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Sur les traces de Florian Camathias

Son grand oncle Florian était un géant du side-car. Retour avec Joël Camathias (lui-même pilote, mais sur quatre roues), sur la carrière de celui qui fut quatre fois vice-champion du monde et qui trouva la mort à Brands Hatch, le 10 octobre 1965. Par Pierre Thaulaz

Dans les années soixante, le side-car était immensément populaire, et le garage BMW de Florian Camathias, à Veytaux, était aussi couru que le château de Chillon voisin d’à peine quelques centaines de mètres. Niché dans la roche, au bord de la route Cantonale, le célèbre atelier servait de base opérationnelle au pilote de side-car. Une époque héroïque où les rois des circuits étaient non seulement des mécaniciens avertis, mais aussi des vendeurs de premier plan. A ce titre, Florian Camathias ressemblait comme deux gouttes d’eau à un certain Jo Siffert, l’âme du garage de la route Neuve, à Fribourg. Deux grands champions arborant fièrement la croix suisse sur leur casque et qui, ironie du (mauvais) sort, ont tous deux trouvé la mort à Brands Hatch, à six ans d’intervalle (on commémore en 2021 les 50 ans de la disparition du pilote fribourgeois), dans une épreuve disputée hors championnat.

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«CE QUI EST SÛR, C’EST QUE FLORIAN CAMATHIAS A MARQUÉ SON ÉPOQUE.»

VICTOIRE SUR L’ÎLE DE MAN

Cinq victoires en moto, mais surtout 88 succès en side-car (dont 8 en GP) au côté d’une bonne dizaine d’intrépides passagers, à commencer par Maurice Büla. Parmi les principaux fait d’armes de Florian Camathias, on mentionnera ses victoires au Dutch TT, à Assen, en 1958 et 1959 (en compagnie d’Hilmar Cecco), au GP d’Allemagne et au Tourist Trophy, sur l’île de Man, en 1963 (avec Harry Winter), ou encore le GP de France en 1965, associé à Franz Ducret. Pas sûr que les statistiques soient toujours parfaitement exactes, mais ce qui est sûr en revanche, c’est que Florian Camathias a marqué son époque.

Une «légende» toujours bien présente à l’esprit de son petit neveu Joël, lequel vient de fêter ses 40 ans: «On peut dire que je suis un pilote semi-prof essionnel. Je ne suis ni professionnel ni gentleman driver, mais entre les deux. J’ai disputé deux fois les 24 Heures du Mans, j’ai roulé en Amérique, à un moment donné j’étais proche de la F1. Après, j’ai un physique qui ne me favorise pas forcément puisque je mesure 1,93 mètres. Mon père Romeo a roulé en moto, moi pas, mais j’ai toujours entendu parler de mon grand oncle Florian. Chaque fois que je vais au Nürburgring, je tombe sur cette plaque à l’entrée du circuit. On peut y lire les noms de tous les grands pilotes sur quatre roues, d’Ayrton Senna à Michael Schumacher. Et il y a aussi le nom de mon grand oncle. Lorsque je me rends en Angleterre ou en France, des commissaires me disent: «Vous portez le même nom que Florian…» Je réponds: «Oui, c’est la famille!» Je ne l’ai pas connu, mais je conserve son casque avec ses lunettes dans mon bureau. J’ai également des photos de lui avec mon père, il fait partie de notre histoire.» Petite précision: la famille Camathias est originaire de Laax, aux Grisons.

QUATRE FOIS VICE-CHAMPION

Quatre fois vice-champion du monde, en 1958 et 1959 avec comme passager Hilmar Cecco, en 1962 avec Harry Winter, puis en 1963 avec Alfred Herzig, Camathias est passé plusieurs fois à un poil du Graal. C’est à l’occasion d’une course disputée hors championnat, à Modena, qu’Hilmar Cecco devait trouver la mort en 1961, Camathias perdant le contrôle de son side-car (BMW) dans le 25e et dernier tour alors que le tandem menait la course. «J’ai toujours entendu qu’il n’avait pas eu beaucoup de chance», raconte Joël. «Mon père disait souvent qu’il avait toutes les cartes en main pour gagner et, pour des raisons parfois mystérieuses, il perdait tout dans le dernier virage ou lors de la dernière course.

Finalement, il n’a jamais remporté le championnat mais il a quand même effectué une belle carrière. Lorsqu’il s’est tué à Brands Hatch (réd.: son passager Franz Ducret s’en tirera avec des blessures légères), on ne connaissait malheureusement pas encore le casque intégral et il est mort sur le coup. La sécurité n’était pas la même qu’aujourd’hui. Tous les circuits anglais

«LES ANGLAIS, TOUT PARTICULIÈREMENT, VOUENT UNE PROFONDE ADMIRATION POUR LE PILOTE DE VEYTAUX. ILS ONT MÊME CRÉÉ LA CAMATHIAS CUP.»

sont un peu risqués et dangereux. A part Silverstone, ils ne son pas équipés d’infrastructures modernes, c’est toujours un peu particulier.»

LA CAMATHIAS CUP

Les Anglais, tout particulièrement, vouent une profonde admiration pour le pilote de Veytaux. Ils ont même créé la Camathias Cup, sur une idée de Dick Hawes qui avait couru à la même époque que Florian Camathias. Il l’avait même incité à prendre le départ de cette dernière et tragique course de Brands Hatch. Les mêmes Anglais qui avaient surnommé Camathias «le Stirling Moss du side-car», comprenez «le champion sans couronne». La Camathias Cup a été lancée en 2013. Elle se dispute sur des circuits anglais (Brands Hatch, Oulton Park et Cadwell Park) et européens (Assen, Zandvoort, Oschersleben, etc.).

Né au Tessin, Joël se souvient vaguement d’un pèlerinage à Veytaux alors qu’il était encore enfant: «Plusieurs années après, j’ai étudié à l’université de Fribourg et je suis venu quelquefois à Montreux sur les traces de mon grand oncle.» Le samedi 16 octobre 1965, plus d’un millier d’admirateurs attendaient le cercueil de Florian aux abords de l’église catholique de Montreux. Parmi eux, le double champion du monde de side-car Fritz Scheidegger, né à Langenthal et qui vécut à Courtelary. Cet autre pilote à lunettes (Florian Camathias était atteint d’une forte myopie!) est mort le 26 mars 1967 sur le circuit de Mallory Park, près de Leicester.

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u Joël Camathias avec, sous le bras, le casque de Florian. v A droite, les derniers vestiges du garage BMW de Camathias w x Magnifiquement restaurée, cette BMW R51/3 de 1953 est estampillée Florian Camathias

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