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Passion – Guy Perrenoud
L’homme aux 60 Saab
Tombé tout petit dans la marmite Saab, ce passionné veut construire un musée en l’honneur de la marque de son cœur, disparue corps et âme en 2010. Guy Perrenoud, garagiste à Villeneuve/VD, nous attend pour les «9 heures». Par Pierre Thaulaz
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AUTO: Vous avez des plans sur la table…
Guy Perrenoud: Le projet en question porte sur un terrain de la zone industrielle. J’ai la possibilité de construire sur 550 m2 au sol un volume sur deux étages. J’ai l’intention de créer un musée Saab, puisqu’il n’en existe aucun en Suisse. La partie du bas sera probablement louée à des industries ou à des artisans et le haut sera occupé par le musée. Ce bâtiment que je veux écologique sera coiffé d’un toit plat végétalisé, ce qui permettrait d’accueillir des abeilles…
Avez-vous établi un agenda?
Non. C’est en quelque sorte un projet de luxe et je serai obligé de trouver des associés.
Saab, un patrimoine à sauver?
L’idée est de conserver au plus près la marque comme elle l’était. Je possède actuellement une soixantaine de voitures, dont une trentaine dignes d’être exposées. Des modèles qui marquent leur époque, de la Saab 93 de 1957 à la Saab 95 de 1969 ou 1971, en passant par la première Saab 99 arrivée en Suisse, avec un moteur Triumph. J’ai également une Saab 9-7. Ce n’est plus vraiment une Saab, à l’exception des logos, mais c’est bien le dernier 4x4 construit un peu avant l’arrêt de la production. J’ai également une 9-3 Viggen 5 portes et une 9000 Aero dotée de sièges extraordinaires. Celle-ci a 300’000 km, le client avait mis 20’000 francs pour la remettre en état.
Des voitures réunies dans un endroit particulier?
Certaines sont abritées dans des garages, mais d’autres sont malheureusement restées sur le parc, plus ou moins conservées. Toutes ces voitures, on va les restaurer au fur et à mesure afin de pouvoir les exposer.
Certains modèles vous sont particulièrement chers?
J’ai la chance de détenir la voiture de Claude Nobs, une Saab 900 cabriolet Monte-Carlo fabriquée à 300 exemplaires, tous numérotés. Un jour, il débarque à l’atelier : «Ecoute Guy, qu’est-ce que tu aimes comme voitures, à part les Saab, bien sûr ?» Je réponds : «Vous savez, j’aime bien les Aston Martin.» Claude me dit : «Tu sais que j’en ai une ? Fais-toi un petit week-end avec ta femme, je te prête mon Aston.» Je n’ai pas accepté car j’avais peur de la casser. Il s’est montré un peu surpris, et j’ai ajouté : «Le jour où vous vous séparez de votre Saab 900 jaune, j’aimerais être le premier à pouvoir faire une offre.» Il est reparti, il devait aller chez son médecin. Claude est décédé peu de temps après. Quelques mois plus tard, son ami Thierry m’a appelé pour m’informer que Claude avait placé la voiture sur son testament, en ma faveur. Ça m’a vraiment touché, mais j’ai insisté pour lui donner une partie du montant.
Comment est née cette passion pour Saab?
La première voiture de mon père, c’était une Saab 95, un break 7 places dont les deux dernières à l’arrière étaient à l’envers. Les copains de classe se moquaient de nous quand ils nous voyaient partir tous ensemble ! Pour ma part, j’ai toujours été passionné de mécanique, et les Saab m’intéressaient pour leur tenue
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de route et leur fiabilité. Les automobilistes font des milliers de kilomètres en Suède et ils ne peuvent pas se permettre d’avoir une voiture qui tombe en panne pour un oui ou pour un non. Quand mon père s’est débarrassé de sa 95, j’ai décidé de la ressouder et je dois avouer honteusement que ça été le premier échec de ma vie. J’avais 12 ans, je n’étais pas très expérimenté et, évidemment, ça n’a pas passé l’expertise. On s’en est débarrassé et j’ai acquis une 96 que j’ai entièrement remontée, de 15 à 18 ans. J’ai passé mon permis et j’ai roulé plusieurs années avec. C’était une très bonne voiture, surtout sur les routes enneigées.
Ça rappelle un peu le Monte-Carlo?
Oui. Mais c’est d’abord la 93 des années 50 qui a fait la réputation de Saab. Une traction mise à l’honneur par Erik Carlsson qui avait développé un système assez particulier pour négocier les virages. Il la mettait en glisse avant le virage, elle négociait le virage par elle-même, par glissades, et il réaccélérait lorsque la route redevenait droite. C’est un gars extraordinaire que j’ai eu la chance de rencontrer.
Vous étiez un peu jeune pour suivre les victoires de Carlsson au Monte-Carlo, en 1962-63?
Oui. Mais plus que l’aspect sportif, je suis surtout amoureux de la tôlerie et de la mécanique.
Une forme aérodynamique qui rappelle l’aviation?
Il y a l’aérodynamique, mais aussi le côté pratique, intelligent, dans le sens où il ne sert à rien de gesticuler dans tous les sens. Toutes les commandes étaient placées à droite, de façon à ce que le conducteur garde tout le temps la main gauche sur le volant. Saab en faisait d’ailleurs sa propagande.
La reprise par GM en 2000, pas un cadeau pour Saab?
C’est clair, mais l’identité Saab s’est déjà perdue selon moi dans les années 85-88.
La dernière vraie Saab? Sans doute la Saab 9000.
Cette marque pourrait-elle renaître?
Elle n’a pas complètement disparu dans la mesure où les Saab sont devenues des NEVS, des voitures fabriquées en Chine. De son côté, l’Etat suédois a racheté la partie pièces et accessoires d’origine Saab.
Vous trouvez encore des pièces?
Oui. J’ai racheté 13 stocks de garages. J’ai tout réuni ici, c’est d’ailleurs pour ça qu’on ne peut bientôt plus bouger. Avec la nouvelle construction, je pourrai stocker les pièces de manière plus rationnelle.
Comment gérer un garage Saab aujourd’hui?
Un client Saab, contrairement à ce qui se passe avec d’autres marques, est quelqu’un de très attaché à sa voiture. Typiquement, j’en ai une sur le lift qui a 320’000 km, et le client n’a pas envie de la lâcher, même si le service des autos essaie par tous les moyens d’éliminer les vieilles voitures. Beaucoup s’intéressent aux anciennes 900, construites de 1977 à 1993. Je viens d’en vendre une qui est encore une épave. Le gars m’a demandé de la remettre en état. On va démonter la mécanique, sortir tout l’intérieur et refaire la carrosserie qui, heureusement, n’est pas rouillée.
Des voitures qui prennent de la valeur?
Certaines ont pris de la valeur, alors qu’à une époque on s’en débarrassait. Une 900 3 portes Aero se vend entre 12’000 et 15’000 francs, selon son état.
Vous roulez en Saab ?
Toujours, depuis l’âge de 17 ans.
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