5 minute read
2035, l’odyssée de l’électrique ?
L’Europe parviendra-t-elle à convertir l’automobiliste lambda ? Cette course effrénée vers le zéro émission est-elle raisonnable ? Suite et fin de l’analyse amorcée dans le précédent numéro d’Auto ACS par l’ingénieur électricien Jean-François Rime. En attendant vos réactions. Par Pierre Thaulaz
«On ne peut pas imposer les voitures électriques, fermer les centrales nucléaires et ouvrir des quantités d’usines à charbon», lâche Jean-François Rime. «Les Allemands ont rouvert des mines à ciel ouvert dans la Ruhr. On a exproprié des gens, détruit des villages, alors là je suis d’accord d’aller gueuler avec les écolos. Mais ce sont les mêmes qui n’ont pas voulu de centrales nucléaires pour d’autres raisons. Sur le plan de la mobilité individuelle, cette électrification nous envoie droit dans une impasse.» Et c’est un ingénieur électricien qui le dit… «Encore une fois, le 100 % électrique n’est selon moi pas réalisable car la production ne suit pas. On est en train de provoquer, ou plutôt d’imposer une révolution technologique, alors que tous les éléments de base ne sont pas résolus. Le changement technologique de la télévision, on ne s’en est même pas rendu compte. Si cette évolution correspond à un besoin, elle va se faire sans problème. Et pour revenir sur le terrain de la mobilité, personne n’a regretté les chevaux à Paris. La transition s’est opérée normalement, sinon tout le monde serait mort sous le crottin !
Advertisement
»La réponse écologique existe, mais on ne résout pas le problème de la densité de trafic. La diminution des émissions ? Ce n’est pas si évident. Le moteur électrique a un super rendement, mais avec quoi va-t-on l’alimenter ? Des cellules solaires sur le toit de la maison, mais là,
L’exemple norvégien
La vente de véhicules électriques en Norvège a dépassé 50% en 2020 grâce à des subventions élevées et des facilités diverses (fiscales, circulation). L’électricité est produite exclusivement par des barrages hydrauliques. «Magnifique, mais c’est oublier que si les Norvégiens ne brûlent effectivement pas beaucoup de pétrole chez eux, ils en exportent», relève Jean-François Rime. «Le fonds souverain de la Norvège est l’un des plus grands au monde. Le gouvernement a récolté plus de 30 milliards d’euros issus du pétrole en 2019, et il n’est pas prêt à renoncer à cette manne.»
La menace chinoise
«La Chine a fortement augmenté ses centrales au charbon depuis 2 ans et continuera jusqu’en 2030, au mépris des accords de Paris et de la tendance mondiale. Produire des voitures zéro émission en dispersant des tonnes de produits toxiques dans la nature ne semble gêner ni les Chinois qui les vendent ni les fonctionnaires de Bruxelles qui veulent les imposer», s’insurge Jean-François Rime. «Aujourd’hui, les Chinois fabriquent une gamme de voitures électriques très compétitives techniquement et à des prix abordables. L’industrie européenne est capable de
Jean-François Rime, ingénieur électricien EPFL.
à nouveau, ce seront des trucs chinois. Lorsqu’il a été décidé, en Europe, de subventionner l’installation de panneaux photovoltaïques, on a très vite constaté que ceux-ci étaient fournis majoritairement par l’industrie chinoise et que les rares fabricants européens n’avaient aucune chance face à eux. Cette situation n’a eu que peu d’influence sur l’industrie européenne du photovoltaïque, compte tenu de sa faible taille. Ce n’est pas du tout le cas pour l’industrie automobile, en particulier dans le domaine des batteries. La majorité d’entre elles provient d’Asie. En Europe, il n’y a pour le moment aucune usine capable d’en fabriquer en grande quantité à des prix compétitifs. Autre aspect critique: l’origine, les méthodes d’extraction et de raffinage des composants de ces batteries (lithium, cobalt, graphite, etc.). Les aspects écologiques et sociaux sont généralement totalement ignorés.» Le recours aux éoliennes ne trouve pas davantage grâce aux yeux de l’ingénieur: «Une centrale nucléaire assure la production 24 heures sur 24, et de temps en temps on les révise. Elle tourne au minimum 80 % du temps, alors que l’éolienne, c’est peut-être 20 %.»
DES VILLES SANS VOITURES ?
Et si c’était tout simplement l’automobile que certains souhaiteraient voir disparaître de notre champ de vision urbain? «On dit que les véhicules électriques sont parfaitement adaptés à la ville. Mais en même temps, on fait tout pour les chasser, comme on peut le constater en ce moment dans la capitale vaudoise. Ça fait trop de bruit, alors on les fait rouler à 30 km/h. Mais les voitures électriques ne font pas de bruit, et c’est même ça le problème. Des chargeurs à la Riponne? Aucun plan n’est prévu, les autorités ne veulent pas de voitures à Lausanne.» On l’aura compris, notre ingénieur n’est pas un anti-voitures électriques pur et dur: «Des amis ont acheté une BMW i3 et ils en sont très contents. Ils roulent entre Arcachon et Bordeaux, ils ont un chargeur à la maison, la femme, médecin, a fait installer des chargeurs à son cabinet pour ses clients. C’est leur choix et je le respecte. Mais si on force la population pour qui une automobile, c’est d’abord pratique et il ne faut pas que ça coûte trop cher, je ne vois pas le bénéfice escompté.» fabriquer des véhicules électriques haut de gamme. La concurrence est beaucoup plus dure pour les gammes inférieures. Il faut des investissements énormes dans les chaînes de production, et les marges actuelles des constructeurs automobiles sont souvent très faibles. Cette situation met en péril tous les secteurs liés à l’automobile en Europe et les grands vainqueurs seront surtout les Chinois, sur un plan économique si leurs véhicules remportent le marché, ou stratégiquement si l’Europe s’affaiblit suite à une crise économique majeure accompagnée d’une crise sociale.»
A vos plumes !
• Vous roulez en voiture électrique et aimez ça ? • Vous hésitez à franchir le pas ? • Ou alors vous demeurez résolument opposé à ce mode de locomotion ?
Merci de nous faire part de vos témoignages, remarques, appréhensions ou autres avis en envoyant votre message à :
info@actualpub.ch ou par courrier à l’adresse : ACS Auto Avenue du Bois-de-la-Chapelle 105 1213 Onex