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Mustang, une époque qui vendait du rêve
Une époque qui vendait et louait du rêve…
En ce milieu des sixties, le monde de l’automobile profite pleinement de la période qu’on appellera les 30 glorieuses. Surfant sur cette vague aux Etats-Unis, Ford présente la Mustang, une voiture que Lee Iacocca, responsable du projet, voulait voir comme la version US de la VW européenne. Par Gérard Vallat
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Présentée à la foire mondiale de New-York en 1964, la Ford Mustang, voiture simple et bon marché, s’adresse essentiellement à un public jeune. Immédiatement plébiscitée, la Mustang ouvre la voie des «Pony cars», ces petites sportives nerveuses made in USA. Proposée à ses début avec un moteur six cylindres en ligne de 2.8 litres, la petite nouvelle se déclinera rapidement avec une plus large palette de motorisations V8, de 4.3 et 4.7 litres, beaucoup plus rageux. Née coupé, la carrosserie évoluera en parallèle de ces améliorations, avec des versions cabriolet et fastback, cette dernière révolutionnant les habitudes de l’époque. Devenue nettement plus virile avec ses moteurs V8 que la version originelle, la Ford Mustang connait un succès fulgurant, sans précédent. Exclusivement routière, elle allait connaitre une évolution radicale lorsque Lee Iacocca prononçait une phrase géniale en matière de marketing. «Une voiture qui gagne des courses le dimanche augmente les ventes le lundi suivant». Fort de cette idée, Iacocca mandatait alors Caroll Shelby, déjà responsable du programme sportif de Ford, pour développer une version compétition de la Mustang, utilisable rapidement et facilement dans les manches du championnat américain SCCA. C’est ainsi qu’est née en décembre 1964 la première Shelby Mustang GT 350, qui sera rapidement engagée en catégorie «B production» sur les meetings de courses.
L’HOMME AU STETSON
Homme providentiel de Ford, créateur des iconiques Cobra, le Texan Carroll Shelby a radicalisé la Mustang pour en faire une bête de course. Basé sur la Mustang motorisée par le V8 289ci «Hipo» de 271 chevaux, le travail des équipes de Shelby a débuté en vitaminant le moteur d’une voiture qui devient alors une Shelby. Désormais équipé d’un carburateur 715 CFM Holley, d’un collecteur d’échappement spécifique, et d’une sortie libre, il développe 306 chevaux. Un différentiel autobloquant Detroit Locker assiste la boite de vitesses Borg Warner à carter en aluminium et rapports rapprochés, qui remplace la boite d’origine. Pour alléger la Mustang, la banquette arrière est supprimée, un capot en polyester avec une grosse prise d’air recouvre maintenant le V8. De magnifiques roues Cragar, développées sur demande expresse de Shelby complètent l’ensemble. A l’intérieur, un volant bois, un manomètre de pression d’huile, et un compte tours sont installés en même temps que la ceinture de sécurité ventrale «Ray Brown». Pour cette première version, le blanc est la seule couleur disponible, avec sur demande la pose de bandes bleues «Le Mans». Voilà pour la version compétition baptisée «R», qui évoluera au fil des mois et des années pour s’en aller conquérir victoires et titres sur tous les circuits, enrichissant ainsi le palmarès sportif de Ford. Sur demande du public, développée en parallèle de cette mutation très sportive, une autre version nommée «S» pour Street sera produite en de rares exemplaires dès 1966.
LA MUSTANG GT 350 SE CIVILISE
Extrapolée de la GT 350R de 1965, très typée course, de fait très bruyante, qui ne disposait pas de direction assistée,
Une époque qui vendait et louait du rêve…
et livrée exclusivement en blanc, la GT 350 Shelby-S s’est civilisée. Les échappements latéraux ont disparus, la boite manuelle est remplacée par une automatique, et de petites vitres ont fait leur apparition sur les montants d’ailes arrières. La prise d’air du capot moteur subsiste et est rejointe par d’autres ouvertures latérales pour refroidir les freins arrières. Différentes couleurs sont maintenant disponibles et la liste des options comprend le pont autobloquant, la climatisation, la radio et pour de très rares exemplaires un compresseur Paxton qui faisait grimper la puissance à 400 chevaux.
PARTENARIAT SHELBY AMERICAN ET HERTZ
Convaincus de l’intérêt grandissant de la version routière de cette «super» Mustang, Shelby American et le célèbre loueur américain Hertz ont créé un partenariat sans précédent. L’objectif était de concevoir une Shelby GT350 en série limitée afin de la proposer aux clients Hertz en location de courte durée. Pour Shelby, ce rapprochement était le meilleur moyen d’assurer la promotion de sa toute nouvelle Shelby GT350 auprès d’une cible d’acheteurs potentiels. De son côté, Hertz, prenait une véritable longueur d’avance
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sur ses concurrents en intégrant une telle voiture dans son offre. En 1966, la première série de 150 Mustang Shelby GT350-H (H pour Hertz) intègre la flotte. Suivront environ 850 autres voitures réparties sur les différents sites du loueur aux USA, dont les principaux aéroports. Particularité de cette version «Hertz», toutes les voitures sont noires avec bandes «Le Mans» dorées. Dans le lot, 85 d’entre elles sont équipés d’une transmission manuelle à quatre vitesses. Rapidement, le loueur constate que de nombreux clients ne savent pas se servir d’une boîte mécanique et revient à une version à boite automatique. D’autres plus adroits se mettaient en liste d’attente pour disposer de la version boite manuelle à quatre rapports. Sur ceux-ci circule une histoire qui dit qu’ils louaient une Shelby GT350 H pour participer à des compétitions, avant de ramener la voiture chez Hertz le lundi, ni vu ni connu.
UNE QUINQUAGÉNAIRE TOUJOURS FRINGANTE
Nous avons eu la chance de prendre le volant d’une de ces Shelby GT350-H en version boite automatique. Magnifiquement conservée, dans son jus, cette voiture qui avoue 56 ans sur son permis de circulation ne fait absolument pas son âge. Le moteur avec sa sonorité si typique du V8 américain délivre toujours sa puissance, parfaitement encaissée par une boite automatique bien agréable. La direction est directe et plutôt précise, tout comme le freinage. Evidemment qu’en prenant en considération les codes technologiques des voitures actuelles, il est absolument impossible de faire une quelconque comparaison. Néanmoins, l’expérience restera mémorable et pousse à jeter un œil dans le rétroviseur du temps, en se mettant dans la peau d’un américain client de Hertz, se retrouvant en 1966, pour un week-end aux commandes d’un tel Ovni. Aucun doute que l’expérience à cette époque, encore épargnée par les limitations de vitesses, devait procurer de sacrées sensations.
FICHE TECHNIQUE
Moteur V8, 4,7 litres – 306 chevaux Boite de vitesses Automatique, ou manuelle 4 rapports Dimensions 461mmx1730mmx1390 mm Poids 1270 kilos 0 à 100 km/h, Vitesse max. 6,5 sec, 225 km/h