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Porsche Carrera GT, bolide iconique
Porsche iconique…
Lorsqu’on parle d’icône de l’univers automobile, on pense un peu trop rapidement à l’Italie. Pourtant, c’est aller un peu vite, en occultant les icônes prestigieuses nées outre-Rhin, notamment du côté de Stuttgart. Par Gérard Vallat
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On pourrait l’imaginer échappée du paddock d’un championnat d’endurance, pourtant la Porsche Carrera GT, beauté racée à la ligne intemporelle, est bel et bien une voiture «de route» qui soufflera prochainement ses 20 bougies. Produite à seulement 1270 exemplaires, la belle se fait tellement rare qu’elle provoque étonnement et sensation, lorsqu’on a la chance d’en croiser une. Pour sa part, l’humble scribouillard a probablement, et sans l’ombre d’un regret, échangé une mince probabilité de gagner à la loterie contre un test au volant de cette prodigieuse Porsche. Évoquer la possible évasion de la Carrera GT d’un circuit provient probablement de l’allure musculeuse de ses lignes aérodynamiques, à laquelle s’ajoutent ses larges entrées d’air latérales, et celles de son bouclier avant. Installé en position centrale arrière, le V10 a dicté le design et l’aérodynamisme de la voiture, et notamment la position avancée du poste de pilotage… Eh oui, avec une telle machine on peut se permettre de parler de pilotage !
Agressive, racée, l’allure générale est encore renforcée par les deux bossages en grillage d’acier inoxydable qui recouvrent le moteur. L’arrière lui aussi extrêmement bien dessiné comporte un aileron rétractable qui se déploie à partir de 120 km/h pour rajouter 400 kg d’appuis à la vitesse maximale de 330 km/h. Pour arrêter le bolide de seulement 1380 kg, des disques en carbone/céramique ventilés de 380 mm sont visibles à travers les branches des grosses roues de 20 pouces. Après ce passage en revue visuel, l’excitation des sens se poursuit au travers de l’audition, qui ajoute au plaisir des yeux celui quasiment musical du V10 Porsche.
NAISSANCE À ÉPISODES
D’une sonorité digne des grandes orgues de Stuttgart, le moteur V10 atmosphérique Porsche est la véritable pièce maîtresse de ce chef-d’œuvre sur roues. Indirectement «responsable» de la création de la Carrera GT, ce moteur V10 conçu au début des années 90 avait pour objectif initial d’équiper le prototype Porsche 962C. Un projet devenu caduc après le rétropédalage de la réglementation des 24 Heures du Mans, qui voulait éradiquer tout propulseur autre qu’atmosphérique. Ainsi, en maintenant les moteurs turbocompressés pour les courses d’endurance, le V10 évoluait en direction des exigences du règlement de la formule 1. Motoriser les monoplaces F1 de l’équipe Arrows devenait par ricochet le nouveau plan d’utilisation de ce moteur. Malheureusement, cette fois encore, politique, finances et concurrence, notamment avec Cosworth, condamnaient une nouvelle fois ce bijou mécanique. Maudit, on aurait pu croire qu’il ne sortirait jamais de ses cartons. Pourtant, bien que ce moteur n’ait jamais fait l’expérience de la piste, la Suite page suivante
destination finale du V10 prenait tranquillement forme dans la tête des ingénieurs. Planchant ces années-là sur le projet d’un prototype pouvant servir de vitrine au nouveau système de freins carbone/céramique PCCB (Porsche Composite Ceramic Brake), ils eurent la bonne idée d’implanter ce propulseur sur le concept car à l’origine de la Carrera GT. Désormais destiné à un usage routier, le V10 Porsche passait sa cylindrée à 5700 cm3 en se «civilisant» quelque peu. Né pour la compétition, ce moteur dispose de plusieurs avantages, dont l’angle à 68° du V des 10 cylindres, qui permet de l’implanter très bas dans le châssis, mais aussi son poids plume. Entièrement construit en alliages légers résistants aux hautes températures, il ne pèse que 214 kg. Couplé à une boîte de vitesses manuelle à six rapports, le V10 Porsche délivre la puissance de 612 chevaux à 8000 t/m pour 590 N.m de couple à 5750 t/min. Tout ceci se mettant en place, préalablement à la présentation officielle de cette nouvelle icône de Stuttgart, planifiée pour une entrée retentissante dans le IIIe millénaire.
DESCENTE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
À l’aube de l’an 2000, après avoir classé la dernière évolution de sa GT1 aux premier et deuxième rangs des 24 Heures du Mans 1998, Porsche prenait la décision de lancer un projet «Supercar», destiné à
rivaliser avec Ferrari, Pagani et Mercedes. Une parfaite rampe de lancement pour le fantastique concept car qui donnera naissance à la Carrera GT. Présentée en grande pompe au Mondial de l’Automobile de 2000, au cœur d’une mise en scène peu commune, avec pour cadre la descente des Champs-Élysées jusqu’à la pyramide du Louvre, la nouveauté fera l’unanimité auprès de la presse, et bien entendu des acheteurs, toujours prêts à se précipiter, chéquier à la main, à chaque opportunité de faire l’acquisition d’une Porsche iconique. Ce qui est généralement une bonne idée lorsqu’on a les moyens de s’offrir une voiture si exceptionnelle, qui plus est quand elle s’avère être un bon investissement.
SÉRIE LIMITÉE
C’est une lapalissade de dire que tout ce qui est précieux est rare . Disponible au catalogue de 2003 à 2006, la Porsche Carrera GT a été produite à seulement 1270 exemplaires, numérotés évidemment. Pur concentré du meilleur de la technologie Porsche, aboutissement routier d’une expérience acquise durant près de 50 ans de compétition automobile, cette exceptionnelle Porsche se vendait aux alentours de 400 000 francs en 2003. Aujourd’hui, une Carrera GT se négocie dans une fourchette allant de 800 000 à un million de francs, ce qui démontre concrètement l’aspect bon investissement évoqué dans le paragraphe précédent. Des 1270 voitures produites, on ne connaît pas le nombre toujours en circulation. Certaines Carrera GT ont été détruites, comme celle, tristement célèbre, à bord de laquelle l’acteur américain Paul Walker (Fast and Furious) est décédé lors d’un accident de la route. Une destinée funeste, tout comme celle de James Dean en 1955, qui a également perdu la vie au volant de son Spyder 550, une autre Porsche mythique.
AU VOLANT
Moment magique bien sûr, mais plus encore un rêve réalisé ! Lorsque prendre place au volant d’une Porsche Carrera GT reste en soi une opportunité rare, la conduire devient un privilège. Installé, que dis-je, moulé dans le siège baquet, je suis prêt à vivre l’expérience. Revêtu de cuir sur une structure de magnésium et de fibre de carbone, ce siège magnifique ne pèse qu’à peine plus de 10 kg, contre plus de 20 pour celui d’une Porsche Carrera de ce début des années 2000. Une petite révolution à l’époque qui a permis l’émergence des sièges actuellement proposés sur les Porsche GT3 et GT4. Immergé dans cet univers de carbone, de cuir et de magnésium, on découvre encore le pédalier taillé dans de l’aluminium massif et surtout le pommeau de levier de vitesses constitué de plusieurs essences de bois, un clin d’œil à la Porsche 917. Mais le vrai moment de grâce arrive lorsqu’on donne vie au V10. Tradition du constructeur, issue de l’expérience de la compétition, et plus directement des 24 Heures du Mans, lorsque le pilote démarrait le moteur, la clé de contact est toujours placée à gauche. Immédiatement, le V10 donne de la voix, ce qui provoque autant de plaisir que de frissons. Avant de passer le premier rapport, Jérome Della Santa, directeur du garage Klausen, qui nous a mis à disposition la voiture, prévient de «ménager» l’embrayage. Minuscule, avec ses 169 mm de diamètre, cet embrayage en carbone très proche de la compétition exige d’être relâché avec beaucoup de douceur lors du démarrage, si on ne veut pas le griller. Une fois l’exercice réalisé, la machine est lancée et immédiatement on se sent très à l’aise et comme «invincible» dans cette armure de carbone. Réalisé sur route ouverte, comme toujours, et c’est tant mieux, car je tremble rien qu’à l’idée d’emmener un objet de ce prix sur un circuit, cet essai ne donne évidemment lieu qu’au récit du plaisir de la conduite. Je n’ai pas vérifié si le 0 à 100 km/h s’abat en 3,9 secondes et le 0 à 200 km/h en 9,9 secondes, pas plus que contrôlé l’effet de l’aileron à 330 km/h, mais je suis d’un naturel confiant. Je suis certain que Porsche n’a pas menti… et le plaisir était au rendez-vous.
Prestigieuses ancêtres
Créée en 1931 par Ferdinand Porsche la marque éponyme, dont l’image s’est construite essentiellement sur le succès de ses engagements en compétition, et notamment aux 24 Heures du Mans, a débuté son histoire avec la fameuse Volkswagen. Désormais réputé pour le caractère sportif de ses voitures, Porsche revendique une impressionnante galerie d’ancêtres, dont certains ont un lien «intime» avec notre Carrera GT. Figurant parmi cette grande lignée, nous avons retenus cinq Porsche représentatives qui, sous différents aspects, partagent toutes un peu des gênes de la Carrera GT. Par Gérard Vallat
PORSCHE 550 SPYDER
Présentée en 1953 au mondial de l’automobile de Paris, la Porsche 550 Spyder a été produite à 90 exemplaires jusqu’en 1957. Utilisable sur route comme en compétition, cette Porsche affiche un impressionnant palmarès sportif, dont une victoire de classe aux 24 Heures du Mans 1954. Hélas, elle est également connue pour l’accident mortel du célèbre acteur américain James Dean, qui s’est tué à l’âge de 24 ans sur la California State Route 46, entre Los-Angeles et Salinas.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Moteur 4 cylindres à plat | 1488cm3 110 chevaux | 210 km/h
Poids
590 kilos
Nombre d’exemplaires
90
PORSCHE CARRERA RS 2.7
On fait un bond dans le temps en 1972, avec la Porsche Carrera RS 2.7, une voiture qui a donné ses lettres de noblesse à la lignée 911 présentée dix ans plus tôt. Créée pour une homologation au plus haut niveau de la compétition, considérée comme le Graal absolu dès sa présentation, la Carrera RS 2.7 possède un extraordinaire palmarès sportif. Aujourd’hui, la version routière (Light et Touring) devenue rare, hante les nuits des amoureux de la marque.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Moteur 6 cylindres à plat | 2687cm3 210 chevaux | 240 km/h Poids Light : 975 kilos | Touring 1075 kg Nombre d’exemplaires 1590
PORSCHE 959
Dix autres années se sont écoulées entre la Carrera RS et la Porsche 959. Pensée en 1983 pour répondre au nouveau règlement du groupe B, cette voiture sera finalement peu engagée en compétition (Paris-Dakar 1985 en version 959 et 24 Heures du Mans 1986 en version 961). De la Porsche 959, on retiendra le défi technologique qu’en ont fait les ingénieurs de Stuttgart. Transmission intégrale contrôlée électroniquement, amortisseurs auto-réglables en fonction de la vitesse, jantes Denloc (indéjeantables), moteur 4 soupapes par cylindre, bi-turbo, culasse refroidie par eau etc.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Moteur 6 cylindres à plat | 2800 cm3 450 chevaux | 317 km/h
Poids
1450 kilos
Nombre d’exemplaires
283
PORSCHE GT1
Encore une Porsche dont l’origine prend sa source dans la nécessité d’homologation pour la compétition. Née voiture de course en 1995, la GT1 s’est ensuite déclinée en version routière. Rarissime sur les routes, cette Porsche était incontournable sur les circuits du monde entier. De 1996 à 1998, ses différentes versions GT1, GT1 Evo et GT1-98 ont ferraillé avec les meilleurs GT, telles Mercedes, Ferrari et McLaren. A son actif de nombreuses victoires, avec notamment un doublé aux 24 Heures du Mans 1998.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Moteur 6 cylindres à plat 3163 cm3 537 chevaux | 308 km/h
Poids
1150 kilos
Nombre d’exemplaires
25
PORSCHE 918 SPYDER
Descendante directe de la Carrera GT, la Porsche 918 Spyder a fait sa première apparition au salon de Genève en 2010. Concurrente directe de LaFerrari et de la McLaren P1 qui ont adopté la technologie de l’hybridation, cette nouvelle Porsche, comme ses rivales, est propulsée par un moteur thermique secondé par deux moteurs électriques. Plébiscitée par la presse et les acheteurs, la 918 récoltera 2000 intentions d’achat. Trop pour satisfaire la demande, étant donné que seuls 918 exemplaires ont été produits.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Moteur thermique 8 cylindres en V 4593 cm3 | 610 chevaux | 345 km/h Électriques avant 123 chevaux arrière 142 chevaux