AUTO ACS | 301
EXPO
Tinguely pied au plancher Organisée par le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, l’exposition «A toute vitesse ! Tinguely et le sport automobile» témoigne de la passion du génial artiste pour la compétition motorisée. Par Pierre Thaulaz
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Tous les moyens m’étaient bons pour me rendre aux courses, dans un vieux tacot, à pied, à genoux si je le devais», déclarait Jean Tinguely, mort il y a 30 ans. En hommage à cette passion pour la course automobile, l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle présente des témoignages spectaculaires: side-cars, combinaisons de course peintes, sérigraphies ainsi que documents originaux. Ces témoignages remontent à l’amitié du sculpteur avec René Progin, vice-champion d’Europe de sidecar, lui-même artiste. Cette section d’exposition (au rez-de-chaussée) est visible jusqu’en 2025. «A toute vitesse !» met également en lumière l’amitié liant Jean Tinguely à Jo Siffert. Visible à l’étage supérieur de l’Espace, celle-ci est ouverte jusqu’en juin 2022. En 1987, Jean Tinguely découvre dans la vitrine d’une auto-école du Boulevard Pérolles, à Fribourg, le châssis d’un side-car de René Progin. Il est d’emblée fasciné par l’étrange géométrie de l’engin. De 1988 à 1991, il décore quatre bolides pilotés par René Progin. Le side-car que Tinguely peint en 1988 pour la participation du Fribourgeois au championnat du monde est transformé par l’artiste l’hiver suivant en une sculpture baptisée «Shuttlecock». Cette œuvre fait partie d’une collection privée aux Etats-Unis. Par contre, on peut découvrir à Fribourg un sidecar complet et une carrosserie peints par l’artiste, au même titre que la Vernet-Pairard, bolide dessiné par l’artiste et Paolo Vallorz. Cette voiture qui participa aux 24 Heures du Mans avait été habillée d’une nouvelle carrosserie en polyester conçue par les deux artistes.
AUTO ACS : Surpris de voir vos sidecars entrer au musée? René Progin: J’espérais que ça se réalise un jour, car dans toute l’œuvre de Tinguely, c’est la seule fois qu’il a peint des véhicules. Il avait été approché par BMW pour décorer une voiture du Mans, puis par Ron Dennis pour peindre des McLaren, mais il a toujours refusé. Pour nous, il a aussi conçu les combinaisons en kevlar. Comment s’est passée la première rencontre avec Tinguely ? Après avoir vu mon side-car dans la vitrine, il est venu un mois après voir une expo que j’organisais chaque année avec Bernard Haenggeli, à Matran. Je n’ai plus rien entendu jusqu’en février 1988. Il m’a demandé de passer chez lui, à Neyruz. Il m’avait préparé un dessin. Il m’a dit: «Tu vendras ça pour te payer les pneus pour la saison.» Ce dessin, j’ai pu le vendre grâce à Jo Pasquier qui était en quelque sorte l’homme de main de Tinguely à Fribourg. Il a réussi à vendre ce dessin trois fois le prix estimé par Tinguely. J’étais heureux.
«CH», dédiée au socialiste et anarchiste Pierre-Joseph Proudhon.
René Progin à côté de l’une de ses oeuvres.
Vous comptiez la Placette parmi vos sponsors. Son ancien administrateurdélégué, Jean-Luc Nordmann , vous a également soutenu ? Tinguely ne connaissait pas Nordmann, il l’a convaincu en 2 minutes au téléphone. Sur le dernier side-car peint par Tinguely, il est écrit: «Cet équipage est soutenu moralement par Jean-Luc Nordmann et Jean Tinguely, de Fribourg.» Ça vient contredire les Bâlois qui affirment que Tinguely est l’un des leurs ! Une amitié qui s’est donc nouée en 1988 ? Oui, depuis le fameux dessin jusqu’à sa disparition, en août 1991. Je l’ai accompagné dans tous ses grands projets. Il devait monter une sculpture à Charlotte, aux Etats-Unis. Je participais au GP de Laguna Seca le dimanche, et le soir je prenais l’avion pour Charlotte. Le lundi matin, Tinguely arrivait de Moscou. Et toute la semaine, on bossait pour monter cette immense machine de 12 mètres de haut.