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Tableaux en mode jour et nuit

Exposées dans sa Galerie de Burier, sur la commune de La Tour-de-Peilz, les œuvres d’Alfred Python procurent un plaisir dédoublé. Explications de cet artiste aux origines fribourgeoises, fan de Jo Siffert. Par Pierre Thaulaz

Auto ACS : Quel est votre parcours ?

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Alfred Python : Durant mon apprentissage de menuisier, j’ai commencé en parallèle à peindre des motos et des casques. Devenu très tôt indépendant, j’ai réalisé des mises en valeur de publicités pour Lucky Strike, Parisienne ou Elf. Durant de nombreuses années, j’ai également créé des t-shirts imprimés. Depuis la crise du Covid, les meetings et autres manifestations se sont raréfiés. Mes clients, des propriétaires de fitness, de restaurants ou d’hôtels, se sont mis en stand-by, ce qui signifie que je n’ai quasiment plus eu de boulot depuis avril 2020. D’un autre côté, j’avais toujours en tête de faire de mon hobby mon activité principale, mais je ne savais pas trop comment démarrer. J’avais aussi peur d’être copié. Je suis donc resté très discret, ne montrant mes créations qu’à des amis. J’ai beaucoup bossé sur mes tableaux, plutôt que de rester les bras croisés. J’en suis au 68e tableau, certains ayant été créés avant le Covid. Et en mai dernier, j’ai inauguré cette exposition consacrée aux «Légendes et génies de l’automobile».

Vos tableaux sont doubles ?

C’est une technique que j’avais abordée dès les années 90, lorsque je peignais des motos. Je possède encore un petit tableau en guise d’échantillon où je testais des pigments luminescents. Je l’avais placé sur le toit de mon atelier pour voir la réaction avec la lumière. Sur mes tableaux, les pigments luminescents, invisibles de jour, laissent apparaître des personnages de nuit, à l’exemple de Colin Chapman, le créateur de la Lotus.

L’automobile ne vous laisse donc pas indifférent ?

L’histoire de l’automobile, de la moto et des moteurs m’intéresse, au même titre que les personnalités de ces anciens pilotes, de Fangio à Senna. J’éprouve aussi une grande admiration pour Stéphane Peterhansel, même si je ne suis pas un grand fan du Dakar. On découvre par exemple dans l’un de mes tableaux qu’il a été champion de France de skateboard durant sa jeunesse. Son coéquipier, Edouard Boulanger, est venu voir l’exposition. Il m’a dit: «Je reviendrai avec Stéphane!»

Votre idole, c’est Ayrton Senna ?

Plutôt Jo Siffert. Ma mère a grandi dans son quartier. Elle nous avait emmenés dans son garage en 1970 pour qu’on puisse avoir des posters. Siffert, c’était quelqu’un pour moi. En plus, le premier tableau que j’ai vendu lui était consacré. Le deuxième jour de mon expo est arrivé un monsieur qui m’a dit: «Je veux ce tableau !» Il l’avait découvert sur mon site Internet, mais il ne l’avait pas vu de nuit. De jour, on découvrait trois de ses voitures emblématiques, la Lotus et la BRM F1 ainsi que la Porsche championne du monde d’endurance. En éteignant la lumière, on voyait apparaître Jo Siffert et un peu derrière, Rob Walker, qui l’a beaucoup aidé à ses débuts.

Mais il n’y a pas que le sport auto dans vos tableaux ?

J’adore ce tableau Mercedes qui raconte

«C’EST UNE TECHNIQUE QUE J’AVAIS ABORDÉE DÈS LES ANNÉES 90. JE POSSÈDE ENCORE UN PETIT TABLEAU EN GUISE D’ÉCHANTILLON OÙ JE TESTAIS DES PIGMENTS LUMINESCENTS. INVISIBLES DE JOUR, ILS LAISSENT APPARAÎTRE DES PERSONNAGES DE NUIT.»

une histoire incroyable... Mon but est de créer de l’émotion chez les gens qui découvrent une oeuvre. En un mot, il faut qu’ils se retrouvent dans le tableau. Je me lance des défis. Avant la fin de l’année, je veux que ce tableau soit chez notre président. Il symbolise l’année 2021, la présidence de la Suisse un peu dans la tempête. Le drapeau qui flotte, le ciel gris, on est un peu dans une Suisse tempétueuse à cause du Covid. Guy Parmelin est dans le tableau, serein malgré tout.

Une nouvelle passion ?

Complètement. J’ai été encouragé par un client qui m’achetait des t-shirts, une société californienne qui fabrique des vannes à membrane. La petite-fille du fondateur a fondu en larmes quand elle a vu apparaître son grand-père.

Des couleurs pastel de jour ?

J’y suis un peu contraint. Cet aspect jaunâtre de mes tableaux s’explique par ma méthode d’application des pigments phosphorescents. Je ne pourrais pas le faire sur du rouge bordeaux ou du bleu marine.

Le meilleur moment pour découvrir vos tableaux ?

Notre oeil est plus sensible lorsque le soleil se couche. Surtout, l’ambiance est différente le soir puisque ce sont les tableaux qui éclairent alors la pièce.

Infos : www.galeriedeburier.com

Première victoire d’Ayrton Senna au GP du Portugal, en 1985. A gauche, le tableau tel qu’on le voit le jour, et à droite de nuit.

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