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Péage urbain à Bruxelles
from FLEET 133 FR
« Quadruple peine pour les navetteurs » ?
Après les pistes cyclables, c’est un autre dossier « mobilité » qui a suscité des levées de boucliers aux quatre coins du pays : le péage urbain à Bruxelles. On savait les autorités bruxelloises pressées de mettre en œuvre une taxe liée à l’usage de la voiture. Eh bien voilà, le projet est sur la table. Il s’appelle SmartMove. Et il ne fait pas que des heureux. Y compris au sein de la majorité de Bruxelles-Capitale.
Grégory Livis et Anne Claes gregory.livis@eff ectivmedia.be – anne.claes@eff ectivemedia.be
Le projet
Le péage urbain bruxellois commence à prendre forme. Selon L’Echo, SmartMove – c’est le nom du système -, fonctionnera à partir de 2022 avec un tarif pour chaque voiture entrant dans la Région bruxelloise, complété par un tarif supplémentaire par kilomètre. Les voitures en leasing seraient incluses dans le système. Le revenu annuel est estimé à un demi-milliard d’euros. Le tarif dépend du moment où vous entrez dans la Région de BruxellesCapitale et de la puissance (exprimée en chevaux fi scaux) de votre voiture. Pendant les heures de pointe (de 7 à 22 heures et de 15 à 19 heures), le taux fi xe est de 1 euro et pendant les heures creuses (entre 10 et 15 heures), il est de 50 cents. Ce tarif fi xe est multiplié par un facteur dépendant de la puissance fi scale de la voiture. Pour une voiture moyenne, vous pouvez vous attendre à ce que ce tarif double ou triple. Pour les voitures de plus de 20 chevaux fi scaux, le prix à payer sera même six fois plus élevé. Ce n’est pas tout. Il faudra encore ajouter 18 cents par kilomètre en heure de pointe et 9 cents en heures creuses. Une note réjouissante : le week-end et la nuit (entre 19h et 7h), c’est gratuit. Ces nouvelles taxes s’ajoutent aux taxes des autres régions. Si vous faites la navette entre la Flandre ou la Wallonie et Bruxelles, vous payez toujours la TMC et la taxe de circulation annuelle. La simplifi cation de la fi scalité automobile sur l’ensemble du territoire belge n’est évidemment pas un objectif.
Des réactions politiques…
Les réactions sont tombées en nombre dans les heures qui ont suivi cette annonce. D’abord dans les deux autres régions du pays. « Le navetteur fl amand ne peut pas être discriminé par le péage urbain que cette Région veut instaurer », a affi rmé Lydia Peeters, ministre fl amande de la Mobilité. Peter Van Rompuy (CD&V) hurle sa rage : « Cette taxe pour le navetteur automobile fl amand est totalement inacceptable. Si Bruxelles devait persévérer, nous utiliserions tous les moyens depuis le parlement fl amand pour nous y opposer ». En Wallonie, une motion a été co-signée par majorité et opposition. Elle demande au minimum une concertation avec les autorités bruxelloises. Selon le député cdH Julien Matagne, il s’agirait d’une quadruple peine pour les navetteurs wallons et fl amands. « Ils payeraient une première fois pour entrer dans Bruxelles, une deuxième fois pour chaque kilomètre parcouru, une troisième fois via la dotation régionale 'navetteurs' de 19 millions d’euros reprise dans la loi spéciale de fi nancement, et, évidemment, une dernière fois via le paiement de la taxe de circulation
Julien Matagne - cdH
QUID DES VOITURES DE LEASING ?
Voici la piste envisagée pour les voitures de leasing dans le cadre du projet SmartMove tel qu’il est conçu actuellement : la taxation des voitures pour les sociétés de leasing à Bruxelles reste inchangée, mais les employés disposant d’une voiture de société paieront eux-mêmes l’utilisation des routes. qui restera d'application en Wallonie mais pas à Bruxelles. » Même au sein de la majorité bruxelloise, on tire à boulets rouges sur SmartMove. « La proposition est déséquilibrée. En l'état, nous n’approuveront pas ce texte », a martelé Ridouane Chahid, chef de groupe PS au parlement bruxellois. « L'accord disait que la fi scalité automobile doit être repensée, en passant de la possession à l'usage. Personne ne remet en cause ce principe. En revanche, l'accord précisait qu'il ne devait pas y avoir d'impact social négatif et qu'un accord de coopération entre les régions serait privilégié. À l'heure actuelle, ces critères ne sont pas rencontrés. »
… mais aussi des pros de la mobilité
Touring a tenu à réagir. « Dans le contexte économique actuel, il est irresponsable de punir l'usager de la route avec une taxe supplémentaire. Nous ne comprenons pas que Bruxelles agisse de sa propre initiative, sans tenir compte des autres régions, et met ainsi un couteau sous la gorge politiquement contre les automobilistes et les navetteurs. Avec un péage urbain ou une taxe de congestion, seuls ceux qui en ont les moyens pourront toujours se déplacer librement ou se rendre au travail en voiture. Alors que nous devrions en fait renforcer le pouvoir d'achat au lieu de charger le consommateur d'une taxe forfaitaire supplémentaire ». Du côté des fédérations Febiac (constructeurs et importateurs automobiles), Traxio (concessionnaires et revendeurs) et Renta (loueurs), on n’est pas opposé à une taxe kilométrique. Mais pas n’importe comment. « Il faut une tarifi cation routière équitable et claire. Cela signifi e, pour commencer, qu’il n’est pas question de procéder à la mise en place d’une augmentation d’impôts, ce qui est clairement le cas dans la proposition de Bruxelles. » Le communiqué commun des trois acteurs poursuit de cette façon : « Nous en appelons donc à une uniformisation pour l’ensemble du pays : idéalement une taxe kilométrique intelligente et neutre sur le plan budgétaire pour tous, mais certainement pas à un cumul des diff érents systèmes fi scaux au détriment des citoyens et entreprise ». Du côté de l’organisation patronale bruxelloise Beci, le conseiller en mobilité Ischa Lambrechts plaide également pour la concertation. « Si les employeurs ou les navetteurs non bruxellois doivent payer cette nouvelle taxe supplémentaire et que la question se pose de délocaliser l’entreprise ou de payer une taxe en plus pour travailler à Bruxelles, les entreprises vont choisir de partir. » Il met ensuite en doute l’intérêt en tant que solution aux problèmes de mobilité dans la capitale : « En plus, un péage urbain risque de simplement déplacer les problèmes de mobilité en périphérie, pas de les résoudre. »
COMBIEN ÇA VOUS COÛTERAIT ?
L’Echo a développé un outil de projection de ce que pourrait coûter le péage urbain dans sa conception actuelle. Le module de calcul estime que c’est toujours le même parcours qui est réalisé. Voici quelques simulations.
Chevaux Jours de Km en heures Km en heures Prix payé fi scaux conduite/ de pointe/jour creuses/jour
an (7hà10h/15hà19h) (10hà15h)
1 à 7 200 10 1 à 7 150 15 8 200 10 8 150 15 9 à 10 200 10 9 à 10 150 15 11 200 10 11 150 15 12 à 15 200 10 12 à 15 150 15 10 540 € 15 607 € 10 740 € 15 758 € 10 940 € 15 908 € 10 1.140 € 15 1.058 € 10 1.340 € 15 1.208 €