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Les belles endormies du Grand Hôtel de Territet

Alignées dans ce lieu de légende qui accueillit à plusieurs reprises l’impératrice Sissi, calèches, traîneaux et autres chaises à porteurs nous replongent dans un passé où mobilité ne rimait pas encore avec automobile. Une collection appelée à quitter la Riviera. Par Pierre Thaulaz

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Dad Régné s’enivrait aux parfums de la Belle Epoque. C’est à cet esthète venu de l’autre côté du lac Léman que l’on doit cette incroyable collection de calèches exposées dans l’ancien Jardin d’hiver du Grand Hôtel de Territet. Propriétaire depuis 1979 du bâtiment qui abrite également une exceptionnelle Salle des fêtes de 1895, rebaptisée Théâtre de l’Alcazar, le dandy décorateur a vu ses rêves se briser un à un, des incendies à répétition mettant définitivement fin à l’aventure d’une vie. Adieu sabrage de champagne et soirées costumées en l’honneur d’Elisabeth, impératrice d’Autriche-Hongrie. L’heure est à la faillite.

Après la vente aux enchères du bâtiment pour une bouchée de pain (40’000 francs), l’Etat de Vaud ayant exercé son droit de préemption, c’est bientôt au tour de la cinquantaine de véhicules hippomobiles, chaises à porteurs et autres grands-bis de faire retentir le marteau.

DES VOIX S’ÉLÈVENT

Certaines voix s’élèvent pour que ces trésors demeurent à Territet, à commencer par celle de Christian Guhl, président de l’Association de la protection des sites montreusiens: «Deux musées de Suisse alémanique et des collectionneurs de calèches se sont manifestés, mais la logique voudrait que les calèches restent ici.» Même son de cloche du côté de Régis Le Norcy, le «gardien du temple»: «Si elles pouvaient rester dans ces murs, dans l’absolu ce serait l’idéal. Mais ce « DEUX MUSÉES DE SUISSE ALÉMANIQUE ET DES COLLECTIONNEURS DE CALÈCHES SE SONT MANIFESTÉS, MAIS LA LOGIQUE VOUDRAIT QUE LES CALÈCHES RESTENT ICI. »

« IL S’AGIT D’UNE COLLECTION, MAIS VOILÀ, IL Y A DES PIÈCES SUISSES QUI N’INTÉRESSENT QUE LES SUISSES»

n’est pas l’esprit qui anime les gens de l’Office des faillites, lequel a pour vocation d’encaisser des sous pour rembourser les créanciers. Ils ont été un peu désillusionnés avec la vente du bâtiment de l’Alcazar, ils vont essayer d’optimiser un peu les calèches.» De son côté, Frédéric Osterhues, préposé à l’Office des faillites de l’Est vaudois, confirme que la vente aux enchères ne se fera pas nécessairement en un seul lot: «Certes, il s’agit d’une collection, mais voilà, il y a des pièces suisses qui n’intéressent que les Suisses, ou alors des pièces françaises qui n’intéressent pas forcément les Suisses. D’où mon intention de procéder dans un premier temps à un appel d’offres, quitte à réserver la possibilité d’organiser une vente aux enchères privée ou publique en fonction du profil des personnes intéressées.»

UN MUSÉE HORS DU TEMPS

Mais place tout d’abord à la visite guidée: un fiacre parisien de 1860 (l’ancêtre des taxis) côtoie un landau sur luge suisse de 1880. Un exemplaire unique au monde, au même titre que cette voiture de chasse anglaise de la fin du 19e. Un peu en retrait, la chaise à porteur de Gustave Eiffel fait figure de véritable œuvre d’art. Installés provisoirement dans la salle des fêtes, un char militaire helvétique du début du 20e et un véhicule du service du feu de Bevaix (1869) paradent aux côtés d’un char de maharadjah que tractait un éléphant. De quoi faire le bonheur de n’importe quel collectionneur…

Christian Guhl, président de l’Association de la protection des sites montreusiens, et Régis Le Norcy, le «gardien du temple»

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