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Salon or not salon ?
Après avoir changé de nom, le vénérable centenaire qu’on n’appellera plus jamais Salon de l’automobile de Genève mais GIMS (Geneva International Motorshow) fait désormais figure d’Arlésienne, depuis ses reports successifs de 2020 jusqu’à un éventuel retour en 2023. Par Gérard Vallat
Terrassé en mars 2020, à quelques jours de son ouverture, par un virus qui a créé la panique mondiale que l’on connaît, le Salon de l’automobile de Genève (GIMS), plus important événement international se déroulant dans notre pays, semble maintenant en rémission d’un Covid long qui pourrait le remettre au calendrier, tout du moins on le souhaite, pour le printemps 2023.
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Souffrant depuis quelques années déjà des maux naturels inhérents à son grand âge, commençant à montrer des signes de faiblesse, le Salon de l’automobile de Genève, véritable institution née à l’orée du XXe siècle, se devait de trouver un second souffle, pour ne pas courir le risque de rester trop longtemps stationné dans le parking d’une industrie dont l’évolution s’est subitement accélérée, avec notamment cette monovision du tout électrique. Pour évoquer cet avenir que l’on doit qualifier d’immédiat, au vu de l’urgence générée par une déjà trop longue absence du calendrier, nous avons rencontré le directeur du salon, Sandro Mesquita, véritable thérapeute au chevet d’un patient dont le pronostic vital semble engagé.
ACS : Tout d’abord, qui êtes-vous, Sandro Mesquita, d’où venez-vous ?
SM : Je suis Vaudois, j’ai 47 ans, j’habite Dompierre, un petit village près de Lucens. Mon cursus professionnel s’est essentiellement déroulé dans les domaines marketing et communication pour de grands groupes du secteur de l’énergie. En mai 2020, j’ai pris mes fonctions de directeur du GIMS, après avoir travaillé les sept années précédentes pour des clients suisses et internationaux dans différentes agences de publicité.
Comment vous êtes-vous retrouvé à ce poste, alors que le salon venait à peine d’être annulé ?
SM : Cela peut paraître surprenant, mais il faut savoir que mes contacts avec la société chargée du recrutement avaient eu lieu bien avant. L’objectif initial fixé à l’heure de mon engagement était de relancer l’intérêt pour ce salon qui était – et restera, je le souhaite – un événement international majeur. Maintenir cette tradition, la développer pour la pérenniser en la faisant évoluer au travers d’une nouvelle formule m’a convaincu. Ce challenge m’a séduit. J’ai accepté le job à la fin de l’année 2019, alors que le Covid était encore un concept chinois assez éloigné de nos préoccupations du moment. J’ai tout de même pris mes fonctions, bien qu’on m’ait laissé le choix de refuser, avec en premier lieu la nécessité de survivre aux événements qui nous ont frappés.
Quel est votre lien avec l’automobile ?
SM : Je n’avais aucun lien professionnel direct avec l’automobile, mis à part des missions dans le cadre de la publicité et du marketing. À titre privé, j’apprécie la voiture, j’ai toujours été attiré par l’esthétique et le design, mais également pour ce que l’automobile nous apporte dans la liberté de nos déplacements.
Comment avez-vous pris vos marques le 1er mai 2020 ?
SM : Ce n’était pas évident, j’arrivais un peu comme sur un champ de bataille, mais cela n’a rien changé dans mon intention puisque j’avais accepté le poste. L’annulation c’était une chose, mais elle avait également créé un certain nombre de tensions avec le monde politique et Palexpo. La situation était très délicate, il a fallu comprendre les différents enjeux pour dégager les priorités. On ne parlait plus d’objectifs, mais de l’analyse des possibilités permettant de survivre. Les pertes étaient importantes, mais nous ne parlions pas de banqueroute. L’urgence exigeait de réduire drastiquement les coûts de fonctionnement, limiter la sortie de cash, et envisager les solutions existantes pour trouver les fonds permettant de redémarrer.
«L’ANNULATION A CRÉÉ DES TENSIONS AVEC LE MONDE POLITIQUE ET PALEXPO. IL A FALLU COMPRENDRE LES DIFFÉRENTS ENJEUX POUR DÉGAGER LES PRIORITÉS.
Le canton de Genève avait fait une proposition en ce sens ?
Effectivement, une proposition de prêt avait été faite, mais le conseil de fondation l’avait rejetée, la jugeant trop risquée pour différentes raisons. Dès lors, il a fallu réfléchir à d’autres options.
Refuser cette proposition n’a-t-il pas verrouillé toute possibilité de remettre le salon sur pied pour 2021 ?
Il faut se remettre dans le contexte de la période : nous étions au printemps 2020, le Covid débarquait dans nos vies. En juin, nous avions pris contact avec les marques pour sonder l’intérêt d’organiser un salon en 2021. La réponse avait été rapide et très claire, c’était «non» à plus de 70 pour cent. Il y avait trop d’inconnues avec le virus, et il fallait absorber l’annulation 2020. De toute façon, il n’y aurait rien eu en 2021, ce qui ne nous a pas empêchés de chercher des solutions pour trouver un financement en vue de 2022. Au fil des contacts avec différents partenaires s’est présentée une proposition avec le Qatar. J’ai été contacté par le premier ministre du Qatar, qui avait eu vent de l’impossibilité d’organiser le salon en 2021. Il a proposé d’organiser le salon à Doha, parce que la situation sanitaire était plus simple, mieux gérée, et que la volonté d’organiser un tel événement existait depuis un certain temps déjà. Saisissant cette occasion, j’ai proposé de monter un salon, avec l’idée de créer une source de revenu qui permettrait au salon de Genève de redémarrer. Au terme de ces discussions, d’août 2020 à mars 2021, nous avons trouvé un accord pour mettre sur pied notre salon à Genève en mars 2022. Hélas, une fois encore, le Covid a rebattu les cartes et reporté le projet à mars 2023.
Ces reports successifs posent également la question de l’intérêt d’un salon de l’automobile ?
À cette question, la réponse est très claire : le principal intérêt réside dans le fait que nous nous positionnons en tant qu’acteur du secteur automobile. À ce titre, nous organisons un salon prioritairement pour les marques. Les risques d’annulation étaient trop élevés pour une édition 2022, les constructeurs sont conditionnés par cet état de fait. Un autre facteur s’était invité dans les discussions, celui de l’indisponibilité de certains modèles, due à la difficulté de livraison des composants électroniques qui touche pratiquement toutes les marques. Par exemple, le CES de Las Vegas, un salon de l’innovation, a bien eu lieu, mais quantité de marques avaient annulé leur présence, ce qui représente Suite page suivante
des pertes qui se chiffrent en millions. Un salon représente en quelque sorte le miroir du monde de l’automobile, un monde qui a souffert, ce qui explique pourquoi le format et le nombre de visiteurs n’a aucunement influé sur ce dernier report de Genève. Nous souhaitons évidemment que la machine se remette en route. L’édition planifiée en 2023 est sans doute celle de la dernière chance.
Malgré ces éléments, bien compréhensibles, passablement de marques avaient déjà «déserté» les allées de Palexpo ?
En effet, la tendance était à une baisse du nombre de participants bien avant le Covid. Consciente de cette situation, la fondation avait mis au concours le poste que j’occupe.
Que devrait être le GIMS de demain ?
Je n’ai pas de scoop à livrer sur le sujet, mais on peut en parler. Tout d’abord, nous devons planifier une période plus courte, la formule «actuelle» de dix jours est un peu longue et coûteuse. Une durée plus courte sera plus intense en matière de propositions. Les journées médias sont toujours importantes et représentent une partie de l’attrait d’un salon pour les marques, ce qui signifie qu’il faut leur accorder beaucoup de soin. Notamment en proposant aux marques une formule différente, leur permettant de disposer de plus de place, de plus de temps et de moyens pour présenter leurs modèles. L’objectif étant de leur éviter de devoir investir chacun des moyens supplémentaires. Le numérique est aussi une thématique importante, qui doit être développée pour donner accès au salon aux gens qui ne peuvent pas venir, et pas qu’en raison de la pandémie. Le numérique crée un salon hybride qui amplifie énormément l’impact de l’événement, au-delà des spectateurs en présentiel. Ensuite, je pense que le salon sera un peu conçu comme un festival, c’est-à-dire avec différentes scènes et différents lieux dans un seul lieu. Ce qui permettra de proposer différentes choses ou thématiques, comme la voiture électrique, qui représente parfaitement la thématique du moment. Un lieu pourrait par exemple être dédié à d’autres expériences avec les voitures, pour aller au-delà de les regarder. On pense également à d’autres domaines à intégrer, tels l’eco -système, la mobilité automobile et d’autres ayant trait aux interfaces. Aujourd’hui, on entend dire que, à l’avenir, 60 pour cent de la valeur d’une automobile sera lié au logiciel qui la pilote. Ce qui explique la place qu’occupent les fournisseurs de logiciels, liés aux constructeurs de voitures. Tous ces nouveaux acteurs font désormais partie du paysage, mais l’automobile doit rester au centre. Notre vision n’est pas de devenir un salon de la mobilité qui intègre des vélos et autres, notre projet veut intégrer tous les acteurs du monde automobile. Aujourd’hui, ce monde est mis sous pression, autant par des enjeux environnementaux que politiques. Ils doivent être exposés dans le cadre du salon au cours de conférences et débats. En résumé, nous voulons que le GIMS soit une plateforme de rencontres pour les représentants des marques, entre elles, comme avec le public, mais qu’il soit toujours l’événement dont Genève et la Suisse peuvent être fiers. Je reste positif et confiant pour une édition en 2023.
Rendez-vous incontournables
Le Salon, l’occasion de rencontres De g. à dr. : Jacques Lafitte, Florian Vetch, Guy Ligier, Margot Lafitte, Alain Menu, Andrea Piccini, Giorgio Mondini, Jean-Denis Delétraz et Massel Fässler. Xavier Brun et Neel Jani.
PATRICK SUTER : LE GRIZZLY
Incontournable pour les dirigeants de marques, comme pour les visiteurs, habitués à la parenthèse gourmande de sa fameuse potence, le restaurant Le Grizzly, comme tous les commerces à proximité de Palexpo, souffre de trois ans d’annulation. «L’absence de cette clientèle d’habitués que nous ne rencontrions qu’une fois par année nous manque beaucoup, et pas seulement pour la baisse de notre chiffre d’affaires. Nous espérons vraiment que nous retrouverons tout le monde en mars 2023.»