6 minute read
En avant, toute
Des composantes militaires belges, c’est la Marine qui a les plus hautes ambitions pour l’avenir. C’est bien simple : il est plus rapide de citer ce qui ne changera pas que de faire la liste des nouveautés. Dans le climat morose actuel on a d’ailleurs bien du mal à imaginer que ces plans prestigieux soient autre chose qu’un doux rêve…
Dans le courant de 2019, notre Marine a produit une série de présentations PowerPoint édifi antes concernant son avenir. Alors même que la composante plonge sous la barre symbolique des 1.300 militaires, nous apprenons qu’en plus de renouveler la quasi-totalité de la fl otte, l’État-major prévoit que 2.340 collègues porteront l’uniforme bleu foncé en 2030, répartis en 1.668 marins (dont 585 à bord) et 672 externes. Sachant que 80% du personnel (matelots, sous-offi ciers et offi ciers) est désormais recruté sous le régime BDL et que la carrière-type des collègues court-terme ne dépasse actuellement pas les cinq ans, on peut se demander où la Marine va trouver assez de jeunes candidats pour s’embarquer dans l’aventure. Il est déjà diffi cile de recruter maintenant, qu’en sera-t-il dans quelques années, quand la vague de pensions qui touche l’armée atteindra la population civile ? Les entreprises en mal de personnel vont se battre d’autant plus pour attirer et retenir les talents dont elles auront désespérément besoin.
Déjà en 2018, dans ces colonnes l’amiral Robberecht tirait la sonnette d’alarme : « Pour une situation saine, il faut au minimum trois marins à quai pour un à bord. Or pour le moment, en ce qui concerne les volontaires, nous en sommes à 1 pour 0,6 ! Socialement, c’est invivable ; il est urgent de recruter massivement. » Deux ans plus tard, la situation de la Marine a empiré. La lame de fond des départs va déferler encore pendant quelques années, le plus dur est à venir. Avec ses nombreux jobs techniques, la Marine devra nécessairement évoluer. Il est clair que pour atteindre ces objectifs, de gros changements seront nécessaires dans la gestion des ressources humaines. Il faudra impérativement prolonger la carrière au-delà des 8 à 12 ans proposés actuellement, rendre les rémunérations compétitives face au privé et surtout créer de toutes pièces la considération envers les militaires qui fait aujourd’hui défaut chez nos politiciens.
Vision futuriste
Pour relever le défi du personnel, la Marine compte sur un renouvellement quasi total du matériel et de l’infrastructure. Bâtiments futuristes, systèmes d’armes avant-gardistes, navires spectaculaires et tenues au camoufl age spécifi que ; le but est non seulement de retrouver une capacité opérationnelle adéquate mais aussi et surtout de générer des vocations. Comme le disait l’amiral à la vue du dessin des nouveaux
chasseurs de mines : « Quand les jeunes verront ça, ils ne pourront pas résister ! »
« Quand les jeunes verront ça, ils ne pourront pas résister ! »
On savait déjà que la Marine sera équipée de deux frégates ultra-modernes, des géants de 146 m de long et de 6.000 tonnes (presque trois fois plus que nos anciennes frégates de la classe ‘Wielingen’), capables d’embarquer jusqu’à 180 personnes ! Finis les achats d’occasion chez nos voisins : ces nouveaux gros navires sont produits en coopération avec la Marine néerlandaise, qui a le ‘lead’ pour ce dossier. C’est la firme hollandaise Damen Schelde Naval Shipbuilding qui se chargera du gros œuvre, tandis que Thales Nederland livrera l’essentiel de l’électronique et de la conduite de tir. Notamment le système 'Above Water Warfare System' (AWWS) annoncé comme ultra-performant, le ‘top’ au niveau mondial.
Les vieux chasseurs de mines ‘CMT’ de 536 tonnes seront quant à eux remplacés par six navires dits ‘polyvalents’, un marché sous direction belge attribué au consortium ‘Belgium Naval & Robotics’. Derrière ce nom se cachent deux grands noms de l’industrie française : ‘Naval Group’ et ‘ECA’.
Ce dernier construira une nouvelle usine de 5.000m² au port d’Ostende afin de produire les drones prévus dans le contrat.
Drones
Les nouveaux vaisseaux seront en fait très proches de la définition d’une corvette. Mais en plus de posséder un armement conséquent et un pont d’envol, ces unités emporteront des systèmes d’armes robotisés aériens et navals pour la lutte contre les mines. Ils pourront aussi être configurés de façon modulaire afin d’assumer une large gamme de missions. Avec plus de 80 mètres de long et un déplacement maximal de 2.800 tonnes, un seul de ces mastodontes sera plus gros que tous ses prédécesseurs réunis. En Ces navires à la structure renforcée contre les explosions sous-marines disposeront d'un vaste ensemble de systèmes de surface et sous-marins commandés à distance, comme l’embarcation sans équipage ‘Inspector 125’. Cette plateforme innovante permet au navire-base et à son équipage de rester à une distance de sécurité. Elle augmente également la capacité de déploiement. L'Inspector 125 embarque à son tour plusieurs drones reliés au système de combat du navire de lutte contre les mines. Il s'agit d’engins sous-marins autonomes A18-M, de sonars remorqués T18-M et de systèmes d'identification et de destruction de mines, tels que le Seascan et le KSTER-C télécommandés. Tous les drones peuvent être déployés à partir de l'Inspector 125. Le paquet comprend également des drones volants et de dragage de mines. Chaque navire possèdera au total une dizaine de drones.
Maritime Campus Antwerp
Avec près de 33.000 tonnes de navires contre 13.000 actuellement, nul doute que la nouvelle
Le Campus maritime, un fleuron naval à proximité du prestigieux ‘Museum aan de Stroom’ d’Anvers.
fl otte va susciter des vocations. À quai aussi la transformation sera sensationnelle. Outre une rénovation majeure des infrastructures existantes, on note la création du ‘Maritime Campus Antwerp’, un complexe tout neuf installé sur l’Escaut, non loin du prestigieux ‘MAS’ (Museum aan de Stroom) d’Anvers. Celui-ci abritera entreautres le Centre de Compétences et de Carrières de la Marine, le ‘Maritime Safety Center’ dédié à la sécurité en mer et des logements tout neufs. On ne sait pas encore grand-chose de la nouvelle branche ‘Coastal Security’, si ce n’est que son Centre de Contrôle promet d’être futuriste. Enfi n, le module ‘Harbour Protection’ situé à Bruges sera chargé, comme son nom l’indique, de la protection des ports et des infrastructures maritimes.
Laser naval de combat : la science-fi ction devenue réalité.
Que dire, si ce n’est que la Marine s’est lancé un défi extraordinaire. On ne peut qu’être abasourdi par l’audace de ces plans. L’avenir nous dira si ceux-ci relevaient du mirage ou de la réalité. Car si l’aspect matériel semble en bonne voie, au niveau du personnel tout reste à faire. Les dix prochaines années seront décidément déterminantes pour la Marine.
Belgica 2
Décidément, le remplacement de la fl otte belge sera total puisque le Belgica a été récemment mis à l’eau au chantier naval Freire (Espagne) en vue de remplacer son prédécesseur du même nom, en service depuis 1984. Ce navire de recherches océanographiques est mis en œuvre par notre Marine au profi t de l’État belge.
Ici aussi on a mis les petits canots dans les grands puisqu’on passe de 1.200 à 3.700 tonnes ! Pas moins de 400m² de laboratoires seront à la disposition des scientifi ques sur cet impressionnant navire dont l’étrange étrave est conçue pour affronter sans crainte une mer démontée. Pour son exploitation aussi, le Belgica 2 se veut ambitieux puisqu’il est conçu pour 300 jours de mer par an, pour lesquels il faudra bien sûr trouver des membres d’équipage dans les rangs déjà parsemés de notre Marine. La livraison est prévue pour novembre de cette année. Le Belgica sera donc la première unité de la ‘Marine 2.0’.