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Une situation Dell-testable
À la Défense, la tendance veut que, en plus des fonctions en cumul, les militaires supportent toujours plus de tâches pour pallier la disparition de capacités et services divers sensés leur permettre de faire leur job. C’est l’individu qui fait tout. Et s’il se trompe, ce sera bien de sa faute.
Dernièrement, Lucas a reçu une bonne nouvelle : il va recevoir un laptop fl ambant neuf de marque Dell, avec un bel écran de bureau de 24 pouces et un clavier supplémentaire, des haut-parleurs, un combiné casque-microphone, une souris et un support pour y poser le clavier. Sa « loan » (fi che de prêt) mentionne les articles reçus et les montants respectifs. Et puis là, c’est la surprise ! Tout le packaging, c’est-à-dire les emballages en carton et plastique, est repris sur le document pour une valeur forfaitaire de 250 € !
Interloqué, Lucas demande à son store manager la raison de cette case inhabituelle et inattendue. La réponse se veut froide et fataliste : le matériel étant en leasing, il faudra le rendre, d’ici cinq ans, dans son emballage d’origine : « L’équipement doit être rendu avec son emballage. Sinon, vous payez une pénalité. »
Des cartons mais pas que…
Le stockage de ces boîtes est de la responsabilité de Lucas, puisqu’il est l’utilisateur fi nal et que son unité ne dispose pas de l’espace nécessaire pour les garder pendant cinq ans. Au total, Lucas se retrouve avec sept boîtes en carton à garder chez lui, sans oublier les plastiques à bulles, modes d’emploi et autres membranes de protection. Un volume certes conséquent quand on sait que ce matériel fragile est généralement bien protégé.
« La plus grande boîte a les dimensions suivantes : 65X45X50 cm. Je peux mettre les petites boîtes dans la grande, mais les plier n’est pas une option envisageable », se plaint Lucas. Sans compter que notre membre recevra plusieurs « kits » informatiques et se retrouvera donc avec plusieurs lots d’emballage. Mais notre membre refuse de signer la fi che de prêt, signifi ant ainsi sa volonté de ne pas être tenu pour responsable des cartons.
Et la suite ?
La Défense a donc choisi d’imposer à son personnel qu’il garde les
emballages du matériel qu’ellemême a commandé pour lui. Ce montant forfaitaire élevé de 250 € représente aussi un bâton qu’on agite devant les yeux des utilisateurs du matériel. C’est tout de même cher payer pour quelques boîtes. Le fl ou règne aussi sur la pénalité en cas de perte d’un élément d’emballage. Les 250 € valent-ils pour tous les cartons ou une partie ? Les habitudes des fi rmes civiles font parfois peur et on peut craindre que dans le cas des militaires comme Lucas, Dell réclame l’ensemble pour la partie.
Mais ne serait-ce pas la responsabilité de la Défense, contractuellement liée avec les firmes civiles, de s’acquitter de cette tâche ? L’on peut se demander si l’armée ne choisit pas la solution de facilité, pour alléger le système ILIAS et les gestionnaires de matériel, en imposant à son personnel un certain nombre de « broutilles » (à ses yeux) pour lesquelles elle ne veut perdre ni temps, ni argent, ni espace, mais qui ajoutent encore plus d’exaspération sur le dos des militaires. Tout faire reposer sur les épaules de l’individu et le « menacer » de le sanctionner ne donne rien de bon. Le militaire doit être en mesure de faire son travail, de remplir sa mission sans devoir se disperser dans des tâches inutiles.
Fuites et riz noir
De l’espace, parlons-en. « Je ne suis pas obligé de garder ces cartons à mon domicile. À la caserne, malgré les travaux, il y a des fuites et l’eau s’infiltre. Du « riz » noir au sol ou sur les étagères
nous indique que des souris se promènent allègrement dans les locaux. Vous pensez que les cartons aimeront ces conditions de stockage ? À la fin des cinq ans, je devrai payer ces cartons endommagés qui n’ont pas été stockés au sec et à l’abri des rongeurs ? Non merci ! », souligne Lucas. Un refus bien signifié à la hiérarchie et qui sans doute serait exprimé par nombre de militaires. Refus des cartons et donc refus du matériel : Lucas se retrouve sans équipement informatique car il a déjà rendu l’ancien. Une situation quelque peu agaçante et inattendue pour sa hiérarchie, habituée à ce que son personnel dise « Oui » à tout. On peut alors se poser la question pour d’autres éléments de matériels commandés par l’armée : faudra-t-il que chaque utilisateur/rice stocke, chez lui/elle, les cartons et les plastiques de son équipement ? N’y-a-t-il pas assez de locaux ou de hangars sains susceptibles d’abriter ces boîtes, cageots, palettes et autres contenants ? N’y a-t-il pas dans cette situation une démission, une fuite des responsabilités de la part de l’armée ?
Le syndicat militaire a saisi le gestionnaire de matériel à propos de cette problématique. Espérons qu’une solution soit dans les cartons de la DG MR. Si aucune solution ne sera dégagée, l’ACMP-CGPM se tiendra aux côtés des membres confrontés à une telle situation.
Lucas est le nom d’emprunt fictif d’un militaire qui a refusé de signer sa « loan ».