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La clinique du professeur Hurni
by actual pub
Immergé dans l’automobile depuis plus de quatre décennies, Christophe Hurni cumule différentes casquettes, parfaitement synthétisées par l’atmosphère clinique de son «repaire» de Boudry, où il a rassemblé les instruments de sa passion. Par Gérard Vallat
Par la propreté et l’attention que lui apportent les hommes qui y travaillent, on a pour habitude de qualifier de «clinique» un atelier propre et bien entretenu. Eh bien, ce terme prend plus que son sens dans les locaux de la société Sport Promotion du Neuchâtelois Christophe Hurni. Sitôt la porte franchie, le visiteur est saisi par la propreté des lieux et surtout l’ordonnancement qui y règne. D’ailleurs, on est à peine surpris d’être invité à chausser des pantoufles, pour pénétrer le sanctuaire sans souiller le sol. Le ton est donné ! Ce sens de l’ordre et du travail bien exécuté, le maître de maison l’applique au plus près dans chacune de ses activités, pratiquement toutes liées au monde de l’automobile.
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Parlons tout d’abord de votre rôle de président de la section neuchâteloise de l’ACS…
Grand passionné d’automobile, et de sport automobile, que je pratique avec le même plaisir depuis quarante ans, il devait être écrit que j’accepterais de prendre cette responsabilité lorsque l’ancien président m’a proposé de lui succéder en 2010. Finalement, c’est la suite logique de mon histoire que de dédier de mon temps à l’ACS, pour défendre cette passion pour le monde de l’automobile.
Que représente l’investissement d’un président de section ?
Tout d’abord, je dirais que notre section fonctionne comme une petite entreprise dirigée par un comité bénévole. On peut donc résumer la réponse à cette question de l’investissement en parlant de l’orientation et du temps que chaque président veut ou peut consacrer à ce poste. Lorsque mon prédécesseur m’a «vendu» le job, il m’a dit que cela ne représentait que quelques heures de temps en temps, mais si on veut bien faire les choses, il vaut mieux ne pas compter. Et comme le dit l’adage, quand on aime… En ce qui concerne précisément la section neuchâteloise, elle est quand même assez dirigée vers le sport et le plaisir que procure la voiture, étant donné mon inclination pour le sport.
N’est-ce pas historiquement l’essence du club ?
Effectivement, et c’est cette histoire de l’ACS que je souhaite retrouver en recrutant des «vrais» membres. Quand je prononce le mot «vrais» membres, ce n’est pas péjoratif, mais je pense à ceux réellement concernés par l’intérêt et le plaisir que peut procurer une voiture. Attirer des gens qui ont plaisir à rejoindre un club pour une autre raison que d’économiser 10 pour cent sur leur prime d’assurance. L’objectif étant de créer un solide noyau de passionnés, prêts à partager cette passion avec des jeunes, par exemple, mais aussi
avec des personnes un peu plus âgées qui apprécient de rouler en anciennes voitures. Selon moi, la magie existe à partir du moment où quelqu’un parle d’automobiles avec des étoiles dans les yeux.
Quand on parle de l’histoire de l’ACS, on se souvient que le club a représenté l’autorité sportive durant de très longues années. Qu’en est-il actuellement ?
Quand l’ACS a perdu ce rôle d’autorité sportive, cela a provoqué passablement de changements dans l’ADN du club, évidemment. Cette autorité est maintenant sous la responsabilité d’Auto Sport Suisse, avec lequel nous entretenons d’excellents rapports. De mon côté, je m’applique à faire le maximum pour revenir à une position importante dans la promotion et le développement du sport, comme des activités liées à l’automobile. Je ne suis pas focalisé sur la compétition seule, j’apprécie tout autant un rallye touristique qui réunit les gens autour d’un intérêt commun.
Combien de membres sont affiliés à la section ?
Environ trois mille, ce qui n’est pas si mal pour un petit canton. Néanmoins, nous avons enregistré une perte de 15 à 20 pour cent de nos membres. Une situation provoquée par différentes décisions prises par la direction centrale du club, au niveau des partenariats choisis. Ces changements de partenaires provoquent toujours du mouvement au sein des adhérents, mais la volonté est d’en recruter de nouveaux. Nous restons confiants sur le sujet.
Autre casquette de Christophe Hurni, celle de patron de Sport Promotion ?
C’est la plus ancienne de mes casquettes, puisque Sport Promotion existe depuis 1983. D’ailleurs, on fêtera les 40 ans d’existence l’année prochaine. Au départ, c’est l’histoire d’un jeune passionné, pas trop argenté, qui décide de faire des courses de voitures. Rapidement, il se rend compte qu’il faut trouver des soutiens financiers, mais aussi qu’il faut pouvoir s’entraîner pour évoluer dans ce sport. Parti avec son bâton de pèlerin pour démarcher des sponsors, il a fait la rencontre de personnes qui l’ont suivi et aidé. C’est à partir de là que démarre l’activité, en louant des circuits afin d’organiser des journées d’entraînement pour ses copains et lui. Je crois que j’ai été un peu précurseur dans l’organisation de journées «Track-Days», qui se sont pas mal généralisées depuis. De fil en aiguille, certaines personnes de mon entourage ont compris que c’est assez sympathique de rouler avec une voiture de course. De fait, ils ont eu envie d’en posséder une. Et, s’enchaînant les unes aux autres, les choses se sont faites ainsi petit à petit, sans jamais arrêter jusqu’à aujourd’hui, avec une palette de propositions assez large. Nous organisons et encadrons des stages de perfectionnement à la conduite et de pilotage, sur glace et sur piste. En parallèle, nous offrons également la possibilité à ceux qui le souhaitent de découvrir et débuter en sport automobile. Coacher, encadrer et suivre l’évolution de jeunes pilotes me tient très à cœur depuis un moment déjà. Finalement, l’histoire est un éternel recommencement. Au début, les journées «Christophe Hurni» se déroulaient sur les circuits des manches du championnat suisse, un jour ou deux avant l’événement ; aujourd’hui, elles se nomment Sport Promotion et elles ont lieu juste avant les manches du championnat Ultimate, auquel nos pilotes et moi-même sommes inscrits.


Parlons de ces jeunes pilotes…
Cette année, une dizaine de jeunes pilotes provenant du karting feront leurs premiers tours de roues en monoplace avec nous. Certains prendront leur plaisir exclusivement sur des journées de roulage, quand d’autres se dirigeront vers l’engagement en compétition. Ces dernières années, quelques pilotes engagés en course ont débuté lors de nos journées. Par exemple, Antonin Borga est arrivé sur nos stages, après son père, qui participait lui aussi aux journées de roulage. Il a débuté par le championnat VdeV, pour aboutir au championnat du monde d’endurance et aux 24 Heures du Mans.
Au rayon des souvenirs, je peux également citer Christian Grosjean, le papa de Romain, qui roulait avec nous au début des années 90. Il avait amené avec lui son tout jeune fils, futur pilote de F1, pour lui faire découvrir le pilotage. Plus récemment, je peux citer Grégoire Saucy, qui brille maintenant en F3 internationale. Lui aussi a découvert le pilotage d’une monoplace dans notre environnement.
Pour en revenir à vous : où puisez-vous l’énergie pour courir encore, 40 ans après vos débuts ?
J’aurai 60 ans cette année, mais l’âge ne change rien à la motivation, et n’altère aucunement la passion. Bien sûr, il faut un peu se faire violence pour sortir de la zone de confort résultant de l’expérience accumulée au fil des années. Les jeunes ont par définition l’ambition, et surtout l’énergie de leur âge. J’accepte évidemment ces différences, mais mon plaisir n’a pas changé. Lorsque j’avais 20 ans, comme tous, je rêvais du but ultime, mais on se rend rapidement compte qu’il est compliqué de réunir le «package» indispensable, alors seul le plaisir demeure. En regardant dans le rétroviseur, je ne vois que du positif, et beaucoup de joies au cours de ces 40 ans passés sur les circuits.
Puisqu’on parle de souvenirs, j’aperçois dans la halle une monoplace de F3 qui rappelle des souvenirs…
C’est vrai que cette Swica F3, une voiture créée par le génial Pierre-Alain Rechsteiner, représente un très beau souvenir. À cette époque, en 1986-1987, Jean-Denis Delétraz pilotait lui aussi une Swica. Ce projet suisse m’avait vraiment plu, ce qui m’a convaincu de relever le défi. J’ai toujours été très admiratif du créateur de cette voiture. C’était une démarche risquée à une époque où il y avait plusieurs constructeurs de formule 3 sur un créneau très compétitif. Retrouver cette Swica aujourd’hui, restaurée dans son état d’origine, me procure beaucoup de plaisir et accroît encore ma motivation pour aborder une nouvelle saison en pleine immersion de cette passion pour l’automobile.



