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Exclusif – Edwin Stucky
Entre deux visites commentées dans son exceptionnel musée Viper, Edwin Stucky se fait plaisir au volant d’une Cobra Daytona. En attendant de prendre le départ du Mans Classic 2020 aux commandes de sa nouvelle acquisition, une Inaltera. Par Pierre Thaulaz
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AUTO: Vous avez apparemment délaissé les voitures modernes?
Edwin Stucky : J’ai été opéré des cervicales et on m’a recommandé d’être un peu plus prudent, plus attentif aux à-coups dans la colonne. J’évite aujourd’hui de rouler dans des GT3 qui sont des voitures assez dures. J’apprécie certes la technologie récente matérialisée par les Mercedes SLS, mais je suis tombé amoureux de tout ce qui est historique. J’ai d’abord fait l’acquisition d’une Corvette C1 de 1960, voiture que j’ai revendue fin 2018. Son point faible ? Les quatre freins à tambour. On n’avait quasiment plus de freins durant les derniers tours de course. J’ai eu la chance depuis de pouvoir acquérir cette Cobra Daytona de 1963.
Une voiture qui a une histoire assez fantastique?
Elle porte le numéro de châssis CSX 2166. Seules six Cobra Daytona avaient été construites à l’époque par Caroll Shelby et elles existent encore. Ce sont des voitures cotées horriblement cher. La «CSX 2166» fait partie d’un lot supplémentaire de trois Cobra. Elle a été construite chez ATS par Pete Brock avec l’autorisation de Shelby. Propulsée par un moteur 4,7 l. de 500 ch, cette voiture de 900 kilos est identique en tout point à la Cobra de 1963. Tout a été réalisé dans les règles, jusqu’aux petits interrupteurs d’aviation qu’ATS est allée dénicher dans une casse d’avions, aux Etats-Unis.
Une Cobra dont vous partagez le volant avec Ludovic Cholley. Qui est aussi votre mécanicien ?
Certains jours «Ludo» s’occupe des voitures, les jours de congé il vient rouler et le reste du temps il fait de la mécanique sur les voitures de l’entreprise (réd. : Translait, dont Edwin est le président du conseil d’administration). L’an dernier, au Castellet, nous avons fini 15es du
général, sur une septantaine de voitures. Invités à Bahrein, nous avons terminé 3es du général.
Et là, vous êtes repartis pour une nouvelle saison. Vous avez donc pris goût aux courses historiques?
Les courses de «Peter Auto» sont super bien organisées. Contrairement à ce qui se passe en Angleterre, les propriétaires sont conscients qu’ils possèdent des voitures d’exception et ils font un peu attention. Il est précisé dans le règlement que celui qui provoque une poussette se terminant par un crash est bon pour payer. Par ailleurs, l’ambiance est toujours au rendez-vous. Les paddocks sont ouverts au public et tout le monde peut venir parler avec les pilotes.
Des pilotes de renom prennent part à ces courses?
Oui. Ça leur rappelle de bons souvenirs, sans avoir à prendre les risques qu’ils prenaient à l’époque.
Et vous pouvez partager avec eux?
C’est toujours super intéressant de faire revivre une voiture en ayant à côté de nous le gars qui dit : «Moi, j’ai roulé avec cette voiture, on n’était que deux à se partager le volant durant 24 heures et on a souffert.» J’ai 66 ans, je suis déjà un vieux de la vieille, mais si je pouvais transmettre à mon tour… Je pense à «Ludo», qui lui aussi est intéressé par l’histoire de ces voitures ou pourquoi pas un jour à l’un de mes petits-fils.
L’Inaltera du Mans 1976 a elle aussi une belle histoire?
Il n’y en a que trois dans le monde et celle-ci, pilotée à l’époque par Pescarolo et Beltoise, est la «numéro 1». Roland Dupasquier va refaire entièrement le moteur et nous participerons l’an prochain à toutes les courses de Peter Auto, principalement Le Mans Classic.
Une passion qui vous a toujours animé?
Toujours. Quand j’ai passé mon permis de conduire, j’ai pu acquérir une AlpineRenault A110 1300 S d’usine. Mon papa m’avait aidé à l’acheter et nous avions convenu un arrangement oral stipulant que je devais lui rendre chaque mois 1000 francs. Au bout du 4e mois, j’ai dû refaire le carburateur et ça m’a coûté 500 francs. Je ne pouvais donc lui rendre que 500 francs et il m’a demandé comment je voulais faire. J’ai répondu : «La prochaine fois, je te rends 1500.» Et la fois suivante, je n’ai pu lui rendre que 1000. Lorsque j’ai voulu aller chercher ma voiture au garage, elle avait disparu. Il l’avait vendue. Il m’a dit : «Tu sauras que quand tu promets quelque chose, tu tiens ta promesse.» Ça a été un moment très difficile car c’était une voiture exceptionnelle. Par la suite, j’ai pu disputer quelques courses de côte et des slaloms, et quand la Dodge Viper est arrivée, en 1992, ça a été le déclic.
Vous aviez quel âge?
40 ans. Je me suis beaucoup renseigné, j’allais sur mon ordi pour jouer au simulateur. Je commençais à être bien organisé avec l’entreprise et j’ai décidé de partir aux Etats-Unis afin d’apprendre à conduire les muscle cars, des voitures dotées de suspensions pas trop élaborées et privées d’anti-patinage et d’ABS. Quand j’ai constaté que je commençais un peu à maîtriser, j’ai décidé de faire des courses, d’abord en GT en France, puis en endurance.
C’est un peu à cette époque que vous avez confié les rênes de l’entreprise à votre fils?
Oui, et maintenant c’est lui qui a 40 ans !
Mais il n’a pas envie de faire des courses?
Il aime les camions et les 4x4, mais il est surtout très nature. Il adore les pays du Nord, cette nature tranquille, les lacs, la pêche.
On soigne son physique quand on fait du sport auto?
C’est sûr. Pour moi, c’est beaucoup de marche. J’ai un avantage, c’est que je supporte la chaleur. Dans les Dodge Viper, on a des températures qui montent jusqu’à 80 degrés. On se brûle les lèvres, un peu la pointe de la chaussure, mais ça ne me pose pas de problèmes de concentration. En endurance, c’est un avantage.
Votre collection se monte aujourd’hui à 24 Viper. Vous êtes-vous fixé une limite?
Déjà, je suis bloqué par la place. Aujourd’hui, je peux dire que le musée est exceptionnel. Je possède toujours une routière de 1992. J’ai également les RT10 qui ont couru en 1994, une GTS de 1998, ainsi que toutes les GTS-R. Je suis le seul à posséder une GTS-R de 2017, l’une des 100 dernières construites. J’ai la SRT GT3 avec laquelle j’ai roulé en VdeV. Il ne m’en manque qu’une: la GTS-R de 1998. Après, en principe, ça va s’arrêter.
Et finalement, vous avez retrouvé une Alpine?
Oui. Une 1600 S montée en groupe 4 avec un moteur 1800…