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Pied au plancher jusqu’en 2025

Tinguely pied au plancher jusqu’en 2025

Organisée par le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, l’exposition «A toute vitesse ! Tinguely et le sport automobile» témoigne de la passion du génial artiste pour la compétition motorisée. Par Pierre Thaulaz

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«Tous les moyens m’étaient bons pour me rendre aux courses, dans un vieux tacot, à pied, à genoux si je le devais», déclarait Jean Tinguely, mort il y a 30 ans. En hommage à cette passion pour la course automobile, l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle présente des témoignages spectaculaires: side-cars, combinaisons de course peintes, sérigraphies ainsi que documents originaux. Ces témoignages remontent à l’amitié du sculpteur avec René Progin, vice-champion d’Europe de sidecar, lui-même artiste. Cette section d’exposition (au rez-de-chaussée) est visible jusqu’en 2025. «A toute vitesse !» met également en lumière l’amitié liant Jean Tinguely à Jo Siffert. Visible à l’étage supérieur de l’Espace, celle-ci est ouverte jusqu’en juin 2022.

En 1987, Jean Tinguely découvre dans la vitrine d’une auto-école du Boulevard Pérolles, à Fribourg, le châssis d’un side-car de René Progin. Il est d’emblée fasciné par l’étrange géométrie de l’engin. De 1988 à 1991, il décore quatre bolides pilotés par René Progin. Le side-car que Tinguely peint en 1988 pour la participation du Fribourgeois au championnat du monde est transformé par l’artiste l’hiver suivant en une sculpture baptisée «Shuttlecock». Cette œuvre fait partie d’une collection privée aux Etats-Unis. Par contre, on peut découvrir à Fribourg un sidecar complet et une carrosserie peints par l’artiste, au même titre que la Vernet-Pairard, bolide dessiné par l’artiste et Paolo Vallorz. Cette voiture qui participa aux 24 Heures du Mans avait été habillée d’une nouvelle carrosserie en polyester conçue par les deux artistes.

AUTO ACS : Surpris de voir vos sidecars entrer au musée?

René Progin: J’espérais que ça se réalise un jour, car dans toute l’œuvre de Tinguely, c’est la seule fois qu’il a peint des véhicules. Il avait été approché par BMW pour décorer une voiture du Mans, puis par Ron Dennis pour peindre des McLaren, mais il a toujours refusé. Pour nous, il a aussi conçu les combinaisons en kevlar.

Comment s’est passée la première rencontre avec Tinguely ?

Après avoir vu mon side-car dans la vitrine, il est venu un mois après voir une expo que j’organisais chaque année avec Bernard

Haenggeli, à Matran. Je n’ai plus rien entendu jusqu’en février 1988.

Il m’a demandé de passer chez lui, à

Neyruz. Il m’avait préparé un dessin.

Il m’a dit: «Tu vendras ça pour te payer les pneus pour la saison.» Ce dessin, j’ai pu le vendre grâce à Jo Pasquier qui était en quelque sorte l’homme de main de Tinguely à Fribourg. Il a réussi à vendre ce dessin trois fois le prix estimé par Tinguely. J’étais heureux.

René Progin à côté de l’une de ses oeuvres.

Vous comptiez la Placette parmi vos sponsors. Son ancien administrateurdélégué, Jean-Luc Nordmann , vous a également soutenu ?

Tinguely ne connaissait pas Nordmann, il l’a convaincu en 2 minutes au téléphone. Sur le dernier side-car peint par Tinguely, il est écrit: «Cet équipage est soutenu moralement par Jean-Luc Nordmann et Jean Tinguely, de Fribourg.» Ça vient contredire les Bâlois qui affirment que Tinguely est l’un des leurs !

Une amitié qui s’est donc nouée en 1988 ?

Oui, depuis le fameux dessin jusqu’à sa disparition, en août 1991. Je l’ai accompagné dans tous ses grands projets. Il devait monter une sculpture à Charlotte, aux Etats-Unis. Je participais au GP de Laguna Seca le dimanche, et le soir je prenais l’avion pour Charlotte. Le lundi matin, Tinguely arrivait de Moscou. Et toute la semaine, on bossait pour monter cette immense machine de 12 mètres de haut.

Tinguely pied au plancher jusqu’en 2025

Pour lui, la façon de préparer le matériel pour une course et pour une expo, c’était un cheminement semblable. Il me présentait parfois comme son camarade de combat.

Qu’est-ce qui lui plaisait dans le side-car ?

Le côté étrange de la mécanique. Ça ressemble un peu à une moto, un peu à une voiture parce qu’on a des roues un peu semblables et on a un système de suspension entre une suspension à trapèze de voiture et une suspension à fourche de moto. On découvre plein de biellettes. C’est un peu comme ses sculptures, on ne sait pas d’où vient la force.

Il avait tout de suite compris le mécanisme ?

Ça, c’est impressionnant. Il a vu ce machin une fois, et peut-être 6 mois après, quelqu’un lui demande comment ça fonctionne. Tinguely se penche sur la nappe en papier et il dessine la suspension. Celui qui est bon pour la musique, il a l’oreille absolue. Eh bien lui, il avait l’oeil absolu. Sur le premier carénage qu’il m’a peint, il me demande: «Pourquoi il y a cette prise d’air ?» Je lui dis que c’est pour le moteur. Réponse de Tinguely: «Mais l’air ne rentre pas là, et il me fait un dessin avec une flèche, là où il pense que l’air va rentrer. Peu de temps après, on a eu une séance d’essais sous la pluie, la merde sur la route faisant apparaître les traînées aérodynamiques. On a constaté que l’air passait exactement à l’endroit où il avait fait la flèche».

FAN DE FERRARI…

Jean Tinguely obtient son permis de conduire à Paris en 1956, année qui coïncide avec la naissance de sa passion pour les automobiles de sport, Ferrari de préférence. Une passion qui se reflète également dans son œuvre artistique. Il collecte des composants de voitures qu’il transforme en sculptures. Outre des œuvres de grande envergure comme «Lola T 180-Mémorial pour Joakim B» ou «Pit-Stop», il crée «CH», dédiée au socialiste et anarchiste Pierre-Joseph Proudhon.

… ET DE JO SIFFERT

Jean Tinguely était un proche de Jo Siffert. En 1981, soit 10 ans après la mort du champion fribourgeois, il organise un événement commémoratif dans le cadre de la course de côte Saint-Ursanne-Les Rangiers. Il se lance à l’assaut du col aux commandes de sa «machine de course» personnelle, la «Klamauk». En 1984, l’artiste fait don de la fontaine Jo Siffert à la Ville de Fribourg. En 1986, il organise une autre course commémorative, cette fois-ci sur le circuit de Lignières.

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