilets pare-éclats sont faits de masques, de gants et d’overall jetables. Mais encore faut-il en disposer en suffisance. Aujourd’hui, ce combat contre un ennemi invisible oblige nos collègues de la Médicale à plus d’efforts encore et à modifier des habitudes déjà chamboulées. Car lorsque tous les hôpitaux civils seront surchargés, ce sera le tour de l’HM, où les cas de Covid-19 côtoieront les grands brûlés qui, de tous les patients, sont les plus grands immunodéprimés. Le Covid-19 aura démontré, encore une fois, l’utilité d’un grand hôpital militaire fédéral capable d'affronter une crise sanitaire ou une catastrophe à tout moment, avec son personnel
Photo : Défense
formé, équipé et respecté. Il sera grand temps, une fois cette crise terminée, d’adapter le statut des infirmiers militaires, véritables soldats de la santé, comme cela a été le cas pour d’autres fonctions spécialisées, et de revoir à la hausse les moyens de la Composante Médicale, véritable parent pauvre de notre armée. Pour les Covid du futur…
Conséquences
Pour la Défense, une des conséquences touchera aussi le recrutement. Plusieurs sessions d’incorporation de jeunes recrues ont été reportées. Les rangs ne sont pas rajeunis alors que les plus anciens partent à la retraite. Le fossé s’élargira encore plus. Sans oublier que si leur date d’incorporation est repoussée, ces jeunes pourraient trouver un job ailleurs. Les formations au sein de la Défense accuseront aussi un certain retard. Donc oui, le défi du Covid-19 aura des répercussions sur notre pays, sa manière de fonctionner et aussi sur ses moyens de défenses immunitaire et militaire.