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Collection – Les Citroën de José Dula

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Il y a un demi-siècle, l’âge d’or de Citroën

La SM et la GS fêtent leurs 50 ans. L’occasion pour le Moratois José Dula, à la tête de l’une des plus prestigieuses collections de Citroën d’Europe, d’évoquer ces deux perles de la marque aux chevrons. Par Pierre Thaulaz

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José Dula : On peut le dire, puisqu’elle a été développée sur la base de la DS. Une DS qui a d’ailleurs roulé en compétition avec le futur moteur de la SM, un bloc très compact en alu, un 6-cylindres en V de 170 ch issu de chez Maserati, couplé à une boîte de vitesses Citroën DS portée à 5 vitesses et démultipliée en fonction de cette motorisation. La SM qui peut atteindre 220 km/h est dotée d’une suspension hydropneumatique à assiette constante et d’une direction Diravi à durcissement progressif. On n’a jamais fait mieux !

Une voiture qui a eu une courte vie…

De 1970 à 1974, l’usine a sorti 12’920 véhicules. Beaucoup ont été exportés, dont une majorité aux Etats-Unis. Ces modèles étaient équipés de la boîte automatique Borg Warner et d’un moteur porté à 3 litres. Elle a eu beaucoup de succès en Amérique, et la marque a dû former des techniciens à l’hydraulique Citroën. Avec la crise du pétrole, en 1974, tous ces véhicules qui consommaient plus de 10 litres aux 100 ont eu beaucoup de mal à survivre. Après avoir repris Citroën, Peugeot décide d’abandonner le projet SM et renonce à investir dans la recherche, le développement de l’hydraulique ainsi que dans la compétition. Reste que l’époque Citroën-Maserati a été grandiose. Le seul souci de cette automobile a été son moteur, très pointu mais relativement fragile.

Une voiture mythique ou maudite?

Ça reste une voiture mythique. Citroën est le seul constructeur français à avoir conçu une voiture avec une telle notoriété. Cette voiture n’a pas rapporté beaucoup d’argent mais elle a apporté beaucoup de notoriété. Très peu de voitures pouvaient revendiquer un tel confort et une sécurité active et passive de ce niveau.

On ne pourrait plus créer une voiture de ce genre?

Avec l’électronique, on vous crée une Bugatti à 1000 ch, mais vous ne pouvez pratiquement pas l’exploiter. On pouvait rouler à 220 km/h avec la SM, dès lors qu’il n’y avait pas beaucoup de limitations à l’époque. La SM a été créée sans ordinateur, avec la planche à dessin et le

AUTO: La SM, une super DS?

cerveau des ingénieurs.

Elle a une sacrée gueule ?

C’est l’apogée de Citroën. Robert Opron l’a dessinée, mais Flaminio Bertoni avait déjà esquissé les grandes lignes de la voiture. L’idée de vitrine vient plutôt du bureau d’études de Citroën. En 1968, la DS hérite de phares directionnels derrière une vitrine. La marque fait un pas de plus avec la SM et place 6 phares derrière une grande vitrine. L’aérodynamique constitue une priorité, avec un Cx de 0,32.

Votre SM est une rareté ?

J’ai eu plusieurs Citroën Maserati, en versions carburateurs ou injection, même en 3 litres automatique BorWarner, en différentes couleurs et différents intérieurs, tissu, cuir tabac ou noir. Au fil du temps je m’en suis séparé, jusqu’au jour où j’ai trouvé la perle rare, le châssis 0039, l’une des 800 premières voitures de présérie fabriquées chez Ligier. Cette SM a été mise en circulation en Suisse, à Fribourg, en octobre 1970, alors qu’elle fut présentée au Salon international de Genève en mars 1971 pour la première fois. Son premier propriétaire, un Fribourgeois gastronome, a travaillé pour la France en 1970 dans le cadre de l’Exposition universelle au Japon. Son intérieur est d’origine, elle est très bien soignée, le reste a été entièrement restauré. Ça a été un grand défi de redonner vie à cette voiture dont le moteur d’origine «matching numbers» avait beaucoup souffert. Mais avec la passion, on peut faire beaucoup de choses.

Une GS moins prestigieuse que la SM sortie la même année, mais tout aussi intéressante ?

La SM est une GT, une voiture très luxueuse qui coûtait 50’000 francs à l’époque, soit le prix de dix 2CV. Située dans le milieu de gamme, la GS, vendue juste en dessous de 10’000 francs, était bien positionnée. D’ailleurs, la publicité disait : «La Citroën GS, trouvez mieux !» Citroën a vraiment sorti un modèle révolutionnaire pour l’époque, parce qu’on est resté dans l’esprit de famille, avec la fameuse suspension hydropneumatique qui fait toute la différence et une motorisation très robuste : un 4-cylindres à plat refroidi par air qui supporte les grands froids du Nord de l’Europe et la chaleur des pays du Sud. Du pur ADN de la marque aux chevrons. Elle a eu beaucoup de succès dans tous les pays. Par contre, technologiquement elle était très spécifique. On ouvre le capot et on n’y comprend rien. Effectivement, mais finalement ce n’était pas si grave puisqu’elle est devenue très fiable au bout d’un an. Elle a bien marqué son temps, jusqu’en 1979-80, quand est sortie la GSA 1,3 l., laquelle a duré encore 5 ans. En tout, Citroën a produit près de 2 millions d’exemplaires de la GS. En Suisse, le break a été la voiture commerciale la plus vendue dans la 2e partie des années 1970.

Suite page 18.

Une GS qui a surpris par ses lignes?

C’était la force de Citroën qui recherchait à l’époque le meilleur coefficient de pénétration dans l’air, ce que l’on retrouvera quelques années plus tard sur la CX.

Un style signé Robert Opron?

Il a dessiné la SM, la GS ainsi que la CX. Avec l’influence de Pininfarina, il a proposé une forme qui était quand même assez révolutionnaire pour l’époque, avec un de Cx de 0,36.

Elle reprend le volant de la DS?

Le volant monobranche que l’on retrouve aussi dans la CX, mais positionné à 8 heures comme dans la DS, l’Ami 6 et l’Ami 8. Il est positionné à 6 heures dans la CX. On le retrouve en 1989 dans la XM V6 première série, jusqu’en 1991.

Le design intérieur est lui aussi important?

Il est signé Daniel Armand. Surtout, la GS offrait le confort d’une voiture de luxe à un prix abordable. C’était la seule de sa catégorie à allier confort et sécurité active et passive. Grâce à sa suspension hydropneumatique et ses roues indépendantes, sa tenue de route est exceptionnelle.

La vôtre est de 1972?

La puissance a été augmentée pour la 2e année de production. Le moteur passe de 1015 cm3 pour 55,5 ch à 1220 cm3 pour 61 ch, mais extérieurement c’est la même.

Vous possédez également une GS Birotor?

La GS a été déclinée en version Birotor en 1974, suite au projet de Citroën et de NSU d’équiper leurs modèles de moteurs Wankel. Ils ont racheté le brevet en 1967 et ont réalisé un premier prototype en 1969-70, avant de présenter le modèle définitif au Salon de l’auto de Genève, en mars 1974. Cette Birotor avec double Wankel de 2 litres de cylindrée équipée d’une boîte semi-automatique, c’était le Graal à l’époque. Mais la sortie de cette voiture a coïncidé avec la crise pétrolière,

Le prototype Wankel type M35.

«C’EST UN PAN DE L’HISTOIRE DE L’AUTOMOBILE QUE VOUS AVEZ SOUS VOS YEUX. D’AILLEURS, LA MARQUE AUX CHEVRONS A TOUJOURS EU 20 ANS D’AVANCE.»

et comme le moteur est relativement gourmand… NSU a continué le projet, Citroën décidant pour sa part de retirer son modèle. 848 exemplaires avaient été fabriqués, la plupart ont été détruits. Il en reste une trentaine aujourd’hui.

Vous avez également le prototype Wankel type M35 numéroté - Lequel n’a rien à voir avec la GS?

Il est basé en effet sur un châssis de 2CV, avec suspension hydropneumatique, moteur Wankel monorotor, boîte de vitesses mécanique à demi-carter, et toujours traction avant. Un régal à conduire. C’est un pan de l’histoire de l’automobile que vous avez sous vos yeux. D’ailleurs, la marque aux chevrons a toujours eu 20 ans d’avance.

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