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Jonathan l’éclectique
by actual pub
Champion suisse des rallyes 2022, Jonathan Hirschi ajoute ce titre à celui qu’il avait décroché en 2006, en remportant le championnat suisse de vitesse, une performance qui fait du Neuchâtelois le seul Helvète titré sur les deux disciplines. Par Gérard Vallat
Un titre de champion suisse acquis au terme d’une saison ponctuée de deux victoires, deux podiums, mais aussi par une folle remontée des tréfonds du classement, jusqu’à la cinquième position du dernier rallye du Valais. Une épreuve que le Neuchâtelois et son coéquipier valaisan abordaient débarrassés de toute pression, sauf celle de bien faire. Malheureusement, après une entame en fanfare, au sommet du classement avec une troisième position et un meilleur temps sur les deux premières spéciales, l’équipage Jonathan Hirschi/ Michael Volluz plongeait à la 46e place suite à trois crevaisons. Un revers qui n’a pas désarmé les deux hommes, qui ont mis les bouchées double pour revenir à la cinquième place finale d’un rallye remporté par Mike Coppens/Christophe Roux au volant d’une Skoda Fabia Rally2 evo.
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Malheureusement moins connu que les sportifs qui parviennent encore à s’infiltrer dans cette inexorable case du «politiquement correct», Jonathan Hirschi mériterait pourtant de figurer en haut des pages des quotidiens. Ceux-là mêmes qui crucifient depuis quelques années les pilotes automobiles sur l’autel du «greenwashing». À 36 ans, le Neuchâtelois a déjà écrit quelques belles pages du sport automobile suisse. Débutant en karting à 16 ans, il n’était pas à proprement parler un junior. D’ailleurs, de cette époque, il confesse avec beaucoup de franchise qu’il était assez loin du compte : «Je n’étais vraiment pas dans le coup !» Pourtant, passant à la monoplace dès 2004, il démontrera très rapidement de véritables aptitudes, ainsi qu’un coup de volant capable de l’emmener au titre au terme de la saison 2006. Ensuite, il franchissait un cap en faisant le pas vers la F3 dans un championnat allemand. De cette expérience d’une seule saison, il gardera le souvenir de quatre victoires, avant de replonger en Formule Renault 2.0 en championnat de France. Un retour dans le giron de la marque au losange qui l’amenait presque naturellement au Championnat d’Europe Renault Megane. Cette discipline, il la fréquentera en 2008 et en 2009, avec un titre de vice-champion à la clé. Cette expérience en voiture fermée se poursuivra en parallèle de divers championnats GT, aux niveaux mondial et européen. Dès 2010, Jonathan Hirschi a déjà fait sa place dans le peloton du GT1 et GT3. Mais, gourmand, le Neuchâtelois trouvera un autre challenge en bifurquant vers les prototypes LMP2. Une autre étape d’une carrière déjà riche et surtout marquée par l’éclectisme. Un éclectisme si riche qu’on en oublierait ses apparitions sur la glace du Trophée Andros. C’est certain, Jonathan Hirschi n’a pas fini d’explorer les différentes voies de sa passion.
«EFFECTIVEMENT, JE NE M’ÉTAIS PAS VRAIMENT FIXÉ CET OBJECTIF DE REMPORTER CE CHAMPIONNAT SUISSE DE VITESSE, MAIS UN TITRE EST TOUJOURS BON À PRENDRE. ENSUITE, JE ME SUIS REMIS AU RALLYE»
On sait que vous êtes un pilote éclectique, pourtant on ne s’attendait pas à ce que vous décrochiez le titre dès votre retour au rallye…
Effectivement, je ne m’étais pas vraiment fixé cet objectif si rapidement, mais un titre est toujours bon à prendre. Ensuite, pourquoi je me suis remis au rallye ? Pour deux raisons : la première parce que je cherchais un nouveau challenge ; et la seconde, plutôt extrasportive, est en lien direct avec mon implication familiale et professionnelle. Ces critères posés, j’ai pesé les différents choix possibles et le rallye s’est immédiatement positionné comme étant la bonne option. C’est une discipline que j’apprécie énormément, que j’avais déjà pratiquée il y a quelques années. Rouler vite, sans faire de fautes, sur des tracés et des revêtements variés représente de vraies difficultés. C’est toute la définition et la beauté du rallye. De plus, les épreuves sont relativement proches de chez moi, ce qui limite beaucoup les déplacements, et évidemment le temps que cela demande.
Concernant le temps consacré au rallye, pouvez-vous le comparer à celui que vous passiez à préparer d’autres épreuves, notamment celles de longue durée ?
Ayant participé notamment à huit éditions des 24 Heures du Mans, mais aussi aux 24 Heures de Spa et du Nürburgring, je peux mesurer la différence d’implication. L’endurance est extrêmement exigeante physiquement et mentalement. La préparation d’avantcourse et le temps de récupération prennent quasiment un mois. C’est lourd dans un planning familial et professionnel. Le rallye au niveau national est bien moins chronophage. Mais il y a de sacrées compensations à l’engagement. Jamais je n’oublierai les sensations vécues sur le podium des 24 Heures du Mans en 2019. Se retrouver à cette place, au sommet de l’endurance, complètement rincé physiquement et mentalement, avec une véritable marée humaine sous toi, c’est exceptionnel !
Les voitures sont un peu différentes de celles que vous avez découvertes à vos débuts dans la discipline il y a une dizaine d’années ?
Les voitures actuelles ont énormément évolué depuis cette époque, en effet. Avec mon coéquipier, le Valaisan Michael Volluz, je partage le cockpit d’une Polo GTI R5, un véritable avion de chasse, qui permet des performances exceptionnelles.
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Est-ce vraiment une surprise de vous retrouver champion suisse dès ce «coup d’essai» ?
Je pense qu’on peut dire ça. L’objectif premier de cette année était essentiellement de prendre le maximum de plaisir, avec l’idée dans un coin de la tête de chercher ce titre au cours des deux ou trois prochaines saisons. Reste qu’on a fait les choses sérieusement, parce qu’on reste compétiteur dans l’âme, mais j’avoue que c’est arrivé beaucoup plus vite que prévu. Avec Michael, on espérait quelques podiums cette saison, ce qui s’est réalisé au-delà de nos espoirs, avec ce titre un peu inattendu.
En coiffant cette nouvelle couronne, vous devenez le seul pilote suisse à détenir le double titre de champion suisse de vitesse et des rallyes ?
Pas mal de pilotes suisses ont évolué dans les deux disciplines, mais il ne me semble pas que l’un ou l’autre soit détenteur du double titre. Pour en être certain, il faudrait vérifier les archives. Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je me réjouis effectivement d’ajouter ce titre à celui que j’ai obtenu en Formule Renault en 2006. Je me souviens que cette année-là, comme les autres de cette période d’ailleurs, nous étions nombreux à nous battre pour ce championnat qui était très compétitif.
Et pour rappel, combien de manches compte ce championnat 2022 et quel est votre palmarès ?
Six manches sont inscrites au calendrier cette saison, trois en Suisse, deux autres en Italie et une en France. Au moment de cet entretien, cinq ont été accomplies, j’en ai gagné deux et terminé deux autres fois à la deuxième place. Et pour conclure, il est resté le Rallye du Valais, sans doute le plus beau de la saison et le plus «prestigieux» de notre championnat. Je dirais même que ce rallye est un peu à la Suisse ce que le Grand Prix de Monaco est à la F1.
Pour revenir sur votre carrière en rallye : à quand remontent vos débuts ?
J’avais mis un pied dans la discipline il y a pratiquement dix ans, mais on peut dire que je me suis investi sérieusement en rallye en 2014 et en 2015. Durant ces deux saisons, je m’étais engagé en partie en championnat d’Europe et sur quelques manches du mondial. Toute mon expérience remonte à cette période, durant laquelle j’avais pris le départ de vingt-deux rallyes. À ce jour, je dois en comptabiliser une petite trentaine.
Malgré le fait que vous vous soyez limité à ce programme «light», on vous a tout de même vu au départ de quelques courses d’endurance.
C’est vrai, mais toujours dans l’optique de limiter mon temps passé en sport automobile, je me suis concentré sur les courses de NLS, auparavant nommées VLN, qui se disputent exclusivement sur la Nordschleife, la boucle nord du Nürburgring. Je suis engagé dans cette série depuis quatre ans au volant de la Ferrari F488 GT3 de l’équipe suisse alémanique Octane 126. J’ai participé à trois courses de quatre heures cette saison, mais aussi aux 24 Heures du Nürburgring. Une course qui avait mieux que bien débuté, avec la pole position de notre équipage : Simon Trummer, Björn Grossmann, Luca Ludwig et moi. Malheureusement, nous n’avons jamais été en mesure de transformer cette position de départ en victoire. C’est une épreuve vraiment exceptionnelle et incroyablement difficile. Mais, au-delà du résultat, on peut parler des sensations procurées par le pilotage d’une GT3 sur ce circuit extraordinaire. C’est quelque chose d’inexplicable, qu’il faut vivre une fois pour mesurer ce que rouler représente sur une telle piste. Quand j’en parle, je mesure la chance que j’ai de pouvoir vivre ce genre d’expériences, que je rapproche de ce que j’ai vécu aux 24 Heures du Mans dans le baquet d’un prototype LMP2.
Proche du bilan de cette saison, savezvous de quoi sera fait votre avenir sportif ?
Je ne me suis pas encore posé cette question de la suite. Peut-être que je me réengagerai sur le championnat suisse pour tenter de garder le titre, mais ce n’est pas vraiment clair. Sinon, j’aimerais faire le Monte-Carlo, plus présent dans mes projets. On verra, je dois déjà digérer cette saison.
TOUCHE À TOUT…
L’éclectisme de Jonathan Hirschi n’est pas un vain mot. Illustration par ces quelques images prises au fil d’une carrière débutée à l’orée des années 2000 par la monoplace, pour se poursuivre assez rapidement au volant de voitures fermées.
Des débuts gagnants en Formule Renault 2.0.
Poleman des dernières 24 Heures du Nürburgring.
Championnat du monde GT1 avec Aston Martin.
De belles courses au volant de l’Audi R8LMS. Vainqueur LMP2 au Mans 2019.
Intégré à l’aventure Jaguar-Emil Frey.
Aussi à l’aise sur la glace que sur l’asphalte.
Deux saisons exclusivement consacrées aux rallyes internationaux.