AUTO ACS | 301
E-MOBILITÉ ACTE II
2035, l’odyssée de l’électrique ? L’Europe parviendra-t-elle à convertir l’automobiliste lambda ? Cette course effrénée vers le zéro émission est-elle raisonnable ? Suite et fin de l’analyse amorcée dans le précédent numéro d’Auto ACS par l’ingénieur électricien Jean-François Rime. En attendant vos réactions. Par Pierre Thaulaz
«
On ne peut pas imposer les voitures électriques, fermer les centrales nucléaires et ouvrir des quantités d’usines à charbon», lâche Jean-François Rime. «Les Allemands ont rouvert des mines à ciel ouvert dans la Ruhr. On a exproprié des gens, détruit des villages, alors là je suis d’accord d’aller gueuler avec les écolos. Mais ce sont les mêmes qui n’ont pas voulu de centrales nucléaires pour d’autres raisons. Sur le plan de la mobilité individuelle, cette électrification nous envoie droit dans une impasse.» Et c’est un ingénieur électricien qui le dit… «Encore une fois, le 100 % électrique n’est selon moi pas réalisable car la production ne suit pas. On est en train de provoquer, ou plutôt d’imposer une
révolution technologique, alors que tous les éléments de base ne sont pas résolus. Le changement technologique de la télévision, on ne s’en est même pas rendu compte. Si cette évolution correspond à un besoin, elle va se faire sans problème. Et pour revenir sur le terrain de la mobilité, personne n’a regretté les chevaux à Paris. La transition s’est opérée normalement, sinon tout le monde serait mort sous le crottin ! »La réponse écologique existe, mais on ne résout pas le problème de la densité de trafic. La diminution des émissions ? Ce n’est pas si évident. Le moteur électrique a un super rendement, mais avec quoi va-t-on l’alimenter ? Des cellules solaires sur le toit de la maison, mais là,
L’exemple norvégien La vente de véhicules électriques en Norvège a dépassé 50% en 2020 grâce à des subventions élevées et des facilités diverses (fiscales, circulation). L’électricité est produite exclusivement par des barrages hydrauliques. «Magnifique, mais c’est oublier que si les Norvégiens ne brûlent effectivement pas beaucoup de pétrole chez eux, ils en exportent», relève Jean-François Rime. «Le fonds souverain de la Norvège est l’un des plus grands au monde. Le gouvernement a récolté plus de 30 milliards d’euros issus du pétrole en 2019, et il n’est pas prêt à renoncer à cette manne.»